LA
DOCTRINE DU COEUR
Extraits de lettres indiennes
traduit de l'anglais
AVANT-PROPOS
d'Annie
BESANT
Apprenez
à discerner le vrai du faux, ce qui fuit toujours de
ce qui dure toujours. |
Sous le titre de LA DOCTRINE DU COEUR sont publiés ici une série d' articles comprenant principalement des extraits de lettres reçues d' amis hindous. Ils ne sont pas donnés comme ayant aucune "autorité", mais simplement comme contenant des pensées que quelque-uns d' entre nous ont trouvées utiles et que nous désirons partager avec d' autres. Ils sont destinés à ceux-là seuls qui cherchent résolument à vivre de la Vie Supérieure, et s'addressent surtout à ceux qui savent et que cette vie mène à l'entrée dans le sentier du Disciple, sous la direction des grands Etres qui le suivirent jadis et qui restent sur la terre pour aider les autres à le suivre à leur tour. Les pensées, dans ces lettres, sont des pensées communes à toutes les religions, mais le style et les sentiments sont hindous. La dévotion [Dévotion signifie ici, non pas l'observation zélée et un peu étroite de pratiques religieuses extérieures, mais la consécration absolue à l'Idéal Spirituel le plus sublime (Notes du traducteur] y est celle qui, généreuse et intense est connue en Orient sous le nom de Bhakti - la dévotion qui s'abandonne entièrement et sans réserve à Dieu et à l'Homme Divin par lequel Dieu se manifeste, dans la chair, à Son adorateur. Cette Bhakti n'a jamais trouvé d'expression plus parfaite que dans la religion hindoue. Or les auteurs de ces lettres sont des Hindous. Habitués à la richesse luxuriante du Sanscrit, ils cherchent à éveiller dans l'Anglais, au génie plus rude un faible écho de la suavité poétique qui caractérise leur propre langue. La dignité froide et réservée de l'Anglo-Saxon et son manque d'expansion n'ont rien de commun avec la surabondance du sentiment religieux jaillissant du coeur de l'Oriental aussi naturellement que le chant du gosier de l'alouette. De temps à autre, en Occident, se rencontre un vrai Bhakta (fervent), comme saint Thomas A-Kempis, sainte Thérèse, saint Jean de la Croix, saint François d'Assise, sainte Élizabeth de Hongrie. Mais, généralement, le sentiment religieux en Occident, même le plus profond et le plus véritable, tend à rester silencieux et cherche à se cacher. A ceux qui craignent l'expression du sentiment religieux ces lettres ne sont d'aucun secours; elles ne leur sont point destinés.
Portons maintenant notre attention sur un des contraste frappants de la Vie Supérieure. Nous avons tous reconnu ce fait que l'Occultisme a des exigences qui nécessitent un certain isolement et une discipline personnelle rigide. Notre bien-aimé et vénéré instructeur H.P.Blavatsky, et aussi les traditions de la Vie Occulte, nous ont enseigné que le renoncement et un réel empire sur soi-même sont exigés de l'homme qui veut franchir le seul du Temple. La Bhagavad-Gîta exhorte sans cesse à envisager avec indifférence la souffrance comme le plaisir et à garder l'équilibre parfait en toute circonstance, sans quoi aucun véritable Yoga n'est possible. Cette face de la Vie Occulte est théoriquement admise par tous, et quelques-un s'efforcent docilement de se conformer au modèle. L'autre face de la Vie Occulte est exposée dans la Voix du Silence [ Fragments choisis du Livre des préceptes d'or à l'usage journalier des disciples, traduit et annoté par H.P.Blavatsly ]; elle se montre dans cette sympathie pour tout ce qui est doué du sentiment, dans cette hâte de subvenir à tout besoin humain, dont l'expression parfaite chez Ceux que nous servons leur a valu le titre de "Maîtres de Compassion". C'est sur ce point, sous son aspect pratique et quotidien, que ces lettres ramènent nos pensées, et c'est celui que nous négligeons le plus dans nos vies, malgré toute l'impression que sa beauté parfaite peut produire sur nos coeurs. Le véritable Occultiste, tout en étant pour lui-même le plus sévère des juges,le plus inflexible des maîtres, est pour tous ceux qui l'entourent l'ami le plus sympathisant, le plus bienveillant des aides. Acquérir cette bienveillance et cette puissance de sympathie doit donc être le but de chacun de nous. Il ne peut s'atteindre qu'en témoignant sans cesse une bienveillance et une sympathie semblables à tous ceux qui nous entourent, sans exception. Tout aspirant Occultiste devrait donc être, dans sa propre maison et dans son propre milieu, la personne à qui tous ont le plus volontiers recours dans les heures de tristesse, d'anxiété, de péché, - certains de rencontrer de la sympathie, certains de trouver du secours. L'être le plus ordinaire, le plus épais, le plus stupide, le plus antipathique devrait sentir que dans celui du moins il a un ami.Toute aspiration à mener une existence meilleure, tout désir naissant d'abnégation et de service, tout voeu à demi formulé de vivre plus noblement devrait toujours le trouver prêt à encourager et à fortifier, afin que tout germe de bien puisse commencer à croitre, réchauffe et stimulé par la présence de sa nature aimante.
Pour arriver à pouvoir servir ainsi, il faut s'imposer un entraînement de chaque jour. D'abord nous devons regarder comme un fait que, dans tous, le Soi est un. Dans chaque personne avec laquelle nous entrerons en rapport, nous ferons donc abstraction de tous les côtés antipathiques de son enveloppe extérieure et reconnaîtrons le Soi au fond de son coeur. Le point à réaliser ensuite - par le sentiment et non pas seulement en théorie - c'est que le Soi s'efforce de s'exprimer à travers les enveloppes qui l'emprisonnent et que la nature intérieure, digne de tout amour, n'est défigurée à nos yeux que par les voiles qui l'entourent. Puis il faut nous identifier avec ce Soi qui, à vrai dire, est nous-mêmes en son essence, et coopérer avec lui dans la guerre contre les éléments inférieurs qui étouffent son expression. Et, puisque nous sommes forcés d'atteindre la nature inférieure de notre frère par l'intermédiaire de notre propre nature inférieure, le seul moyen de l'aider vraiment est de voir les choses comme notre frère les voit, avec ses limitations, ses préjugés et sa vue défectueuse, et, les considérant sous ce jour-là, tandis que notre nature inférieure en reçoit l'impression, d'aider notre frère à sa manière et non pas à la nôtre; car ainsi seulement se donne le véritable secours. Ici intervient l'entraîtrement Occulte. Nous apprenons à nous isoler de notre nature inférieure, à l'étudier, à partager ses sensations sans en être affectés. Aussi, pendant que, émotionnellement, nous éprouvons des impressions, intellectuellement nous sommes juges.
Il faut employer cette méthode pour aider notre frère. Tout en sentant ce qu'il sent - comme deux cordes à l'unisson donnent la même note - il faut employer notre "moi" devenu indépendant à juger, à conseiller, à relever, mais toujours de telle façon que notre frère comprenne que c'est sa propre nature supérieure qui lui parle par nos lèvres.
Il faut désirer partager ce que nous possédons de meilleur. Ce n'est pas garder, c'est donner qui est la vie de l'Esprit. Souvent notre "meilleur" aurait aussi peu d'attrait pour le frère que nous essayons d'aider que des vers sublimes pour un petit enfant. Il faut alors lui donner ce qu'il peut assimiler de meilleur et garder le reste, non parce que nous le lui refusons, mais parce qu'il n'en a pas encore besoin. Ainsi nous aident les Maîtres de Compassion, nous qui sommes à leurs yeux comme des enfants, et il nous faut aider de même ceux qui sont plus jeunes que nous dans la vie de l'Esprit.
N'oublions pas, non plus, que toute personne se trouvant avec nous à un moment quelconque est celle que le Maître nous donne à servir, à ce même moment. Si, par insouciance, impatience ou indifférence, nous négligeons de l'aider, nous négligeons le travail de nore Maître. Notre absorption dans une autre tâche nous fait souvent oublier ce devoir immédiat. Nous ne comprenons pas qu'aider une âme humaine qui nous est envoyée est notre travail présent. Nous avons besoin de nous rappeler ce danger, Il est d'autant plus subtil que le devoir sert à masquer le devoir. Or ne pas savoir discerner, c'est ne pas savoir réussir. Il ne faut pas sacrifier notre indépendance, même à aucun travail particulier. Travaillons sans cesse, certainement, mais notre âme demeurant libre, l'attention tendue et prête à saisir l'injonction la plus subtile de Celui qui peut avoir besoin de nos services pour un être en détresse, s'il veut, par notre intermédiaire, le secourir.
La sévérité, à l'égard du soi inférieur, dont j'ai parlé plus haut, est une condition nécessaire pour servir ainsi en secourant autrui, car celui-là seul qui n'a pas de soucis personnels, qui est pour lui-même indifférent au plaisir et à la douleur, est suffisamment libre pour accorder aux autres une sympathie parfaite. N'ayant besoin de rien, il peut tout donner. Sans amour pour lui-même, il devient pour les autres l'amour incarné.
En Occultisme, le livre de la vie est celui qui nous retient le plus. Si nous étudions d'autres livres, c'est seulement pour pouvoir vivre, car l'étude, même d'ouvrages Occultes, n'est un moyen de développement spirituel que si nous faisons des efforts pour vivre de la Vie Occulte. C'est la vie et non le savoir, le coeur purifié et non la tête bien remplie, qui nous amènent aux pieds de notre Maître.
Le mot "dévotion" est la clef de tout progrès véritable dans la vie spirituelle.Si, en travaillant, nous cherchons l'accroissement du mouvement spirituel et non des succès agréables, le service des Maîtres et non notre agrément personnel, nous ne pourrons être découragés par des échecs momentanés, ni par les nuages et la torpeur qui viendraient assombrir notre propre vie intérieur.
