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Avant-propos | 7 |
l'homme
parfait est un chaînon de l'évolution |
9 |
La loi intérieure et la loi extérieure | 11 |
La première initiation | 13 |
La seconde initiation | 19 |
La troisième initiation | 21 |
La nuit de l'âme | 22 |
La gloire dans la perfection | 25 |
L'idéal qui nous inspire | 27 |
La place du combattant | 31 |
Le témoignage des religions | 34 |
Hypothèse | 37 |
Preuve historique | 40 |
L'expérience individuelle | 45 |
Comment pouvons-nous trouver les Maîtres? | 49 |
H.P.Blavatsky | 51 |
La doctrine secrète | 52 |
La voix du silence | 58 |
Connaissance personnelle | 59 |
Le chemin de l'adeptat | 63 |
Réincarnation | 65 |
Vivez noblement | 66 |
Fraternité | 70 |
Le sentiment de l'unité | 74 |
Idéal sublime | 75 |
Qu'est-ce que le Maître? | 79 |
L'homme parfait; sa place dans l'évolution | 83 |
Le Maître Jésus | 84 |
Le Maître Hilarion | 85 |
Les Maîtres M. et K.H | 86 |
Le Maître Rakoczi et divers autres | 86 |
Où vivent-ils | 87 |
Leur oeuvre | 88 |
Le Grand Instructeur | 91 |
En
toute occasion, l'idée des Maîtres de la Loge blanche, frères
aînés de l'humanité, fait tressaillir le coeur humain,
et c'est avec un joyeux empressement qu'est accueilli tout ce que l'on peut
dire à leur sujet. La possibilité de trouver quoi que ce soit
de grotesque dans la conception de ces grands Êtres, de ces hommes devenus
parfaits, a complètement disparu de la pensée occidentale, comme
si elle n'avait jamais existé. On s'est enfin convaincu de ce que l'existence
de tels Êtres est non seulement naturelle mais encore nécessaire lorsqu'on
admet l'évolution, car ils sont les fruits suprêmes de cette évolution.
Bien des gens commencent à voir dans les grandioses figures du passé la
preuve évidente de l'existence de tels hommes, et, tandis
que [Page 8] la
raison les reconnaît dans le passé, l'espoir surgit de les
retrouver dans le présent. En outre, il y a parmi nous, tant en Occident
qu'en Orient, un nombre toujours croissant de personnes qui ont réussi à trouver
les Maîtres et de l'esprit desquelles toute espèce de doute au
sujet de leur existence a, par conséquent, à jamais
disparu.
La voie qui mène vers Eux est ouverte; ceux qui cherchent
trouveront.
Puisse ce petit livre éveiller en quelques-uns le désir de se
mettre à la recherche des Grands Instructeurs.
Quant à moi qui les connais, je ne saurais rendre à mes frères
de plus grand service que de les inciter à entreprendre cette recherche
dont le succès les comblera au delà de toute espérance.
Annie Besant.
Il
y a dans l'évolution humaine un degré qui
précède
immédiatement le but où tend l'effort humain, et, ce degré franchi,
l'homme en tant que tel est au bout de sa tâche. Il est devenu parfait,
sa carrière humaine est achevée.
Les grandes religions donnent des noms divers à cet Homme parfait, mais
quel que soit le nom, l'idée reste la même; qu'il soit Mithra,
Osiris, Krishna, Bouddha ou Christ, toujours Il symbolise l'homme devenu
parfait. Il n'appartient pas à une religion seulement,
Il ne fait point partie d'une nation seule, d'une [Page 10] famille
humaine unique; Il n'est point emprisonné dans les formes d'une
foi particulière. Partout c'est Lui le plus noble, le suprême
idéal. Toutes les religions Le proclament, en Lui est leur raison
d'être à toutes. Il est l'Idéal auquel aspire toute foi
et une religion ne remplit efficacement sa mission qu'en raison de l'intensité de
la lumière qu'elle projette, de la précision
des enseignements qu'elle formule sur la voie qui conduit
vers Lui.
Le nom de Christ qui désigne l'Homme parfait par toute la chrétienté est
le nom d'un état bien plus que celui d'un homme. "Le Christ
en vous, c'est l'espoir du triomphe", telle est la pensée
de l'instructeur chrétien. Au cours de leur longue évolution,
les hommes parviennent à l'état de Christ, car tous doivent
accomplir en leur temps le pèlerinage séculaire et Celui qui
est connu sous ce nom en Occident est l'un des "Fils de Dieu" qui
ont atteint le but final de l'humanité. Ce nom a toujours comporté un
attribut: l'Oint du Seigneur, qui indique un état, et cet état
chacun doit l'atteindre. Il est dit: "Regarde au dedans de toi, tu
es Bouddha" et "Jusqu'à ce que Christ soit né en
vous".
De même qu'un musicien qui aspire à devenir artiste doit écouter les chefs-d'œuvre de son art l'homme parfait [Page 11] et se plonger dans les flots d'harmonie créés par le génie, de même nous devons nous, enfants des hommes, élever nos regards et nos coeurs en une contemplation sans cesse renouvelée vers les cimes où se tiennent les Hommes parfaits de notre race. Ils furent ce que nous sommes, nous deviendrons ce qu'ils sont. Tous les fils des hommes peuvent réaliser ce qu'a accompli le Fils de l'Homme et l'existence des Maîtres est le gage de notre propre triomphe; le développement en nous du degré de divinité semblable au leur n'est qu'une question d'évolution.
J'ai
quelquefois divisé l'évolution intérieure
en trois périodes: la première, sub-morale; la seconde, morale;
la troisième, supra-morale. Au premier stade, l'homme ne distingue
pas le bien du mal et obéit à ses désirs sans hésitation
et sans scrupule; parvenu au stade moral, l'homme reconnaît le bien
et le mal d'une manière de plus en plus définie et précise
et s'efforce d'obéir à la loi; enfin, au stade supra-moral,
la loi extérieure est transmuée en
sa [Page
12] forme supérieure, parce que le principe divin de
l'homme commande à ses
véhicules. Dans la période de moralité, nous voyons
en la loi une barrière légitime, une restriction salutaire
opposée à nos
appétits. La loi dit: fais ceci, évite cela; l'homme s'efforce
d'obéir, de là une lutte constante entre sa nature inférieure
et sa nature supérieure. Au stade supra-moral, la nature divine de
l'homme trouve son expression naturelle sans le secours d'un guide extérieur;
l'homme aime, non parce qu'il doit aimer, mais parce que lui-même est
amour. "Il agit enfin", suivant la noble parole d'un
Initié chrétien, "non
en vertu d'une loi matérielle, mais par la puissance même d'une
vie infinie manifestée en lui".
La moralité est transmuée en sa forme la plus haute quand toutes
les facultés de l'homme se tournent d'elles-mêmes vers le Bien,
comme l'aiguille aimantée se tourne vers le nord; quand ce qu'il
y a de divin en l'homme cherche sans cesse à réaliser le bien
de tous. Il n'y a plus de lutte, car la victoire est gagnée; le Christ
n'atteint sa stature parfaite que lorsqu'il est devenu le Christ triomphant,
maître de la vie et de la mort. [Page 13]
On
parvient à ce stade de la vie du Christ, de la
vie de Bouddha, par la première des grandes Initiations où l'Initié est
appelé le "petit enfant" ou " le nouveau-né" parfois "le
jeune enfant de trois ans". L'homme doit retrouver son état
d'âme d'enfant qu'il a perdu; il doit "devenir un petit enfant" pour "entrer
dans le Royaume". En franchissant ce portail, il naît à la
vie de Christ et, parcourant le "chemin de la Croix", il avance
sur le sentier à travers les portes successives. Lorsqu'il parvient
au bout, il est définitivement libéré des limitations
et de l'esclavage de la vie; il meurt au temps pour vivre dans l'éternité et
prend conscience de lui-même en tant que vie plutôt
qu'en tant que forme.
Sans nul doute, le christianisme primitif reconnaissait
positivement que ce degré de l'évolution est accessible à chacun des
chrétiens. L'ardent désir exprimé par saint Paul que
le Christ pût naître dans le coeur de ses disciples est un
témoignage suffisant de ce fait sans qu'il soit nécessaire
d'avoir recours à d'autres citations pour l'appuyer. Quand bien
même ce [Page 14] verset
serait unique en son genre, il suffirait à montrer que l'idéal chrétien
considérait cet état de Christ comme un état intérieur,
marquant la période finale de l'évolution du croyant. Et
il est bien qu'il en soit ainsi et que les chrétiens reconnaissent
la réalité'de ce fait au lieu de considérer la vie
du disciple aboutissant à l'Homme Parfait comme une fleur exotique
transplantée en Occident mais qui ne peut naître que dans
le lointain Orient. Cet idéal fait partie du véritable christianisme
spirituel et la naissance du Christ en toute âme chrétienne
est l'objet de l'enseignement chrétien. Le but même de la
religion est de provoquer cette éclosion, et si cet enseignement
mystique venait à disparaître du christianisme, cette religion
perdrait le pouvoir d'élever jusqu'à l'état
divin ceux qui la pratiquent.
La première des grandes Initiations est la naissance de Christ,
de Bouddha, dans la conscience humaine, la transmutation de la soi conscience,
la suppression des limitations. Les étudiants savent que le stade
de Christ comprend quatre degrés depuis celui de l'homme parfaitement
bon jusqu'à celui du Maître triomphant. On franchit chacun
de ces degrés par une Initiation, et pendant ces divers stades de
l'évolution la conscience doit s'élargir, croître,
atteindre [Page 15] enfin
son développement
extrême dans les limites que lui impose le corps humain. Au premier
degré, le changement consiste en l'éveil de la conscience
dans le monde spirituel, dans ce monde où la conscience, cessant
de s'identifier avec les formes passagères qui emprisonnent la vie,
s'identifie avec cette vie même.
Cet éveil est caractérisé par une sensation d'expansion
soudaine, d'élargissement de la vie au delà des limites habituelles,
par la découverte d'un Soi divin et puissant qui n'est pas forme,
mais vie, joie et non douleur; par le sentiment d'une paix merveilleuse
qui dépasse tout ce qu'on peut rêver de plus beau. En même
temps que disparaissent les limitations la vie augmente d'intensité,
on dirait qu'elle se précipite de tous côtés, heureuse
de ne plus rencontrer d'obstacle et donnant une si vivante impression de
réalité que toute forme vivante semble morte, que toute lumière
terrestre est ténèbres. Cette expansion est si merveilleuse
qu'il semble à la conscience ne s'être jamais connue jusque
là, car tout ce qu'elle considérait comme conscience n'est
qu'inconscience, comparé à ce torrent de vie. La soi-conscience,
qui avait commencé à germer dans l'humanité-enfant,
qui s'est développée, a grandi, s'élargissant
toujours dans les limites de la forme, se [Page 16] croyant
séparée des autres, ayant toujours ce sentiment du "moi",
parlant sans cesse du "mien", cette soi-conscience sent tout à coup
que les "sois" sont "le Soi" et toutes les formes un
bien commun. L'Initié voit que les limitations étaient nécessaires
pour la construction d'un centre d'individualité où puisse
se maintenir l'identité du Soi, et il sent en même temps que
la forme n'est qu'un instrument dont il se sert, tandis que lui-même,
la conscience vivante, est un avec tout ce qui vit. Il saisit le sens profond
de cette formule si souvent répétée: "l'unité de
l'humanité"
et sent ce que signifie de vivre en tout ce qui vit et se meut et cette
conscience est accompagnée d'une joie immense, de cette joie de
vivre qui même dans ses plus pâles reflets terrestres est l'une
des jouissances humaines les plus intenses. Non seulement l'unité est
vue par l'intellect mais elle est ressentie, elle vient étancher
cette soif d'union que connaissent tous ceux qui ont aimé; c'est
l'unité sentie du dedans et non vue du dehors, ce n'est pas une
conception intellectuelle, c'est la vie même.
