Dans
son style vif et imagé, Eliphas Lévi fait
une observation sur la Mort: "Les cadavres ne
sont que les feuilles mortes de l' arbre de la vie, qui
aura de nouveau toutes ses feuilles au printemps".
La vie dans sa totalité, et l' être
humain en particulier, sont des arbres de vie, et les cadavres
ne sont pas uniquement physiques (même les cellules
du corps qui meurent par millions alors que le corps vit
et prospère, peuvent être comparées
à ces feuilles mortes), mais aussi astrals et mentais.
Dans les ouvrages des débuts de la Théosophie,
on parle "d' ombres", qui sont les restes
astrals de l' entité
morte, réanimés par quelque énergie
de pensée,
ou par quelque entité qui, n' éprouvant pas
de répugnance
vis-à-vis d' elles, est capable de les utiliser. A
part quelques groupes de spirites et peut-être quelques
occultistes égarés,
la pensée moderne ne s' intéresse pas à ces
phénomènes
marginaux tels que les élémentaires ombres,
etc., qui semblent avoir été plus proches
des hommes dans le passé
qu 'actuellement. De même que les feuilles mortes tombent
de l' arbre, de même ces ombres incarnant les tendances
Kama-manasiques de l' entité qui s' est retirée,
se détachent
à un certain moment et en général se
désintègrent.
L' arbre aura de nouvelles feuilles au printemps, car la
vie est éternelle
et impérissable. L' arbre de vie qu 'est chaque être
humain se développe périodiquement et puis
meurt jusqu 'à ses racines. L' arbre continuera à subir
ces changements jusqu 'à ce qu' il soit complètement
transformé
et devenu un arbre de Vie et de Sagesse, non un arbre du
bien et du mal. En d' autres termes, lorsqu 'une personne
exprime la Sagesse, de tout son être, elle n'a plus à se
dépouiller;
les feuilles qui constituent son expression seront toujours
des feuilles printanières, éternellement fraîches,
n' ayant rien en elles qui puisse provoquer la décomposition.
Eliphas Lévi poursuit en remarquant que « la
résurrection
de l' homme ressemble éternellement à ces feuilles ».
Ressusciter n' est pas renaître dans la matière,
mais renaître en Esprit qui est hors du temps et
donc ne se décompose
pas. L' énergie du courant individuel de vie remonte
vers l' Esprit, lorsqu' il n' est plus attiré par
la matière
et la sensation.
Dans la mythologie Indienne, où tant de vérités
sont exprimées sous forme de paraboles ou sous forme
allégorique,
méthode souvent employée aux premiers temps
de l' humanité,
on dit que les Dévas ont trois attributs. Le mot Déva,
notons-le ici, est employé pour différentes
classes d' entités non physiques, depuis les petits
esprits de la nature, en bas de l' échelle, qui
sont comme de petits enfants, jusqu' aux Êtres supérieurs
dont l' homme ne peut pas concevoir les activités,
qui se trouvent en haut. Entre les deux se trouvent les
Dévas, qui, bien que n' ayant pas de corps physique,
sont humains dans leur nature psychique. Le mythe parle
de l'apparation en forme physique de Dévas humains.
On peut s' apercevoir que ce sont des Dévas, à trois
signes, nous dit-on. Les trois signes en question sont
tous physiques, mais peuvent être
interprétés comme reflétant la nature
psychique ou spirituelle de ces Êtres. L' un d' eux
est que les Dévas
ne transpirent jamais, l' autre qu 'ils regardent sans cligner
des yeux, et le troisième qu 'ils ne projettent pas
d' ombre. Un Déva ne transpire jamais, car son corps
n' est qu 'une forme matérialisée, capable
de faire ce qu' il désire,
ce n' est pas un corps organique comme le nôtre. Mais
cela nous suggère l' idée qu' un Déva
vit et agit sans effort. Quand il n'y a ni effort ni tension
dans ce que l' on fait, il y a toujours vitalité et
fraîcheur. Il y a, sans aucun
doute, dépense d' énergie, mais il peut y avoir
un apport correspondant de vitalité.
Le fait de n' avoir pas de clignements de paupières
peut être
dû à ce que le corps étant une création
artificielle, n'a pas tous les détails des processus
physiologiques, mais cela suggère aussi une attention
qui ne se relâche
pas, et s' intéresse sans effort à ce qu 'elle
fait ou observe. Le Déva peut entrer en communion,
pour ainsi dire, avec ce qui l' attire sans que son attention
dévie, sans que
le mental se disperse.
