Cette phrase, qui a été écrite
en 1881 peu après la fondation de la Société Théosophique,
se trouve aujourd'hui plus d'actualité que jamais.
Car, de même que Pandore en ouvrant sa boîte
a laissé échapper
toutes bonnes et mauvaises choses sur l'humanité (excepté l'espérance),
de même H.P. Blavatsky, en levant un coin du voile,
a rendu au monde le goût de l'occulte et a fait déverser
sur l'humanité toutes les possibilités (et
impossibilités)
de l'invisible et du psychisme. On a vu l'Inde, berceau
spirituel, se réveiller d'abord timidement, puis
de plus en plus hardiment et en arriver jusqu'à une
certaine arrogance. On a vu les écoles de yoga étudiées
de loin, observées de près, adoptées
par certains et finalement importées dans divers
pays d'Occident et d'Orient. On a vu le Bouddhisme, et
surtout ses sectes les plus sensationnelles, mises à l'honneur.
Le Zen a fait et fait encore fureur en Europe et en Amérique.
De l'Islam, on a vu refleurir le Soufisme et la secte Bah'ai.
Le Christianisme n'est pas de reste; et divers enseignements
des Maîtres
chrétiens ont été ravivés.
Même
la Théosophie n'a pas été épargnée,
et outre le développement introduit par les efforts
extraordinaires d'Annie Besant, on a vu une scission avec
William Quan Judge, une occultisation avec Alice Bayley
et une christianisation
avec l'anthroposophie de Rudolph Steiner. Au dernier Salon
des Religions et Philosophies tenu à Montréal,
on a vu défiler toute une pléiade d'écoles
de toutes sortes, qui étaient présentes;
et d'autres existent qui n'ont pas cru bon d'y être
représentées.
La méditation transcendantale fait fureur. L'Atelier
du Contrôle mental recrute de plus en plus d'adeptes.
Derrière tout ce feu d'artifice, reste la Théosophie,
qui demeure sans attirance et sans fard, comme l'Espérance
au fond de la boîte de Pandore. Eh bien, il est temps
qu'on en reparle, et il est temps qu'on remontre au monde
que l'enseignement théosophique, que l'enseignement
qu'a redonne H.P. Blavatsky au monde est un enseignement
valable, un enseignement essentiel, que la Société qu'elle
a fondée est une Véritable École et que la
Voie Théosophique est de nature à mener
l' étudiant
sincère et sérieux aussi loin qu'il veut
aller. Je crois que c'est un point qui est très
important. Cette voie peut mener aussi loin que l'étudiant
veut aller. Mais il faut qu'il veuille, et s'y astreigne.
A ce prix seulement, il arrivera.
Il y a trois sortes de connaissances. La première
est la connaissance directe, qu'on acquiert par soi-même,
en soi-même. Elle est incommunicable. Ensuite, il
y a la connaissance que les “connaisseurs
directs” ont
essaye de donner à leurs disciples. Peu de gens
ont cette chance et cet honneur de recevoir un tel enseignement
“de première main”. C'est une “connaissance
de seconde main”, et même alors, elle n'est
véritable
que pour autant que celui qui écoute est capable
de la saisir. Puis il y a une troisième sorte, c'est
la connaissance transmise par des intermédiaires,
de bouche à oreille
ou par des écrits.
Ces deux dernières catégories de connaissance
constituent le gros des doctrines et croyances des religions
et les enseignements de la plupart des groupes dit spirituels. La
SOCIETE THÉOSOPHIQUE ne vise pas à édifier
un nouveau corps de doctrine ou de croyance. Bien
qu'il existe une littérature théosophique
assez considérable
— deuxième et troisième types de connaissance
— il a été clairement déclaré qu'aucun
auteur, depuis H.P. Blavatsky jusqu'à nos jours,
n'a l'autorité pour imposer ses vues aux autres.
Autrement dit il n'y a pas une doctrine théosophique
orthodoxe. La Société Théosophique
a toujours attiré l'attention
de ses membres sur le fait que de tels livres ne sont que
des témoignages qui ont une valeur d'indication,
mais que chaque théosophe devrait suivre son propre
chemin et trouver sa propre vérité. Ceci
est la vraie quête
théosophique. Et si l'on passe en revue ceux de
nos Aînés que nous considérons comme
de grands théosophes, ils sont tous différents
et ont chacun leur caractéristique propre. Ne parlons
pas d'H.P. Blavatsky dont la vie a été exceptionnelle.