En de nombreuses pages de jadis, la naissance du Christ
dans l'homme nous a été retracée, et toujours sous les mêmes traits;
mais combien les mots forgés pour l'univers des
formes sont [Page
17] impuissants à peindre le monde
de la Vie!
Pourtant il faut que l'enfant se développe et devienne un homme
parfait, et il y a beaucoup à faire, bien de la fatigue à affronter,
bien des souffrances à endurer, bien des luttes à livrer,
bien des obstacles à surmonter avant que le Christ, né dans
la faiblesse de l'enfance, ne parvienne à la stature de l'Homme
parfait. Devant lui, sur le sentier où il vient d'entrer, se dressent
toutes ces épreuves. C'est d'abord la vie de labeur parmi les hommes,
ses frères, ce sont le ridicule et le soupçon qu'il lui faudra
affronter, le mépris qui accueillera le message qu'il apporte, l'angoisse
de l'isolement, la souffrance, enfin, de la crucifixion et les ténèbres
du tombeau.
Par un entraînement continuel, le disciple doit apprendre à s'assimiler la conscience des autres et à placer le centre de la sienne propre non dans la forme mais dans la vie afin de pouvoir se libérer de" l'hérésie de la séparativité" qui lui fait considérer les autres comme étant différents de lui-même. Il lui faut, par un travail de tous les jours, élargir sa conscience jusqu'à ce que l'état auquel elle était parvenue lors de sa première Initiation devienne son état normal. Dans ce but, il s'efforcera, dans sa vie quotidienne, d'identifier sa conscience avec la [Page 18] conscience de ceux auxquels il a affaire journellement; il tâchera de sentir comme eux, de penser comme eux, de se réjouir et de souffrir comme eux. Peu à peu, il lui faudra développer en lui-même une sympathie parfaite, une sympathie capable de vibrer en harmonie avec chacune des cordes de la lyre humaine. Graduellement, il devra apprendre à répondre comme si elle était sienne, à toute sensation éprouvée par un autre, si humble ou si élevé soit-il. Peu à peu, par un exercice constant, il lui faut s'identifier avec les autres dans les circonstances diverses de leurs existences variées. Il doit apprendre la leçon de la joie et celle des larmes, et ceci n'est possible que lorsqu'il a transmué son moi séparé, lorsqu'il ne demande plus quoi que ce soit pour lui-même mais comprend qu'il doit désormais trouver sa vie uniquement dans la Vie. L'objet de sa première lutte cruelle est de rejeter tout ce qui jusqu'alors a été pour lui vie, conscience, réalité, et de continuer sa route seul et dépouillé, ne s'identifiant plus avec aucune forme. Il doit apprendre la loi de la vie par le moyen de laquelle seulement la divinité intérieure peut se manifester, loi qui est l'antithèse de son passé. La loi de la forme est de prendre, celle de la vie est de donner. La vie grandit en se répandant dans la forme à flots [Page 19] sans cesse renouvelés à la source inépuisable de vie située au coeur de l'univers; plus la vie se répand, plus le torrent intérieur grossit. Tout d'abord il semble au nouveau Christ que sa vie l'abandonne, que ses mains restent vides après avoir répandu leurs dons sur un monde ingrat; ce n'est qu'après le sacrifice définitif de la nature inférieure que vient l'expérience de la vie éternelle et que ce qui semblait la mort de l'être se trouve être la naissance à une vie plus intense.
C'est ainsi que la conscience se développe jusqu'à ce que, ayant parcouru la première étape du sentier, le disciple voie devant lui le second portail de l'Initiation représenté symboliquement dans les Écritures chrétiennes par le Baptême du Christ. A ce moment, lorsqu'il plonge dans les flots de la douleur humaine, fleuve dont l'eau doit baptiser tout Sauveur de l'humanité, un nouveau torrent de vie divine se répand sur lui, il prend conscience de lui-même comme du Fils en qui la vie du Père trouve son expression parfaite. Il sent la vie de la Monade, son Père céleste, se répandre dans [Page 20] sa conscience, et il sait alors qu'il ne fait qu'un, non-seulement avec les hommes mais encore avec son Père céleste et qu'il ne vit sur terre que pour être l'expression de la volonté du Père, sa manifestation tangible. Désormais sa mission envers l'humanité devient la réalité la plus évidente de son existence. Il est le Fils dont les hommes doivent écouter le message, parce que par lui la Vie cachée se répand, et il est devenu le canal à travers lequel cette Vie cachée peut atteindre le monde extérieur. Il est le prêtre du Mystère qui est Dieu, il a pénétré derrière le voile et revient la face illuminée d'une gloire éclatante, reflet de la lumière du Sanctuaire.
C'est alors que commence son oeuvre d'amour symbolisée dans son activité extérieure par l'empressement qu'il apporte à guérir, à soulager; autour de lui se pressent les âmes avides de lumière et de vie, attirées par sa force intérieure et par la vie divine manifestée dans le Fils, représentant élu du Père. Les âmes affamées viennent à Lui, et II leur donne du pain, d'autres, souffrant de la souffrance du péché, s'approchent et II les guérit par sa parole vivante, les âmes aveuglées par l'ignorance réclament son secours, par Lui la radieuse sagesse se montre à leurs yeux. L'une des caractéristiques de la mission d'un Christ est que les [Page 21] abandonnés et les pauvres, les désespérés et les déchus s'approchent de lui sans aucun sentiment de séparation. Ils se sentent accueillis et non repoussés, car son être irradie la bonté et l'amour qui comprend se dégage de sa personne. En vérité l'ignorant ne sait pas qu'il est un Christ en devenir, mais il sent en lui un pouvoir qui élève, une vie qui vivifie et dans son atmosphère il puise de nouvelles forces, une nouvelle espérance.
Devant
lui se dresse le troisième Portail qui donne
accès à un nouveau stade de progrès et il jouit d'une
brève période de paix, de gloire, d'illumination symbolisée
dans les écrits chrétiens par la Transfiguration. C'est une
halte dans sa vie, un instant de repos dans son oeuvre de service, une
ascension vers la montagne où trône la paix des cieux. Et
là, près de quelques-uns de ceux qui ont reconnu sa divinité en évolution,
cette divinité brille pour un instant de tout l'éclat de
sa beauté transcendante.
Durant cette trêve au milieu du combat, il voit l'avenir qui l'attend
en une série de tableaux qui passent devant
ses yeux; il sent les [Page
22] souffrances qu'il devra endurer,
la solitude de Gethsemani, l'angoisse du Calvaire.
Dorénavant son regard restera fermement
dirigé vers Jérusalem, vers les ténèbres où il
doit descendre pour l'amour de l'humanité. Il comprend qu'avant
d'atteindre à la conscience parfaite de l'unité, il faut
qu'il subisse la quintessence de l'isolement. Jusque-là, quoique
conscient de la croissance de sa vie, il lui semblait que cette vie lui
venait du dehors; il lui faut à présent acquérir la
conscience que le centre en est en lui-même. Dans la solitude de
son coeur, il doit expérimenter la véritable unité du
Père et du Fils, unité intérieure et non extérieure,
et ensuite la perte même de la vue du Père; et pour cela tout
contact extérieur avec les hommes et avec Dieu même doit être
rompu, afin que dans son propre Esprit il trouve l'Unité.
A
mesure qu'approche l'heure sombre il ressent de plus
en plus douloureusement la faillite des sympathies
humaines auxquelles il était accoutumé à se
fier durant les dernières années de son ministère, et
lorsqu'à l'heure critique, jetant les yeux autour de lui en quête
de [Page 23] réconfort, il voit ses amis
plongés dans le sommeil
de l'indifférence,
il lui semble que tous les liens humains sont brisés, que tout amour
humain n'est qu'ironie, toute foi humaine que trahison. Il est rejeté vers
lui-même et apprend que seul subsiste le lien entre son Père
céleste
et lui et que toute aide matérielle est vaine. On nous dit qu'en cette
heure d'isolement l'Ame est remplie d'amertume et que rarement elle traverse
le vide de ce gouffre sans un cri d'angoisse. C'est alors qu'éclate
ce reproche désespéré: Eh quoi, vous
n'avez pu veiller une heure ?
Mais il n'est donné à nulle main humaine d'en presser une autre
dans la désolation de Gethsemani.
Lorsque se dissipent les ténèbres de cette heure de solitude
humaine, alors, en dépit du recul d'effroi de la nature à la
vue du calice, s'approchent les ténèbres plus profondes de
l'heure où un abîme semble se creuser entre le Père
et le Fils, entre la vie incarnée et la vie infinie. Le Père,
que la conscience percevait encore à Gethsemani, quand sommeillaient
tous les amis terrestres, est voilé durant la Passion sur la Croix.
C'est là l'épreuve
la plus cruelle pour l'Initié de perdre même la conscience de
sa vie filiale et de voir l'heure du triomphe rêvé se
changer en celle de la plus basse ignominie. [Page 24] Il
se voit entouré d'ennemis exultants et abandonné par ses amis,
par ses fidèles; il sent l'aide divine s'écrouler sous ses
pieds, et il boit jusqu'à la lie ce calice de solitude et d'isolement
sans qu'aucun contact divin ou humain vienne soutenir son âme défaillante
suspendue au-dessus de l'abîme. Alors s'échappe du plus profond
de ce coeur qui se sent abandonné même par son Père
ce cri: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné?"
Pourquoi cette dernière épreuve, cette illusion, la plus cruelle
de toutes? Illusion, en vérité, car le Christ mourant est en
contact intime avec le coeur Divin. C'est afin que le Fils sache qu'il
ne fait qu'un avec le Père qu'il cherche, qu'il reconnaisse Dieu non
seulement au dedans de lui, mais comme étant son moi le plus intime.
Ce n'est que lorsqu'il sait que l'éternel est lui-même, et que
lui-même est l'éternel qu'il a définitivement triomphé de
tout retour possible d'un sentiment de séparativité. Alors,
mais alors seulement, il est parfaitement à même d'aider les
hommes et de devenir une partie consciente de l'énergie qui élève
la race. [Page 25]
Le
Christ triomphant, le Christ de la Résurrection
et de l'Ascension a goûté l'amertume de la mort, a souffert
toutes les douleurs humaines et s'est élevé au-dessus d'elles
par la puissance de sa propre divinité. Qu'est-ce qui pourrait désormais
troubler sa paix ou détourner sa main miséricordieuse qui
se tend pour aider ? Durant son évolution, il a appris à recueillir
en lui-même
toutes les vibrations des peines humaines et à les renvoyer transformées
en vibrations paisibles et joyeuses. Son oeuvre consistait donc à transmuer,
dans ce qui était alors le cercle de son activité, des forces
discordantes en forces harmonieuses. Maintenant il doit en faire autant pour
le monde, pour cette humanité dont il est la fleur épanouie.
C'est ainsi que les Christs et leurs disciples, chacun dans la mesure de
son évolution,
protègent et aident le monde; et les luttes que l'humanité doit
soutenir seraient bien plus âpres encore, les combats qu'il lui faut
livrer infiniment plus désespérés sans la présence
au milieu d'elle de ceux dont les mains soulèvent "le lourd
Karma du monde". [Page 26]
Ceux-là même qui en sont encore à la première étape
du Sentier deviennent des forces évolutives, comme le sont d'ailleurs
tous ceux qui travaillent pour les autres avec désintéressement,
quoique les premiers le fassent plus consciemment et d'une manière
plus continue.
Mais le Christ triomphant accomplit parfaitement ce que
font d'autres à des
degrés variés d'imperfection, voilà pourquoi on l'appelle
un "Sauveur" et cette appellation le caractérise parfaitement.
Il nous sauve, non en se substituant à nous, mais en nous faisant
partager sa vie. Par sa sagesse, tous les hommes deviennent plus sages, car
sa vie se répand à flots dans le sang et dans les moelles,
dans le coeur de tous. Il n'est prisonnier d'aucune forme mais non plus étranger à aucune.