Il ne porte pas d' ombre physique, peut-être parce
que sa forme
étant illusoire, n' est pas suffisamment dense. Métaphoriquement,
cela peut signifier qu' il est translucide, sans opacité.
Ces caractéristiques physiques indiquent peut-être
l' être
qu' il est spirituellement. Le fait qu' il ne disparaisse
pas vient du flux de vitalité intérieure.
Lorsque la fontaine intérieure n' est pas bloquée
ou entravée, le
courant qui en sort a les qualités de fraîcheur
et de clarté des eaux pures de la vie. L' homme ressuscité,
comparé aux feuilles du printemps, est supposé avoir
les qualités ci-dessus: l' action sans effort, l' éveil
constant (radiation constante de la conscience) et la
pureté
qui le rend translucide.
J. Krishnamurti énonce quelque chose de profondément
intéressant, lorsqu' il dit (ou semble dire) que
la mort, la vie et l' amour sont une seule et même
chose. Présenté
ainsi, cela nous semble inintelligible. Mais cette affirmation
peut se rapporter à un état de l' être,
du mental et du coeur, qui participe des trois — mourant à tous
moments
à l' accumulation que représente le passé,
bourgeonnant de vie dans le présent et aimant à tout
instant, comme quelque chose de toujours renouvelé,
et d' une qualité
ne reposant pas sur le temps.
La vie et la mort ne sont pas comme les deux faces d' une
pièce
de monnaie. Elles sont des phénomènes semblables
au lever et au coucher du soleil. Le soleil peut se coucher à
Madras, et en même temps se lever à Chicago.
Une personne meurt dans notre monde, mais apparaît
simultanément dans
un autre. Le lever et le coucher du soleil sont des phénomènes
illusoires, causés par la rotation de la terre autour
de son axe, et l' angle de notre horizon par rapport aux
rayons du soleil, tandis que le soleil reste fixe au centre
du système. Si le
soleil représente l' Esprit ou la Vie à sa
source, l' Esprit, selon la Gîtâ, ne naît
ni ne meurt; bien que, ainsi qu' on nous le dit dans l'
une des Lettres des Mahatmas,
"l' Esprit dans la matière est la vie".
La vie peut exister sous diverses formes et à différents
degrés.
Quand la vie se retire de son enveloppe de matière —
ce qui est la mort — elle retrouve sa condition originelle,
qui est la résurrection en Esprit et en liberté.
Ce processus consiste à effacer le passé tel
qu' il se reflète dans le présent, et à un
retour à
la liberté pour l' entité qui, alors qu 'elle
n' était
pas conscience, s' était laissée emprisonner
par des souvenirs et obsessions du passé. Cette dissolution
couche par couche est « le bain d' oubli» qui
permet à
la Vie individuelle de retrouver sa condition originelle,
neuve et innocente. Dans ce bain d' oubli la Vie individuelle
n' abandonne rien de sa propre nature,qui brille comme de
l' or pur dont on a retiré
les scories, ou comme des feuilles printanières. Quand
tout ce qui a été accumulé dans le
temps a disparu, ce qui est éternel se manifeste.
La vie individualisée et la forme vont de pair. Il
faut un vêtement à la manifestation de la vie,
pas nécessairement
un vêtement physique. Sans forme pour agir, la Vie
ne peut exister qu 'à l' état potentiel, qui
pour nous est une abstraction. En parlant de l' Esprit,
la lettre des Mahatmas précédemment
citée dit : "Qu' est-ce que l' Esprit, pur et impersonnel,
en soi ? Un tel Esprit est une non-entité, une pure
abstraction, il n' existe pas pour nos sens, même
pour le plus spirituel". Puisque l' Esprit dans
sa matière est la
Vie, à
la source ils sont une seule et même chose. L' énergie
que nous appelons Vie, bien qu 'elle occupe un certain espace,
peut se réduire à un point, et c' est apparemment
ce qu 'elle fait pendant le pralaya, la nuit de Brahmâ (la
Divinité
dans sa première manifestation) selon les livres Hindous,
quand tout l' univers revient à sa source. Cette
nuit suit cycliquement le jour de Brahmâ, période
active de l' univers, appelé
Manvantara. On nous dit qu' il existe des pralayas mineurs,
pendant lesquels seules des parties de l' univers constituant
des systèmes,
s' endorment ou deviennent latents. Mais en plus de cela
il existe le Nitya Pralaya, qui peut être traduit
par Pralaya ou mort
à chaque instant. Cela peut désigner la mort
de millions d' êtres humains, ou la mort d' autres
vies survenant à
tout moment. Cela peut aussi se référer à l'
état d' esprit et de coeur qui est une mort à toute
expérience, agréable ou douloureuse, auquel
cas ce serait aussi une résurrection, à chaque
instant. Cette mort est un perpétuel coucher du
Soleil de la conscience individuelle, pour ce qui est passé,
et un lever simultané du Soleil
pour ce qui est présent.
