La religion est la meilleure armure que l'homme puisse avoir;
mais elle
est le plus mauvais manteau.
BUNYAN
Il n'est pas exagéré de dire qu'il n'y eut jamais, en ce siècle
du moins, un mouvement social ou religieux plus terriblement, pour ne pas dire
plus absurdement incompris et dénaturé que la Théosophie,
considérée théoriquement en tant que code de morale, ou
pratiquement, dans son expression objective: la Société Théosophique.
Année après année, jour après jour, nos dirigeants
et nos membres se sont vus obligés de protester énergiquement
auprès de personnes qui parlaient de la ThéoSophie comme si
elle était
une “religion”, et de la Société Théosophique,
comme d'une sorte d'église ou d'organisation religieuse. Bien pis, on
en parle souvent comme d'une “secte nouvelle” . Est-ce un
préjugé tenace,
une erreur, ou les deux à la fois ? Fort probablement cette dernière
alternative. Les gens les plus étroits et les plus notoirement malveillants
ont besoin d'un prétexte plausible, d'un “porte-manteau” pour
accrocher leurs remarques peu charitables et leurs calomnies formulées
d'un air innocent. Et quel meilleur et plus solide porte-manteau en
l'occurence, qu'un système en “isme”, ou une “secte”?
La grande majorité serait fort au regret de devoir admettre qu'elle
s'est trompée, et que la Théosophie n'est ni une religion, ni
une secte. Le nom leur plaît, et ils prétendent ignorer qu'il
est mal appliqué. Mais il y en a d'autres, plus ou moins sympathisants,
qui nourrissent sincèrement la même erreur. C'est à ceux-ci
que nous disons: Le monde a sûrement déjà assez souffert
des éteignoirs intellectuels appelés croyances dogmatiques, sans
que nous lui infligions encore une nouvelle forme de foi. Trop de gens portent
leur foi, ainsi que l'a dit Shakespeare avec beaucoup de raison, vraiment “comme
un chapeau” qu'ils changent constamment “à chaque
nouvelle mode”. De plus, la véritable raison d'être
de la Société Théosophique
fut, dès le début, une protestation énergique et une guerre
ouverte contre tous les dogmes et les croyances basées sur la foi aveugle.
Il peut paraître étrange et paradoxal — mais c'est la pure
vérité — de dire que, jusqu'à présent, les
travailleurs les plus capables dans le champ de la Théosophie pratique,
les membres les plus dévoués furent recrutés dans les
rangs des agnostiques et mêmes des matérialistes. Aucun chercheur
authentique et sincère de la vérité ne se rencontre jamais
parmi les croyants aveugles de la Parole Divine, que celle-ci
prétende venir d'Allah, de Brahmâ ou de Jéhovah, et qu'elle
soit contenue dans le Coran, les Purânas ou la Bible; car: “La
foi ne naît pas de l'effort de la raison, mais de son inactivité”.
Celui qui croît en sa religion sur la foi, considère celle de
son semblable comme un mensonge, et la hait en vertu de cette même foi.
D'autre part, à moins que celle-ci n'enchaîne notre raison et
n'aveugle complètement toutes nos perceptions en dehors de notre foi particulière,
nous ne pouvons parler de foi, mais simplement de croyance temporaire, qui nous
enserre dans ses mailles d'illusions, à un moment
donné de notre vie. Comme l'a très justement défini Coleridge: “ La
foi sans principes n'est qu'une expression flatteuse cachant un entêtement
obtus ou un fanatisme sensuel”.
Qu'est-ce donc alors, que la Théosophie, et comment peut-on la définir,
si on l'envisage sous la forme récente qu'elle a assumée à la
fin du XIXe siècle ?
La Théosophie, disons-nous, n'est pas une religion.
II existe cependant, comme chacun le sait, certaines croyances philosophiques,
religieuses et scientifiques qui, en ces dernières années, ont été si
intimement associées au mot de “Théosophie”,
que le public en général a fini par les prendre pour la Théosophie
elle-même. De plus on nous dira que ces croyances ont été avancées,
expliquées et défendues par les fondateurs mêmes de la
Société, qui ont cependant déclaré que la Théosophie
n'était pas une religion. Quelle est alors l'explication de cette contradiction
apparente ? Comment un certain ensemble de croyances et d'enseignements, une
doctrine bien élaborée, peut-elle en fait être dénommée
“Théosophie”,
et acceptée tacitement comme telle par les neuf dixièmes des
membres de la S. T., si la Théosophie n'est pas une religion, nous demande-t-on.
Le présent article a pour but de répondre à cette question.
Il peut être utile, tout d'abord, d'expliquer que l'affirmation que “ la
Théosophie n'est pas une religion”, n'exclut en aucune
façon
le fait suivant: “ la Théosophie est la Religion” elle-même.