Il est l'Homme idéal, l'Homme parfait, chaque homme est une cellule
de son corps et chaque cellule participe à sa vie.
En vérité, il n'eût pas valu la peine de souffrir sur
la Croix et de parcourir le Sentier qui y mène dans le seul but d'obtenir
un peu plus tôt sa propre libération, de parvenir un peu plus
vite au repos. C'eût été payer trop cher la victoire,
si par son triomphe l'humanité tout entière ne se fût
trouvée
exaltée, si le sentier foulé par tous n'en eût été rendu
plus court. [Page 27] L'évolution de
toute la race en est accélérée,
le pèlerinage de chacun devient moins long. Telle est la pensée
qui l'inspirait dans la violence du combat, qui soutenait ses forces et adoucissait
l'angoisse des revers. Il n'est pas un être si faible, si dégradé,
si ignorant ou si coupable fût-il, qui ne se trouve rapproché de
la lumière par le fait qu'un Fils du Très-Haut a atteint le
but. Combien sera accélérée l'évolution à mesure
que ces Fils triomphants se dresseront de plus en plus nombreux pour entrer
dans la vie éternelle et consciente. Comme elle tournera vite la roue
qui élève l'homme vers la divinité à mesure
que des hommes de plus en plus nombreux deviendront consciemment
des Dieux.
Voilà où réside la force qui doit nous
stimuler, nous tous qui, dans nos moments d'aspirations les plus nobles,
nous sommes sentis attirés par la beauté du sacrifice de
la vie offert pour l'amour de l'humanité. Pensons aux souffrances
du monde qui ignore pourquoi il souffre; à la condition misérable,
au désespoir d'hommes qui ne savent ni pourquoi ils vivent, ni pourquoi
ils meurent, qui, jour après jour, [Page 28] année
après année, voient fondre sur eux et sur d'autres des souffrances
dont ils ne comprennent pas la raison d'être; qui luttent avec le
courage du désespoir ou se révoltent avec fureur contre des
circonstances qu'ils ne peuvent ni comprendre ni s'expliquer. Pensons à l'angoisse
née des ténèbres et de l'aveuglement où ils
errent sans espoir, sans aspirations, sans connaissance de la vie véritable
et de la beauté qui rayonne derrière le voile. Pensons à nos
millions de frères plongés dans l'obscurité et aux énergies évolutives
pleines de force pour les élever qui naissent
de nos peines, de nos luttes et de nos sacrifices.
Nous pouvons élever nos frères d'un degré vers la
lumière, alléger leurs douleurs, diminuer leur ignorance,
orienter leur marche vers la connaissance qui est la lumière et
la vie. Quel est celui d'entre nous qui, en sachant tant soit peu à ce
sujet, refuserait de s'offrir pour ceux qui ignorent tout? Nous savons
par la Loi immuable, par la Vérité infaillible, par la Vie
infinie de Dieu, que toute divinité est en nous, et que, si peu évoluée
qu'elle soit actuellement, ses capacités latentes sont infinies
et propres à élever et à spiritualiser
l'univers. Il n'est certainement pas un homme capable
de sentir le flux de la vie divine qui ne se [Page 29]
sente attiré par l'espoir d'aider et de bénir. Et si cette
Vie est perçue, quelque faiblement et pour un instant si bref que
ce soit, c'est parce qu'au fond du coeur tressaille le germe de ce qui
se développera jusqu'à devenir la vie du Christ, parce que
le temps approche de la naissance du Christ enfant, parce que c'est en
Lui enfin que l'humanité cherche à s'épanouir. [Page
30-31]
[Conférence faite en 1895, présidée par M. Sinnett.] |
Les Maîtres: un fait, un idéal; j'ai choisi ce double titre
car quelques-uns ne connaissent pas en tant que fait Leur existence qui
n'en est pas moins pour eux un idéal précieux et plein
d'inspiration. Il y a des membres de notre Société qui
ne croient pas en l'existence des Mahatmas. Ils sont nombreux ceux qui
font partie de la Société et qui n'ont ni connaissance
ni foi à ce sujet; le règlement de notre Société est
de ne demander à ceux qui y entrent aucune autre profession de
foi que celle qui a trait à la fraternité humaine à l'exclusion
de toutes les distinctions de surface. De sorte que, dans les limites
de la Société, on peut trouver des membres qui croient
et d'autres qui ne croient pas en l'existence présente ou passée
de ces grands Instructeurs. Mais moi, qui crois en Eux et qui sais qu'ils
existent, je ne parle pas ici au nom de la Société qui
n'a pas de dogme, mais en mon nom et en celui d'autres qui partagent
avec moi cette foi ou cette connaissance, et je vais vous présenter
ce que je crois être une preuve rationnelle, digne de considération,
preuve à laquelle vous pourrez [Page 35] réfléchir à loisir
pour vous former à son sujet l'opinion qu'il vous plaira. Je parle
aussi pour l'amour de l'idéal, car les idéals de la race
sont précieux et l'on ne doit pas les laisser insulter à la
légère ni permettre qu'on nie leur existence. Car, en dépit
du vain rire dont on s'est servi comme d'une arme, il est grand cet idéal
des Mahatmas (mot qui, en sanscrit, signifie simplement grand Esprit),
il est grand en dépit du rire et du ridicule et de tous les bavardages
dénués de sens dont ce nom a été l'objet.
Cette moquerie est un danger qui menace un grand idéal dont la
valeur passe de beaucoup les bornes de la Société Théosophique.
Car il n'est pas une seule grande religion qui ait élevé et
purifié l'esprit des hommes, pas une profonde doctrine ayant conduit
des millions d'êtres à la connaissance de la vie spirituelle
et des possibilités de l'évolution humaine, il n'en est
pas une qui n'ait basé sa foi sur un Homme Divin, qui ne reconnaisse
pour son Fondateur dans le passé l'une de ces âmes puissantes
qui ont apporté au monde la connaissance de la vérité spirituelle.
Remontez aussi loin que vous voudrez dans le passé, prenez la
doctrine qu'il vous plaira; toutes sont basées sur-ce même
idéal, toutes reconnaissent pour leur Fondateur
un Homme dont la vie est divine. [Page 36] Autour
de cet idéal se groupent tous les espoirs des hommes et aussi les
destins futurs de l'humanité. En effet, à moins que l'homme
ne soit un être spirituel, à moins qu'il n'ait en lui-même
la possibilité d'un développement spirituel, à moins
qu'il n'existe quelque preuve évidente d'hommes devenus parfaits
montrant qu'il ne s'agit pas là d'un rêve pour l'avenir,
mais bien d'une réalité atteinte déjà par
notre race; à moins qu'il ne soit vrai que devant nous tous s'ouvrent
les mêmes possibilités infinies dont l'existence a été démontrée
dans le passé par ceux qui ont réussi, toutes les espérances
des hommes sont dépourvues de fondement, les aspirations humaines
vers la perfection ne comportent aucune certitude de réalisation,
l'humanité enfin reste une chose éphémère
et non l'héritière d'une immortalité sans
bornes.
Que l'homme puisse devenir un Dieu, voilà ce qui a inspiré les
plus grands de notre race, ce qui a réconforté les plus
malheureux au milieu de leurs angoisses et auréolé l'avenir
d'un espoir qui n'est pas mensonger. Voilà pourquoi je défends
cet idéal. Qu'est, en effet, le Mahatma ? C'est l'homme devenu
parfait, l'homme qui a atteint l'état d'union avec la Divinité;
l'homme qui, par lents degrés, a développé en lui
les facultés latentes de la nature [Page 37] spirituelle
et se dresse triomphant là où nous luttons. Chaque religion,
ai-je dit, lui a rendu témoignage. Vous voyez que toutes les religions
du monde reconnaissent l'existence dans le passé d'un Divin Instructeur.
Que vous preniez le nom de Zoroastre en Perse, celui de Manou dans l'Inde
ou de Bouddha à une époque plus moderne ou celui du Christ
en Palestine, chacun d'eux désigne l'Homme divin qui apporta la
certitude de la perfection humaine à tous ceux qui entrèrent
dans sa sphère de rayonnement. Voilà l'idéal qui
a été insulté de nos jours, et c'est pour l'amour
de cet idéal que me voici devant vous pour vous
parler ce soir.
Et maintenant,
quel plan allons-nous suivre dans notre démonstration
? Je me propose d'indiquer d'abord que l'hypothèse en question est
fort vraisemblable en raison des lois de l'évolution naturelle,
ceci très brièvement et pour nous amener à la preuve
positive. Puis je pense passer à la preuve de l'existence dans le
passé de ces hommes devenus divins, puis arriver à la preuve
de leur existence actuelle, et enfin, car sans cette conclusion notre conférence
n'aurait [Page 38] pour nous
aucun résultat
pratique, je montrerai comment il est possible aux hommes de devenir parfaits,
je tracerai tout au moins une esquisse légère des méthodes
du devenir de l'Homme Divin. Envisageons donc d'abord l'hypothèse
que l'existence des Maîtres est vraisemblable en elle-même
et conforme à la loi d'analogie dans la nature telle que nous l'observons
autour de nous et que nous la trouvons dans le passé. Peu de gens
actuellement, je pense, contesteront le fait de l'évolution. Peu
nieront que notre race progresse et que, cycle après cycle, nous
trouvions des nations qui avancent et atteignent des sommets de plus en
plus élevés dans le domaine de la connaissance et dans celui
du développement.
Si l'on considère l'immense période de temps écoulée
depuis la première apparition de l'homme sur la terre, si l'on considère
d'autre part les différences énormes que nous constatons
actuellement entre le sauvage le plus primitif et le type d'homme le plus élevé tel
qu'il est généralement connu, si nous rapprochons ces
différences dans le présent des longues périodes de
temps requises par l'évolution qui nous a précédés,
je ne pense pas qu'il soit théoriquement irrationnel ou absurde
de prétendre que chez certaines individualités l'évolution
ait [Page 39] pu être portée à un
degré aussi supérieur par rapport à celui auquel est
parvenu l'homme le plus hautement civilisé de nos jours, que l'est
celui-ci par rapport au type le plus primitif de sauvage existant encore
actuellement. Et ce n'est pas tout. Non seulement nous avons d'énormes
périodes de temps derrière nous, mais encore il existe des
vestiges de civilisations puissantes qui montrent que la race a atteint
des cimes élevées tant en sagesse qu'en philosophie et en
science et en religion il y a des milliers et des milliers d'années,
je pourrais dire des centaines de milliers d'années. Car, en regardant
en arrière, vous trouverez les traces de puissantes civilisations,
impliquant la présence d'hommes du type le plus élevé,
et il serait peu rationnel de supposer que cette évolution dont
on parle tant n'ait été que flux et reflux, ne laissant rien
comme résultat, rien de plus que des périodes successives
de haute civilisation et d'extrême barbarie, puis de civilisation
recommencée sans aucun chaînon qui assure la continuité de
la connaissance.
Il n'est pas tout au moins impossible, et dans quelques instants
nous verrons qu'il est probable, que hors de ce passé puissant quelques hommes
aient surgi, s'élevant de plus en plus haut et portant
en quelques individus la race [Page 40] humaine
au même
degré de perfection où la race entière doit lentement
parvenir à son tour. Ce n'est pas impossible ni même improbable
si l'on se souvient que le progrès est la loi de la nature et qu'on
songe aux énormes périodes de temps durant lesquelles a vécu
l'humanité.