La Mort et la Vie sont perpétuellement mêlées.
Toutes deux semblent être présentes au même
endroit, par exemple la vie de l' ensemble du corps, et
la mort des cellules qui constituent ce corps. La forme
ou organisme sont composés
de parties, et le cycle de vie de l' ensemble ne coïncide
pas avec le cycle de vie des parties. Ainsi que l' exprime
un livre remarquable, Le Rêve de Ravan, d'
un auteur anonyme, paru en feuilleton, au milieu du siècle dernier, dans
un journal de l' Université
de Dublin, la terre entière est un vaste charnier,
quand on se tourne vers son passé. Des espèces
vivantes innombrables y meurent depuis des millions d' années,
et la terre est couverte de leur poussière et de
leurs fragments. Et cependant parmi tous ceux qui sont morts
depuis longtemps, et parmi ceux qui meurent, on voit la
vie dans toute sa gloire et dans toutes ses variétés.
La fontaine de vie, qui est sous terre, ne cesse de fonctionner
et ses eaux empruntent toutes les voies possibles. Bien
que le Temps détruise tout, il ne peut détruire
que les formes de matière. Il ne peut toucher la
Vie ou l' Esprit, qui, existant toujours dans ce moment
fugitif qu 'est le présent, est hors
d' atteinte du Temps.
Eliphas Lévi continue en disant que "les formes
périssables
sont conditionnées par des modèles immortels".
Le mot "conditionné" signifie
ici que les formes périssables (c' est-à-dire
toutes les choses vivantes) prennent la forme d' un modèle
immortel, l' archétype
ou Idée de Platon. Dans Isis Dévoilée,
H.P.B. affirme que "chaque mortel a sa contrepartie
immortelle, son archétype au Ciel".
Le Ciel signifie ici le Ciel des Idées Divines. Elle
parle de l' être humain mortel,
tandis que les formes périssables d' Eliphas Lévi
englobent aussi les animaux et les plantes. La forme périssable
cherche
à se rapprocher, quelle que soit la distance, de sa
contrepartie immortelle, et est reliée à elle
par des fils subtils. H.P.B. dit qu 'elle est « indissolublement
unie à son
archétype », et dans le cas de l' homme, « unie
par son principe spirituel - intellectuel ». Ce principe
intellectuel n' est pas le mental, influencé par
différentes sortes
de désirs et de sensations, mais un prolongement de
l' Esprit, en fait, son instrument. Eliphas Lévi
semble dire que pour tout ce qui est imparfait et donc périssable,
il y a un modèle
correspondant, parfait et impérissable. La forme périssable
est une tentative de la part de la Nature pour se conformer
au modèle
de cet archétype immortel. Il dit donc: "Tous
ceux qui ont vécu sur terre, y vivent encore sous
l' aspect d' exemplaires nouveaux de leur modèle".
Toutes sortes d' animaux ont vécu à la surface
de la terre, et ont disparu depuis. Les créatures
que nous voyons maintenant sont les nouveaux exemplaires.
A différentes périodes
il existe des formes à différents stades représentant
le modèle immortel. On pourrait appeler les formes
périssables
d' ici-bas les ombres des formes parfaites se trouvant ailleurs.
En d' autres termes, l' évolution comporte une succession
de formes, chacune meilleure que la précédente,
et sous certains angles, très différente,
mais toutes reflètent
à différents degrés le même modèle
idéal. Eliphas Lévi, parlant des formes périssables,
indique que tandis que la mort existe de ce côté-ci,
il existe une correspondance immortelle de l' autre côté.
La Mort est la contre-partie de l' Immortalité.
Eliphas Lévi dit plus loin que "les âmes
qui ont dépassé leur modèle, reçoivent
ailleurs une forme nouvelle fondée sur un type plus
parfait, à
mesure qu' elles gravissent l' échelle des mondes".
En d' autres termes, il y a le modèle et les formes
qui s' en approchent. Quand l' âme a évolué au-delà
des limites de ce modèle, elle reçoit ailleurs
cette nouvelle forme dont il parle. Il se peut qu' il pense à la
vie dans une autre sphère ou un autre système.