Servir pour l'amour du service, et non pour le plaisir éprouvé en servant, est un pas en avant bien marqué, car nous commençons alors à atteindre cette pondération, cet équilibre, qui nous permettent de servir avec le même contentement dans le succès comme dans l'insuccès, dans l'obscurité intérieure comme dans la lumière intérieure. Quand nous sommes arrivés à dominer la personnalité au point d'éprouver un vrai plaisir à faire, pour le Maître, un travail pénible à notre nature inférieure, le pas suivant consiste à faire ce travail avec le même entrain et la même conscience quand le plaisir disparaît et que toute la joie et la lumière s'éteignet. Autrement, en servant les Etres Saints, nous pourrions servir le soi - servir pour ce que nous recevons d'Eux au lieu de servir par amour pur.
Tant que subsiste cette forme subtile d'égoïsme, nous courons le danger d'abandonner notre service si l'obscurité nous entoure longtemps et si, au dedans,nous sentons la torpeur et le désespoir. C'est dans cette nuit de l'esprit qu'on sert le plus noblement et que les derniers lacets du soi inférieur sont rompus.
Nous insistons sur cette dévotion, car partout nous voyons les aspirants mis en danger et le progrès des Maîtres retardé par la prédominance du soi personnel. Voilà notre ennemi! Voilà notre champ de bataille! Une fois convaincu de ce fait, l'aspirant devrait accueuillir avec joie dans sa vie quotidienne tout ce qui vient écorner la personnalité; il devrait être reconnaissant envers tous les "gens désagréables" qui lui marchent sur les pieds, agacent sa sensibilité et froissent son amour propre. Ce sont là ses meilleurs amis, ses auxiliaires les plus utiles. Il ne devrait éprouver à leur égard que de la gratitude pour les services qu'ils lui rendent en meurtrissant notre plus dangereux ennemi. En envisageant ainsi la vie quotidienne, elle devient une école d'Occultisme et nous commençons à apprendre cet équilibre parfait nécessaire aux disciples d'un grade plus élevé, avant qu'un savoir plus profond, c'est-à-dire le pouvoir, puisse leur être confié. Là où font défaut un tranquille empire sur soi-même, l'indifférence pour les questions personnelles, une dévotion sereine au travail pour autrui, là il n'y a ni véritable Occultisme, ni vie vraiment spirituelle. Le psychisme inférieur ne demande, pour s'acquérir, aucune de ces qualités; aussi le pseudo-occultiste le recherche-t-il avec avidité. Mais la Lodge Blanche les exige de ses postulants et fait d'elles la condition de l'entrée dans l'Enceinte des Néophytes. Que le but de tout aspirant soit donc de se former lui-même, pour pouvoir servir, et de se soumettre à une disciple sévère afin que, "si le Maître regarde en son coeur, il puisse n'y point voir de tache". Alors Il le prendra par la main et le conduira plus avant.
Annie Besant
LA DOCTRINE DU COEUR
C'est aller au-devant d'un désastre que de baser sa foi sur la pompe des cérémonies plutôt que sur la paix de la vie intérieure, indépedante du mode de l'existence du dehors. En réalité, plus les circonstances sont fâcheuses, plus il coûte d'en vivre entouré et plus on se rapproche du but final aidé en cela par la nature même des épreuves à surmonter. C'est donc manquer de sagesse que de se laisser trop attirer par une manifestation extérieure de la vie religieuse, car tout, sur le plan matériel, est éphémère et illusoire et doit finir par désappointer. Chaque homme puissamment sollicité par un genre d'existence extérieur est destiné à apprendre, tôt ou tard, l'insignifiance relative de tous les objets du dehors, et plus il traverse rapidement les expériences rendues nécessaires par le Karma d'autrefois, mieux il s'en trouve. A coup sûr il est désagréable de sentir subitement le terrain manquer sous nos pieds, mais la coupe qui guérit la folie est toujours amère et il faut y goûter si le mal doit être vaincu pour toujours. Quand la brise légère qui naît sous Leurs Pieds, pareils aux Lotus, vient à passer sur l'âme, alors on sait que les pires circonstances du dehors sont impuissantes à troubler le charme de la musique intérieure.
Si un Européen attire vers l'Occultisme se sent plus près des Grands Etres en débarquant aux Indes, un Hindou éprouve le même sentiment en montant vers les sommets de son Himâvât neigeux. Et pourtant c'est une pure illusion, car on n'approche pas les Seigneurs de Pureté par la locomotion physique, mais en trouvant plus de pureté et plus de forces dans des souffrances constamment supportées pour le bien du monde. Quant à l'ignorance de ce malheureux monde, aveuglé par l'erreur, concernant nos Seigneurs vénérés, elle me rappelle ces mots: "Le sifflement du serpent fait plus de mal au sublime Himâvât que la calomnie et l'injure du monde à aucun de nous".
Du moment qu'on admet - et il le faut bien quand on sait ce qu'est l'Occultisme - qu'il existe des légions d'agents invisibles prenant constamment part aux affaires humaines, des Élémentals et des Élémentaires de tout grade, causant tous les genres d'illusion et s'affublant de tous les déguisements, sans parler de membres de la Loge Noire prenant plaisir à mystifier et à tromper les fervents de la vraie sagesse, - il faut aussi reconnaître que la Nature, dans sa grande pitié et sa justice absolue, a dû donner à l'homme une faculté lui permettant de distinguer la voix de ces habitants de l'air de celle des Maîtres. Et je crois qu'on sera d'accord pour admettre que la raison, l'intuition et la conscience sont nos plus hautes facultés, les seuls moyens nous permettant de distinguer le vrai du faux, le bien du mal, le juste de l'injuste. Cela posé, il en résulte que rien d'impuissant à illuminer la raison et à satisfaire les exigences les plus scrupuleuses de notre nature morale ne doit jamais être regardé comme une communications des Maîtres.
Il faut aussi se souvenir que les Maîtres sont les Maîtres de la Sagesse et de la Compassion, que leurs paroles illuminent et épanouissent, ne troublent et ne tourmentent jamais l'esprit. Elles élèvent, elles ne dégradent pas. Jamais Ils n'employent de moyens qui flétrissent et paralysent à la fois la raison et l'intuition. Qu'arriverait-il inévitablement si ces Seigneurs d'Amour et de lumière imposaient à leurs disciples des communications aussi révoltantes pour la raison que pour le sens moral? La crédulité aveugle remplacerait la foi intelligente, la débilité morale viendrait ensuite, au lieu de la croissance spirituelle, et le Néophyte irait à la dérive, sans rien pour le guider, constamment à la dérive, sans rien pour le guider, constamment à la merci de toute nymphe espiègle et, ce qui est plus grave, de tout malfaisant Dugpa.
Est-ce là la destinée du disciple? Le chemin de l'Amour et de la Sagesse peut-il être tel? Je ne pense pas qu'aucun homme raisonnable puisse le croire très longtemps, bien qu'il soit possible, un instant, de le mystifier et de lui faire accepter jusqu'a de véritables absurdités.
Parmi les doutes nombreux inspirés au disciple pour le tourmenter, il peut se demander si la faiblesse physique est un obstacle au progrès spirituel. Le monde d'assimilation de l'aliment spirituel n'implique aucune déperdition d'énergie physique et le progrès spirituel peut continuer sa marche pendant que le corps souffre. C'est une erreur complète, due à une instruction et à un équilibre moral insuffisants, que d'attribuer à un corps affaibli par le manque de nourriture le don d'être ainsi préparé à des expériences spirituelles. C'est en accomplissant ce qui est le plus conforme aux intentions des Etres Saints que se font les progrès suivis et véritables. Quand arrive le moment où les expériences spirituelles peuvent être confiées à la conscience cérébrale, le corps ne saurait être un obstacle. S'il constitue une légère difficulté, elle peut être supprimée en une seconde. C'est une erreur de croire qu'aucun effort physique puisse faire faire un seul pas au progrès spirituel. Le moyen de se rapporcher d'Eux est d'accomplir ce qui seconde le mieux Leurs idées. Cela fait, il n'y a rien de plus à faire.
Il me semble qu'il y une douceur particulière dans la patience résignée, dans le sacrifice joyeyux de notre volonté propre à la volonté de Ceux qui sont plus sages que nous et guident toujours sûrement. Il n'y a rien qui ressemble à un désir personnel dans la vie de l'Esprit. Aussi le disciple peut-il volontiers sacrifier son bonheur personnel, du moment qu'Ils trouvent l'occasion de travailler, par son intermédiaire, pour autrui. Il pourra quelquefois éprouver un sentiment d'abandon dans ses moments de solitude, mais il Les trouvera toujours auprès de lui quand un travail lui sera demandé. Les heures de la nuit alternent nécessairement avec celles du jour et il est certainement bon que l'obscurité survienne quand nous sommes seuls à la subir, dût notre souffrance personnelle en devenir plus vive. Sentir Leur présence et Leur influence est bien le don le plus divin qui se puisse imaginer, mais ce don lui-même, nous devons consentir à en faire le sacrifice si, en renonçant à ce que nous regardons comme le suprême et le parfait, nous rendons plus facile à réaliser le bien final du monde.
Cherchez à comprendre la beauté de la souffrance, quand la souffrance a pour effet de nous rendre plus aptes au travail. Non, nous ne pourrons jamais aspirer à la paix, si c'est par la lutte que le monde doit être aidé. Cherchez à sentir que, malgré l'obscurité qui semble vous envelopper, cette impression ne répond pourtant pas à la réalité. S'Ils Se voilent parfois dans une apparente Mâyâ d'indifférence, ce n'est que pour répandre Leurs bénédictions avec plus de profusion quand la saison sera venue. Les mots sont de peu de secours quand l'obscurité grandit, mais le disciple devrait essayer de garder inébranlable sa foi dans la proximité des Grands Etres et de sentir que, si la lumière a été temporairement retirée à sa conscience mentale, elle grandit cependant journellement au dedans par Leur sage et miséricordieuse dispensation. Quand le mental retrouve sa sensibilité, il reconnaît, avec surprise et joie, que le travail spirituel a suivi son cours, sans qu'il ait lui-même été conscient des étapes parcourues. Nous connaissons la Loi. Dans le monde spirituel, des nuits d'une horreur plus ou moins grande suivent invariablement les jours et le sage, reconnaissant dans l'obscurité l'effet d'une loi naturelle, cesse de s'affliger. Soyons bien assurés que l'obscurité, à son tour, se dissipera. N'oubliez jamais que derrière la fumée la plus épaisse rayonnent toujours les Pieds, semblables aux Lotus, des Grands Seigneurs de la terre. Tenez ferme et ne perdez jamais votre foi en Eux; vous n'aurez alors rien à craindre. Vous pourrez avoir - il le faut même - des épreuves à subir, mais vous les supporterez certainement. Quand se lève l'obscurité qui couvrait l'Ame comme un voile funèbre, alors nous pouvons voir combien elle était, au fond, faite d'ombre et d'illusion. Pourtant cette obscurité, tant qu'elle dure, est assez réelle pour ruiner bien de nobles âmes qui n'ont pas encore acquis la force d'y résister.
