� par Phan-Chon-T�n
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����������� Dans ce th�me, le terme yoga ne semble pas �tre employ� dans le sens habituellement accept� d'union, ni dans celui de Pata�jali de d�sunion, mais plut�t pour indiquer une discipline.
����������� Avant d'examiner cette discipline, voyons d'abord ce qu'est la "vie quotidienne". Le mot "quotidien" vient de deux racines latines, quotus signifiant "chaque" (dans une succession) et dies, jour; ce terme veut donc dire exactement chaque jour, un jour apr�s l'autre. Quant au mot "vie", il est si normal de dire que "tout le monde sait ce qu'il veut dire". Mais qui d'entre vous sait ce qu'est la vie ? Le fait est que nous "vivons", ce qui, dans l'espace d'une journ�e, se traduit par le fait de se lever, de se laver, de se nourrir, de travailler, de se reposer et de se coucher. C'est cela le train-train que nous menons chaque jour, un jour apr�s l'autre. Dans cette �num�ration, c'est le "travail" qui est, pour la plupart des gens de notre �re, le point central. Mais qu'est-ce que ce travail ? G�n�ralement, la r�p�tition des m�mes gestes chaque jour. Je ne sais si vous avez vu le film de Charlot intitul� "Les temps modernes", dans lequel on voit des ouvriers, dans une cha�ne de fabrication d'automobiles, faire automatiquement les m�mes gestes, au rythme impos� par la vitesse d'avancement de la cha�ne. Si on y r�fl�chit bien, c'est � peu pr�s la m�me chose que nous faisons chaque jour, jour apr�s jour, sans beaucoup de changement. Ceci s'applique �videmment aux professions manuelles, mais, m�me dans les professions dites lib�rales, fait-on vraiment autre chose ? M�me un enseignant, un m�decin, un avocat, plac� devant un programme ou un cas diff�rent, r�p�te toujours la m�me s�quence des "choses connues" pour en tirer soit une le�on conforme au programme acad�mique, soit un diagnostic conforme aux instructions re�ues, soit une plaidoirie bas�e sur des articles du code de loi en vigueur, ou selon la jurisprudence, qui est la justice bas�e sur des cas particuliers du pass�.
����������� Finalement, si on l'examine bien, notre "vie quotidienne" est teint�e par le pass� beaucoup plus que par le pr�sent ou l'avenir; et, dans notre vie de tous les jours, nous sommes plus souvent dans ce que les Hindous appellent "la conscience de r�ve" que dans "la conscience de veille". Je pense que je n'ai pas besoin de d�velopper davantage ce point.
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����������� Puisque la r�daction de ce th�me invoque le yoga, faisons appel � quelques aphorismes de Pata�jali.
����������� Le premier que je cite ici est l'aphorisme 16 du S�dhana p�da (deuxi�me chapitre), qui s'�nonce ainsi :
����������� Heyam duhkham an�gatam
et est traduit par Taimni comme :
����������� "La souffrance qui n'est pas encore venue peut et doit �tre �vit�e."
N'est-ce pas curieux de parler d'�viter quelque chose qui n'est pas encore arriv� ? Mais c'est justement l� le "truc" du yoga. L'explication se trouve dans deux aphorismes pr�c�dents :
II.12. Le r�servoir des karmas ... am�ne toutes sortes d'exp�riences dans la vie pr�sente et les vies futures.
II.13. Tant que la racine est l�, elle doit m�rir et produire des vies de diff�rentes classe, longueur et exp�riences.
�Le mot an�gatam veut dire "am�ne toutes sortes d'exp�riences" et "doit m�rir et produire ...". C'est la loi du karma, la loi qui se traduit par le fait que chaque cause produira in�vitablement son effet. Dans notre "vie quotidienne", nous produisons � chaque instant une ou plusieurs causes, et celles-ci "produiront in�vitablement leurs effets" lorsque les conditions leur sont favorables. C'est dans cette p�riode de gestation, d'attente, que nous sommes dans le an�gatam. Nous vivons, depuis notre naissance dans cette vie, dans un r�seau d'an�gatam, des causes qui attendent le moment pour "m�rir et produire des effets".
����������� Pour ceux qui ne sont pas avertis, je dirais que cet an�gatam produira s�rement et in�vitablement des fruits; l'an�gatam est ce qui n'est pas encore arriv� mais qui arrivera in�luctablement. Et c'est pendant cette p�riode o� les causes sont encore dormantes que celui qui "sait" peut faire de telle sorte "d'�viter" la r�alisation de cet an�gatam. C'est l� le sens du mot heya.
����������� Comment faire cela ? Pata�jali l'indique dans un autre aphorisme que je cite seulement en sanscrit :
����������� II.10. te pratiprasava-hey�h s�kshm�h
Nous retrouvons l� le mot heya. Et voici ma traduction de cet aphorisme :
����������� "Ceux-ci (les kleshas, voir II.2), une fois r�duits � l'�tat subtil, peuvent �tre annihil�s en les retra�ant jusqu'� leur origine." [Pour plus de d�tails, reportez-vous � l'article "Le Yogas�tra de Pata�jali, humain et cosmique", paru dans le Lotus de Juin-Juillet 1998.]