Une Religion, au seul sens correct et vrai du terme, est un lien qui unit les
hommes entre eux, non un ensemble particulier de dogmes et de croyances. En
soi, la Religion est ce qui lie non seulement tous les Hommes, mais
aussi tous les Êtres et toutes les choses de l'univers entier, en un grand tout
unique. Voilà notre définition théosophique
de la Religion; tandis qu'ordinairement, cette définition varie avec
chaque croyance et chaque pays, et n'est même pas identique pour deux
Chrétiens. Nous trouvons cela chez plus d'un auteur éminent.
Par exemple, Carlyle, en des termes qui expriment d'une façon prophétique
le sentiment qui devient dominant dans notre génération actuelle,
définit la religion protestante de son époque comme étant
“en grande partie, un sentiment prudent et sage, basé sur le simple
calcul; une question, ainsi qu'il est de règle actuellement, de convenance
et d'utilité; un moyen d'échanger une petite quantité de
jouissances terrestres, contre une quantité beaucoup plus grande de
joies célestes. Ainsi, la religion également est une question
de profit, de travail à gages; il ne s'agit pas de vénération,
mais vulgairement d'espoir ou de crainte”.
A son tour, Mme Stowe, consciemment ou non, semble avoir eu le Catholicisme
Romain en vue plutôt que le Protestantisme lorsque, parlant de son héroïne,
elle dit :
“Elle considérait la religion comme un billet, portant le nombre
exact d'indulgences achetées et payées, qu'on met soigneusement
de côté dans un portefeuille, pour le présenter à la
porte du ciel, afin d'être admis à y entrer... ”
Mais les théosophes, les vrais théosophes veux-je dire, qui n'acceptent
pas de rédemption par médiation, pas de salut par le sacrifice
sanglant d'un innocent, qui ne songent nullement à “travailler à gages” dans
la religion Une et Universelle,
ces théosophes ne peuvent
souscrire entièrement qu'à une seule définition de la
religion, donné par Miller. Combien réelle et théosophique
est sa description lorsqu'il dit :
” ........................................la véritable religion
Est toujours douce, propice et humble.
Elle ne joue pas au tyran. n'implante pas sa foi dans le sang,
Et n'apporte pas la destruction sur les roues de son char;
Mais elle se penche pour adoucir, secourir et remédier,
Bâtissant sa grondeur sur le bien de tous.”
Voilà une définition correcte de ce qu'est ou devrait être
la vraie Théosophie. (Parmi les croyances, le Bouddhisme est la seule
qui soit une philosophie basée sur l'amour et l'union entre les hommes,
parce qu'il n'est pas une religion dogmatique.) A cet égard, comme tout
vrai théosophe a pour devoir et pour tâche d'accepter et de pratiquer
ces principes, l'on peut dire que la ThéoSophie est la RELIGION,
et la Société, son Église une et universelle, le temple
de la Sagesse de Salomon, [Dont les 700 femmes et les 300 concubines
ne sont, entre parenthèses, que les personnifications des attributs,
sentiments, passions et pouvoirs occultes divers de l'homme: les nombre cabalistiques
3 et 7 l'indiquent clairement. De plus, Salomon lui-même n'est qu'un
emblème
de Sol, l'Initié Solaire ou le Christ-Soleil, une variante du Vikarttana hindou
(le Soleil), privé de ses rayons par Viswakarma son Initiateur-Hiérophante,
qui enlève au Candidat-Chrestos, lors de l'Initiation, son rayonnement
d'or, et le couronne d'une auréole sombre, et noire, la couronne
d'épines. (Voir la Doctrine Secrète pour de
plus amples informations). Salomon n'exista jamais. Sa vie et ses oeuvres telles
qu'elles sont décrites dans les “Rois” sont une allégorie
des épreuves et de la gloire de l'Initiation ] , temple dont
l'édification se poursuivit
“sans qu'on entendit nul bruit de marteau, ni de hache, ni d'aucun outil
de fer dans le bâtiment en construction” (I. Rois VI); car ce
“ temple” n'est
pas fait de main d'homme, ni bâti en un endroit de la terre, mais il
s'édifie en vérité dans le sanctuaire profond du coeur
humain, où seule règne l'âme éveillée.
La Théosophie n'est donc pas une religion, mais la RELIGION elle-même,
le seul lien d'unité, si vaste et si universel dans sa portée,
qu'aucun homme, aucun point de l'univers, des dieux aux mortels et jusqu'aux
animaux, jusqu'au brin d'herbe et à l'atome, ne peut se trouver en dehors
de sa lumière. C'est pourquoi toute organisation ou tout groupement
de ce nom, doit nécessairement être une FRATERNITÉ UNIVERSELLE.