La vie et l'Amour spirituels ne s'épuisent pas en se donnant. La dépense ne fait ici qu'augmenter la réserve, l'enrichit et la renforce. Tâchez d'être aussi heureux et aussi satisfait de votre sort que possible, car dans la joie est la véritable vie spirituelle. Le chagrin n'est que le fruit de notre manque de perspicacité. Il faut donc combattre, autant que vous le pourrez, la tristesse qui obscurcit l'atmosphère spirituelle. Et, si vous ne pouvez entièrement empêcher sa venue, vous ne devez cependant pas vous livrer entièrement à elle, car, souvenez-vous-en, le coeur même de l'universe est Béatitude.
Le désespoir ne devrait pas trouver place dans le coeur du disciple fervent, car il affaiblit la foi et la dévotion et fournit ainsi aux Puissances Ténébreuses un terain de combat. Ce sentiment est un mirage évoqué par elles pour torturer le discipe et tirer, si possible, de cette illusion, quelque avantage pourtout à elles-mêmes. L'expérience la plus amère m' a enseigné que la confiance en soi est tout à fait inutile et même trompeuse dans les épreuves de ce genre et que le seul moyen de sortir sain et sauf de ces illusions est de se consacrer complètement à Eux. Et la raison en est bien claire. La force à opposer, pour être efficace, doit appartenir au plan même où s'exerce le pouvoir à combattre. Or, comme ces souffrances et ces illusions ne viennent pas du soi, le soi est impuissant contre elles. Procédant des Etres Ténébreux, elles ne peuvent être neutralisées que par les Frères Blancs. Voilà pourquoi il est nécessaire pour notre sûreté d'abandonner à Ceux-ci nos persones - nos personnes séparées - et d'être délivrés de tout Ahamkâra [ Illusion qui consiste à croire notre "Moi" distinct du "Soi" universel.]
Sachant que notre Société [ La Société Théosophique ] - comme, à vrai dire, tout mouvement de quelque importance - est suivie et protégée par les Puissances mille fois plus sages et plus hautes que nos petites personnalités, nous n'avons guère à nous préoccuper des destinées de la Société. Contentons-nous de faire notre devoir à son égard, avec conscience et zèle, et de jouer le rôle qui nous est assigné, employant au mieux nos lumières et nos aptitudes. Les soucis et les préoccupations ont, sans doute, leur utilité dans l'économie naturelle. Chez l'homme ordinaire, ils font travailler le cerveau, mettent même les muscles en mouvement et, sans eux, le monde n'aurait pas accompli la moitié des progrès réalisés sur les plans physique et intellectuel. Mais à un certain degré de l'évolution humaine, ces mobiles sont remplacés par le sentiment du devoir et l'amour de la Vérité. La perspicacité et l'ardeur au travail qui en résultent ne pourraient jamais être données par aucune somme d'énergie moléculaire et de viguer nerveuse. Secouez donc tout découragement et, tournant votre Ame vers la Source de Lumière, travaillez à la grande tâche pour laquelle vous êtes ici, votre coeur s'ouvrant à l'humanité entière, mais parfaitement résigné, quel que soit le résultat de votre labeur. Tel fut l'enseignement de nos Sages; telle fut l'exhortation de Shri Krishna à Arjuna sur le champ de bataille; tel est le but que nous donnerons à nos énergies.
Mes propres idées concernant les souffrances du monde sont précisément les vôtres. Rien ne me fait plus de peine que la frénésie aveugle avec laquelle l'immense majorité de nos semblables recherchent les plaisirs des sens, et l'idée absolument creuse et fausse qu'ils se font de la vie. Le spectable de cette ignorace et de cette folie touche mon coeur beaucoup plus vivement que les épreuves physiques qu'on subit autour de nous. Bien que la noble prière de Rantideva m'ait il y a bien des années, profondément touché, l'aperçu qui m'a été ouvert depuis sur la nature intérieure des chose me fait regarder les sentiments du Bouddha comme plus sages et plus transcendants. Je souffrirais volontiers le martyre pour soulager un disciple de la torture à laquelle il est soumis, mais, si j'envisage les raisons et les conséquences intimes des souffrances d'un disciple, celles-ci ne me causent pas, de beaucoup, un chagrin aussi profond que la misère de ces pauvres ignorants qui, sans savoir pourquoi, subissent simplement la punition de leurs méfaits passés.
Les fonctions de l'intellect sont uniquement la comparaison et le raisonnement; la connaissance spirituelle est bien loin d'être à sa portée. Vous êtes probablement excédé de subtilités intellectuelles dans votre vie présente, mais le monde n'est, après tout, qu'une école, une académie éducatrice, et aucune expérience, quelque douloureuse ou ridicule qu'elle puisse être, n'est sans objet ni sans valeur pour l'homme qui réfléchit. Les maux que nous rencontrons ne nous rendent que plus sages et les erreurs mêmes que nous commettons nous seront utiles dans l'avenir. Il n'y a donc lieu de se plaindre d'aucune destinée, même de la moins enviable en apparence.
Le Karma suivant la Gîta et la Yoga Vâsishta, signifie les actes et les volitions procédant de Vâsanâ ou du désir. Il est nettement établi dans les codes éthiques que rien de ce qui est fait dans un pur sentiment du devoir, rien de ce qui a pour mobile, pour ainsi dire, la pensée "Ceci est à faire" ne peut affecter la nature morale de l'homme, même si sa manière de comprendre le devoir et l'à-propos, dans la conduite, est défectueuse. La faute, bien entendu, devra être expiée par une souffrance proportionnée aux conséquences de l'erreur, mais elle ne peut certainement pas dégrader le caractère ou ternir le Jivatmâ. [ Le Soi individualisé] .
Il est bon d'employer tous les événements de l'existence comme des leçons dont on doit profiter. La douleur que nous cause l'éloignement de ceux que nous aimons peut nous servir ainsi. Que sont l'espace et le temps sur le plan de l'Esprit? Une illusion cérébrale, un néant ne devant un semblant de réalité qu'a notre impuissance intellectuelle, qu'aux voiles qui emprisonnent le Jivatmâ. La souffrance incite simplement, d'une manière nouvelle et plus vive, à vivre entièrement dans l'Esprit. Le Bien résultera finalement, pour chacun de nous, de la douleur. Il ne faut donc pas murmurer. Que dis-je? Sachant qu'il ne peut rien arriver de sérieux à des disciples sans la volonté de leurs Seigneurs, il faut envisager chaque incident douloureux comme un pas vers le progrès spirituel, comme un moyen d'atteindre le développement intérieur qui nous permettra de Les mieux servir, Eux, et par suite l'Humanité.
Pourvu que nous puissions
Les servir, et, dans toutes les tourmentes et les conflagrations de
nos Ames, nous réfugier à Leurs Pieds semblables aux
Lotus, qu'importent la douleur et les souffrances qu'elle cause à
nos enveloppes transitoires ? Essayons de comprendre un peu le sens
profond de ces souffrances, de ces vicissitudes des circonstances
extérieures, — de comprendre que tant de douleur endurée
signifie autant de Karma effacé, autant de capacité
de servir acquise, autant de bonnes leçons apprises. Ces pensées
ne suffisent-elles pas pour nous soutenir à travers n'importe
quelle accumulation de ces misères illusoires? Qu'il est doux de
souffrir quand on sait et qu'on a la foi! Quelle différence
avec la souffrance de l'ignorant, du sceptique, de l'incrédule! On est tenté de souhaiter pour soi-même toutes les
souffrances et toute la détresse du monde, pour permettre au
reste du genre humain d'être délivré et heureux.
La crucifixion de Jésus-Christ symbolise cette phase de la
vie du disciple. Ne le croyez-vous pas? Contentez-vous d'être
toujours ferme dans la foi et dans la dévotion et ne vous écartez
pas du sentier sacré de l'Amour et de la Vérité.
Voilà votre rôle. Le reste, les Gracieux Seigneurs que
vous servez le feront pour vous. Vous savez tout cela et, si j'en
parle, c'est seulement pour fortifier en vous cette assurance. Car
nous oublions souvent quelques-unes de nos meilleures leçons
et, dans les moments pénibles, le devoir d'un ami est plus
de vous rappeler vos propres paroles que de vous inculquer de nouvelles
vérités. C'est ainsi que Draupadi consolait souvent
son sage mari Yudtisthira [Personnage du Mâhâbhârata. ] quand un malheur cruel venait,
pour un instant, troubler sa sérénité habituelle.
C'est ainsi que Vasishtha lui-même avait besoin d'être
calmé et consolé quand la mort de ses enfants venait
lui déchirer le cœur. Incompréhensible, vraiment,
est l'aspect mâyâvique de ce monde! Si beau et si poétique
d'une part et pourtant si horrible et si misérable de l'autre.
Oui, Màyâ est le mystère des mystères et l'homme qui
a compris Mâyâ estarrivé à s'identifier avec BRAH-MAN la Suprême Félicité et la Suprême Lumière.