����������� Ainsi, le "truc" de Pata�jali consiste, non � prier Dieu ou les dieux ou d�vas, ni � faire toutes sortes de contraintes physiques ou psychiques pour �tre lib�rer du "mauvais karma", mais d'observer notre comportement actuel, notre attitude de "chaque jour", pour en comprendre et d�celer les causes "subtiles" -ce qui est appel� en psychologie les tendances ou pr�-dispositions ou inclinations- et les examiner pour en retrouver les causes premi�res : alors tout se r�sout sans effort apparent. On pourrait reformuler l'aphorisme II. 13 comme suit :
����������� "La cause n'�tant plus l�, elle ne m�rira pas et ne produira pas ..."
����������� Voil�, � mon sens, le yoga de la vie quotidienne; non pas une asc�se forc�e, mais un regard aussi direct, aussi imm�diat (sans interm�diaire) que possible sur les �l�ments qui meublent notre "vie quotidienne" et les retracer jusqu'� leur apparition. Ceci est facile � dire, mais, vous le savez, beaucoup plus difficile � faire. Mais si nous disons que c'est "difficile", nous ne le faisons pas, et nous avons tendance � s'en remettre � quelqu'un ou quelque chose d'autre pour nous sauver.
����������� En parlant de vie quotidienne, j'aimerais citer cette phrase de La Lumi�re sur le Sentier : "Rappelle-toi que le p�ch� et l'opprobre du monde sont ton p�ch� et ton opprobre, car tu fais partie du monde." Donc ce que nous faisons dans notre "vie quotidienne" ne regarde pas que nous-m�mes, n'affecte pas seulement notre vie future, mais celles de tous ceux qui nous entourent, de tous ceux qui sont en contact avec nous. "Ton karma est inextricablement tiss� avec le Grand Karma." (La Lumi�re sur le Sentier) C'est cette pens�e qui, je crois, nous soutient dans notre d�marche quotidienne, qui doit �tre abhyasa, constante, et vairagya, sans couleur (sans r�action), une attitude � la fois d�cid�e et d�tach�e dans notre vie de tous les jours.
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����������� Avant de conclure, j'aimerais mettre juste le doigt sur un autre aspect de la question. En g�n�ral, lorsqu'on parle de karma, on pense, comme je viens de le faire, � essayer de ne pas cr�er de nouveaux karmas, de pr�server l'avenir.
����������� Or, il y a� une autre phrase de La Lumi�re sur le Sentier� qui m'a toujours interpell� : "... essaie de soulever un peu de ce lourd Karma du monde..." Il s'agit l� d'all�ger le karma dont la cause a d�j� �t� faite et qui est en train, ou sur le point, de produire ses fruits, ce que les Hindous appellent samcita et agami. Il faut savoir que toute humanit�, du moins notre humanit�, est une lign�e de la Compassion, et l'aspect actif, la phase subs�quente � cette compassion est la R�demption. [Ceci serait trop long � expliquer dans cette introduction.] Je voudrais simplement attirer votre attention sur le fait que, si le Bouddha Gautama est un Bouddha de Compassion, le Christ, qui, selon l'enseignement th�osophique, est le Bouddha futur, a parl� de R�demption. Le mot "futur" a habituellement une connotation d'irr�alit�. Mais nous sommes en train d'entrer dans l'humanit� future. Je voulais simplement vous �voquer ce point tout en vous demandant de n'attacher � ce terme "r�demption" aucune connotation emprunt�e � une religion sp�cifique. Ce que je voudrais �voquer, c'est la possibilit� d'emp�cher les karmas non encore actifs de devenir effectifs. Le r�servoir du Karma du monde est tr�s grand, et la part qui en est d�j� actualis� est infime compar�e � "ce qui n'est pas encore arriv�"; et c'est ceci que nous pourrions -si nous en avons la comp�tence- "soulever" L'humain a beaucoup plus de pouvoirs qu'il ne le croit, et il est temps, � l'aube du troisi�me mill�naire, qu'il pense � d�velopper ce pouvoir de R�demption. Et c'est justement en "retra�ant les kleshas jusqu'� leur origine" que cette R�demption se fait. L'acquisition de ce pouvoir de R�demption est, � mon sens, l'une des derni�res -sinon la derni�re- le�ons que les �tres qui ont particip� au "stage humain" [le terme anglais original est stage, et veut dire "stade", mais ici, je l'ai intentionnellement traduit par le mot fran�ais "stage", car c'est effectivement, pour beaucoup d'�tres, un "stage de formation"] auront apprises de leur implication dans le monde r�gi par la Loi du Karma.
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����������� Pour conclure pratiquement, disons que nous devons apprendre � vivre de telle fa�on que notre action soit nishk�ma karma, et akarma karma, l'action non �motionnelle et l'action non conditionn�e.
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