Mais laissons
cette possibilité dont je ne m'occupe que parce qu'il
est bon de nous débarrasser dès le début de l'idée
que cette hypothèse est en elle-même impossible et absurde, pour
nous tourner vers le témoignage de l'histoire. Voyons si l'histoire
ne nous montre pas de temps en temps quelque figure gigantesque qui s'élève
bien au-dessus et au delà des hommes de son temps et de la stature
habituelle de l'humanité. Voyons s'il n'existe pas de preuve irréfutable
de ce que ces hommes ne sont pas que le fruit de l'imagination populaire, qu'ils
ne sont pas seulement des hommes du passé dont la tradition exagère
le mérite et qui nous apparaissent grossis, pour ainsi dire, à travers
la brume des siècles. Je parle de ces grands Êtres auxquels j'ai fait
allusion, qui ont été les Fondateurs des grandes
religions du [Page
41] monde. Non seulement il existe à leur sujet une tradition
ininterrompue et les religions subsistent que ces Hommes fondèrent,
mais il y a plus qu'une tradition, plus que le fait d'une religion qui a
grandi, il y a une littérature définie, spéciale, dont
l'antiquité n'est
contestée par aucun savant, bien que quelques-uns lui attribuent une
antiquité plus grande que celle que d'autres sont disposés à lui
reconnaître. Prenez les dates postérieures, elles serviront mon
plan quoique je ne les considère pas comme exactes. Prenez les dates
plus récentes que pourraient vous indiquer les orientalistes qui ont étudié la
littérature de la Chine, celles de l'Inde et de la Perse sans parler
d'époques plus rapprochées. Vous trouverez là certains
livres considérés comme sacrés, des livres que la religion
proclame être d'une antiquité qu'on peut dire immémoriale.
Chez les Chinois vous trouverez des livres sacrés anciens, chez les
Parsis, disciples de Zoroastre, leurs livres traduits aussi à présent
dans votre langue. Vous avez dans l'Inde les Védas, les Upanishads, sans parler
des oeuvres plus récentes, et je pourrais, sans craindre un démenti,
vous donner de longues listes d'oeuvres puissantes, considérées
comme Écritures sacrées par les fidèles
de ces religions. Par qui ces livres [Page 42] ont-
ils été écrits, et d'où vient la sagesse qu'ils
renferment? Le fait qu'ils existent est évident, et celui qu'il faut
qu'ils aient des auteurs ne peut guère être contesté. Et
cependant ces oeuvres d'une antiquité si reculée, révèlent
une profondeur de connaissance spirituelle, une profondeur de pensée
philosophique, une profondeur de pénétration de la nature humaine
et une profondeur d'enseignement moral si merveilleuses que les esprits les
plus grands de notre temps aussi bien dans le domaine de la morale que dans
celui de la philosophie sont forcés d'admettre que ces écrits
dépassent ce qu'ils peuvent produire de plus grand et que le monde moderne
n'a rien à leur comparer qui en approche de loin pour la sublimité.
Ce n'est pas une question de tradition, mais de livres, non une question de
théorie, mais de fait ; car si ces livres sont si grands, leur morale
si pure, leur philosophie si sublime et si vaste le savoir qu'ils renferment,
leurs auteurs ont dû posséder toute la sagesse que vous y trouvez
contenue. Et la foi de millions et de millions d'hommes témoigne de
la réalité de cette vérité spirituelle, des nations
sont guidées par les enseignements qui ont été transmis
par cette voie. Mais ce n'est pas tout, ces enseignements
sont semblables en quelque [Page 43] lieu
que vous les trouviez. C'est le même enseignement de l'unité de
la Vie Divine d'où a surgi l'univers, le même enseignement de
l'identité entre l'Esprit dans l'homme et l'Esprit dont est sorti l'univers;
le même enseignement qui affirme que l'homme, à l'aide de certaines
méthodes, peut développer en lui la Vie spirituelle et parvenir,
non seulement à l'espérance et à la foi, mais à la
connaissance positive du divin. De sorte que de ces temps reculés nous
reste au moins un fait qui ne peut être nié: c'est que des hommes
vécurent dans ce passé si ancien dont la pensée fut assez
grande, la morale assez pure, la philosophie assez sublime pour survivre aux
naufrages de la civilisation et résister à la force destructrice
du temps, et que de nos jours vos orientalistes traduisent pour l'édification
du monde moderne ce que de grands hommes du passé ont enseigné et
trouvent les pensées les plus sublimes auxquelles la race ait donné naissance
dans ces Écritures qui sont venues jusqu'à nous des temps les plus reculés.
Que des hommes vécurent qui furent bien plus grands que nous sommes
et dont le savoir dépasse de beaucoup le nôtre, que nous ayons
toujours à apprendre en philosophie et dans les choses spirituelles
de ces Maîtres du passé [Page 44] qui
enseignèrent il y a milliers d'années, c'est un fait qui
ne peut être contesté. Qu'il y ait eu dans le passé des
Hommes divins que nous nommons Mahatmas, qu'ils aient laissé le témoignage
de leur existence dans cette forte et sublime littérature, voilà le
premier point de notre argumentation, savoir, la démonstration de l'existence
dans le passé, la preuve que de tels hommes ont vécu et enseigné et
que par leur enseignement ils ont guidé et aidé des millions
d'êtres humains. Que leur enseignement ait été identique
dans ses grandes lignes et dans sa puissance morale, que les vérités
spirituelles qu'il énonce aient été transmises sans changement à travers
les siècles; voilà ce dont nous pouvons parler avec certitude,
jusque-là le sol est ferme sous nos pieds.
Dans cette littérature les affirmations en appellent à l'expérience
humaine. Non seulement elles disent que certaines choses existent, mais encore
que ces choses peuvent être connues. Elles ne se contentent pas de proclamer
la réalité de l'existence de l'âme, elles ajoutent que
cette réalité peut être prouvée. De sorte que la
caractéristique de cet enseignement est d'exposer certains faits qui
demeurent vérifiables en tout temps, fournissant ainsi des preuves constamment
accumulées de l'existence réelle [Page 45] de
Ceux qui, les premiers, apportèrent au monde ces affirmations.
Passons au prochain
point de notre démonstration, à savoir
que ces témoignages ont été vérifiés par
l'expérience
et continuent à l'être de nos jours. Prenez, par exemple, un pays
comme l'Inde. Vous trouverez là une tradition ininterrompue jusqu'aux
temps actuels, tradition qui dit qu'il y a toujours eu des Instructeurs qu'on
peut trouver, Instructeurs qui possèdent la connaissance dont il est
parlé dans les livres en question, qui peuvent ajouter l'enseignement
pratique aux affirmations théoriques et rendre possible la vérification
par l'expérience de ce qui est dit être vrai dans la littérature à laquelle
j'ai fait allusion. Demandez à n'importe quel Hindou de notre temps
son opinion sur cette question, s'il n'a pas subi l'influence des idées
occidentales et que vous puissiez gagner sa confiance, il vous dira qu'il a
toujours existé dans sa patrie la croyance que ces Hommes ont vécu
dans le passé et continuent de vivre dans le présent; qu'Ils
se sont retirés de plus en plus des lieux [Page 46] habituellement
fréquentés par les hommes; qu'à mesure que le
matérialisme faisait son chemin et que décroissait la spiritualité,
il est devenu de plus en plus difficile de les découvrir, mais qu'enfin
on peut toujours parvenir jusqu'à Eux à l'occasion et que les
premières étapes du Sentier sont ouvertes à qui
veut les franchir.
Non seulement cette croyance existe, mais encore vous trouverez
dispersés
par tout le territoire de l'Inde beaucoup d'hommes qui, sans avoir atteint
encore le niveau des Mahatmas, ont gravi certains degrés supérieurs
au plan physique et développé en eux-mêmes certains pouvoirs
et certaines capacités qui seraient considérées par tout
Occidental ordinaire comme impossibles à atteindre. Je ne parle pas
en ce moment des Mahatmas, mais des centaines de Yogis, comme on les appelle,
dispersés dans les jungles et les montagnes de l'Inde, dont quelques-uns
exercent couramment des pouvoirs remarquables, pouvoirs qui ici sembleraient
invraisemblables, mais dont il existe des témoignages toujours plus
nombreux venant de la bouche des voyageurs qui recueillent et rapportent les
faits qu'ils ont contrôlés par eux-mêmes. Car les premiers
degrés du développement de l'homme intérieur ne sont pas
si difficiles à gravir et dans un pays comme l'Inde, [Page
47] où l'on n'a pas à surmonter l'obstacle du scepticisme
parce que cette croyance y existe depuis des milliers d'années, vous
trouverez beaucoup d'hommes exerçant les pouvoirs psychiques inférieurs
et quelques-uns qui ont de beaucoup dépassé ce stade et exercent
soit les pouvoirs psychiques supérieurs, soit les véritables
pouvoirs spirituels de l'homme. Et vous pourrez en trouver qui possèdent
l'expérience personnelle, vous pourrez en trouver qui connaissent personnellement
des Instructeurs, des Maîtres qui exercent leurs disciples sur le sentier
supérieur de ce qu'on appelle la Râja Yoga ou Yoga Royale,
c'est-à-dire
le Yoga qui tout d'abord exerce le mental plus que le corps et travaille au
moyen de la concentration de l'esprit, de la méditation et de l'évolution
des facultés mentales supérieures si discutées
ici.
Par un système défini d'entraînement, ces hommes se sont
rendus capables d'employer consciemment des pouvoirs de l'esprit permettant à celui
qui les possède de sortir des limitations physiques, et, en se libérant
du corps, de recevoir un enseignement qu'il peut après apporter à la
conscience inférieure et imprimer sur le cerveau physique, de manière à prouver
par sa science l'existence réelle de l'enseignement reçu et l'existence
de son maître par la [Page 48] connaissance
qu'il tient de Lui. Voici donc un nouveau point de notre
démonstration
rendu évident. Vous m'objecterez avec raison que cette évidence
n'est pas accessible à la majorité d'entre vous. Mais vous reconnaîtrez
certainement, en êtres raisonnables que vous êtes, que, si vous
désirez la connaissance, il vous faut la chercher là où on
peut la trouver, et qu'il est aussi absurde de la part de certains hommes qui
n'ont jamais fait de recherches à ce sujet, ni même essayé d'en
faire, et qui n'ont jamais voyagé, de s'installer ici à Londres
dans un cabinet de travail pour écrire sur un sujet qu'ils ne connaissent
pas, qu'il serait absurde de la part de quelque Hindou ignorant qui no s'est
jamais occupé le moins du monde de vos expériences occidentales,
mettons de l'Institut Royal, de déclarer celles-ci absolument impossibles
et grotesques, parce que lui-même n'est jamais venu ici et n'a pas eu
l'occasion de les voir exécuter. Il vous faut adopter envers le témoignage
une attitude rationnelle et, si vous ne pouvez vous-même entrer en contact
avec certains faits, avec certaines phases de la vie humaine, il vous faut,
ou bien rester ignorants, et vous devez alors garder le silence, ou bien il
vous faut accepter le témoignage de ceux qui ont fait
des recherches conscientes et [Page 49] vous
apportent le résultat
de leurs investigations.
Or quelle est la preuve de l'existence d'Hommes divins, d'Hommes parfaits,
vivant actuellement, accessibles dans certaines conditions?
Quel témoignage puis-je vous offrir de ce fait? Beaucoup d'entre vous,
sans doute, protesteront contre le premier de mes témoins; mais ce n'est
pas cette protestation qui me fera taire son nom, je parle de H. P. Blavatsky.
Je connais les attaques qui, de tous côtés, ont été dirigées
contre elle. J'ai lu les plus récentes qui, pendant mon absence, ont été lancées
contre elle, et en face de ces attaques, après les avoir lues et soigneusement
lues, je dis qu'il reste suffisamment de preuves fournies par elle et que ces
attaques n'affaiblissent en rien, preuves assez convaincantes pour être
soumises à votre examen et pour obtenir l'assentiment d'hommes raisonnables.