S'il en était autrement, la Théosophie ne serait qu'un nom de
plus ajouté à des centaines d'autres analogues, aussi sonores
que prétentieux et vides de sens. Envisagée comme une philosophie,
la Théosophie dans son oeuvre pratique, est l'alambic des alchimistes
du Moyen-Age. Elle transmute le métal apparemment vil de chaque croyance
dogmatique et ritualiste (y compris le Christianisme), en l'or de la réalité et
de la vérité, produisant ainsi véritablement une panacée
universelle pour les maux de l'humanité. C'est pourquoi, il n'est jamais
demandé à ceux qui sollicitent leur admission dans la Société Théosophique
quelle est leur religion ou quelles sont leurs opinions sur la divinité.
Ces vues sont leur propriété personnelle et n'ont rien à voir
avec la Société, car la Théosophie peut être pratiquée
par un chrétien ou un païen, par un Juif ou un gentil, par un agnostique
ou un matérialiste, ou même un athée, pourvu qu'aucun ne
soit un bigot fanatique se refusant à reconnaître comme frères
ceux qui ne se rallient pas à sa religion ou à sa croyance particulière.
Le comte Léon N.Tolstoï ne croit pas à la Bible, à l'Eglise
ou à la divinité du Christ, et cependant aucun chrétien
ne le surpasse dans l'application pratique des principes qui furent dit-on,
prêches au mont des Oliviers. Et ces principes sont ceux de la Théosophie,
non parce qu'ils furent donnés par le Christ chrétien, mais parce
qu'ils expriment l'éthique universelle, et furent proches par Bouddha
et Confucius, par Krishna et tous les grands sages, des milliers d'années
avant que ne fût écrit le Sermon sur la Montagne. Aussi, dès
que nous commençons à vivre selon de tels principes, la Théosophie
devient vraiment une panacée universelle, car elle panse les
blessures infligées à l'âme sensible de tout homme naturellement
religieux par les grossières aspérités des sectes en “îsme”.
Combien de ces hommes, brutalement arrachés au cercle étroit
de la croyance aveugle et tombés dans les rangs de l'incrédulité aride,
par la réaction impulsive de la désillusion, ont retrouvé une
aspiration digne d'espoir simplement en entrant dans notre Fraternité,
aussi imparfaite soit-elle.
Si on nous objecte à ceci, que plusieurs membres éminents ont
quitte la Société, déçus de la Théosophie
comme ils l'avaient été dans d'autres associations, nous ne serons
nullement embarrassés de répondre à cette objection. Car, à l'exception
de quelques cas excessivement rares, remontant aux premiers temps de
la S. T., où certains membres démissionnèrent parce qu'on
ne pratiquait pas le mysticisme dans l'organisme général comme
eux l'entendaient, ou parce que les “chefs manquaient de spiritualité”,
et étaient “anti-théosophiques, par conséquent,
infidèles aux règles”, la majorité, voyez-vous,
quitta les rangs parce que la plupart étaient tièdes dans leur
enthousiasme ou imbus de leur opinion personnelle; ils portaient en eux-mêmes
une église
et un dogme infaillible. Certains s'en allèrent aussi sous des prétextes
vraiment futiles, disant par exemple que le “Christianisme (il serait
plus juste de dire la bigoterie ou le faux Christianisme) était traité trop
durement dans nos revues”, comme si nous avions mieux traité ou
défendu les autres religions fanatiques. Ainsi donc, tous ceux qui quittèrent
la Société ont bien fait, et on ne les a jamais regrettés.
De plus, il est juste d'ajouter que le nombre de ceux qui ont démissionné n'est
guère comparable au nombre de ceux qui ont trouvé dans la Théosophie
réponse à tous leurs espoirs. Ses doctrines, si elles sont sérieusement étudiées,
stimulent les facultés du raisonnement, et éveillent l'homme
intérieur dans l'animal, et ainsi elles mettent en action tous
les pouvoirs bienfaisants jusqu'alors latents en nous, et amènent la
perception du vrai et du réel, en opposition au faux et à l'irréel.
Déchirant d'une main sûre le voile épais de la lettre morte
qui recouvrait toutes les anciennes écritures sacrées, la Théosophie
scientifique, versée dans le subtil symbolisme antique, révèle à celui
qui se raille de la Sagesse des âges l'origine des croyances et des sciences
du monde. Elle ouvre de nouveaux aperçus au-delà des
anciens horizons des croyances cristallisées en un despotisme inerte;
et transformant la foi aveugle en une connaissance raisonnée, fondée
sur les lois des mathématiques (la seule science exacte), elle
démontre
au sceptique, sous des aspects plus profonds et plus philosophiques, la réalité de
ce qu'il avait depuis longtemps rejeté comme un conte pour enfants ayant été rebuté par
la grossièreté de son interprétation à la lettre.