L'image saisissante représentant
Kâli, debout sur le corps de SHIVA, montre l'utilité
— l'emploi supérieur — de la Colère et de
la Haine. Le teint noir symbolise la Colère; l'épée,
s'il en a une, le courage physique, et l'ensemble signifie que, tant
qu'un homme trouve en lui-même la colère, la haine et
la force physique, il doit les employer à la suppression des
autres passions, au massacre des désirs charnels. Cette image
représente aussi ce qui arrive réellement quand le mental
se tourne pour la première fois vers la vie supérieure.
Manquant encore de sagesse et d'équilibre moral, nous écrasons
nos désirs avec nos passions; notre colère, nous la
jetons contre nos vices et les supprimons ainsi; notre orgueil, nous
l'employons pour combattre les tendances méprisables du corps
comme celles du mental. Nous nous élevons ainsi sur le premier
échelon. SHIVA étendu montre qu'un homme engagé
dans une guerre semblable ne tient pas compte de son principe supérieur,
— l'Atma — bien plus, qu'il va jusqu'à le fouler
aux pieds et qu'il n'arrive qu'après la mort du dernier ennemi
du Soi à reconnaître sa relation véritable, dans
le combat, vis-à-vis d'Atma. Ainsi Kâli ne découvre
SHIVA à ses pieds qu'après avoir tué le dernier
Daitya, la personnification d'Ahamkâra. Alors elle rougit de
sa fureur insensée. Tant que les passions n'ont pas toutes
été maîtrisées, nous devons nous en servir
pour les supprimer elles-mêmes, neutralisant la force de l'une
avec celle de l'autre. C'est la seule manière de réussir,
d'abord, à tuer en nous l'égoïsme et à
entrevoir pour la première fois notre véritable Atmâ
— le SHIVA en nous — que nous ignorons tant que les désirs
font rage dans notre cœur.
II est bon de toujours mettre de côté nos propres désirs,
personnels et peu prévoyants, pour Les servir fidèlement.
J'en ai fait l'expérience: en Les prenant ainsi pour nos seuls
guides, on évite toujours quelque précipice dangereux
où l'on courait inconsciemment. Sur le moment il paraît
difficile d'avoir à rompre avec ses préférences, mais,
finalement, il ne résulte que de la joie d'un sacrifice semblable.
Rien ne nous façonne mieux que les quelques courtes années
de l'existence, quand nous sommes contraints, à force de désappointements,
à chercher un refuge aux Pieds bénis des Seigneurs,
car là seulement est possible le repos. Puis grandit dans le
disciple la pensée habituelle que son unique refuge est en
Eux et, chaque fois qu'il ne pense pas à Eux, il se sent malheureux
et abandonné. Ainsi, des ténèbres mêmes
du désespoir, naît pour lui une lumière qui jamais
plus ne s'affaiblit. Ceux dont le regard pénètre les
profondeurs d'un avenir lointain, voilé à nos yeux mortels,
ont agi et agiront pour le plus grand bien du monde. Les résultats
immédiats et les satisfactions momentanées doivent être
sacrifiés si nous voulons atteindre infailliblement le but.
Plus nous voulons assurer les chances de succès final, moins
il faut soupirer pour la moisson du jour. C'est par la souffrance
seule que nous pouvons arriver à la perfection et à
la pureté ; c'est par la souffrance seule que nous pouvons
nous rendre dignes de servir l'Orphelin qui, par ses cris, réclame
sans cesse la nourriture spirituelle. La vie ne vaut la peine d'être
vécue que si nous la sacrifions à Leurs pieds.
Réjouissons-nous d'avoir des occasions de servir la grande
Cause par des sacrifices personnels, car Ils peuvent employer ce genre
de souffrance pour faire faire à la pauvre Humanité
errante un petit pas en avant. Toute douleur éprouvée
par un disciple est le gage d'un gain correspondant en faveur du monde.
Il doit donc souffrir volontiers et avec joie, puisqu'il voit un peu
plus clair que les mortels privés de lumière pour lesquels
il souffre. Dans tout le cours de l'évolution, en vertu d'une
loi qui n'est que trop douloureusement évidente, même
aux yeux d'un simple commençant, aucune possession digne d'être
acquise ne peut s'obtenir sans un sacrifice correspondant.
Celui qui renonce à tout sentiment personnel et fait de soi-même
un instrument de travail pour les Mains Divines n'a pas à redouter
les épreuves et les difficultés de ce monde si dur.
"Selon Ta volonté — ainsi je travaille. "
C'est là le moyen le plus facile d'échapper à
la sphère du Karma individuel, car un homme qui met toutes
ses capacités aux Pieds des Seigneurs ne crée pas de
Karma pour lui-même. Puis, selon la promesse de SHRI KRISHNA: "Je prends sur Moi son Doit et Avoir." Le disciple
n'a pas à se préoccuper du fruit de ses actions. Tel
était l'enseignement du grand Maître chrétien: " N'ayez point souci du lendemain."
Ne laissez pas les mouvements
impulsifs guider votre conduite. L'enthousiasme appartient aux émotions
et non à la conduite. L'enthousiasme dans la conduite n'a pas
sa place dans le véritable Occultisme, car l'Occultiste doit
toujours être maître de soi. Une des grandes difficultés,
dans la vie de l'Occultiste, est de tenir la balance égale.
Le don d'y parvenir est un fruit de la vraie connaissance spirituelle.
L'Occultiste doit vivre plus d'une vie intérieure que d'une
vie extérieure. Il sent, comprend, sait de plus en plus, mais
le montre de moins en moins. Les sacrifices qu'il doit faire appartiennent,
eux-mêmes, plus au monde intérieur qu'au monde extérieur.
Dans la dévotion religieuse ordinaire, tout le renoncement
et toute la force dont on est capable sont mis en jeu pour accomplir
des actes extérieurs et à surmonter le ridicule et les
tentations du plan physique. Mais leur emploi a un but plus élevé
dans la vie de l'Occultiste. Il faut tenir compte des proportions
et mettre ce qui est extérieur en seconde ligne. En un mot,
ne vous spécialisez jamais. Le Hamsa prend le lait seul et
laisse l'eau, dans un mélange des deux liquides. De même
l'Occultiste extrait et retient la vie et la quintessence de toutes
les différentes qualités, en rejetant les enveloppes
qui les cachaient.
Comment peut-on croire que les Maîtres devraient intervenir
dans la vie et les actions des hommes, et conclure qu'ils n'existent
pas ou qu'ils sont moralement indifférents, du fait de Leur
non-intervention ? On pourrait, avec autant de raison, mettre en doute
l'existence de toute Loi morale dans cet Univers et arguer que l'existence
d'iniquités et d'infamies, dans l'humanité, s'oppose
à ce qu'on admette celle d'une Loi semblable. Pourquoi oublie-t-on
que les Maîtres sont des Jivanmuktas [ Ames
ayant atteint la libération. ]
et travaillent avec la Loi, — sont, à vrai
dire, l'esprit même de la Loi? Mais il n'y a pas lieu de se
tourmenter de cela, car le tribunal auquel nous nous soumettons, dans
les affaires de conscience, n'est pas l'opinion publique, mais notre
propre Soi supérieur. Voilà la bataille qui purifie
le cœur et élève l'âme; ce n'est pas le
combat furieux où nous poussent nos passions, ou même
"une juste indignation" et ce qu'on appelle "un noble ressentiment".
Que nous importent les
soucis et les difficultés ! Ne sont-ils pas les bienvenus comme
les plaisirs et les heures faciles ? Car ne sont-ils pas nos maîtres
et éducateurs les meilleurs, riches en leçons salutaires?
Dès lors ne convient-il pas de traverser d'une manière
plus égale tous les changements d'existence et toutes les vicissitudes
de la fortune ? Et ne serait-ce pas fort peu honorable pour nous que
de faillir à garder la tranquillité d'esprit et l'équilibre
moral qui devraient toujours caractériser l'attitude du disciple?
Assurément il devrait conserver sa sérénité
parmi tous les orages et les tempêtes du dehors. C'est un monde
absolument fou que le nôtre, si l'on n'envisage que l'extérieur; et pourtant, comme il est trompeur dans sa folie ! C'est la véritable
démence de l'aliénation mentale où le malade
est inconscient de son propre état, — bien plus, se croit
parfaitement raisonnable. Oh ! si l'harmonie et la musique qui régnent
dans l'Ame des choses n'étaient pas perceptibles pour nous
dont les yeux ont été ouverts à cette folie absolue
qui affecte l'enveloppe extérieure, que la vie nous serait
intolérable !
Ne pensez-vous pas que c'est manquer un peu de reconnaissance que
d'être tristes quand nous nous conformons aux désirs
de nos Seigneurs et accomplissons notre service? Il faut éprouver,
non seulement de la paix et du contentement, mais aussi de la joie
et de l'ardeur, en servant Ceux dont le service est notre plus grand
privilège et dont le souvenir fait notre plus profonde félicité.
Ils ne nous abandonneront
jamais: cela est aussi certain que la Mort. Mais il faut, de notre
côté, nous attacher étroitement à Eux par
une véritable et profonde dévotion. Si notre dévotion
est véritable et profonde, nous ne courons pas l'ombre d'un
risque d'avoir à nous éloigner de Leurs Pieds sacrés.
Mais vous savez ce que signifie la dévotion véritable
et profonde. Vous savez comme moi que rien, sinon la renonciation
complète à la volonté personnelle, l'annihilation
absolue de l'élément personnel dans l'homme, ne peut
constituer le pur et vrai Bhakti. C'est seulement quand toute la nature
humaine est en harmonie parfaite avec la Loi Divine, quand il n'y
a pas une seule note discordante dans aucune partie de l'ensemble,
quand toutes les pensées, idées, fantaisies, tous les
désirs et les émotions, volontaires ou involontaires,
vibrent en réponse au "Grand Souffle" et sont
parfaitement à l'unisson avec Lui — que le véritable
idéal de la dévotion se trouve atteint, et pas avant. Nous ne nous élevons au-dessus des chances d'échec
qu'en atteignant ce degré de Bhakti qui, seul, assure un progrès
constant et un succès infaillible. Le disciple n'échoue
pas faute de sollicitude ou d'amour de la part des Grands Maîtres,
mais en dépit de ces sentiments, mais à cause de sa
propre perversité et de sa faiblesse innée. Et nous
ne pouvons dire que la perversité soit impossible chez celui
où s'attarde encore l'idée qu'il est un être séparé
des autres, — idée rendue invétérée
par des siècles innombrables d'illusions et de corruption et
qui n'est pas encore complètement déracinée.