Annie Besant était
connue comme “The Warrior” (le guerrier).
Alors que Sri Ram était l'exemple même du
philosophe détaché. La quête théosophique
n'a pas de forme définie, et c'est pourquoi il ne
peut y avoir de guide, de maître, ni de code. Chaque
membre est libre de chercher, de trouver, et de poursuivre
sa propre voie. Dans cette société, il n'y
a pas de règle
extérieure, pas de contrainte d'aucune sorte. Cette
caractéristique essentielle explique la faiblesse
apparente, en nombre de membres, et surtout en recette
financière. La
Société Théosophique ne vend pas
la Spiritualité. Que ceux qui veulent
acheter facilement s'adressent à l'une des nombreuses
boutiques qui foisonnent en ce moment.
Paradoxalement, c'est cette liberté fondamentale
qui constitue le lien le plus fort, qui attache les Vrais
Théosophes à cette
Société. C'est pourquoi, il est bon que les
membres sincères, mais peu sûrs, de la Société Théosophique
sachent que, malgré son apparence chétive, la Société Théosophique
est un grand centre de force, et, en vérité,
soutient la marche ascendante de l'Humanité.
Le rôle principal dévolu à la Société Théosophique
est d'être le levain pour l'Humanité. Elle
a joué ce
rôle depuis 1875, et a encore ce rôle à jouer
pour le siècle qui s'ouvre devant elle.
Pour bien comprendre ce rôle, rappelons la devise
de la Société Théosophique: Satyân
nâsti para dharma. Cette phrase est officiellement
traduite par: “II n'y a pas de religion supérieure à la
Vérité”. En réalité,
le mot dharma, qui est traduit par religion, a un sens
beaucoup plus large et désigne tout ce qui résulte
de l'agencement d'éléments épars.
De poutres, planches, clous... la maison qui en est édifiée
est un dharma. Du père, de la mère, des enfants,
la famille qui en résulte est un dharma... A partir
de certaines idées, une philosophie qui en découle
est un dharma. De l'enseignement d'un Instructeur, une
religion qui en dérive est un dharma. La Société Théosophique
est un dharma, l'enseignement théosophique tel qu'il
a été donné par H.P. Blavatsky est
un dharma. Et aucun dharma n'est supérieur à la
Vérité (Satya).
La mission de la Société Théosophique
est donc d'être un canal pour l'expression de la Vérité.
A la fin du 19ième siècle, lorsque la Vérité a été obscurcie,
et par les religions, et par la domination de la plus grande
partie du monde par quelques nations puissantes, et par
l'adoration des biens matériels, H.P. Blavatsky
a donné une
grande secousse en démontrant l'existence et l'importance
de l'occulte. C'est elle qui a ébranlé la
quiétude
sacro-sainte des religions établies, surtout de
l'église
romaine. Son collaborateur, le Colonel Olcott réveillait
le Bouddhisme endormi dans son berceau de Ceylan (Sri Lanka).
Puis Annie Besant, en attirant l'attention du monde sur
l'Inde, berceau de la spiritualité, a réveillé en
sursaut cette même Inde qu'elle a menée à l'indépendance.
Annie Besant et Leadbeater, par leurs recherches clairvoyantes,
ont contribué à un élargissement de
la conscience des scientifiques. En effet.
entre autres choses, avec “La Chimie Occulte”,
ils ont été les premiers à introduire
la notion d'isotopie. Ils ont découvert, avant la
Science, le deuterium et le tritium.
Sur le plan humain, la Société a déclare
comme premier but: Former un noyau de la fraternité universelle,
sans distinction de race, de sexe, de credo, de caste ou
de couleur. Cette même formulation se trouve dans
la déclaration des droits de l'homme et dans la
Charte des Nations Unies.
Le levain de l'Humanité.
Et la pâte s'est levée. Avec la fin du Kali-Yuga,
où tout s'accélère, la levée
est de plus en plus rapide, et l'on voit, de nos jours, toutes
les idées et réalisations que la Société Théosophique
a eu le courage de promouvoir en 1875, se développer,
se propager, et dépasser au loin, laissant presque
dans l'ombre la Société Théosophique.