H. P. Blavatsky est accusée de mensonge, accusée de mauvaise
conduite, accusée de n'être rien de plus qu'un escroc, un charlatan
et un imposteur; mais certains faits demeurent, avec lesquels vous serez forcés
de compter même si [Page 52] vous
croyez, ce que je ne fais pas, en la véracité des accusations
exagérées portées contre elle. Admettez pour un moment — ce
que je nie d'ailleurs — mais admettez si vous le voulez l'une des pires
parmi ces accusations: qu'elle n'ait eu aucune espèce de contact avec
les Mahatmas, qu'elle les ait inventés, qu'ils n'aient pas existé hors
de son imagination et que tout ce qu'elle a fait ait été fausseté,
que chacun de ses actes et chacune de ses paroles aient été inspirés
par l'intention de tromper. Il vous faut tout de même
prendre acte des faits de sa vie et de ceux contenus dans
ses livres.
Il
vous faut compter avec le livre connu sous le nom de La
Doctrine Secrète,
et si vous voulez le comprendre, il faut le lire avant de le mettre de côté et
l'étudier avant d'en rire. Je dis cela intentionnellement parce que
j'ai lu l'Appendice dans lequel M. Coleman dit que cette oeuvre est pleine
de plagiats et qu'il peut prouver en maints endroits que l'auteur a puisé son
savoir dans d'autres livres; il ajoute que c'est ainsi que s'expliquerait le
savoir qui y est renfermé. Mais ce qu'il vous faut considérer
est [Page 53] ceci, c'est qu'elle
n'a jamais prétendu avoir découvert la connaissance
qu'elle apportait au monde, que sa théorie est que cette sagesse remonte à un
passé immémorial et peut être trouvée dans tout
livre sacré, dans toute philosophie, et que l'objet même de cet
ouvrage est de faire des citations prises de partout, des Écritures de toutes
les religions, des écrits de tous les peuples, pour prouver l'identité de
l'enseignement et l'antiquité de la doctrine. Ce qui est nouveau dans
ce livre ce n'est pas les faits qu'il renferme. Ce qu'il y a de nouveau dans
ce livre ce n'est pas ce que les orientalistes y ont trouvé et qui peut être
retrouvé dans l'un ou l'autre des livres sacrés du monde. Ce
qui est nouveau c'est la perception qui a permis à l'auteur de choisir
parmi tous ceux-ci les faits qui composent la conception unique et puissante
de l'évolution de l'univers, de l'évolution de l'homme, la synthèse
cohérente de toute la cosmogonie. Ce qui lui mérite le titre
de plus grand Instructeur de notre temps c'est d'avoir possédé le
savoir véritable et non la science que donnent les livres, savoir qui
lui a permis de récolter dans les livres où elles étaient
dispersées les vérités qui, assemblées, forment
un tout grandiose. C'est d'avoir possédé le
fil conducteur et d'avoir pu le suivre [Page 54] avec
une exactitude sans défaillance à travers le labyrinthe
et d'avoir montré que tous les matériaux épars recelaient
en eux-mêmes la possibilité de l'édifice
unique.
Et son oeuvre est d'autant plus admirable du fait qu'elle
la produisit sans être une savante; parce qu'elle la fit sans avoir eu l'éducation
qui lui eût, jusqu'à un certain point, permis décomposer
cette sagesse de pièces et de morceaux, parce qu'elle fit ce que nul
orientaliste n'a fait avec toute sa science, ce que tous les orientalistes
réunis et aidés de leur connaissance des langues orientales et
de la littérature de l'Orient n'ont pas fait. Il n'y en a pas un parmi
eux qui eût tiré de cette masse confuse une synthèse puissante,
pas un qui, de ce chaos, eût été capable d'édifier
un monde. Mais cette femme russe, d'éducation moyenne, cette femme russe,
qui n'était pas une érudite et ne prétendait pas en être
une, dut par un moyen quelconque acquérir une érudition qui lui
permit de faire ce qu'aucun de vos érudits ne peut faire; par une voie
quelconque, elle reçut un enseignement qui lui permit d'organiser ce
chaos et de mettre sur pied un plan grandiose d'évolution qui nous rend
compréhensibles l'univers et l'homme. Elle disait que cette sagesse
ne lui appartenait pas, elle ne prétendit jamais l'avoir créée;
elle [Page 55] parlait sans
cesse de son manque de savoir et se référait à Ceux
qui lui donnaient l'enseignement. Mais le fait auquel vous avez affaire est
celui-ci: la science est là et s'offre à la critique. Il n'est
pas une autre personne qui ait produit la même chose quoique les mêmes
matériaux dont elle s'est servie, suivant M. Coleman, soient à la
disposition du monde entier.
Et voici ma réponse: donnez-nous d'autres écrivains qui puissent
faire comme elle. Donnez-nous encore de ces plagiaires capables de recueillir à tant
de sources différentes ce qui est nécessaire pour construire
une philosophie puissante. Que ce soit là l'oeuvre de vos savants
tant vantés et qu'ils nous aident comme elle à comprendre les
religions du monde. Qu'ils nous montrent leur identité, qu'ils nous
montrent leur réalité et peut-être après cela modifierons-nous
l'opinion que nous avons d'elle; mais jusqu'à ce que cela soit accompli
ses droits demeurent entiers, quand même vous arriveriez à prouver-qu'elle
a pu errer en maintes occasions, quand même ceux-là qui ne peuvent
rivaliser avec elle d'altruisme, d'abnégation de soi-même et de
savoir, voudraient la lapider. La raison qui fait que notre foi en elle demeure
inébranlable est qu'elle nous a guidés vers
le savoir, que par son enseignement nous [Page 56] avons
acquis ce que nul autre n'a pu nous donner, qu'elle nous
a ouvert la voie vers l'acquisition de plus de connaissance
dans le même ordre d'idées
et par l'entremise des mêmes Instructeurs qui l'instruisirent elle-même.
Voilà pourquoi nous sommes assez sots, à ce que pensent les gens,
pour lui rester fidèles, à elle et à sa mémoire,
car nous avons contracté envers elle une dette de reconnaissance telle
que nous ne serons jamais à même de l'acquitter, et jamais une pierre
ne sera lancée sur sa tombe que je n'essaie de l'en faire disparaître,
pour l'amour du savoir vers lequel elle m'a conduite et le don inappréciable
qu'elle me fit par l'enseignement qu'elle créa.
Le témoignage que je vous demande de recueillir d'elle n'est pas celui
des phénomènes. Celui-là je le mets à part. Ce n'est
pas non plus celui de l'érudition, elle n'en avait pas et ne s'en est
jamais réclamée. Ce n'est pas enfin de décider si sa vie
depuis son enfance fut un modèle de perfection. C'est qu'elle possédait
un savoir défini, acquis d'une manière quelconque, et qui ne peut-être
attribué à une éducation ordinaire, qu'elle se l'assimila
en une période de temps relativement courte, étonnant sa propre
famille quand elle le produisit pour la première fois,
et qu'elle disait le tenir de [Page 57] certains
Instructeurs, le fait important étant qu'elle possédait
cette connaissance, de quelque manière qu'elle se la fût appropriée.
Voilà la preuve que je désire mettre en relief, parce que c'est
un point qui ne peut être contesté et qui pour le moment dégage
son témoignage de toute la question de supercherie. Il reste au-dessus
et au delà de cette question. Je prétends que même si vous
trouviez convaincant le témoignage employé contre elle qu'elle
alla quelquefois au delà de la vérité (je ne dis pas que
je croie qu'il en soit ainsi mais supposons que vous en soyez convaincus) cela
n'y changerait rien. Le fait demeure de cette science incarnée dans La
Doctrine Secrète qui lui sert de témoin qu'on ne peut, j'ose le
dire, récuser, et plus vous abaissez l'auteur, moins vous l'estimez, plus
vous prouvez l'existence des grands Êtres et exaltez Ceux dont elle fut l'instrument
et qui lui donnèrent ce qu'elle produisit.[Page 58]
A présent, il est une autre question à propos d'un autre de ses livres qui m'intéresse tout particulièrement. C'est un livre que vous connaissez peut-être: la Voix du Silence. Il se trouva qu'elle écrivit ce livre justement pendant que j'étais avec elle à Fontainebleau. C'est un petit livre et ce que j'en vais dire se rapporte uniquement au livre et non aux notes; celles-ci furent écrites plus tard. Le livre en lui-même est ce qu'on peut appeler un poème en prose divisé en trois parties. Elle l'écrivit à Fontainebleau et, pour la plus grande part, pendant que j'étais avec elle, me tenant dans la chambre pendant qu'elle l'écrivait. Je sais qu'elle le composa sans consulter aucun livre mais écrivant heure après heure sans interruption, exactement comme si elle le transcrivait de mémoire ou d'un livre invisible où elle aurait lu. Elle montra dans la soirée ce manuscrit que je lui avais vu écrire pendant que nous étions ensemble et me demanda ainsi qu'à d'autres personnes d'en corriger la forme anglaise, car elle l'avait écrit si vite, disait-elle, qu'elle était sûrement défectueuse. Nous [Page 59] n'y changeâmes que quelques mots et ce livre demeure un chef-d'oeuvre de merveilleuse beauté littéraire auquel rien ne peut être comparé. Or M. Coleman dit pouvoir trouver la même chose dans beaucoup d'autres livres. Je ne peux que souhaiter qu'il n'ait pas lu le livre avant de faire cette déclaration. Car c'est, comme je l'ai dit, un poème en prose, plein d'inspiration spirituelle, de nourriture pour le coeur, qui stimule les vertus les plus sublimes et contient les idéals les plus nobles. Ce n'est pas un pot pourri tiré à des sources diverses, mais un tout cohérent dans sa beauté. Il nous émeut, non par l'énoncé de faits recueillis dans les livres, mais par son appel aux instincts les plus divins de notre nature. Il est à lui-même son meilleur témoignage de la source d'où il jaillit.
Passons à présent de Mme Blavatsky elle-même à ceux
qu'elle instruisit. Notre président est l'un de ceux-là. Beaucoup
d'autres vivent ici et ailleurs qu'elle commença d'instruire et qui passèrent
ensuite de sa discipline à celle de ses Instructeurs.
Voici donc [Page
60] des témoignages accumulés venant d'hommes et de femmes qui, de
leur propre autorité, par des témoignages directs basés
sur leur expérience personnelle, attestent la réalité de
l'existence de ces Instructeurs, la connaissance personnelle qu'ils ont d'Eux
et la réalité de l'enseignement qu'ils ont reçu
d'Eux.
J'ai déposé la semaine passée dans deux de vos journaux
une faible partie de mon propre témoignage. M. Sinnett, aujourd'hui, dans
son discours d'ouverture a fait allusion à une certitude s'étendant
dans son cas à une période de plus de quinze années. Beaucoup
d'autres ont fait de même, comme la comtesse Wachtmeister, le colonel
Olcott et d'autres qui ont donné leur propre témoignage individuel.
Est-ce à dire qu'ils sont tous des fripons ? De quel droit les condamneriez-vous
de la sorte ? Ou direz-vous que ce sont tous des sots ? Mais ce sont des hommes
et des femmes menant une vie normale, des êtres qui, aux yeux de ceux qui
les connaissent, passent pour des personnes douées d'éducation
et d'intelligence et possédant les mêmes facultés de discernement
et de savoir que les autres. Va-t-on dire que nous sommes tous fous ? C'est porter
un jugement plutôt téméraire sur un nombre
toujours croissant d'hommes et de femmes en apparence [Page 61] raisonnables.