Ne nous abusons d'aucune façon. Il y a des vérités
certainement amères, mais le plus sage est de les connaître
et de les envisager. Habiter un paradis imaginaire ne revient qu'à
se fermer la porte du véritable Elysée. Il est vrai
que, si nous nous mettons de propos délibéré
à chercher s'il reste en nous, ou non, un vestige de séparativité
ou de personnalité, un désir de contrarier la marche
naturelle des événements, nous ne trouverons peut-être
aucun motif, aucune raison, pour une concentration sur nous-même
ou pour un désir de ce genre. Sachant et croyant, comme nous
le faisons, que l'idée d'isolement est un simple effet de Mâyâ,
que l'ignorance et tous les désirs personnels découlent
uniquement de ce sentiment d'isolement et sont la racine de toute
notre misère, nous ne pouvons que répudier les notions
fausses et trompeuses dans les raisonnements dont elles sont l'objet
ou l'occasion. Mais si, regardant les choses en face, nous nous surveillons
toute la journée et observons les différents modes de
notre être, changeant avec les circonstances, une conclusion
très différente s'imposera à nous et nous trouverons
que la mise en pratique, dans notre vie, de notre savoir et de notre
foi, ne se réalisera pas de sitôt. Elle n'est atteinte
que pendant peu de temps, de loin en loin, quand nous oublions entièrement
notre corps ou tout autre milieu matériel et que nous nous
absorbons dans la contemplation du Divin — que dis-je ? —
quand nous nous fondons dans la Divinité Elle-même.
Pour nous, par la grâce suprême de nos Seigneurs, les choses
de la terre sont un peu plus claires et plus intelligibles que pour
les gens du monde. De là notre si ardent désir de consacrer
toute l'énergie de notre vie à Leur service. Toute activité
— charité, bienfaisance, patriotisme, etc. — dira
un cynique, en ricanant avec suffisance, n'est qu'un échange,
une simple question de trafic. Mais l'aspect plus noble que cette
honnêteté elle-même, tournée en ridicule
et intéressée, prend, vue de plus haut, quand on sait
la comprendre et l'appliquer dans les régions supérieures
de l'existence, n'est pas à la portée du moqueur dédaigneux.
Il rit donc de l'honnêteté et la méprise, en l'appelant
intéressée, et le monde, dans sa déraison et
sa légèreté, à l'affût d'un peu
de gaieté, rit avec lui et le trouve plein de malice et d'esprit.
Si nous regardons à la surface cette merveilleuse sphère
que nous habitons, la tristesse et l'ombre envahiront seules nos âmes
et le désespoir paralysera tous les efforts pour en améliorer
le sort. Mais, si le regard va plus avant, comme toutes les contradictions
s'évanouissent, comme tout paraît beau et harmonieux,
comme le cœur s'épanouit dans sa joie et ouvre libéralement
ses trésors à l'univers qui l'entoure. Il ne faut donc
pas perdre courage en voyant tant de spectacles affreux, ni gémir
sur la folie et l'aveuglement des hommes parmi lesquels nous sommes
nés.
Il y a des lois morales fixes comme il y a des lois physiques invariables.
Ces lois morales peuvent être violées par l'homme, doué,
comme il est, de l'individualité et de la liberté qu'elle
comporte. Chacune de ces infractions devient une force morale agissant
en sens inverse du courant de l'évolution et persiste sur le
plan mental.
En vertu de la loi de réaction, chacune a une tendance à
provoquer la sanction de la bonne loi. Or, quand ces forces d'opposition
se sont accumulées et ont pris des proportions gigantesques,
la force réactionnaire devient forcément violente. Il
en résulte des révolutions morales et spirituelles,
des guerres de religion, des croisades et autres luttes semblables.
Poussez plus loin cette théorie et vous comprendrez la nécessité
de l'apparition, sur la terre, d'Avatâras. Comme tout devient
facile quand les yeux ont été ouverts, mais comme tout
semble incompréhensible quand la vue spirituelle est encore
absente ou simplement trouble et sans acuité. La Nature, dans
sa générosité infinie, a pourvu l'homme, sur
les plans extérieurs, de facsimilés de ses fonctions
intérieures. En vérité, ceux qui ont des yeux
peuvent voir et ceux qui ont des oreilles peuvent entendre.
Qu'il est ardent notre désir de porter secours à l'Ame
souffrante, dans ses heures de cruelle épreuve et de morne
obscurité I Mais — l'expérience le montre à
ceux qui ont traversé de sem blables tribulations - il est
bon qu'ils n'aient pas alors senti le secours, toujours donné
pourtant, et qu'ils aient été accablés par le
triste sentiment de leur isolement, de leur abandon complet. S'il
en était autrement, l'épreuve perdrait la moitié
de son efficacité; la force et la connaissance qui résultent
de chacune de ces tribulations ne pourraient s'acquérir qu'après
des années de tâtonnements et de pas chancelants. La
loi d'Action et de Réaction est partout en vigueur... Celui
dont la dévotion est complète, c'est-à-dire qui,
en acte comme en pensée, consacre toute son énergie
et tout ce qu'il possède à la Divinité Suprême
et, réalisant son propre néant, sait que sa séparation
d'avec autrui est une idée fausse, — celui-là
seul est garanti contre l'approche des puissances ténébreuses
et protégé contre tous les dangers qui menacent son
Ame. Le passage de la Gitâ auquel vous pensez doit être
interprété comme signifiant que personne, une fois le
sentiment de la dévotion éveillé en lui, ne peut
retomber pour toujours. Mais il n'y a pas de garanties contre des
aberrations momentanées. A vrai dire, tout être vivant,
depuis l'Ange le plus exalté jusqu'au plus humble protozoaire, est
sous la protection du Logos de son système et, passant par
des degrés et des modes d'existence divers, retourne dans Son
sein, pour y goûter pendant une éternité la félicité du Moksha [ Nirvana.
]
Le dehors révèle toujours le dedans à
loeil qui sait voir. Les lieux et les hommes sont donc toujours intéressants.
Et puis, le dehors n'est pas aussi méprisable qu'on est tenté
de le croire après l'intensité du premier Vairâgya
ou dégoût pour les apparences. S'il l'était, toute
la création serait une folie et une dépense d'énergie
sans objet. Mais, vous le savez, il n'en est pas en réalité
ainsi. Il y a, d'autre part, une profonde et saine philosophie, même
dans ces manifestations et ces vêtements extérieurs illusoires.
Carlyle, dans son Sartor resartus, a esquissé quelques traits
de cette philosophie. Alors pourquoi se détourner, avec écoeurement
et horreur, même du plus extérieur de ces déchets
? Les robes mêmes qui masquent la Suprême Divinité
ne sont-elles pas pour nous sacrées et pleines de grandes leçons
? Vous le dites avec raison: toutes choses, les belles comme les
viles, ont leur place appropriée dans la Nature et constituent,
par leurs différences mêmes et leur variété,
la perfection du Suprême Logos.
Pourquoi faut-il que la communication avec le monde intérieur
soit interrompue, nous laissant à la tristesse et au découragement
? Parce que l'extérieur a encore des leçons à
donner. Une de ces leçons est que lui aussi est divin dans
son essence, divin dans sa substance et divin dans ses méthodes
et que, pour cette raison, vous devez l'envisager avec plus de sympathie.
D'autre part, la tristesse et la mélancolie ont leur utilité
et leur philosophie. Elles sont aussi nécessaires à
l'évolution et à l'éclosion de l'Ame humaine
que la joie et la gaieté. Cependant elles ne sont nécessaires
que dans les premières périodes de notre croissance
et ne servent plus quand le Soi s'est épanoui et a ouvert son
cœur au Soleil Divin.
Vous savez comment l'évolution
travaille. Nous commençons sans sensation d'aucune sorte. Graduellement
nous la développons et, à un certain moment de notre
pèlerinage, nous la possédons de la manière la
plus intense. Puis vient une période pendant laquelle la sensation
est considérée comme Mâyâ. Elle commence ainsi à
décroître et la connaissance prend le dessus. Enfin toute
sensation est consumée par la connaissance et nous avons la
paix absolue: non pas la paix dans l'ignorance comme au début
de notre vie dans le règne minéral, mais la paix dans
l'omniscience — la paix, non pas dans une apathie complète
semblable à la mort, comme nous la voyons dans les pierres,
mais dans la vie absolue et l'amour absolu. C'est ici qu'est le repos,
car c'est la source de toute vivification et de bénédictions
répandues sur l'Univers entier. Mais les extrêmes se
touchent et ainsi, à un certain point de vue, le commencement
et la fin se rencontrent.
Je voudrais rendre clairs deux points: 1° que des psychiques
laissés à eux-mêmes courent toujours le risque
de prendre pour des ordres du Maître ce qui, en réalité,
a été dit par l'ennemi; 2° que le Maître
ne dit rien que l'intelligence de ses auditeurs ne puisse saisir ou
qui révolte leur sens moral. Les paroles du Maître, quelque
contraires qu'elles puissent être aux idées précédentes,
ne manquent jamais d'apporter la conviction la plus absolue à
l'intelligence comme au sens moral de celui qui les reçoit.
Elles viennent comme une révélation, rectifiant une
erreur qui paraît immédiatement comme telle. Elles font
irruption comme une colonne de lumière dispersant les ombres.
Elles ne font pas appel à la crédulité ni à
la foi aveugle.
Vous savez comment l'ennemi a travaillé contre nous et, si
notre dévotion envers les Maîtres ou l'accomplissement
des devoirs qu'il leur a plu de nous confier sont insuffisants, il
nous donnera un mal infini. Mais ceci nous importe peu. Nous pouvons
l'endurer très patiemment et sans perdre notre équilibre.
Ce qui nous torture et détruit en nous la paix, c'est la séparation
violente d'avec nos Seigneurs dont nous sommes parfois menacés.