Elle donne à tout homme ou à toute femme sincère, appartenant à n'importe
quelle classe de la société, à n'importe quel degré de
culture et d'intelligence, un but clair et bien défini dans la vie,
un idéal vers lequel tendre. La Théosophie pratique n'est pas
une Science unique, mais elle embrasse toutes les sciences de la vie,
morale et physique. En résumé, on peut la considérer avec
raison comme un répétiteur universel, un professeur d'une connaissance
et d'une expérience universelle, d'une érudition qui non seulement
aide les élèves à passer avec succès un examen
destiné à les préparer à toute tâche morale
et scientifique sur terre, mais les équipes pour les vies à venir, à condition
que ces élèves étudient l'univers et ses mystères
en eux-mêmes, au lieu de les examiner à travers les lentilles
de la science ordinaire et des religions orthodoxes.
Mais qu'aucun lecteur n'interprète faussement ce qui précède.
C'est à la Théosophie elle-même qu'on prête
une telle omniscience universelle, et non à aucun membre individuel
de la Société,
ni même à un Théosophe. Il ne faut pas confondre les deux
: la Théosophie et la Société Théosophique sont
respectivement comme le récipient et l'olla podrida qu'il contient.
La première
en tant que Sagesse Divine idéale, est la perfection elle-même;
l'autre, une pauvre chose imparfaite, s'efforçant de marcher dans l'ombre
terrestre de la première, ou se contentant même de la poursuivre.
Aucun homme n'est parfait; pourquoi donc espérer qu'un membre de la S.
T. soit un phénix de toutes les vertus humaines ? Et pourquoi
l'organisation tout entière serait-elle critiquée et blâmée
pour les fautes réelles ou imaginaires de certains de ses membres, ou
même de ses chefs ? En tant qu'organisme concret, la Société n'a
jamais été à l'abri de tout reproche, ni sans péché,
pas plus qu'aucun de ses membres (errare humanum est). C'est donc plutôt
sur ces membres, dont beaucoup se refusent à être guidés
par la Théosophie, que le blâme doit retomber. La Théosophie
est l'âme de sa Société; celle-ci n'est que le corps grossier
et imparfait de la première. Aussi, invitons-nous ces Salomon modernes,
qui prétendent s'asseoir sur le Siège du Jugement et parler de
ce qu'ils ignorent, à s'instruire d'abord de ce que sont les théosophes
et la théosophie, avant de les calomnier et de considérer par
ignorance ceux-là comme une “secte d'imposteurs et de fous”,
et celle-ci comme un “fatras de croyances insensées”.
Négligeant cet avertissement, les amis et les ennemis de [a Théosophie
en parlent comme si elle était une religion, quand ils n'en font pas
une secte. Examinons comment ces croyances particulières, associées
au nom de la Théosophie, ont fini par s'identifier à elle, et
comment il se fait qu'aucun dirigeant de la Société n'a jamais
songé à désavouer ces doctrines, et qu'elles en font partie
de droit.
Nous avons dit que nous croyons à l'unité absolue de la nature.
L'unité implique la possibilité pour un élément
d'un certain plan de venir au contact d'un autre élément se trouvant
sur un autre plan ou en provenant. Telle est notre croyance.
La “Doctrine Secrète” qui vient d'être publiée,
montrera quelles étaient les idées universelles de l'antiquité au
sujet des instructeurs primitifs des premiers hommes et des trois premières
races. La genèse de la Religion Sagesse, à laquelle tout Théosophe
croit, remonte à cette époque.
Ce qu'on appelle “l'Occultisme ” ou plutôt la Science
Ésotérique doit son origine à ces êtres qui, guidés
par le Karma, se sont incarnés dans notre humanité, faisant retentir
ainsi la note tonique de la Science Secrète que d'innombrables générations
ultérieures d'Adeptes ont depuis lors développée au cours
des âges, tandis qu'ils vérifiaient ses doctrines par l'observation
et l'expérience personnelles. L'ensemble de cette connaissance, qu'aucun
homme n'est capable de posséder dans son entier, constitue ce que nous
appelons maintenant Théosophie ou “Sagesse Divine”.
Des êtres
d'autres mondes plus élevés peuvent la posséder entièrement;
nous ne pouvons en avoir qu'un fragment approximatif.
Ainsi, l'unité de tout dans l'univers implique et justifie notre croyance
en l'existence d'une connaissance à la fois scientifique, philosophique
et religieuse, prouvant la nécessité et la réalité d'un
lien entre l'homme et tout ce qui existe dans l'univers; cette connaissance devient
essentiellement RELIGION, et, considérée dans son intégrité et
son universalité, elle doit être appelée du nom distinctif
de “RELIGION-SAGESSE”.