Quel témoignage autre pouvez-vous désirer de l'existence
de qui que ce soit que celui de ceux qui le connaissent, de gens honorables et
intègres qui vivent parmi vous ? Nous donnons à ces grands Êtres
notre témoignage personnel, fondé, non sur des documents, non sur
des écrits, non sur de simples lettres et autres choses de ce genre prêtant
toujours à quelque possibilité de supercherie, mais bien sur une
communion individuelle avec des Instructeurs individuels, et sur un enseignement
reçu que nous n'eussions pu acquérir d'autre façon. Voilà le
genre de certitude auquel vous avez affaire et le fait d'établir la supercherie
pratiquée par deux ou trois personnes ne détruira pas le témoignage
toujours grandissant de gens raisonnables qui entrent en rapport avec ces Instructeurs
et certifient ce qu'ils savent par eux-mêmes. Voilà le genre de
certitude avec lequel vous devez vous mesurer, voilà le genre de témoignages
qu'il vous faut récuser. Et quelque plaisir que vous puissiez prendre à la
lecture d'un écrit habile et bien tourné qui prend avantage de
la supercherie d'une seule personne pour discréditer la masse, vous ne
pouvez pas plus discréditer cette masse de témoignages
en prouvant la mauvaise foi d'un homme que vous ne pouvez
mettre en [Page
62] doute,
mettons l'authenticité de la monnaie vraie parce que dans une société un
faux monnayeur fait circuler de la fausse monnaie et que
pendant un certain temps le public peut s'y tromper et la
laisser passer.
Mais vous pouvez dire: "Nous demandons à acquérir personnellement
une certitude directe". Vous pouvez vous la procurer mais il vous
faut employer le bon moyen. Vous pouvez acquérir une certitude équivalant
pour vous à une démonstration si vous voulez bien en prendre la
peine, si vous consentez à y consacrer le temps voulu. Cette condition
n'a rien de déraisonnable. Si vous désirez vérifier par
vous-mêmes les expériences de quelque grand chimiste, suffira-t-il
que vous entriez dans un laboratoire et que vous mélangiez les produits
qui s'y trouvent? Si vous voulez vérifier quelqu'une des plus récentes
expériences de chimie, croyez-vous pouvoir le faire sans consacrer des
années de peine et d'étude à passer maîtres en cette
science qui doit servir de base à votre expérience critique ? Et
quelle valeur attacheriez-vous à la critique d'une personne absolument
ignorante en chimie, qui dirait qu'une expérience ne peut réussir,
uniquement parce qu'elle-même serait incapable de la mener à bien
sans étude et sans savoir ? [Page 63]
C'est pourquoi je vous ai promis de vous décrire l'évolution du Mahatma. Car ceux-là seuls qui sont décidés à viser ce but peuvent recevoir la démonstration absolue de l'existence de Ceux qui l'ont atteint. Tel est-le prix qu'il faut y mettre. Hors de cela, il ne reste que des probabilités, probabilités vraisemblables en vérité telles que le témoignage d'autres personnes dont vous vous contenteriez en d'autres matières et sur la foi desquelles vous transféreriez en justice des sommes d'argent considérables, d'importantes propriétés ou toute autre chose, probabilités qui s'offrent à vous à l'examen de la certitude existante dont je n'ai donné ici qu'un aperçu. Mais pour arriver à la démonstration personnelle, il faut commencer à orienter votre développement dans le sens où le Leur s'est accompli; et, afin que tout homme qui le désire puisse commencer à suivre cette voie et la poursuivre jusqu'à son point d'arrivée naturel, les degrés préliminaires du Sentier ont été révélés au monde, degrés que gravissent ceux qui atteignent la sagesse, degrés que chacun peut commencer à gravir et grâce [Page 64] auxquels il peut à son tour acquérir une certitude semblable à celle que quelques-uns d'entre nous possèdent. Deux petits livres, en particulier, ont été publiés qui décrivent l'entrée du Sentier, l'un se nomme La Lumière sur le Sentier, l'autre, celui dont j'ai parlé plus haut: La Voix du Silence; et de plus, il y a, éparses dans la littérature théosophique, beaucoup d'indications qui deviennent de plus en plus nombreuses, à mesure qu'avec le temps l'expérience individuelle des disciples s'accroît. Comment doivent donc commencer les hommes ordinaires ? S'ils désirent se procurer à eux-mêmes une certitude, quant à la possibilité de ce développement qui, lorsqu'il sera terminé, aboutira à l'Homme parfait — l'homme devenu divin — les premiers pas à faire seront ceux qu'enseigne toute religion: vivre avec attention et sans égoïsme, accomplir le devoir, quelque place dans le monde qu'on occupe. Pour employer la phrase du livre: " Suis la roue du devoir envers race et famille, ami et ennemi" (Voix du Silence), car ceux qui veulent acquérir la Science de l'âme doivent commencer ainsi, comme il a toujours été enseigné, par renoncer à la loi mauvaise et par suivre la bonne; par la pureté de la vie, le service de l'humanité, l'effort dépouillé d'égoïsme et sans cesse répété en vue [Page 65] de se rendre utiles en quelque endroit qu'ils aient été placés par la loi de la nature. L'effort qui tend à s'acquitter le plus complètement possible de toute obligation, à vivre une vie qui laisse le monde meilleur qu'ils ne l'ont trouvé, à vivre noblement, sans égoïsme et purement est une condition imposée à ceux qui veulent trouver le Sentier.
Et à présent laissez-moi vous dire qu'à moins que la réincarnation ne soit une réalité, ce développement n'est pas possible. Ce Sentier ne peut être parcouru en une seule vie humaine; ces divines facultés ne peuvent être développées dans une âme-enfant. A moins qu'il ne soit vrai que l'âme de l'homme revienne sur terre vie après vie, apportant avec elle dans chaque existence nouvelle l'expérience des vies antérieures, construisant vie après vie, et de plus en plus haut, l'édifice du caractère, en vérité le Mahatma devient une impossibilité et la perfection humaine n'est que le rêve d'un poète. Dans tout cet enseignement la réincarnation est supposée admise comme un fait fondamental [Page 66] de la nature d'où dépend la possibilité de la perfection individuelle.
Avant tout, donc,
l'homme s'appliquera à travers de nombreuses vies à vivre
bien, utilement et noblement, afin que, vie après vie, il puisse revenir
avec des qualités de plus en plus hautes et des facultés de plus
en plus nobles. Puis il arrive à un stade marqué et défini
de l'évolution humaine où l'âme, après avoir longtemps
lutté pour s'élever, parvient à dépasser un peu l'évolution
humaine ordinaire.
Il y a des êtres dépourvus d'égoïsme à un point
exceptionnel, qui montrent des facultés, une intuition, un amour exceptionnels
pour les choses spirituelles, un dévouement exceptionnel aussi, au service
de l'humanité. Lorsque ces qualités d'exception commencent à se
manifester le moment vient où l'un des grands Instructeurs prend cette
personne en main individuellement afin de guider son évolution ultérieure
et d'exercer son âme en devenir. Les premiers efforts doivent être
faits de concert avec les grandes forces spirituelles répandues à travers
le monde entier. Mais lorsque [Page 67] celles-ci
ont été utilisées, lorsque l'homme a fait, pour ainsi
dire, de son mieux dans cette direction de croissance spirituelle d'ordre général,
il arrive au stade où paraît l'Instructeur pour le guider dans la
suite de l'évolution et certaines conditions sont alors posées à la
continuation de cette évolution. Celles-ci sont exposées dans les
livres dont j'ai parlé. Résumées en une phrase ou plutôt
en deux, elles pourraient être appelées: la connaissance de la
non-séparativité, ce que je vais expliquer tout à l'heure,
et la rigide discipline du soi. D'une part, non-séparativité, de
l'autre discipline personnelle. Or, non-séparativité est un mot
technique qui signifie que l'on est intimement convaincu de son unité fondamentale
avec tout ce qui vit et respire, que l'on ne s'isole d'aucun être vivant,
que l'on ne se sent séparé ni du pécheur, ni du saint, ni
du membre le plus élevé, ni du plus bas de l'humanité, non
pas même des formes inférieures, des choses vivantes ni de celles
appelées inertes que l'on reconnaît former un seul tout dans leur
essence et n'être qu'un avec son Soi le plus intime. Comment cela se manifeste-t-il
? Par l'effort volontaire et l'entraînement délibéré vers
l'identification de soi-même avec les souffrances, avec les sentiments,
avec les désirs de l'humanité. [Page 68]
Il est dit: "Laisse ton âme prêter l'oreille à tout
cri de douleur comme le lotus met son coeur à nu pour boire le
soleil matinal. Ne permets pas à l'ardent soleil de sécher une
seule larme de souffrance, avant que tu n'aies toi-même essuyé les
yeux affligés.
Mais laisse toute larme humaine tomber brûlante sur ton coeur et
y rester, et ne l'efface jamais avant que soit disparue la douleur qui l'a causée
[la Voix, du Silence]".
Voici la première note donnée. Va vers celui qui souffre et soulage
sa douleur, mais en la soulageant, laisse-la torturer ton propre coeur
et qu'elle y demeure comme une peine constante tant que la cause de cette douleur
n'aura pas été écartée. C'est le premier degré de
la non-séparativité. Identifiez-vous avec les douleurs et les joies
du monde, que tout chagrin humain soit votre chagrin, toute souffrance, votre
souffrance, toute joie, votre joie. Votre coeur, vous dit-on, doit répondre à tout
frisson d'un autre coeur comme la corde qui vibre au diapason de la note
musicale selon laquelle elle est accordée.
Il vous faut ressentir la souffrance et l'angoisse, que dis-je,
ressentir le péché et la honte comme votre propre péché et votre
propre honte, les incorporer à votre conscience et ne jamais chercher à vous
en débarrasser. Il faut [Page 69] vous
entraîner à une
sensitivité capable de vibrer à toute
souffrance humaine et il faut la manifester par vos actes autant que par vos
sentiments, car il est dit: "L'omission d'un acte de pitié devient
une commission de péché mortel" [La Voix du Silence] .
Mais il ne suffit pas que vous ressentiez effectivement la
souffrance du monde et que vous la fassiez vôtre; il vous faut être aussi durs pour
vous-mêmes que vous êtes tendres pour ceux qui vous entourent. Vous
n'avez pas de temps à consacrer à vos peines personnelles si vous
devez faire vôtre toute la peine de l'humanité ; vous n'avez pas
de forces à dépenser en lamentations sur vos
propres chagrins si vous devez vous identifier avec tous
les chagrins du monde. Et c'est pourquoi il est dit qu'il
faut que vous soyez aussi durs envers vos propres douleurs
et vos tristesses personnelles que le noyau du fruit du manguier,
tandis que vous serez aussi tendres que sa pulpe aux douleurs
et aux tristesses des autres. [Page
70]
C'est ainsi que
vous devrez vous exercer vie après vie à vous identifier
de plus en plus avec tous les êtres, à briser toutes les barrières
qui séparent l'homme des autres hommes. Voilà pourquoi la fraternité est
la seule condition que nous imposions parce que le fait d'en reconnaître
le principe est le premier pas vers cette constatation de la non-séparativité qui
est nécessaire au progrès du disciple. Le système défini
d'entraînement auquel est soumis le disciple le rend sensible aux douleurs
de tous afin que, les ressentant, il s'empresse à les soulager, et il
l'entraîne à cette identification du soi avec tous qui doit faire
de lui finalement l'un des Sauveurs du monde. Car à mesure que cet entraînement
se déroule de vie en vie, il développe graduellement en l'être
humain une sympathie toujours croissante, une compassion toujours plus profonde,
une charité que rien ne peut troubler et une tolérance inébranlable.
Nulle offense ne peut être ressentie car le chagrin est éprouvé pour
l'offenseur et non à cause du coup reçu; nulle colère ne
peut être provoquée par un tort quelconque, [Page 71] car
vous comprenez la cause qui a fait commettre ce tort et vous êtes peiné pour
son auteur, il ne vous reste pas de temps pour la colère. Vous n'excuserez
pas le mal, vous ne direz pas que le mal est un bien, vous ne prétendrez
pas que le bien est un mal, car cela serait de la dernière cruauté et
rendrait impossible le progrès de la race. Mais, tout en constatant le
mal, vous n'éprouverez aucune colère contre son auteur car il ne
fait qu'un avec votre propre âme et vous ne ressentez rien qui vous sépare
de lui.