Rien d'autre ne peut nous tourmenter, — ni la douleur personnelle,
ni les pertes matérielles, malgré leur grandeur. Car
nous savons, à n'en pouvoir douter, que tout ce qui est personnel
est transitoire et passager, que tout ce qui est physique est illusoire
et faux et que la folie et l'ignorance seules pleurent ce qui appartient
au monde des ombres.
Le disciple a peu à gagner des enseignements donnés
sur le plan intellectuel. La connaissance qui, de l'Ame, descend en
s'infiltrant dans l'intelligence, est la seule connaissance digne
d'être acquise, et certainement, à mesure que les jours
s'écoulent, la connaissance amassée par le disciple
augmente. A l'augmentation de cette connaissance correspond l'élimination
de tout ce qui entrave sa marche dans le Sentier.
La souffrance est un sentiment auquel s'accoutume toute personne vivant
de la vie de l'Esprit. Nous savons que la souffrance ne peut durer
toujours et, même s'il en était autrement, cela n'aurait
pas une très grande importance. Nous ne pouvons espérer
rendre de services ni à Eux ni à l'Humanité,
sans prendre notre large part de la souffrance causée par les
ennemis. La colère de ces Monarques des Ténèbres
est quelquefois terrible à affronter et la Maya qu'ils créent
cause une véritable épouvante. Mais un cœur pur
n'a rien à craindre. Il est certain de triompher. Le disciple
ne doit pas s'affliger de la souffrance et de l'illusion momentanées
qu'ils cherchent à faire naître. Ils sembleront parfois
tout détruire en lui. Le disciple s'assied alors sur les ruines
de lui-même et attend, avec calme, le moment où la Maya
asurique se sera évanouie. Il doit toujours laisser fondre
sur lui la vague du doute et de l'inquiétude en se cramponnant
à l'ancre qu'il a trouvée. L'ennemi ne peut lui causer
aucun dommage réel ou sérieux, tant qu'il Leur demeure
dévoué de toute son Ame et de toute sa force. "Celui qui Me reste attaché traverse aisément l'océan
de la mort et du monde, avec Mon aide".
Rien ne peut arriver au disciple qui ne soit pour son plus grand bien.
Du moment qu'une personne se met, de propos délibéré,
entre les Mains de nos gracieux Maîtres, Ils veillent à
ce que tout arrive au bon moment — celui qui assurera les plus
grands avantages au disciple comme au monde. Il faut donc prendre
tout ce qui vient avec un esprit satisfait et serein, et « ne
pas prendre souci du lendemain »... La barque ballottée
sur une mer furieuse est plus paisible que la vie du pèlerin
en marche vers le sanctuaire de l'Esprit. Une vie paisible signifierait
la stagnation et la mort pour l'homme qui n'a pas acquis le droit
à la paix par la destruction complète de l'ennemie —
la personnalité.
Il ne faut pas tomber dans les erreurs commises par les ignorants.
Tout Amour véritable est un attribut de l'Esprit. Prânâ
et Bhakti, ces deux aspects de la Prakriti (Nature) Divine, rendent
digne d'être vécue la vie de celui qui aspire aux eaux
de l'immortalité. Dans la nuit orageuse de la vie du disciple,
la seule lumière vient de l'Amour, car l'Amour et Ananda (le
Bonheur) sont, pris dans le sens le plus élevé, identiques.
Plus l'Amour est pur et spirituel, plus il partage la nature d'Ananda
et moins il est mélangé d'éléments hétérogènes.
Le saint amour témoigné par les Maîtres est seul
d'une sérénité si majestueuse qu'il n'y a rien
en lui qui ne tienne du Divin.
Le bon sens et l'économie sont tout aussi nécessaires
en Occultisme qu'ailleurs. Par le fait, dans la vie de l'Occultiste,
toutes les facultés de l'esprit humain regardées comme
des vertus, dans le sens ordinaire du terme, sont mises en jeu et
exercées au plus haut point, et leur présence est nécessaire
dans la véritable vie qui, seule, fait un disciple. Il est
moins aisé d'aider ce monde que beaucoup ne se l'imaginent,
y eût-il même pour cela beaucoup plus de travailleurs
disponibles. Le savoir n'est pas seul demandé au disciple.
Ouvrez les yeux et réfléchissez avant de déclarer
que le savoir et la dévotion de quelques-uns peuvent hâter
la marche des temps. Pas une seule tentative ne peut être faite
sans provoquer dans l'autre camp une hostilité furieuse. Or,
le monde serait-il, dès maintenant, capable de survivre à
la réaction? Vous comprendrez combien sont sages nos Seigneurs
de ne pas aller plus loin, si vous avez su profiter de tout ce que
vous avez vu.
Quelle valeur aurait l'existence si nous ne devions souffrir —
souffrir pour rendre le monde qui gémit autour de nous un peu
plus pur, — souffrir pour puiser un peu plus à la source
de vie et apaiser la soif de quelques lèvres altérées?
Cela est un fait: sans la souffrance attachée au disciple
qui marche, les pieds saignants, dans le Sentier, il pourrait s'égarer
et perdre de vue le but sur lequel son regard doit toujours être
fixé. La Mâyâ du monde phénoménal est si trompeuse,
si ensorcelante, qu'à mon avis l'élimination de la souffrance
serait inévitablement suivie de l'oubli des réalités
de l'existence et, avec la disparition de l'ombre de la vie spirituelle,
sa lumière s'évanouirait aussi. Tant que l'homme ne
se sera pas transformé en Dieu, il est vain de s'attendre â
la jouissance ininterrompue du bonheur spirituel. Dans les moments
de son absence, la souffrance seule empêche le disciple de broncher
et le sauve de la mort qui l'atteindrait sûrement s'il oubliait
les vérités du monde spirituel.
Le disciple ne devrait éprouver ni trouble, ni surprise, quand
les forces spirituelles dirigées contre lui par l'autre camp
trouvent leur champ d'action sur un plan plus élevé
que celui de l'intellect physique. Des braises, mourant dans quelque
interstice invisible et inconnu de sa propre nature, peut, il est
vrai, dans cette lutte, jaillir de nouveau la flamme; mais c'est
une de ces flammes qui éclairent la destruction finale de quelque
faiblesse à consumer. Tant que la souillure causée par
la personnalité n'a pas élé absolument lavée,
le vice, dans ses formes multiples, peut trouver un asile dans quelque
chambre inhabitée du cœur,bien qu'il puisse ne pas trouver
son expression dans la vie mentale. Et la seule manière de
rendre immaculé le sanctuaire du cœur est de laisser la
lumière exploratrice pénétrer dans les coins
obscurs et d'assister, avec calme, à l'œuvre de destruction.
Le disciple ne doit jamais se laisser épouvanter par ce travail
purificateur, quelles que soient les monstruosités qu'il puisse
être appelé à contempler. Il doit serrer étroitement
les Pieds de Celui qui habite le champ où se consume tout ce
qui est matériel. Il n'a plus, alors, à éprouver
de crainte ni d'inquiétude. Il a foi en Ceux qui protègent
et qui aident et peut bien laisser les luttes du plan spirituel à
Leur surveillance et à Leur direction. Une fois sorti du cycle
obscur, il reconnaîtra de nouveau combien l'or a d'éclat
quand les impuretés ont été brûlées.
Dans cette sphère terrestre où nous vivons, comme sur
d'autres plans d'existence, la nuit alterne avec le jour. Sous, la
lampe même il y a de l'ombre. Chose étrange cependant
! Les hommes cultivés et savants s'imaginent qu'avec les progrès
de la Science, de la Science grossière et matérialiste,
toutes les misères, celles de l'individu, des races, des nations,
cesseront pour toujours; que la maladie, la sécheresse, la
peste, la guerre, l'inondation,—que dis-je?— les cataclysmes
eux-mêmes, appartiendront tous un jour à un passé
reculé !
L'intérêt que nous portons à toutes les affaires
de cette sphère trompeuse est seulement du domaine des émotions
et de l'intellect; il ne peut toucher l'Ame. Tant que nous nous identifions
avec le corps et l'entendement, les vicissitudes que subit la Société
Théosophique, les dangers qui menacent sa vie ou l'union de
ses membres font forcément naître dans nos esprits un
découragement qui touche même parfois à l'affolement.
Mais, dès que nous commençons à vivre dans l'Esprit,
à réaliser la nature illusoire de toute existence extérieure,
le caractère changeant de toute organisation humaine et l'immutabilité
de la Vie en nous, nous arrivons nécessairement — que
la conscience cérébrale réfléchisse cette
notion ou non — à éprouver un calme intérieur,une
sorte d'indifférence pour ce monde d'ombres, et à ne
plus être émus par les révolutions et les éruptions
de cette terre. Quand l'Ego Supérieur est atteint, l'assurance
que les Lois et les Puissances qui gouvernent l'univers sont infiniment
sages devient instinctive et la paix au milieu des convulsions extérieures
est infaillible.
Pour parler d'une manière très large, on peut, sur le
plan où nous vivons, envisager à trois points de vue
différents la misère humaine en général.
On peut, par exemple, la regarder: 1° comme une épreuve
du caractère; 2° comme un agent de rétribution; et 3° comme un moyen d'éducation dans l'acception la
plus ample du terme. A ces différents points de vue, je dirais
que la « torpeur » morale éprouvée, de temps
à autre, par tous les aspirants est à la souffrance
aiguë ce que le régime cellulaire est à l'emprisonnement
avec travaux forcés. La comparaison est sans doute fort triviale,
mais elle me semble très suggestive et j'ai trouvé l'analogie
d'un grand secours pour comprendre les propositions abstraites et
subtiles. De là cette manière d'expliquer ma pensée.