C'est de cette RELIGION-SAGESSE que sont nées toutes les diverses “Religions”,
appelées ainsi à tort, Religions qui ont formé à leur
tour, des ramifications et des branches, ainsi que toutes les croyances mineures,
ayant toujours leur origine dans quelque expérience psychologique personnelle.
Chacune de ces religions ou sectes religieuses, qu'on la considère orthodoxe
ou hérétique, sage ou insensée, a jailli à l'origine,
comme une eau claire et pure de la Source-Mère. Le fait qu'elles ont toutes été polluées
par des spéculations et même des inventions humaines dues à des
motifs intéressés, ne les empêche pas d'avoir été essentiellement
toutes pures à leurs débuts. Il y a de ces croyances — appelons-les
religions — qui ont été entachées d'éléments
humains à un point tel qu'elles sont devenues méconnaissables;
d'autres commencent à peine à montrer les premiers signes de décadence,
mais aucune n'a échappé à l'oeuvre du temps. Cependant,
toutes sont d'origine divine parce qu'elles sont de source naturelle et vraie;
oui certes, le Mazdéisme, le Brahmanisme, le Bouddhisme aussi bien que
le Christianisme. Ce sont les dogmes et l'élément humain de ce
dernier qui ont conduit directement au Spiritisme moderne.
Naturellement, on protestera de part et d'autre, si nous disons que le Spiritisme
en lui-même, débarrassé de ses spéculations malsaines,
qui furent édifiées sur les dires de deux petites filles et de
leurs “Esprits” très peu dignes de foi, est néanmoins
beaucoup plus vrai et beaucoup plus philosophique qu'aucun dogme ecclésiastique.
Le Spiritisme “fait chair” récolte maintenant
son Karma. Ses premiers innovateurs, les deux petites filles de Rochester, cette
Mecque du Spiritisme moderne, ont grandi, et sont devenues de vieilles femmes,
depuis le temps où en produisant les premiers coups frappés elles
ouvrirent toutes larges les portes qui séparaient notre sphère
de l'autre monde. C'est sur leur témoignage “innocent” que
fut créé et élaboré le
plan complexe d'un “Summerland” sidéral, peuplé d'
“Esprits”» astraux
actifs, toujours en éveil et prêts à passer de leur “Pays
silencieux” dans notre monde bruyant et bavard. Et voici que les
deux Mahomet féminins du Spiritisme moderne ont renié leurs propres
théories, ont trahi la “philosophie” qu'elles avaient
créée,
et ont passé à l'ennemi. Elles dénoncent à présent
le Spiritisme pratique comme un éternel charlatanisme. Les spirites, à part
une poignée de louables exceptions, se sont réjouis et se sont
ralliés aux rangs de nos ennemis et calomniateurs, quand ceux-ci, qui
n'avaient jamais été Théosophes, nous trahirent et diaboliquement
dénoncèrent les fondateurs de la Société Théosophique
comme des fraudeurs et des imposteurs. Allons-nous, Théosophes, nous
moquer à notre
tour, maintenant que les “révélateurs” primitifs
du Spiritisme sont devenus ses calomniateurs ? Cela jamais, car nous savons
que les phénomènes du Spiritisme sont des faits réels,
et la fraude des “ jeunes filles Fox” ne fait qu'accroître
notre pitié pour les médiums en général, et confirme
aux yeux du monde, qu'aucun médium n'est digne de confiance, ce que
nous ne cessons de déclarer. Aucun vrai Théosophe ne se moquera
jamais et encore moins ne se réjouira de la déconfiture d'un
autre, fût-ce même d'un adversaire. Et la raison bien simple, la
voici: C'est que nous savons que des êtres d'autres mondes plus élevés,
inspirent, maintenant comme autrefois, certains mortels élus; bien
que le fait se produise beaucoup plus rarement maintenant que dans le passé, étant
donné qu'à chaque nouvelle génération civilisée,
l'humanité dégénère à tous les points de
vue.
La Théosophie, par suite de la levée en armes de tous les spirites
d'Europe et d'Amérique, aux premiers mots prononcés contre l'idée
que toute intelligence qui communique est nécessairement l'esprit
de quelque ancien mortel de notre terre, n'a pas encore dit son dernier mot
au sujet du spiritisme et des “Esprits”. Mais elle pourrait
le faire un jour. En attendant, une humble servante de la Théosophie,
la Rédactrice de la revue Lucifer, affirme à nouveau sa
croyance en des êtres plus grands, plus sages, plus nobles qu'aucun Dieu
personnel, et qui se tiennent bien au-delà de tous les “ Esprits” des
morts, des Saints ou des Anges ailés et condescendent néanmoins, à toutes
les époques, à adombrer, occasionnellement quelques rares sensitifs,
n'ayant souvent aucun rapport avec l'Eglise, le Spiritisme ou même la
Théosophie. Et puisqu'elle croit en de hauts et saints êtres spirituels,
il s'ensuit qu'elle croit aussi à l'existence de leurs opposés:
les “esprits” inférieurs, bons, mauvais ou indifférents.