Avant d'aller plus loin, il est bon de rappeler un point,
pourtant bien développé dans “La Clé de
la Théosophie”, un livre de base écrit
par H.P. Blavatsky et présentement presque complètement
oublié. C'est que cette Société, qui
a été fondée en 1875, n'était
que la renaissance d'une autre, qui fleurissait vers les
troisième, quatrième et cinquième
siècles
de notre ère. Oui, la Soeur aînée
de cette Société est l'école éclectique
de théosophie d'Alexandrie. Le fondateur reconnu
de cette école était Ammonius Saccas, qui
aurait reçu son enseignement d'un prêtre égyptien
connu sous le nom de Pot-Amon. De cette école, plusieurs
adeptes sont bien connus: Plotin, Porphyre, Jamblique,
Proclus, Origène parmi d'autres. Il y aurait beaucoup à dire
sur chacun d'eux. Mais l'idée centrale de cette école
mérite qu'on s'y attarde. Cette école fut,
en effet, appelée éclectique parce que son
attitude était de sélectionner ce qui était
commun dans toutes les religions et traditions éthiques,
en vue de constituer une religion ou une philosophie unifiante.
C'est dans cet esprit que Plotin et Origène ont
tenté de
rallier le Christianisme naissant à l'ancienne religion égyptienne,
qui était alors bien implantée en Grèce.
Mais il y a plus, et l'on peut lire des relations très
instructives dans les oeuvres de Plotin: avec les
armées
d'Alexandre, des adeptes de l'école sont allés
aux Indes, et en sont revenus ave des renseignements de
première
main sur les philosophies et les pratiques spirituelles
hindoues. Une pratique était très en vogue à cette époque:
la gymnosophie. Eh bien, ce n'est rien d'autre que la hatha
yoga, qui connaît de nos jours aussi une
mode très répandue. C'est de l'Inde aussi
qu'est venu l'aspect thaumaturgique (magique) de cette école
prônée surtout par Jamblique.
Comme Confucius a dit: Pour acquérir la Sagesse,
il faut apprendre l'histoire. Après quatorze siècles,
nous nous retrouvons dans une situation quasiment identique.
Et quelle est cette situation ? Une grande confusion, due à la
prolifération de sectes, de groupes et de mages.
Les théosophes, surtout les nouveaux et les jeunes,
ne savent plus où donner de la tête. Et la
tendance grandissante est de s'intéresser à l'une
puis à l'autre,
puis à une autre de ces écoles, sans en étudier
aucune à fond. Ceci est le plus grand péché en
Occultisme. Et, dans la situation présente,
le rôle
de la Société Théosophique, servante
de la Vérité, est, à nouveau, de montrer
la Voie.
La Société Théosophique, dans son
histoire -- c'est-à-dire en développant son
activité selon
les besoins du monde — est passée par
plusieurs étapes: Établissement de l'enseignement
théosophique moderne, spécialisation,
intégration. Elle arrive maintenant à une
quatrième étape,
celle de la Réalisation.
Il a été dit plus haut que cette Société se
distingue des autres par l'absolue liberté laissée à chaque
membre de suivre sa propre voie. “II appartient au
membre de devenir un Théosophe”. En vue
de ceci, un enseignement a été donné initialement
par H.P. Blavatsky, puis codifié par les soins d'Annie
Besant. S'il n'est pas obligatoire de s'y conformer, il est
nécessaire de se pénétrer de cet enseignement
si l'on veut être un vrai théosophe. Et de tout
cet enseignement, l'Anatomie occulte - ou intégrale — de
l'homme est le point central. C'est la base de tout perfectionnement.
Combien d'entre nous ont étudié convenablement,
consciencieusement ce point ? Et combien d'entre nous s'en
sont servis pour se perfectionner réellement ? Car
c'est là que réside la clé. Il faut
vouloir. Puis mettre ce vouloir en application. Cette anatomie
de l'homme est tellement bien expliquée, qu'une fois
comprise, elle vous permet de comprendre tous les systèmes
de yoga. C'est ici que réside la valeur inestimable
de l'enseignement théosophique.