D'autre part, toutes les forces, ici-bas, travaillent à l'évolution
d'une humanité plus rapprochée de la perfection, et
ce n'est que par le développement harmonieux de toutes nos
facultés supérieures et de nos vertus les plus nobles
que nous pouvons atteindre la perfection. Ce développement
harmonieux n'est possible que par l'exercice de ces facultés
et de ces vertus, et leur exercice, à son tour, a besoin de
conditions particulières pour chaque attribut distinct. La
souffrance intense positive n'est pas la même épreuve,
n'a pas la même utilité, ne met pas en jeu les mêmes
capacités et les mêmes mérites humains, que le
vide intérieur, inerte et morne. La patience, l'endurance passive,
la foi, la dévotion, se développent bien mieux dans
les ténèbres mentales que dans une lutte vive et chaude.
La loi d'action et de réaction subsiste sur le plan moral,
et les vertus éveillées par cet "engourdissement
" mental sont précisément les meilleures armes
pour le combattre et pour le vaincre. Or ce n'est assurément
pas avec celles-ci que vous affrontez la véritable douleur,
même la plus cruelle. Encore un mot sur ce point et je passe.
Cet état d'esprit montre que le pèlerin est sur la limite
séparant le connu de l'inconnu, avec une tendance bien nette
à pencher vers le second. Il indique un degré de croissance
spirituelle défini et caractérise la période
où l'Ame, dans sa marche en avant, a vaguement, et pourtant
à ne pas s'y tromper, réalisé la nature illusoire
du monde matériel, est mécontente et dégoûtée
des objets grossiers qu'elle voit et connaît, aspire enfin à
des objets plus réels et à un savoir plus solide.
L'explication qui précède, bien que trop brève
et décousue, vous fera, j'espère, comprendre clairement
l'utilité, dans l'économie naturelle, de Vairâgya
— de ce sentiment qu'il n'y a aucune vie et aucune réalité
ni en vous ni dans le monde qui vous entoure — et vous montrera
comment il sert de pierre de touche à la fermeté morale
et à la sincérité; comment, sous l'aspect d'une
punition, il est l'antidote de l'égoïsme intellectuel
— de l'erreur philosophique qui identifie le Soi avec la personnalité
— de la folie qui cherche à nourrir l'Ame de grossiers
aliments matériels; comment, de plus, elle développe
ou, mieux, tend à développer la foi et la dévotion
véritables et éveille la Raison supérieure et
l'Amour du Divin.
Du plus haut au plus bas la vie est une alternative de repos et de
mouvement, de lumière et d'obscurité, de plaisir et
de douleur. Aussi, ne laissez jamais votre cœur s'affaisser dans
le désespoir ou s'abandonner à un courant de pensée
adverse. Vous vous êtes prouvé à vous-même,
intellectuellement, et maintenant vous saisissez par l'expérience
le caractère spectral, irréel, des objets perçus
par les sens et même par l'entendement, et la nature éphémère
de toutes les jouissances physiques et émotionnelles.
Suivez donc obstinément le sentier qui vous amènera
en vue de la vie réelle, malgré toute la rudesse des
régions à franchir, malgré toute la tristesse
des déserts à travers lesquels il se déroule
de temps à autre. Avant tout, ayez foi dans les Êtres
Miséricordieux, dans nos Maîtres pleins de Sagesse;
consacrez-vous à Leur service de tout votre cœur et de
toute votre âme et tout finira bien.
Tout ce qui est nécessaire pour extirper un vice quelconque,
c'est:
i° De savoir exactement
ce qu'est le vice lui-même;
2° De reconnaître — de sentir vivement — que
c'est bien un vice, que l'entretenir est déraisonnable et que
sa valeur est nulle; et enfin
3° De vouloir le "tuer en l'arrachant".
Cette volonté pénétrera dans la région
sous-consciente habitée par ce vice et, lentement mais sûrement,
le supprimera.
La véritable tranquillité d'esprit n'est jamais le résultat
de l'indifférence et de la nonchalance, mais ne peut s'obtenir
qu'en arrivant à la connaissance d'une sagesse plus haute et
plus profonde.
Un disciple — même le plus humble — faisant partie
de leur Haute Loge, doit vivre dans l'Éternel et sa vie doit
être une vie d'Amour Universel; autrement, il lui faut renoncer
à ses aspirations les plus élevées. Le service
actif que tout disciple doit rendre au monde varie avec les catégories
d'étudiants. Il est déterminé par la nature particulière
et les capacités de chacun. Vous savez, naturellement, que,
tant que la perfection n'est pas atteinte, la variété
doit être maintenue, même dans le genre de service qu'un
chelâ est appelé à rendre.
Il est tout simplement impossible d'exagérer l'efficacité
de la Vérité, dans toutes ses phases et dans toutes
ses applications, pour hâter l'évolution et le progrès
de l'Ame humaine. Il faut aimer la Vérité, chercher
la Vérité et vivre la Vérité. C'est la
seule manière dont la Lumière Divine, qui est la Vérité
Sublime, puisse être vue par l'étudiant en Occultisme.
Là où se manifeste le moindre penchant à la fausseté,
sous quelque forme que ce soit, là sont l'obscurité
et l'ignorance et leur enfant — la douleur. Et ce penchant à
la fausseté appartient, sans aucun doute, à la personnalité
inférieure. C'est ici que nos intérêts sont en
conflit; c'est ici que la lutte pour l'existence est la plus acharnée; c'est ici, par conséquent, que la lâcheté, l'absence
d'honneur et la fraude peuvent se manifester.
Les "signes et les symptômes" du jeu de cette
personnalité inférieure ne peuvent jamais échapper
à celui qui aime sincèrement la Vérité,
qui cherche la Vérité et dont la conduite a bour base
la dévotion aux Grands Êtres. A moins que le cœur
ne soit pervers, les doutes concernant la légitimité
d'une action quelconque ne manqueront jamais d'élever la voix.
Alors le véritable disciple se demandera: " Mon Maître
me verra-t-il volontiers faire telle ou telle chose? " Ou bien: " Est-ce sur Son ordre que j'ai agi ainsi?" La réponse
véritable viendra bien vite et, apprenant à s'amender
et à mettre ses désirs en harmonie avec la Volonté
Divine, le disciple atteindra la sagesse et la paix.
La Théosophie n'est pas une chose qu'on puisse imposer et enfoncer
à coups de marteau, bon gré mal gré, dans la
tête ou le cœur de personne, il faut l'assimiler, à
loisir, au cours naturel de l'évolution, et la respirer dans
l'air ambiant. Autrement on se donnera — pour employer une expression
vulgaire — une indigestion.
En commençant à sentir la croissance de l'Ame, on goûte
le calme que nul événement extérieur ne semble
pouvoir troubler. Ceci, encore, est, la meilleure preuve de développement
spirituel, et l'homme qui éprouve ce sentiment, même
de la façon la plus faible et la plus vague, n'a plus besoin
d'être témoin d'aucun phénomène Occulte.
Dès le début de mon noviciat, j'ai été
habitué à compter plus sur le calme intérieur
que sur n'importe quel phénomène des plans physique,
astral ou spirituel. D'ailleurs, étant données des conditions
favorables et le sentiment de sa propre force, moins on voit de phénomènes,
plus il est facile de faire des progrès spirituels véritables
et sérieux. Mon humble conseil est donc de vous appliquer sans
cesse à développer le calme intérieur et à
ne pas vouloir connaître le mécanisme de ce développement.
Si vous êtes patient, pur et dévoué, vous saurez
tout, en son temps; mais souvenez-vous toujours que le contentement
parfait et résigné est l'ârne de la vie spirituelle.
Progrès spirituel
ne signifie pas toujours bonté et abnégation, bien qu'avec
le temps ces vertus doivent certainement l'avoir pour conséquence.
Il est vrai qu'il y a, dans le désir de gagner l'affection
de ceux qui nous entourent, un vestige de personnalité. Si
nous l'éliminions, nous serions des Anges. Mais il faut nous
rappeler que, pendant très, très longtemps, nos actions
présenteront encore une trace légère de sentiment
personnel. Il faut nous efforcer sans cesse de tuer ce sentiment aussi
complètement que possible; mais, du moment que le "Soi" doit se manifester, il vaut bien mieux le voir exister
comme un facteur inappréciable pour rendre notre conduite pleine
de douceur et d'affection et la faire contribuer à l'intérêt
général, que de voir le cœur s'endurcir et le caractère,
en général, devenir anguleux; le "Soi"
se manifestant ainsi sous des couleurs beaucoup moins séduisantes
et moins belles. Je ne veux pas, par là, suggérer un
instant que nous ne devions pas nous efforcer de laver ce soupçon
de tache. Je veux dire que le vêtement doux et charmant dont
se revêt le mental ne doit pas être jeté au feu,
simplement parce qu'il n'est pas d'une blancheur immaculée.
Il faut nous souvenir que toutes nos actions sont, plus ou moins,
le résultat de deux facteurs: le désir d'éprouver
un plaisir, et le souhait d'être utile au monde. Notre effort
constant devrait être d'atténuer autant que possible
le premier élément, puisqu'il ne peut, jusqu'à
l'extinction du germe de la personnalité, être éliminé
complètement. Ce germe peut être tué par des moyens
que le disciple apprend à connaîtret à mesure
qu'il progresse, par la dévotion et par les bonnes actions.
Les Maîtres sont toujours près de ceux de Leurs serviteurs
qui, s'oubliant complètement eux-mêmes, se sont consacrés,
corps, intelligence et âme, à Leur service. Un seul mot
affectueux adressé à ceux-ci ne reste pas sans récompense.
A des moments d'épreuve sévère, les Maîtres,
en vertu d'une loi bienfaisante, laissent le disciple — homme
ou femme — soutenir son combat sans recevoir de secours d'Eux; mais quiconque encourage Leur serviteur à tenir ferme reçoit,
sans aucun doute, sa récompense.
En conservant la sérénité et le calme sans passions,
il est certain que, jour après jour, on se rapproche de plus
en plus de cette influence qui est l'essence de la vie, et, un jour,
le disciple constatera avec surprise qu'il s'est merveilleusement
développé, sans avoir connu ni suivi les étapes
de ce développement. Car, en vérité, l'Ame, dans
son réel épanouissement, « pousse comme la fleur,
inconsciemment », mais gagne en suavité et en beauté,
en absorbant les rayons du Soleil Spirituel. Faire preuve de fidélité
belliqueuse envers une personne ou envers une cause n'est guère
louable chez un disciple et n'est certainement pas un signe de progrès
spirituel.