Et c'est pourquoi elle croit également au Spiritisme et à ses
phénomènes, dont certains lui répugnent si profondément.
Ceci soit dit en passant, en guise
de digression, et afin de montrer que la Théosophie inclut le Spiritisme
— tel qu'il devrait être, non pas
tel qu'il est — parmi ses sciences, basées sur la connaissance
et sur l'expérience d'âges innombrables. Il n'y a pas une religion
digne de ce nom qui n'ait débuté à la suite de telles
visites d'Êtres provenant des plans supérieurs.
C'est ainsi que naquirent toutes les religions préhistoriques aussi
bien qu'historiques: le Mazdéisme et le Brahmanisme, le Bouddhisme
et le Christianisme, le Judaïsme, le Gnosticisme et le Mahométisme;
en somme tous les mouvements en “isme” qui eurent
plus ou moins de succès. Tous sont vrais en leur essence profonde; tous
sont faux en surface. Le Révélateur, l'artiste qui imprima un
fragment de la vérité dans le Cerveau du Voyant, était
dans chaque cas particulier, un véritable artiste qui divulgua d'authentiques
vérités;
mais par ailleurs l'instrument se révéla dans chaque cas n'être
rien d'autre qu'un homme. Invitez Rubinstein à jouer une sonate de Beethoven
sur un piano qui n'est pas accordé, dont la moitié des touches
souffrent de paralysie chronique, tandis que les cordes en sont distendues,
et voyez si, en dépit du génie de l'artiste, vous reconnaîtrez
la sonate. La morale de la fable, c'est qu'un homme, fût-il le plus
grand des médiums ou des Voyants naturels, n'est jamais qu'un homme;
et qu'un homme abandonné à ses propres moyens et suppositions,
ne peut qu'être désaccordé par rapport à la
vérité absolue,
même s'il en glane quelques miettes. Car l'homme n'est qu'un Ange déchu,
un dieu en dedans, mais possédant dans sa tête un cerveau animal,
plus sujet aux influences du froid et des fumets du vin quand il se trouve
en compagnie d'autres hommes, sur terre, qu'à la réception fidèle
de révélations divines.
De là, les dogmes variées des églises. De là, aussi,
les mille et une soi-disant “philosophies” (certaines contradictoires,
les théories théosophiques y compris);
de là encore, les diverses “Sciences” et systèmes,
Spirituels, Mentaux, Chrétiens ou Séculiers; le sectarisme et
la bigoterie, et surtout la vanité personnelle et l'entêtement
opiniâtre de presque chaque “Innovateur”, depuis
les temps médiévaux. Tous ont obscurci et caché l'existence
même
de la SAGESSE qui est leur source commune. Nos critiques s'imagineront peut-être
que nous exceptons de cette nomenclature les enseignements théosophiques.
Pas du tout. Et, bien que les doctrines ésotériques que notre
Société a exposées, et continue à promulguer, ne
soient pas le résultat d'impressions mentales et spirituelles provenant
de quelque “inconnu d'en haut”, mais le fruit d'enseignements
qui nous ont été donnés par des hommes vivants, cependant,
ces doctrines à l'exception de ce qui a été dicté ou écrit
par ces Maîtres de Sagesse eux-mêmes, peuvent être, dans
beaucoup de cas, aussi incomplètes ou fautives que nos ennemis pourraient
le souhaiter. La “Doctrine Secrète”, ouvrage
qui révèle
tout ce qui peut être divulgué en ce siècle, est une tentative
ayant pour but d'exposer en partie, le fondement commun, et l'origine
identique de tous les systèmes religieux et philosophiques, grands et
petits.
Il est apparu indispensable de déblayer de toute cette masse compacte
de préjugés et de fausses conceptions, la souche-mère:
a) de toutes les religions mondiales,
b) des sectes moins importantes et
c) de la Théosophie telle qu'elle est présentée maintenant,
aussi voilée que soit la grande Vérité, par nous-mêmes
et notre connaissance limitée.
La couche d'erreur est épaisse, quelle que soit la main qui l'ait constituée;
et parce que nous avons personnellement essayé d'en enlever une
partie, on a reproché cette tentative à tous les auteurs théosophiques
et même à la Société. Bien peu de nos amis
et de nos lecteurs n'ont pas stigmatisé nos efforts tentés dans
le “Theosophist” et “Lucifer” en vue
de dénoncer
l'erreur comme autant “d'attaques très peu charitables vis-à-vis
du Christianisme”, “des polémiques peu théosophiques”, etc..