Pourquoi tout ceci ? Parce que, à mesure que cette croissance s'effectue,
la mémoire et la sagesse grandissent elles aussi; parce que, tandis que
ce progrès s'effectue, la vie spirituelle grandissante du disciple devient
de plus en plus apparente aux yeux des hommes, et que finalement il sera désigné comme
un travailleur dévoué à la cause de l'homme, un aide de
bonne volonté et un ouvrier assidu à la tâche de l'humanité,
travaillant pour elle à diminuer son ignorance, à lui apporter
la sagesse et à lui montrer la réalité cachée derrière
toutes les illusions du monde. Il lui faut être dur envers lui-même
car il doit se placer entre le mal et l'homme, il doit se tenir entre ses frères
plus faibles et les forces noires qui sans lui [Page 72] pourraient
les écraser. On peut ajouter, pour illustrer ce qui vient d'être
dit sur ce que doit être le disciple, qu'il doit être comme un astre
qui donne à tous la clarté et n'en emprunte à personne;
comme la neige qui intercepte le froid et la morsure du vent, pour permettre
aux semences qu'elle recouvre de dormir à l'abri du froid et de pouvoir
germer quand viendra la saison de la croissance. Tel est l'entraînement
auquel les divins Instructeurs demandent qu'on se soumette; voilà ce
qu'ils réclament de ceux qui désirent devenir disciples. C'est
l'essai qu'ils exigent tout d'abord et non l'accomplissement, l'effort pour commencer
et non la perfection; non certes la réalisation de l'idéal mais
sa poursuite malgré les chutes et en dépit des erreurs. Et, je
vous le demande, est-il vraisemblable que ceux d'entre nous qui se représentent
clairement cet idéal et qui savent que c'est cela que nos Instructeurs
nous demandent, agissent en ennemis de la société et soient autre
chose que des serviteurs de l'humanité par obéissance pour Ceux
dont ils aspirent à suivre la loi ?
Enfin, comme je l'ai dit, le moment arrive où les faiblesses humaines
sont rejetées, où la fragilité de la nature humaine se trouve
avoir été peu à peu surmontée, où une compassion
que rien ne peut ébranler, une pureté que rien
ne [Page
73] peut souiller, une science puissante et
une spiritualité capable de faire
sentir son influence, où toutes ces qualités deviennent les caractéristiques
du disciple qui approche du seuil de la libération jusqu'à ce que
luise le jour où la course sur ce sentier prend fin, l'instant où l'apprentissage
du disciple est terminé et où se présente à ses yeux
le degré le plus sublime que puisse atteindre l'Homme parfait. Alors,
pour un instant, la terre s'efface, si l'on peut dire, à l'arrière-plan;
le disciple, l'Ame libérée comme on l'appelle, l'âme qui
a conquis sa liberté et s'est affranchie des limitations humaines, se
dresse au seuil du Nirvana, de cet état de conscience parfaite et de béatitude
qui dépasse les conceptions de la pensée humaine, qui dépasse
ce que peut ressentir notre conscience limitée. A cet instant, on nous
dit que tout fait silence: silence de la Nature que l'un de ses enfants est
en train de dépasser, silence que rien n'interrompt pour un temps, quand
l'âme a consommé sa libération.
Silence partout, mais une
voix vient le rompre, voix qui exprime en un cri unique toute
la détresse
du monde laissé en arrière, le cri que pousse l'univers du fond
de ses ténèbres, de sa misère, de sa famine spirituelle,
de l'abîme de dégradation morale où il est plongé.
Et, dans [Page 74] le silence
qui entoure l'âme
libérée, ce cri qui s'élève
est le cri de détresse de la race humaine vers l'âme qui a dépassé ses
soeurs, vers l'âme qui est libre tandis que les autres demeurent
enchaînées.
Comment le disciple pourrait-il continuer sa route? Vie après vie, il a appris à s'identifier avec les hommes, vie après vie, il a appris à répondre à tout cri de douleur. Pourra-t-il avancer librement tandis que d'autres restent captifs ? Pourra-t-il se plonger dans la béatitude tandis que l'univers souffre ? Celui que nous nommons Mahatma est l'Ame libérée qui a le droit de passer outre, mais qui, pour l'amour de l'humanité, revient sur ses pas, offre son savoir pour aider l'ignorance, sa pureté pour purifier l'opprobre, sa lumière pour chasser les ténèbres, et qui reprend le fardeau de la chair jusqu'à ce que toute la race humaine soit libérée comme lui et qu'il puisse s'avancer, non pas seul, mais comme père d'une famille imposante, amenant avec lui l'humanité pour toucher ensemble le but commun et partager la commune béatitude en Nirvana. Voilà ce [Page 75] qu'est le Mahatma. Il couronne tant de vies d'efforts par le suprême renoncement, il revient sur ses pas et la perfection obtenue par le travail et la lutte, il l'emploie à aider les autres à atteindre le degré où il est parvenu. Sa main est prête à secourir tout être qui tend vers lui les bras. Son coeur répond au cri de chacun de ses frères en humanité qui implore son aide. Tous Ils attendent, enfin, que nous voulions bien être instruits et leur donner l'occasion de nous aider, à Eux qui pour nous l'assurer ont renoncé au Nirvana.
Est-ce là un idéal qui prête au rire, à la raillerie,
qui doive être tourné en dérision ? Si ce n'est qu'un rêve
c'est le plus noble rêve qu'ait fait l'humanité; c'est l'idéal
le plus fécond en inspiration et en renoncement. Pour quelques-uns c'est
un fait, un fait plus réel que la vie. Pour ceux aux yeux desquels ce
n'est pas un fait, cela peut être un idéal, idéal de sacrifice,
de sagesse et d'amour. Quelques-uns d'entre nous savent que de tels Hommes existent.
Mais quand bien même vous ne croiriez pas en Eux, il n'y a rien dans cet
idéal qui ne soit noble et [Page 76] dont
la pensée ne puisse vous élever de plus en plus vers la lumière.
Le chrétien possède le même idéal en la personne du
Christ, le bouddhiste en celle du Bouddha. Chaque religion place son idéal
en l'Homme qu'elle considère comme divin. Et nous rendons à chaque
religion le témoignage que son idéal est vrai et non faux, son
Instructeur, une réalité et non un rêve; car le Maître
est la réalisation de ce que laisse espérer le disciple, la réalisation
de l'idéal que nous adorons. Pour certains d'entre nous ces Divins Instructeurs
dont nous connaissons l'existence sont une source d'inspiration journalière.
Nous ne pouvons entrer en contact avec Eux qu'en nous efforçant de nous
purifier. Nous ne pouvons en apprendre plus long qu'en mettant en pratique ce
qu'ils ont déjà enseigné. Si j'ai parlé ici ce soir
d'abord du point de vue théorique, puis du point de vue historique, puis
du témoignage que nous vous fournissons dans le présent et enfin
des étapes que chacun peut parcourir s'il le veut, c'est parce que je
veux dégager cet idéal de tout le ridicule dont il a été accablé,
de toute la boue dont on l'a couvert, de toutes les querelles, de toutes les
disputes dont on l'a entouré. Blâmez-nous si vous le voulez, mais
ne touchez pas à ce noble idéal de perfection
humaine. Riez de [Page
77] nous, si vous le voulez, mais ne riez pas de
l'Homme parfait, de l'Homme fait Dieu, en qui, à tout prendre, croient la plupart d'entre
vous. Vous qui êtes Chrétiens, ne soyez pas traîtres à votre
religion, et ne faites pas de votre Christ une question de dogme au lieu d'une
réalité vivante que beaucoup d'entre vous savent qu'il est aujourd'hui.
Rappelez-vous que, quel que soit le nom, l'idéal reste le même;
quel que soit le titre, la pensée qu'il recouvre est
identique.
Votre développement suivra votre pensée, vos vies deviendront peu à peu
conformes à vos idéals. Car tel est le pouvoir de transformation
qui réside dans la pensée que si votre idéal est vil, votre
vie le sera également, si votre idéal est matériel, matérielle
sera votre vie. Adoptez donc cet idéal et pensez-y et vos vies seront
pénétrées de sa pureté; vous deviendrez des hommes
plus nobles parce qu'il sera le sujet de vos pensées et que vos pensées
vous transforment à leur propre image. Il est vrai que les hommes ressemblent à ce
qu'ils adorent, il est vrai qu'ils ressemblent à ce à quoi ils
pensent. Quant à cet idéal de l'Homme parfait, il contient l'espérance
de l'avenir de la race. C'est pourquoi je prends sa défense
devant vous aujourd'hui et je vous montre le [Page 78] Sentier
grâce auquel il peut d'un idéal devenir une réalité vivante,
transformant ainsi un simple espoir en un vivant Instructeur et l'idéal éthéré auquel
vous aspirez en un Ami et un Maître auquel vous pouvez
consacrer votre vie. [Page 79]
Parmi
les questions auxquelles la Théosophie donne naissance,
aucune peut-être
n'éveille plus d'intérêt et ne provoque plus d'interrogations
que celle des Maîtres. Que désigne ce terme ? Qui sont-Ils ? Où demeurent-Ils
? Que font-Ils ? On a constamment l'occasion d'entendre poser ces questions
et beaucoup d'autres. Je vais essayer de projeter un peu de lumière
sur ces questions et d'y répondre au moins partiellement.
Le terme de Maître est appliqué par les théosophes à certains êtres
humains qui ont achevé leur évolution humaine, qui sont arrivés à la
perfection humaine, qui n'ont plus rien à apprendre en ce qui concerne
notre partie du système solaire, qui, enfin, ont atteint ce que les chrétiens
appellent le salut éternel et les Hindous et les bouddhistes la libération. [Page
80]
Du temps où l'Église chrétienne détenait encore
dans sa plénitude la "Foi donnée jadis aux Saints" le
salut signifiait bien plus que le fait d'échapper à la damnation éternelle.
Il signifiait la délivrance de l'obligation de se réincarner, la
garantie contre toute possibilité d'un échec dans l'évolution.
A celui qui surmonte les obstacles était faite la promesse qu'il serait:"
un pilier dans le Temple de mon Dieu, et qu'il n'en sortirait plus".
Celui qui avait surmonté les obstacles était "sauvé".
La conception de l'état de Maître sous-entend celle de l'évolution
impliquant une expansion graduelle de la conscience incarnée dans des
formes matérielles toujours plus parfaites. La perfection qu'elle indique
doit être atteinte par tout être humain et il est clair que cette
perfection ne peut être atteinte en une seule et brève vie humaine.
On ne peut concilier avec la justice divine les différences qui séparent
les hommes, le génie du sot, le saint du criminel, l'athlète de
l'infirme, qu'en croyant que tout être humain est en cours de développement,
parti de l'état le plus sauvage pour aboutir au plus noble et que ces
différences ne sont que les signes indiquant les stades divers de cette
croissance. Au sommet d'une si longue évolution se tient le Maître,
incarnation des [Page 81] résultats les plus
transcendants que puisse atteindre l'homme en son développement
intellectuel, moral et spirituel. Il a appris toutes les leçons que peut
assimiler l'humanité; et la somme de toute l'expérience que peut
donner le monde est sienne. Au delà du point qu'il a atteint l'évolution
est supra-humaine. Si le vainqueur retourne à la vie terrestre, c'est
de son propre gré car ni la vie ne peut le saisir
ni la mort ne peut l'effleurer sans son consentement.
Il nous faut ajouter une indication encore pour rendre complète la compréhension
de l'état de Maître. Le Maître doit vivre dans un corps humain,
il doit être incarné. Un grand nombre de Ceux qui atteignent ce
niveau ne se soumettent plus au fardeau de la vie charnelle, et, ne faisant usage
que du corps spirituel, interrompent leur contact avec cette terre et passent à un
mode d'existence plus éthéré. De plus, un Maître,
comme son nom l'indique, accepte des élèves, et, strictement, ce
terme ne devrait s'appliquer qu'à Ceux qui s'acquittent spécialement
de la mission d'aider des êtres humains moins avancés à gravir
la route abrupte qui les mènera, par un raccourci, au sommet de l'évolution
humaine, bien avant la foule de leurs semblables.