Au premier pas, dans presque tous les cas, il semble qu'on dérange
un nid de frelons. Tous les items variés de votre mauvais Karma
vous entourent bien vite comme un nuage épais. Ils étourdiraient
et feraient trembler un homme de pied moins sûr. Mais, quand
le seul objet est de renoncer à la vie elle-même, s'il
le faut, pour l'amour des autres, sans penser à soi, il n'y
a rien à craindre. Les secousses elles-mêmes, les hauts
et les bas de ce tourbillon de misères et d'épreuves,
donnent la force et la confiance et activent la croissance de l'Ame.
Souvenez-vous que la souffrance incombant au disciple fait partie
intégrante de son instruction et a pour cause première
son désir d'étouffer en lui la personnalité.
Plus tard il verra que la fleur de son Ame s'épanouit d'une
manière d'autant plus exquise qu'elle a subi la tempête.
L'amour et la grâce du Maître compensent, et au delà,
toutes ses souffrances et tous ses sacrifices. Ce n'est une épreuve
que sur le moment, car, à la fin, il trouvera qu'il n'a rien
sacrifié mais tout gagné.
L'Amour, sur le plan le
plus élevé, ne repose que sur les sommets paisibles
de la joie, et rien ne saurait jeter une ombre sur cette cime neigeuse.
La pitié et la compassion sont les sentiments avec lesquels
nous devons regarder toutes les erreurs humaines. Il ne faut laisser
place à aucune autre émotion, comme la rancune, l'ennui
ou la mauvaise humeur. Ces sentiments peuvent être nuisibles,
non seulement à nous-mêmes, mais encore aux personnes
qui se trouvent les avoir fait naître en nous, mais que nous
voudrions en même temps voir meilleures et définitivement
à l'abri de toute erreur. En nous développant spirituellement,
nos pensées deviennent incroyablement plus fortes en puissance
dynamique et ceux-là seuls qui en ont fait l'expérience
savent combien la pensée, même fugitive, d'un Initié
trouve une forme objective.
C'est une chose surprenante que la manière dont les Puissances
des Ténèbres semblent balayer, pour ainsi dire, d'un
seul coup de vent, tous nos trésors spirituels les plus précieux,
amassés avec tant de peine et de soin, après des années
d'études et d'expériences incessantes. C'est surprenant,
car, en définitive, c'est une illusion et vous vous en apercevez
dès que la paix vous est rendue et que la lumière renaissante
vous éclaire de nouveau. Vous voyez que vous n'avez rien perdu
— que tous vos trésors sont là et que tempête
et pertes sont toutes chimériques.
Quelque déchirantes que puissent être vos perspectives,
quelque sombres et désolés les moments traversés,
il ne faut pas un seul instant laisser place au désespoir,
car le désespoir affaiblit l'esprit et nous rend ainsi moins
aptes à servir nos Maîtres.
Tenez pour certain que les Seigneurs de Compassion gardent leurs vrais
fervents et ne permettent jamais que des cœurs fidèles
et des chercheurs sincères de la lumière restent longtemps
victimes d'une illusion. Les Seigneurs, dans Leur Sagesse, donnent,
même en se tenant momentanément à l'écart,
des leçons qui auront leur utilité pour le reste de
la vie.
Notre ignorance et notre aveuglement font seuls paraître notre
travail étrange et incompréhensible. Si nous parvenons
à voir les choses sous leur véritable aspect et dans
leur signification complète et profonde, tout paraîtra
absolument juste et équitable et l'expression parfaite de la
plus haute raison.
Il n'y a pas, dans l'ensemble de la vie manifestée, la plus
petite somme de souffrance et de peines en excès de ce qu'il
faut strictement pour assurer la plus sublime évolution. C'est
le corollaire obligé de la loi de Justice et de Compassion
— la loi du Karma, — gouvernement moral de l'Univers.
Chaque acte d'abnégation accompli au cours de leur évolution
par les monades humaines rend plus fortes les mains des Maîtres
et vient renforcer, pour ainsi dire, les Puissances du Bien. Cela
aussi deviendra évident avant que nous redisparaissions, —
tout au moins à un grand nombre d'hommes de la race actuelle.
Il ne nous serait pas très utile de savoir exactement et en
détail tout ce qui va nous arriver, car les résultats
ne nous regardent pas et nous ne devrions nous préoccuper que
de notre devoir. Du moment que le chemin est clairement tracé
à nos yeux, peu importent les conséquences de nos pas
sur ce plan extérieur. C'est la vie intérieure qui est
la véritable vie et, si notre foi dans la direction de nos
Seigneurs est ferme, il ne faut pas douter un instant que, malgré
toutes les apparences qui peuvent régner dans cette sphère
illusoire, tout ira bien au dedans et que le monde progressera dans
la voie de son évolution. Il y a assez de réconfort
dans cette idée, assez de bénédictions dans cette
pensée, et cela seul devrait suffire à nous faire accomplir
virilement, le devoir présent et à nous encourager à
déployer plus d'activité et d'efforts.
Il y a une grande différence entre celui qui connaît
la vie spirituelle comme une réalité et celui qui en
parle sans cesse, mais sans la percevoir, qui cherche à la
saisir et à l'atteindre mais sans pouvoir respirer son souffle
parfumé ni sentir son contact exquis.
La sagesse de Ceux qui veillent sur nous surpasse, de beaucoup, tout
ce que nous pouvons imaginer. Si nous parvenons, sur ce point, à
rendre notre foi solide, nous ne nous fourvoierons pas et nous serons
certains d'éviter beaucoup de soucis superflus et pires qu'inutiles.
Car la cause première de beaucoup de nos erreurs pourrait bien
être une anxiété et une crainte exagérées,
des nerfs trop tendus, et même un zèle excessif.
Vous devez voir maintenant que la dévotion sans réserve
est un facteur puissant pour hâter la croissance de l'Ame, bien
que ceci ne soit ni observé, ni compris sur le moment, et vous
ne me blâmerez pas si je vous ai dit d'abandonner tout désir
de phénomènes, de connaissances du domaine spirituel,
de puissance psychique et d'expériences anormales. Car, dans
la lumière sereine du soleil de paix, chacune des fleurs de
l'Ame sourit et voit s'enrichir les couleurs radieuses qui lui sont
propres. Et puis, un jour vient où le disciple stupéfait
découvre la beauté et le parfum délicieux de
chaque fleur, se réjouit et, dans sa joie, sait que la beauté
et l'éclat viennent du Seigneur qu'il a servi. La manière
dont l'Ame croit n'est pas le banal et détestable article que
connaissent les amateurs de pseudo-Occultisme. C'est une chose mystérieuse,
si douce, si subtile que personne ne saurait en parler. On ne peut
que la connaître — en servant.
Vous avez savouré quelques gouttes des eaux délicieuses
de la Paix et elles vous ont donné de la force. Sachez, maintenant
et à jamais, que dans le calme de l'Ame se trouve la vraie
connaissance et que, de la divine tranquillité du cœur,
découle la puissance. L'expérience de la paix et de
la joie célestes est donc la seule véritable vie spirituelle
et croissance dans la paix est, seule, synonyme de croissance de l'Ame.
Être témoin, par les sens physiques, de phénomènes
anormaux ne peut qu'exciter la curiosité sans contribuer à
notre développement. La dévotion et la paix constituent
l'atmosphère propre de l'Ame et plus elles sont grandes en
vous, plus abondante sera la vie de votre Ame. Prenez donc toujours
avec confiance les expériences du Soi Supérieur comme
pierre de touche de vos propres progrès et aussi des réalités
du monde spirituel, et n'attachez pas d'importance à des phénomènes
physiques qui ne sont, et ne pourront jamais être, une source
de force et de calme.
Les humbles et dévoués serviteurs des Maîtres
forment, en réalité, une chaîne par laquelle chaque
maillon se rattache aux Êtres Compatissants. La solidité
de l'attache entre un maillon et celui qui lui succède représente
donc la force de la chaîne qui nous élève sans
cesse vers Eux. Aussi ne faut-il jamais tomber dans l'erreur, si fréquente,
de regarder comme une faiblesse un amour qui tient de si près
au divin. L'amour ordinaire lui-même, s'il est réel,
profond et désintéressé, est la manifestation
la plus haute du Soi Supérieur. Si l'on y persévère
avec constance et désir de se sacrifier, il finit par amener
à une réalisation plus claire du monde spirituel, mieux
qu'aucune autre action ou émotion humaine. Que sera-ce donc
d'un amour qui a pour base une aspiration commune vers le Trône
de Dieu, une même prière de pouvoir souffrir pour l'humanité
ignorante et plongée dans l'erreur, et un engagement réciproque
de sacrifier son bonheur et sa tranquillité personnels pour
mieux servir Ceux qui élèvent sans cesse le rempart
de Leurs bénédictions entre les terribles forces du
mal et l'orpheline sans défense... l'Humanité.
... Mais les idées du monde sont toutes dénaturées
par l'égoïsme et la bassesse de la nature humaine. Si
dans l'amour il y a de la faiblesse, je ne sais pas où est
la force. La vraie force neconsiste pas à lutter et à
faire opposition, mais sa toute-puissance est dans l'amour et la paix
intérieure. Il faut donc que l'homme désireux de vivre
et de croître aime toujours et souffre pour son amour.
Quand ce monde, dans son ignorance et son infatuation aveugles, a-t-il
rendu pleinement justice à ses véritables sauveurs et
à ses serviteurs les plus dévoués? Il nous suffit
d'avoir les yeux ouverts et d'essayer ainsi de dissiper autant que
possible les illusions de ceux qui nous entourent. Notre désir
que chacun ait des yeux pour voir et reconnaître la Puissance
qui travaille à sa régénération ne sera
pas satisfait tant que les ténèbres actuelles, couvrant
comme un noir rideau la vision spirituelle, ne seront pas entièrement
dissipées
PAIX A TOUS LES ÊTRES
Haut
de la Page
Page- Documents
en Ligne