Cependant, cela est nécessaire, bien plus, indispensable,
si nous voulons faire ressurgir ne fut-ce que des vérités approximatives.
Nous devons dire froidement les choses, et sommes prêts à en souffrir,
comme d'habitude. Il est vain de promettre de donner la vérité,
puis de la laisser mélangée à l'erreur, par pur manque
de courage. Nous avons suffisamment prouvé que le résultat d'une
telle tactique serait de polluer le fleuve des faits. Après douze ans
de labeur incessant et de luttes constantes avec des ennemis, aux quatre coins
du globe, en dépit de nos quatre revues mensuel théosophiques
(le Theosophist, le Path, Lucifer et le Lotus français)
nos protestations modérées et fades dans ces revues, nos déclarations
timides, notre “magistrale tactique d'inactivité” ,
et nos parties de cache-cache dans l'ombre de la métaphysique abstruse,
ne sont parvenues qu'à faire considérer sérieusement la
Théosophie
comme une SECTE religieuse. Pour la centième fois on nous répète:
“Quel bien fait la Théosophie ?” et “Voyez
donc le bien que font les Églises”.
Néanmoins, c'est un fait avéré que l'humanité n'a
pas progresse d'un pas en moralité et, à certains points de vue,
est au contraire devenue dix fois pire qu'à l'âge du Paganisme.
De plus, durant ce dernier demi-siècle, depuis que la Libre Pensée
et la Science l'ont emporté sur les Églises, le Christianisme
perd chaque année plus d'adhérents appartenant aux classes cultivées,
qu'il ne gagne de prosélytes dans les couches inférieures, la
lie du Paganisme. D'autre part, la Théosophie a sauvé du Matérialisme
et du sombre désespoir, et ramené à une croyance dans
le Soi Divin de l'homme — croyance basée sur la logique
et l'évidence — ainsi
que dans l'immortalité de ce Soi, plus d'un être que l'Eglise
avait perdu par ses dogmes, sa foi imposée et sa tyrannie. Et
s'il est prouvé que la Théosophie sauve un homme sur mille
que l'Eglise perd, la Théosophie n'est-elle pas un facteur pour le bien
infiniment plus important que tous les missionnaires mis ensemble ?
La Théosophie, comme il a été répété maintes
fois par écrit, et de vive voix par ses membres et ses dirigeants, procède
par des voies diamétralement opposées à celles que suit
l'Eglise; de plus, la Théosophie rejette les méthodes de la Science,
sachant que ses méthodes inductives ne peuvent conduire qu'à un
grossier matérialisme. Et cependant, de fait, la Théosophie prétend être à la
fois la “RELIGION” et la “SCIENCE” ,
car la Théosophie
est l'essence de toutes deux. C'est pour le bien et l'amour des deux abstractions
divines — la religion et la science théosophiques — que
la Société a accepté de son plein gré de jouer
le rôle de balayeur des déchets de la Religion orthodoxe et de
la Science moderne; comme aussi de Némésis implacable pour
ceux qui ont dégradé les deux nobles vérités pour
leurs fins et buts personnels et les ont violemment arrachées l'une à l'autre,
alors qu'elles sont une, et doivent rester une. Cet article se propose
entre autres buts, de prouver cette vérité.
Le Matérialiste moderne insiste sur le fait qu'il existe un abîme
infranchissable entre les deux, prétendant que le “conflit entre
la Religion et la Science” s'est terminé par la défaite
de la première et le triomphe de la seconde. Le Théosophe moderne
se refuse, au contraire, à voir un tel abîme entre les deux. Si
l'Église et la Science prétendent chacune chercher la vérité et rien
que la vérité, ou bien l'une des deux se trompe et
accepte l'erreur pour la vérité, ou toutes deux sont dans l'erreur.
Tout autre obstacle à leur réconciliation doit être considéré comme
pure fiction. La Vérité est une, même si on la cherche
et la poursuit en partant de deux extrémités différentes.
C'est pourquoi la Théosophie prétend réconcilier les
deux ennemies. Elle commence par faire observer que la véritable religion
Chrétienne,
spirituelle et primitive, est, tout autant que les autres grandes philosophies
plus anciennes qui l'ont précédée, la lumière
de Vérité, “ la vie et la lumière des hommes”.
Mais il en est de même de la vraie lumière de la Science.
Aussi obscurcie comme l'est la première de nos jours par les dogmes,
considérés à l'aide
de verres noircis par les superstitions artificiellement créées
par les Églises, la lumière de la Religion ne peut guère
pénétrer
jusqu'à la Science, et s'unir à cette lumière-soeur,
tamisée comme elle l'est aussi par l'étroit réseau des
paradoxes et des sophismes matérialistes du siècle. Leurs deux
enseignements sont incompatibles et ne pourront se réconcilier aussi
longtemps que la philosophie religieuse et la Science de la nature physique
et extérieure (fausse pour la philosophie) insisteront toutes deux sur
l'infaillibilité de leurs “feux follets” respectifs.