Étant la synthèse de l'essence des enseignements
de toutes les religions, philosophies et traditions, la
Théosophie
confère à ses étudiants une connaissance
centrale qui permet de comprendre tous les systèmes.
Ainsi un théosophe, contrairement à la tendance
actuelle et par trop générale de croire qu'il
faut courir à droite et à gauche pour obtenir
une sorte de connaissance, puis une autre, un théosophe
donc, qui a bien étudié la Théosophie,
n'a besoin d'aller nulle part ailleurs, et sera, par sa
connaissance de la Théosophie, capable de comprendre
— et, non seulement comprendre, mais aussi aider
les adeptes de tout système.
Cette tendance actuelle à s'adresser aux divers
“maîtres” est
certes une preuve d'une apparente ouverture d'esprit, mais
est plutôt néfaste au véritable travail
qui consiste à approfondir nos connaissances. Et,
souvenons-nous que si la Théosophie couvre tout,
n'importe quoi n'est pas la Théosophie. Ceux
donc qui se sont bien pénétrés de
l'enseignement théosophique n'ont aucun mal à comprendre
la voie droite, immédiate, sans détour, sans
complication, qui a été expliquée
de façon
si merveilleuse, récemment, par I.K. Taimni. Avec
Taimni, la Société Théosophique a
reçu
ce qu'il lui faut pour entrer dans la quatrième étape,
celle de la Réalisation. C'est par la Réalisation,
seulement, que la Société Théosophique
pourra rester sur la crête de la vague, et jouer,
en ce nouveau siècle de son existence, son rôle
de levain.
Il est temps maintenant de rappeler les objets non déclarés
de la Société Théosophique. On peut
les glaner dans certains écrits, et surtout dans
les
“Lettres des Mahatmas à A.P. Sinnett”.
Le premier de ces objets est ”“de soulever
un peu le lourd karma du monde”. En regardant grandir
ses enfants, on s'oublie bien souvent. En regardant proliférer
cette progéniture
de yogas, les théosophes oublient par trop leur
tâche
propre. Il est important donc de rappeler que rien de
ce qui a été dit, écrit ou fait
dans cette Société n'a de valeur, s'il
n'a été dit, écrit
ou fait en vue d'aider l'humanité. Le yoga
n'intéresse
le théosophe que parce qu'il lui permet d'acquérir
la maîtrise de soi et conséquemment une plus
grande puissance de servir. Se perfectionner pour se perfectionner
n'est pas notre but. Le deuxième objet de la fondation
de la Société Théosophique est de
réunir
en son sein les éléments pour la formation
de la nouvelle humanité. La Société Théosophique
n'est certes pas le seul canal, mais en est un; il est
bon de s'en souvenir.
Le troisième objet, qui est un corollaire des deux
premiers, est d'être une école de formation
de serviteurs de l'humanité, ceux qu'on appelle
disciples (tous ces termes sont par trop oubliés
de nos jours, et l'on en arrive à s'excuser en les
employant; c'est pourtant clair dans les écrits
les plus importants). Dans cette optique, une section intérieure
a été créée
par H.P. Blavatsky.
II est important que tous les membres en soient informés.
L'appartenance à cette section intérieure
ne comporte aucun privilège, seulement des devoirs.
Et ceux qui sont disposés à se préparer à servir
trouveront le chemin qui y mène.
La Voie théosophique est basée sur
l'enseignement théosophique. Si l'on ne connaît
pas à fond
cet enseignement, cette voie ne devient pas une réalité.
Mais avec l'étude et l'application, cet enseignement
devient de plus en plus clair et la voie peut être
suivie de façon de plus en plus réelle. Selon
l'enseignement théosophique, l'homme extérieur
-- ou la personnalité — doit finalement être
connu, discipliné, maîtrisé, et alors
seulement le pont (Antahkarana) peut être franchi
pour entrer dans le domaine de la Réalité.
Il est temps que les théosophes réalisent qu'il
y a une voie théosophique, la suivent avec détermination,
afin de pouvoir, par une preuve vivante, et non seulement
par l'intellect, démontrer cette affirmation faite,
en 1881, par le vrai fondateur de la Société Théosophique:“ La
doctrine que nous promulguons est la Vérité,
rien que la Vérité”.
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