Si les
âmes individuelles ont atteint le sommet dans des conditions
données, elles peuvent évoluer davantage vers
un type supérieur, car la capacité de ces âmes
est illimitée
et infinie.
Après avoir parlé de ces prototypes, il parle
de l'
âme de l' homme et dit : "Nos âmes sont
en quelque sorte, la musique dont nos corps sont les instruments,
mais elles ne peuvent se faire entendre sans intermédiaire
matériel" ce qui est précisément
l' idée
exprimée
par Platon.
La musique a différents effets sur l' homme et a des
qualités
très différentes. Elle peut être un simple
rythme; elle peut devenir une fantaisie irréelle.
En fait, il existe des compositions musicales que l' on
nomme "Fantasia";
c' est-à-dire que leur musique s' apparente au rêve.
Dans la constitution humaine ce genre d' action et d' expérience
est lié à la psyché, cette âme
subtile et semi-matérielle, distincte de l' âme
spirituelle qui est une expression de l' Esprit. Tout
rêve est forcément
une projection du soi psychique. L'âme spirituelle,
Bouddhi, ne rêve pas, car la nature même de
l' Esprit est d' être
éveillé pour percevoir tout ce qui peut être
perçu,
tout ce qui est. Quand cette âme n' est pas éveillée
ou active elle peut se retirer dans un état de pralaya,
un
état d' absolu, ou samadhi, terme indien familier,
trop souvent identifié avec l' absence de conscience.
Ce que l' Esprit ou
âme spirituelle perçoit doit être la vérité,
mais la vérité est intérieure et infinie.
L'
âme spirituelle représente les parties de cette
vérité
qu 'elle a réussi à attirer à elle-même.
L' action de la psyché, et celle de l' individualité
spirituelle de l' homme, ses rêves et ses réalisations
peuvent être représentées sous forme
de musique. Mais on doit faire une distinction nette entre
la musique qui satisfait la nature psychique, qui est habituellement
quelque chose de composite, et celle qui représente
les intuitions et réalisations
de l' âme spirituelle. La qualité de la musique
différerait
de manière correspondante.
La musique peut susciter diverses humeurs ou états émotionnels,
la musique indienne l'a étudié et reconnu.
Les anciens maîtres aimaient produire de la musique
capable d' évoquer
l' amour, la sérénité, la tristesse,
l' action
énergique, etc.. Lord Byron a écrit un poème
sur Alexandre le Grand qui illustre de manière frappante
les contrastes d' humeur engendrés par la musique.
Il y a, chez tout individu une vérité, une
beauté
unique, mais. elle est si profondément enfouie en
lui-même,
qu 'elle est difficile à percevoir. Cette beauté ou
vérité se manifeste dans l' âme spirituelle,
et se reflète dans son caractère et sa manière
de voir. H.P.B., en traduisant Bouddhi par âme spirituelle,
lui a donné une profondeur que l' on oublie souvent,
en utilisant communément ce terme. "Bouddhi" a
apparemment différents sens, ainsi que chacun a
pu le noter d' après
les contextes où on rencontre ce terme dans la Gîtâ.
Elle modèle la psyché conformément à ce
qu 'elle est, ce qui fait partie du processus devant accorder
l' homme
à son archétype. La psyché devient alors
un prolongement du spirituel, une version en un idiome différent,
avec des notes différentes, peut-être plus
fouillée, plus
de détails illustrant ses qualités spirituelles,
mais nécessairement moins profonde, avec moins de
pénétration,
et moins de suggestions inconnues telle qu' il en existe
toujours dans chaque parcelle d' Esprit. La nature psychique
est transformée
et transfigurée, tandis que l' âme spirituelle
ne fait que s' épanouir et révéler
ce qui y est déjà
présent.
Le processus consistant à accorder parfaitement la
nature psychique
à la nature spirituelle, peut être envisagée
comme une succession de remodelages, ou comme le fait de
repeindre plusieurs fois un tableau, ou encore comme la
modification d' une mélodie
ordinaire par des variations lui conférant une beauté
inconcevable. Toutes ces comparaisons expriment la même
vérité.
Toute conception de l' âme a des chances d' être
erronée
ou défectueuse, du moins en certains points. Sa nature
ne peut
être suggérée que par des comparaisons.
Elle ne peut être communiquée à une
personne n' ayant pas la compréhension nécessaire.
Quand Eliphas Lévi
dit: "que l' âme est en quelque sorte, une musique"
qui sans un ou des corps ne peut s' exprimer, il offre matière
à réflexion, ainsi que le font beaucoup d'
autres pensées
formulées dans son article.
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