Les deux lumières, dont les rayons pénètrent la matière
des déductions fausses, avec une égale longueur d'onde ne peuvent
que s'éteindre mutuellement, et produire une obscurité plus profonde
encore. Et cependant, religion et science peuvent se réconcilier, à condition
que chacune nettoie sa demeure, l'une des détritus humains accumulés
par les âges, l'autre de l'excroissance hideuse du matérialisme
et de l'athéisme modernes. Mais comme toutes deux s'y refusent, le meilleur
parti à prendre, et le plus méritoire, c'est de faire ce que
seule peut et veut faire la Théosophie, c'est-à-dire de montrer
aux innocents pris dans le piège des deux traqueurs — les deux
dragons de la fable en vérité, l'un dévorant l'intelligence
des hommes, l'autre leur âme — que cet abîme prétendu
n'est qu'une illusion d'optique, une sorte d'immense rempart protecteur érigé par
les deux ennemis en guise de fortification contre des attaques mutuelles.
Ainsi donc, si la Théosophie se contente d'insister, et d'attirer sérieusement
l'attention du monde, sur le fait que le soi-disant désaccord
entre la religion et la science provient d'une part, de la juste révolte
des matérialistes intelligents
contre d'absurdes dogmes humains, et d'autre part, de l'attitude de fanatiques
aveugles et d'hommes d'église intéressés qui jouent du
croc et de la griffe pour sauvegarder leur bien — pain, beurre et autorité — au
lieu de défendre les âmes humaines, eh bien même alors,
la Théosophie apparaîtra comme le sauveur de l'humanité.
Nous avons montré, maintenant, espérons-nous, ce qu'est la vraie
Théosophie et ce que sont ses adhérents. L'une est la Science
divine, un code d'Éthique si sublime qu'aucun théosophe ne peut
s'y conformer parfaitement; les autres ne sont que des hommes, faibles maïs
sincères. Pourquoi alors juger la Théosophie par les défauts
personnels d'un de ses dirigeants ou l'un des membres de nos 150 branches ?
Un homme ou une femme peut travailler pour la Théosophie, au mieux de
ses capacités, et cependant n'atteindre jamais à la cîme
de sa vocation et de son aspiration. C'est son malheur, mais ce n'est pas la
faute de la Théosophie, ni même de son organisme en général.
Ses Fondateurs ne revendiquent d'autre mérite que celui d'avoir mis
en marche la roue théosophique. Si l'on veut absolument les juger, qu'on
les juge par le travail qu'ils ont accompli, et non par ce que des amis pensent
d'eux, ou par ce que des ennemis peuvent en dire. Il n'y a pas de place pour
des personnalités dans un travail comme le nôtre, et tous doivent être
prêts, s'il le faut — comme le sont les Fondateurs —- à se
laisser écraser individuellement pour le bien de tous,
par le char de Jaggenâth.
Ce n'est que dans les jours d'un lointain Futur, lorsque la mort aura posé sa
froide main sur les malheureux Fondateurs et arrêté de la sorte,
leur activité, que leurs mérites et démérites respectifs,
leurs actions bonnes et mauvaises, et leur travail théosophique devront être
pesés sur la Balance de la Postérité. C'est
seulement, lorsque les deux plateaux, avec leurs charges opposées, auront été équilibrés,
et que la nature du bilan global sera connue de chacun dans toute sa valeur
intrinsèque, que l'on pourra déterminer avec quelque justice
le caractère du verdict rendu. A présent, excepté en
Inde, les résultats sont trop disséminés sur toute la
terre, trop limités à une poignée d'individus pour qu'on
puisse aisément les juger. Maintenant, ces résultats sont à peine
perceptibles, et encore moins proclamés au milieu du bruit et de la
clameur produits par nos innombrables ennemis et leurs prompts imitateurs,
les indifférents. Cependant, devant ces résultats, si humbles
soient-ils, s'ils se révèlent bienfaisants, dès maintenant
tout homme qui a à coeur le progrès moral de l'humanité devra
de la reconnaissance à la Théosophie pour ces résultats.
Et, étant donné que la Théosophie a été revivifiée
et présentée au monde, par l'intermédiaire de ses indignes
serviteurs, les “Fondateurs”, si leur oeuvre a été utile,
elle seule doit être leur défenseur, indépendamment de
l'état actuel de leur compte dans les petits registres de caisse de
karma où s'inscrivent les “considérations” sociales.
Haut
de la Page
Page- Documents
en Ligne