On a comparé l'évolution à une route
qui [Page
82] contourne en lacets les flancs d'une
montagne, qu'elle gravit en une longue spirale le long
de laquelle l'humanité avance
lentement; il y a un sentier qui mène en droite ligne au sommet mais
il est étroit,
rocailleux et abrupt et peu nombreux sont ceux qui le découvrent. Ce
petit nombre est formé des élèves ou disciples du Maître.
Comme au temps du Christ ils doivent "tout quitter pour le suivre".
Ceux qui sont à ce même niveau mais ne prennent pas d'élèves,
sont occupés d'autre part au service du monde et nous allons en dire
quelques mots. Il n'existe pas en anglais de mot pour les distinguer des Instructeurs,
on est donc forcé de leur appliquer le même terme de Maîtres.
Dans l'Inde, où ces diverses fonctions sont connues de par des traditions
très anciennes, il y a des noms différents pour les désigner,
mais il serait difficile d'en populariser l'emploi en anglais. Nous adopterons
donc la définition suivante d'un Maître: c'est un être humain
qui s'est perfectionné au plus haut degré et n'a plus rien à apprendre
sur terre, et qui vit dans un corps physique, sur terre, pour aider l'humanité;
qui accepte des élèves désirant évoluer plus rapidement
que l'ensemble de leur race pour lui venir en aide, et sont prêts à tout
sacrifier à cet objet. [Page 83]
Peut-être devons-nous ajouter pour la gouverne de ceux
auxquels la conception théosophique de l'évolution n'est pas
familière que lorsque
nous disons: un Homme parfait nous voulons dire bien plus que ce qu'on entend
généralement par cette expression. Nous parlons d'un état
de conscience capable de fonctionner sans solution de continuité à travers
les cinq grandes sphères où l'évolution est en action:
soient les mondes physique, intermédiaire et céleste avec lesquels
tous les hommes se trouvent actuellement en corrélation, plus deux cieux
plus élevés (rappelons-nous que saint Paul a parlé du
troisième
ciel) où l'humanité ne peut encore pénétrer.
La conscience d'un Maître est à l'aise dans tous ces mondes et
les contient tous, et ses corps éthérés et subtils y fonctionnent
librement, de sorte qu'il peut à tout instant connaître et agir à volonté dans
une région quelconque de l'un quelconque d'entre eux. Le rang qu'occupent
les Maîtres est le cinquième de la grande Fraternité dont
les membres ont devancé l'évolution [Page
84] normale.
Les quatre degrés inférieurs sont occupés par des
disciples initiés qui vivent et travaillent, inconnus pour la plupart,
dans le monde d'ici-bas, exécutant la tâche qui leur est assignée
par leurs supérieurs. A de certains moments de l'histoire de l'humanité,
aux époques de crises graves, de transition d'un type de civilisation à un
autre, des membres de la Hiérarchie occulte, des Maîtres et même
des Êtres d'un rang encore plus élevé, paraissent dans
le monde. En temps normal, bien qu'incarnés dans des corps humains,
ils demeurent en des lieux retirés et inaccessibles, loin du tumulte
de la vie humaine, pour remplir la mission bienfaisante dont l'accomplissement
serait impossible dans les résidences encombrées
et bruyantes des hommes.
Jésus fut pendant les trente premières années de sa vie qui précédèrent son baptême, moment où l'Esprit de Dieu descendit en lui et y demeura désormais, élevant son corps humain à la dignité de Temple du Christ incarné, le plus pur et le plus saint des disciples. Puis, en tant qu'homme, il atteignit l'état de Maître [Page 85] et devint le Seigneur et le maître de l'Église fondée par le Christ. Il est significatif que, dans la doctrine de l'Église, on insiste sur la réalité de la survivance de son corps humain "avec lequel il s'éleva au ciel". A travers tous les âges troublés du christianisme, le maître Jésus fut le Gardien et le Pasteur de son Église, guidant, inspirant, disciplinant, purifiant siècle après siècle, et déversant à présent ce torrent de christianisme mystique qui fertilise les jardins de la chrétienté et y fait s'épanouir une fois encore des fleurs magnifiques. Revêtu d'un corps qu'il a pris en Syrie, II attend l'époque de sa réapparition dans la vie publique parmi les hommes.
Hilarion, qui fut jadis le Jamblique de l'École néo-platonicienne, qui nous donna par M. C. [Mabel Collins] La Lumière sur le Sentier et par H. P. Blavatsky La Voix du Silence, est un artiste consommé en ce qui concerne la prose poétique anglaise et l'expression mélodieuse de la pensée. Il travaille également pour les temps qui vont venir et jouera un rôle dans le drame de l'Ère nouvelle. [Page 86]
Ceux que M. Sinnett nomme M. et K. H. dans son Monde Occulte furent les deux Maîtres qui fondèrent la Société Théosophique, en employant le colonel Olcott et H. P. Blavatsky, tous deux disciples de M., à en établir les fondations. Ils fournirent à M. Sinnett les matériaux pour ses livres célèbres, l'un que nous avons mentionné plus haut, et l'autre Le Bouddhisme Ésotérique, qui apportèrent à des milliers d'individus en Occident la lumière de la Théosophie. H. P. Blavatsky a raconté comment elle rencontra le Maître M. sur le quai du Serpentine lorsqu'elle visita Londres en 1851.
Le dernier survivant
de la Maison royale des Rakoczi, connu sous le nom de Comte
de Saint-Germain dans l'histoire du dix-huitième siècle, sous celui
de Bacon au dix-septième siècle, de Robert le Moine au seizième,
d'Hunyadi Janos au quinzième, et de Christian Rosencreuz au quatorzième,
pour ne mentionner que [Page 87] quelques-unes
de ses incarnations, fut disciple au cours de toutes ces
vies laborieuses et a maintenant atteint le rang de Maître. C'est " l'Adepte Hongrois" du Monde Occulte et
quelques-uns d'entre nous le connaissent revêtu de
ce corps hongrois.
Il y a aussi le "Maître Vénitien" et "Sérapis"
qui enseigna le colonel Olcott à un moment donné, et le "Vieux
Monsieur de Tiruvallur" auquel H. P. Blavatsky donna ce nom étrange,
que Subba Rao et C. W. Leadbeater visitèrent dans sa retraite des Nilgiri,
retraite située à environ 80 milles d'Adyar, où il vit
isolé,
observant les transformations du monde et plongé au coeur des
sciences abstruses dont la chimie et l'astronomie ne sont que les enveloppes
extérieures.
Quelques-uns parmi les Maîtres sont plus ou moins connus du public et
doivent le devenir plus, avant que le présent siècle ne soit écoulé.
Ils demeurent
dans des contrées diverses, éparses dans le monde.
Le Maître Jésus réside la plupart du temps dans les montagnes
du Liban; le Maître Hilarion en Egypte dans un [Page
88] corps crétois; les Maîtres M. et K. H. tous
deux au Thibet près
de Shigatse, tous deux dans des corps hindous.
Le maître Rakoczi vit en Hongrie mais voyage beaucoup; je ne connais pas
la retraite du Maître "Vénitien" ni celle du maître
"Sérapis".
Que signifie d'ailleurs la résidence du corps physique quand l'activité du
corps subtil, qui se libère à volonté du corps plus grossier,
transporte son possesseur où il le désire à n'importe quel
moment ? Le mot lieu perd sa signification ordinaire pour ceux qui sont de libres
citoyens de l'espace, allant et venant à leur gré. Et, quoique
l'on sache qu'ils ont des résidences où demeure d'ordinaire leur
corps physique, celui-ci ressemble tellement à un simple vêtement
que l'on peut dépouillera tout moment, que la question de lieu en perd
beaucoup de son intérêt.
Ils aident, par
d'innombrables moyens, au progrès de l'humanité.
De la sphère la plus élevée, ils répandent sur
tout l'univers une lumière et une vie qui peuvent être recueillies
et assimilées aussi naturellement que la lumière [Page
89] du soleil par ceux qui sont assez réceptifs pour en profiter.
De même
que le monde matériel vit de la vie de Dieu concentrée par le
soleil comme par une lentille, de même le monde spirituel vit de la même
Vie à laquelle la Hiérarchie occulte sert de foyer. De plus,
les Maîtres qui sont en rapport direct avec les religions s'en servent
comme de réservoirs où Ils accumulent de l'énergie spirituelle
pour être distribuée entre les fidèles de chacune d'elles
par les voies de la grâce dûment désignées pour cela.
Vient ensuite la grande oeuvre intellectuelle qui consiste pour les Maîtres à émettre
des formes-pensées d'une grande puissance intellectuelle, qui doivent être
saisies par des hommes de génie, assimilées par eux et apportées
au monde par leur intermédiaire. Dans cet ordre d'idées Ils envoient également
leurs instructions à leurs disciples en leur indiquant quelles tâches
ils doivent entreprendre. Puis, c'est le travail dans le monde mental inférieur,
la génération de forme-pensées qui influent sur l'intelligence
concrète et la guident suivant des directions d'idées utiles
au monde, et l'enseignement des habitants du monde céleste. Ce sont
ensuite les activités importantes du monde intermédiaire, l'aide
aux soi-disant morts, la direction générale et le contrôle
de [Page 90] l'enseignement
des disciples plus jeunes, l'envoi de secours dans de nombreux
cas de besoin. Dans le monde physique, Ils observent la tendance
des événements,
corrigent et neutralisent, autant que la loi le permet, les mauvais courants, équilibrant
constamment les forces qui travaillent pour et celles qui travaillent contre
l'évolution, pour fortifier le bien et affaiblir le mal. Ils travaillent également
d'accord avec les Anges des nations, dirigeant les forces spirituelles tandis
que leurs collaborateurs s'occupent des forces matérielles. Ils choisissent
et rejettent des acteurs pour le grand Drame, influent sur les décisions
humaines et inspirent des impulsions utiles dans la direction
voulue.
Nous n'avons
cité que quelques-uns des modes d'activité sans cesse exercés
dans toutes les sphères par les gardiens de l'humanité, ce sont
ceux qui entrent dans le champ de notre vision limitée. Ils forment
comme un mur protecteur autour de l'humanité, à l'intérieur
duquel elle peut progresser sans être écrasée par les forces
immenses qui sont en oeuvre autour de sa demeure planétaire.
De temps en temps l'un d'Eux surgit dans le monde des hommes, sous la forme
d'un grand Instructeur religieux, pour s'acquitter de la mission de répandre
une forme nouvelle des vérités [Page 91] éternelles,
forme qui convient à une nouvelle race ou à une civilisation
nouvelle. Tous les grands Prophètes des religions du globe sont sortis
de leurs rangs, et, tant que vit une religion, l'un de ces grands Êtres reste à sa
tête avec la mission spéciale de veiller constamment
sur elle.
Au cours du siècle actuel éclatera l'une de ces grandes crises qui dans l'histoire de l'humanité marquent l'avènement d'une civilisation nouvelle. Celui qu'en Orient les hommes nomment Vérité-Sagesse ou l'Instructeur du monde et qu'en Occident on appelle le Christ, reviendra sous peu s'incarner sur terre et prendre place une fois de plus dans la foule agitée des hommes. Avec Lui viendront plusieurs des Maîtres pour l'aider dans son oeuvre et répandre au loin son message. Le torrent précipité des événements actuels, les charges intolérables qui écrasent les peuples, les menaces de guerre, le chaos des opinions politiques, sociales et religieuses, tous ces signes et bien d'autres sont les avant-coureurs des temps nouveaux, de la disparition d'une [Page 92] civilisation vieillie, de la naissance d'une ère nouvelle. En vérité, ce sera un monde nouveau que contempleront dans leur maturité les enfants d'aujourd'hui, car de nouveau retentit l'antique parole: "Voyez ! je crée un nouveau ciel et une nouvelle terre. Voyez ! je renouvelle toute chose".
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