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Le Christ en nous | 3 |
Les Initiations du Christ | 6 |
La valeur de la Vie céleste | 11 |
Résurrection et Ascension | 22 |
L'Homme est maître de sa Destinée | 26 |
Dans
le Sermon sur la Montagne, qui résume en quelque sorte tous
les grands enseignements du Christ, se trouve un verset que nos contemporains
ne semblent pas comprendre dans sa pleine et véritable
acception.
Le Confiteor dit que Dieu a créé l'homme pour être
immortel et l'a fait pour être une image de sa propre éternité,
et dans les écritures hébraïques, il est dit également
que Dieu fit l'homme à sa propre image.
Cette pensée sublime se trouve dans toutes les grandes religions fondées
par ceux qui furent envoyés des régions célestes pour
montrer, aux différentes sous-races de l'humanité, à des époques
diverses et selon des modes variés, le chemin qui mène à Dieu.
Et il fut dit par l'un des plus grands de ces Messagers, Celui qui apparut
en Orient, première manifestation après que le Seigneur Bouddha
eut atteint l'illumination et vint apporter au peuple Hindou le Message de
la Grande Loge, il a été dit par Lui: "Par quelque voie qu'un
homme vienne à moi,
c'est sur cette voie que je l'accueille, car toutes les voies sont miennes".
Et dans la suivante de ses sublimes manifestations, dans
les paroles du Sermon sur la Montagne auxquelles je faisais
allusion, nous trouvons la pensée
sur laquelle je désire concentrer votre attention
ce matin.
Le Christ lui-même l'a dit : "Soyez donc parfaits comme votre Père
céleste est parfait".
Voilà un commandement formidable, semble-t-il, et pourtant, tombant
des lèvres de Celui qui est Vérité, nul parmi ceux qui se réclament
de Son nom ne saurait reculer devant son application complète.
" Parfaits comme votre Père Céleste est parfait". Voilà l'ordre
que vous donne Celui dont vous invoquez le nom, Celui dont vous vénérez
la croix. Et peut-être n'est-il point mauvais, peut-être n'est-il
pas déplacé que dans la première allocution que
je vous adresse dans ce temple, je vous demande de réfléchir à la
signification de ces paroles, signification qui n'a jamais fait trembler
ceux qui purent L'approcher de plus près [Page
4] et
qui a été répétée sans relâche
au cours des nombreux siècles qui ont suivi. Quelque profond que
soit le sentiment de notre propre faiblesse, quelque convaincus que nous
soyons de notre propre imperfection, il nous faut nous rappeler qu'unis à l'Esprit
Éternel, formés à l'image de l'Éternel, bien
qu'enfermés dans
la
matière et doués des imperfections qui sont le partage de
toute limitation de la forme, la seule chose qui nous soit nécessaire
c'est le temps. Le temps qui nous permettra de vaincre peu à peu
la matière,
instrument futur de notre service au profit de
nombreuses humanités, le temps pour arriver à maîtriser
nos émotions au point de les diriger toutes vers
en-haut, non pas en quête
du désir de la chair, mais de la volonté de Dieu - le temps
nécessaire
pour guider vers la paix de l'Esprit - notre mental agité (dont
il a été dit
justement qu'il est aussi difficile a dompter que le vent) et lui enseigner
son véritable rôle dans la constitution de l'homme. Qu'il
sache qu'il doit se laisser guider et non tenir la bride, obéir
et non commander. Car de même que le feu, le mental est
un excellent serviteur mais un maître destructeur, et
notre tâche la plus ardue est peut-être d'enchaîner
ce mental
rétif à la volonté de l'Esprit.
Et vu l'immensité de la tâche, le temps nécessaire nous
a été accordé pour la mener à bien; car en chacun
de nous, quelque faible qu'il se sente, quelque insuffisante qu'il sache sa
préparation, l'Esprit, qui est divin, n'a pas d'autre destinée
que celle de refléter la gloire de l'Esprit éternel et
d'être le maître de tout ce qui
n'est pas de sa nature.
Réfléchissez un moment à ce qu'impliquent ces mots étonnants:"Soyez
donc parfaits" Cela serait presque à désespérer si
nous n'avions l'exemple de ceux qui ont triomphé, qui ont accompli
l'ordre de leur Seigneur et rayonne dans les régions célestes comme des
soleils éclairant
notre route.
C'est ce qui a inspiré à saint Paul, le grand Apôtre,
nommé l'Apôtre des gentils en raison de l''universalité de
sa mission et de son influence, la grande et unique prière
qu'il faisait pour ses convertis.
Prenant comme point de comparaison la lutte et la souffrance
qui précèdent la naissance physique de l'enfant du sein
de sa
mère, il leur disait: " Mes petits enfants que j'enfante
de nouveau jusqu'à ce que Jésus-Christ soit formé en
vous".
(Saint Paul, Épître aux Galates, IV, 19) Telle est la possibilité qui
nous est offerte sur la vaste route du progrès, si énorme
dans ses conséquences, si écrasante, que le genre humain
risque de se décourager
devant la magnificence d'un exploit aussi irréalisable en apparence.
Pourtant il n'est pas de pire blasphème, pas de pire négation
de l'existence de la divinité que ceux de l'homme qui
réponde "je ne puis" quand Dieu lui dit: "Tu
dois".
Et si nos yeux peuvent s'ouvrir assez grands pour apercevoir
l'occasion qui nous est offerte dans la prière du grand Apôtre [Page
5] — un apôtre, notez-le bien, qui commença d'étrange façon
son
apostolat en participant au meurtre du premier martyr de la foi chrétienne — si
nous avons la bonne volonté de donner raison à sa prière,
il convient que nous reconnaissions qu'en chacun de nous Christ est né.
Puis, plongeant plus loin notre regard, nous apercevrons
une possibilité encore
plus grande, à laquelle avec le temps nous devons tous parvenir, l'épanouissement
en nous de la pleine stature du Christ. Si nous manquons de sagesse au point
de placer notre origine dans le péché et non dans la divinité,
alors en vérité nous perdrons courage devant ce qui paraît
irréalisable. Mais si vous vous rendez compte du fait que tous les dimanches
vous employez en vous adressant à Celui qui est vérité cette
formule affirmant qu'il nous a faits à l'image de sa propre éternité,
alors certainement il n'y a pas de raison, il ne peut pas y avoir de raison pour
que la semence divine qui est en nous ne puisse se développer
en la stature du Christ
Ce n'est encore qu'une semence, non un épanouissement; mais dans
la graine se trouve la vie de la plante qui lui impose son destin inéluctable.
Et aussi sûrement que le gland tombé
sur un sol fertile, abreuvé de soleil et de pluie, fortifié par
des saisons de sécheresse et de vent, des mois d'inondation, peut
se développer
en un chêne, un chêne puissant qui étende ses larges
branches pour protéger le voyageur fatigué, aussi sûrement
s'offre à chacun
de nous l''inévitable destinée finale qu'il nous est loisible
de retarder mais non d'annuler, en vertu de Iaquelle cette semence de divinité,
déposée
dans notre nature humaine dans un passé indéfiniment reculé,
nourrie de joie et de tristesse, fortifiée par l'épreuve
et par le bonheur, commence après bien des saisons sa croissance
régulière
et déjà montre au-dessus du sol la pousse de la jeune plante.
Et c'est aussi sûrement qu'au cours de bien des saisons, que nous
appelons des vies - vies passées dans ce monde physique, dans l'état
intermédiaire
et dans les régions célestes où tous
les espoirs et toutes les aspirations se transforment en facultés
et en pouvoirs — que cette semence se développera indéfiniment à la
ressemblance de l'Esprit éternel d'où elle
est venue.
Pour chacun d'entre vous le moment viendra d'atteindre
le point d'épanouissement
symbolisé par la naissance du Christ intérieur et cet épanouissement
continuera vie après vie siècle après siècle
jusqu'à ce
qu'il se manifeste et que dans les régions célestes vous soyez
reconnus pour ce que vous avez toujours été depuis que l'Esprit
s'est incarné en l'homme mortel: pour le Fils éternel, le Fils
du Père éternel, un Sauveur, un Rédempteur pour vos frères
plus jeunes et une lumière rayonnant sur la voie qui mène
à une sagesse toujours plus haute, à
un amour toujours plus profond, à une foi toujours grandissante qui devient la
vie même des choses que nos yeux sont [Page 6] impuissants à percevoir, jusqu'à ce que vous, qui paraissiez si
faibles, vous deveniez aussi puissants que les majestueux archanges. Vous verrez
alors le sentier, le long sentier que vous avez parcouru et vous saurez avec
certitude ce dont tout d'abord vous n'aviez qu'une vague impression, puis peu à peu
une intuition plus claire, vous saurez que vous faites partie de ceux qui, étant
d'essence divine, ont développé la volonté qui est
une avec celle de Dieu et vous connaîtrez la plus grande des joies:
le service qui est la liberté parfaite.
Toutes les grandes religions du monde
ont reconnu que la vie humaine, la vie de l'homme qui évolue, s'élève
au cours de révolution
normale, mais qu'à un moment donné l'homme atteint un degré auquel
cette semence du Christ intérieur dont j'ai parlé dimanche
dernier, entre, lorsqu'elle s'est développée jusqu'à un
certain point, dans une phase nouvelle et spéciale d'évolution.
Le but de cette évolution
est l'union avec Dieu; la méthode qu'elle emploie porte des noms
différents
dans le différentes religions mais toutes ont le même sens.
En Orient, dans les religions anciennes, c'est le Yoga; en Occident, dans
l'Eglise catholique de l'obédience romaine, une importance spéciale
est attachée
au mot dont je me suis servie tout à l'heure,
l'union.
Je vais vous parler ce matin des phases de cette évolution plus rapide
et, avant tout, je tiens à vous rappeler qu'il existait dans l'église
primitive un certain nombre de rites, de méthodes ou de cérémonies
désignées sous le nom de mystères de Jésus.
Dans les écrits de saint Clément d'Alexandrie nous verrez
sous quelle forme les fidèles étaient invités à y
prendre part. Il les décrit comme les enseignements donnés
en secret par Jésus à ses disciples ou bien il emploie l'expression
que vous trouvez dans les Évangiles et à laquelle les anciens
Pères
de l'Eglise donnent un sens mystique plutôt que littéral,
et parle des choses qu'il disait a ses disciples "dans la maison ".
Vous vous rappelez que selon l'Evangile, le Christ parlait au peuple sous
forme
de paraboles, employant des comparaisons simples et frappantes pour permettre à l'homme
simple et ignorant d'apercevoir quelque lueur au moins des grandes vérités
que son évolution insuffisante
ne lui aurait pas permis de saisir si elles lui avaient été présentées
directement. Il est dit aussi en plusieurs occasions qu'après que
la foule s'était retirée, Il parlait à disciples
"dans la maison" et tandis qu'il ne parlait au peuple
qu'en paraboles, Il en expliquait! le sens profond a ceux qui avaient tout
quitté pour
Le suivre. [Page 7]
Eh bien, dans le texte de saint Clément d Alexandrie auquel je viens
de faire allusion, il est dit que peuvent venir ceux "qui depuis longtemps
n'ont conscience d'avoir commis aucune transgression" et ces mots
voilent ce qui, dans l'Eglise catholique romaine, est appelé la
voie de la Purification. Ceux d'entre nous qui sont théosophes le
nomment Le Sentier de Probation. Le long de ce sentier préparatoire,
il s'agit de développer certaines
vertus, de cultiver certains pouvoirs de la vie intérieure, l'idée
directrice étant que l'homme, suivant le tempérament émotionnel
et mental qui lui est particulier, s'approprie en cheminant le long de
ce sentier de Purification un certain nombre de vertus vitales et arrive à l'épanouissement
de certains pouvoirs de la pensée et des sentiments. C'est essentiellement
un sentier de préparation.
Puis vient la phase suivante qui porte plusieurs noms;
elle est divisée
par les Orientaux et les adeptes des enseignements théosophiques
en quatre grandes étapes, caractérisées chacune par
un type particulier de développement. Elle aboutit à ce que
nous appelons la cinquième
des grandes initiations d'où sort" l'Esprit libéré"
que l'Orient nomme le Jivanmukta.
C'est le stade d'évolution de ceux qu'on
nomme Maîtres, parce qu'ils prennent des élèves. Mais
étant donné qu'il en existe beaucoup qui ne prennent pas
d'élèves
et que certains de ceux qui ont dépassé l'évolution
humaine se trouvent plus haut encore sur la route ascendante, il me semble
qu'il est préférable d'employer le terme d'Esprit libéré.
Il signifié que l'Etre a triomphé du pouvoir de la mort,
qu'il n'est plus obligé de se réincarner,
de prendre un corps nouveau, mais qu'il peut vivre, comme
c'est le cas pour beaucoup d'entre eux, en contact intime
avec notre univers.
L'Eglise Romaine appelle ce sentier: le Sentier de l'Illumination.
J'ignore si dans son enseignement secret il est subdivisé à son tour,
mais dans un livre catholique romain que j'ai lu avec grand intérêt en
raison de l'identité de
l'enseignement qu'il donne en ce qui concerne ces étapes de progrès
avec nos
doctrines, il y est fait allusion dans son ensemble et
le processus qui mène à l'illumination
est désigné sous le nom de " prière intérieure".
C'est aussi le litre du livre dont l'auteur est un dignitaire haut placé dans
l'Eglise et qui est approuvé par l'autorité suprême.
Si je me réfère à cet ouvrage, c'est en raison de
la forme sous laquelle les faits y sont présentés et qui
vous est plus familière que ne s'auraient l'être
beaucoup des doctrines orientales, bien qu'identiques
au fond.
C'est alors qu'est atteinte dans cette évolution supra-humaine,
l'étape
finale appelée Sentier de l'Union. Ainsi que je l'ai déjà dit,
le mot "yoga" l'embrasse toute entière, mais je vous citerai
une expression pour vous faire toucher du doigt l'unité essentielle
qui met tous les mystiques d'accord au fond en dépit
des [Page
8] divergences extérieures qui caractérisent
l'expression de leur pensée. