La
littérature théosophique parle du développement
de la conscience qui s'effectue par l'évolution des
formes et des organismes. Quand la forme est primitive, inorganisée
et grossière dans sa réaction à l'environnement,
la conscience ne peut pas se manifester complètement
par son intermédiaire. A mesure que la forme évolue
sa capacité à réagir s'accroît.
Les sens, le système nerveux et le cerveau deviennent
plus sensibles. Ainsi, une meilleure organisation de la forme
permet à la conscience de se manifester plus pleinement.
L'homme, dans son état actuel, n'est pas le point
final de l'évolution. La littérature théosophique
déclare qu'un accroissement de développement
l'attend encore. La vérité, la sagesse, l'amour,
la béatitude, la paix et la bonté sont inhérents à la
conscience. Brahman est décrit comme conscience
universelle absolue, la perfection de la beauté et
des autres énergies énumérées
ci-dessus. Chez l'Adepte, le Maître, ces vertus,
qui procèdent de la nature même de la conscience,
se sont épanouies jusqu'à la perfection,
en même
temps que sa conscience s'épanouissait pleinement
et parfaitement révélant des énergies
qui ne sont encore qu'à l'état latent chez
l'homme ordinaire. Ainsi donc l'Adepte est quelqu'un de
parfait en sagesse, en compassion, en amour et en pureté désintéressée.
La pureté signifie l'absence totale du sens d'un “moi-je” séparé.
L'amour parfait signifie que l'on ne choisit pas, que l'on
n'attend rien en retour de l'amour que l'on donne.
On dit que lorsqu'un homme a atteint la perfection il n'est
plus soumis à l'obligation de se réincarner
car il a transcendé le Karma. C'est l'attachement,
l'égoïsme
(ils sont équivalents) qui nous poussent à renaître.
C'est à cause du désir qui est là d'éprouver
la sensation, d'être stimulé du dehors que
l'homme ordinaire est pris au piège de la roue des
nouvelles naissances. Mais l'Adepte qui est pur et délivré de
l'attachement parce qu'il n'y a pas de “moi-je” en
lui, n'est pas soumis à cette sorte de nécessité.
Mais il se peut que par compassion il reste en contact
avec le monde des hommes. Nous pouvons nous dire pourquoi
l'Adepte ne nous fréquente-t-il pas ? Si nous l'invitons à une
convention, viendra-t-il ? Mais il se peut qu'il ne conforme
pas ses actes à nos idées, ni même à aucune
règle que nous puissions imaginer. Cependant quand
des personnes se trouvent prêtes,
l'Adepte offre des occasions d'entrer en contact, d'être
guidé, de recevoir l'enseignement.
Le mot “Gourou”, à l'instar de
bien d'autres mots peut avoir bien des significations différentes
pour différentes personnes. Mais souvent les gens
croient que le Gourou est quelqu'un qui communique ia connaissance.
La connaissance du siècle (la connaissance inférieure)
peut se communiquer, il n'en va pas de même de la
connaissance spirituelle. Aucune expérience intérieure
subjective ne peut être empruntée à autrui.
Le “Viveka-chudamani” montre clairement qu'on ne peut pas
se faire remplacer pour accomplir les actions qui font
naître bodha c'est-à-dire
l'éveil intérieur. L'éveil doit se
faire chez chaque individu à la suite de la préparation
et du travail auxquels il s'est livré lui-même.
Mais très souvent les gens croient qu'ils n'ont
rien à faire,
qu'ils n'ont qu'à s'attacher à un prétendu
Gourou, à lui toucher les pieds ou à s'asseoir
devant lui et qu'il prendra la responsabilité sur
lui. C'est là une philosophie très commode
car elle permet aux gens de poursuivre dans le siècle
leur vie d'ambition, de jalousie, de recherche de l'argent,
de désir
de puissance et ainsi de suite.
Parce qu'il y a tellement de personnes qui trouvent cette
façon
d'être à leur goût il y en a d'autres
qui sont prêtes à jouer le rôle complémentaire.
Aussi il y a des imposteurs qui se disent Gourous et donnent
un sentiment de sécurité à ceux qui
le leur demandent. Tourne?, vos pensées vers moi,
dit
celui qui s'est lui-même instauré Gourou,
et vous serez protégé de tout ennui. Si vous
voulez vous offrir du plaisir (peu importe de quelle sorte)
allez-y et profitez-en, mais égrenez les perles
du mala qui porte ma photo et portez l'uniforme
que je vous ai prescrit. Le véritable
Gourou, de son côté, dissipe réellement
l'obscurité qui se trouve dans le mental et la conscience
d'une personne, ce n'est pas lui qui lui offrira des diversions
ou qui lui enlèvera le sens de la responsabilité de
ses propres actions. L'une des “Trois Vérités” de
la Théosophie est que: “ tout homme est à lui-même
absolument son propre législateur, le dispensateur
de sa gloire ou de son obscurité, l'arbitre de sa
vie, de sa récompense, de son châtiment”.
Les Adeptes ont expliqué clairement les conditions
qui doivent ère remplies pour recevoir leur enseignement,
leur aide et leur guidage. Il nous est dit dans “Les
lettres des Mahatmas à A.P. Sinnett” que
seule l'évolution de la spiritualité d'une
personne peut rapprocher celle-ci des Maîtres, peut
attirer leur
attention “de force”, et que la sagesse
vient à celui
seulement qui s'applique: “à la conquête
journalière du moi-je”. Il faut s'approcher
des Maîtres sans poser de conditions, libre des considérations
suggérées par le monde et sa prudence. Mais
nous ne voulons pas ne pas poser de conditions. Nous voulons
conserver nos aises, nos plaisirs et nos ambitions, et
en même
temps atteindre le monde des Saints.
Selon la théosophie, l'Adepte n'impose jamais sa volonté à son
disciple. Il ne lui dit pas ce qu'il doit croire parce que
croire ne signifie rien. Il veut, ce qui est différent,
que la conscience du disciple s'éveille à la
vérité. Il y a des millions de gens qui croient
que Jésus et le Bouddha ont enseigné l'amour.
Mais ils n'ont, quant à eux, aucun amour en eux. En
fait la croyance crée la rigueur et le fanatisme et
est cause de mal et non de bien. Dans Les Lettres des
Mahatmas,
les Maîtres font remarquer que la religion est trop souvent
employée comme une béquille, mais ils veulent
que les gens aient confiance en eux-mêmes et soient
libres.
L'un des plus grands parmi les Maîtres, le Seigneur
Bouddha a dit “Soyez à vous-mêmes une
lampe”.
II enseignait: n'accordez pas d'autorité à la
tradition, aux écritures, à autrui, ni à moi-même,
découvrez par vous-mêmes ce qui est vrai.
Le Vedanta insiste lui aussi sur l'importance de
l'enquête
(vichàra).
Dans "Aux pieds du Maître"
il est dit que l'on doit écouter
soigneusement ce que dit le Maître car: “II
ne parle pas deux fois”. Le conférencier
sur l'estrade peut répéter ses idées
parce qu'il veut gagner l'acquiescement de son auditoire
et lui faire partager sa pensée. Une réclame
est répétée à l'envi
pour conditionner le mental du lecteur. Mais l'adepte n'essaie
pas d'imposer ses idées, il ne recherche pas le
conformisme ni l'obéissance aveugle. Il fait une
allusion, une suggestion, afin d'aider la croissance de
l'intelligence de la personne. Si l'étudiant a appris à penser
par lui-même,
s'il a écouté soigneusement, il découvre
de lui-même la signification implicite d'une déclaration.
Si quelqu'un d'autre lui dit que penser et que croire,
il n'approfondit pas l'enseignement.
Le Gourou moyen commande aux gens ce qu'il faut faire,
ce qu'il faut penser, comment il faut s'habiller. Il y
a des Gourous qui aiment à recevoir un culte personnel, à avoir
les pieds lavés, à ce qu'on leur fasse la
cour. Il y en a qui prétendent être plus grands
que le Bouddha lui-même. D'autre part les lettres
des Maîtres
reflètent l'humilité et l'anonymat dans lesquels
ils préfèrent demeurer. Les véritables
instructeurs ne s'adonnent à aucune auto-publicité ni à aucune
auto-glorification parce qu'il n'y a en eux aucun moi-je
Ainsi, il y a une différence entre ceux qui sont habituellement
considérés comme des Gourous et les Maîtres
dont la littérature théosophique nous donne
la description. Culte de la personnalité, auto-glorification,
dire à autrui ce qu'il faut faire, asservir autrui,
lui enseigner des croyances, lui imposer des idées,
ramasser de l'argent et devenir riche, avoir des piscines
et des avions privés, tout ceci
est reçu
aujourd'hui comme faisant partie de l'état de gourou
mais est entièrement incompatible avec le fait
d'être
un véritable instructeur spirituel, un Maître.
Ramana Maharshi a dit un jour que le véritable instructeur
ne se prend pas pour un instructeur. L'instructeur ne voit
aucune différence entre les autres et lui-même;
il n'établit pas de division entre celui qui reçoit
l'enseignement et celui qui le dispense.
On peut se poser la question de ce que doit être l'attitude
d'un membre à l'égard des Gourous. Au sein de
la Société Théosophique l'individu est
libre d'être sage ou sot. S'il veut se faire disciple
d'un Gourou il est libre de le faire. Mais c'est une autre
affaire s'il s'agit d'une branche de la Société,
car une branche représente dans son voisinage l'ensemble
de la Société Théosophique et en conséquence
elle ne peut pas avoir une liberté absolue. Si elle
s'adonne au culte d'une personnalité, si elle proclame
ou accepte quelqu'un comme son Gourou et encourage un culte
personnel, il est certain qu'elle n'agit pas en conformité avec
le caractère et les buts de la Société.
Encore une autre question: un Gourou peut-il donner à quelqu'un
l'expérience de la Réalité ? Il est évident
que non. Un Gourou ne peut pas faire voir à un autre
ce que ses yeux ne son pas capables de voir; aucun véritable
Gourou ne fera semblant de le faire et ne voudra pas le
faire.
Mais un sage peut nous aider si nous sommes réceptifs.
On a dit que les dieux, quand ils veulent punir un homme,
exaucent ses prières. Les gens ont des désirs
qui sont pour la plupart stupides. Une personne peut désirer
avoir un Gourou qui fasse certaine chose pour elle, mais
il se peut que ce ne soit pas avec profit spirituel en vue.
Les ennuis nous viennent et nous aimerions en général
en être délivrés. Mais tout ce qui
nous est apporté par le Karma comporte une leçon.
En conséquence Annie Besant disait, en passant son
passé en
revue, que tout en étant disposée à en
enlever les choses plaisantes, elle n'aurait
pas voulu renoncer aux difficultés qu'elle avait rencontrées
parce qu'elles lui avaient tant appris.
En conséquence l'homme avancé spirituellement
ne donnera peut-être pas la sorte d'aide que l'on désirerait.
Sa façon d'aider pourrait procéder d'un point
de vue complètement différent.
J. Krishnamurti a indiqué quelque chose de très
important quand il a demandé pourquoi nous pensions
que seul le Gourou était capable d'aider. Tout ce
que la vie contient est capable d'aider: les personnes
de notre entourage, la feuille qui tombe de l'arbre, la
beauté qui
se trouve partout, tout peut nous aider si nous sommes
sensibles et réceptifs. Notre réceptivité doit être égale
au désir d'enseigner du Gourou. La physique d'Einstein
ne peut pas être saisie par un homme qui ignore totalement
les mathématiques. Même le plus grand des
musiciens est incapable d'enseigner à une personne
trop paresseuse pour apprendre. Celui qui sonde les profondeurs
de ce que dit l'instructeur (et qui peut n'être pas
du tout communiqué verbalement)
doit être réceptif. Et il n'est pas possible
d'être
insensible à la vie en général et
réceptif à l'égard
du seul Gourou. Ou bien l'homme est réceptif ou
il ne l'est pas. La chose s'est reproduite bien des fois,
ceux qui ne sont pas réceptifs ont mis plus bas
que terre l'instructeur spirituel, ils n'écoutent
pas ses paroles, ils le rejettent parce qu'ils ne le reconnaissent
pas, ils crucifient un Christ.
Combien d'entre nous seraient capables de reconnaître
un véritable saint s'il apparaissait au milieu de
nous sans être porteur d'un “label” de qualité ?
Les “labels” peuvent être faux. Pour reconnaître
un saint il doit y avoir en nous quelque chose qui vibre
en harmonie avec lui, il doit y avoir la capacité de
réagir.
Si cela nous manque, comment pourrions-nous tirer profit
d'un instructeur ? Un Gourou ne peut pas aider l'homme
qui n'est pas prêt pour être aidé, et
c'est seulement quand le disciple est prêt qu'apparaît
l'instructeur. “Vous
devez allumer votre âme de façon que l'instructeur
puisse la voir”.
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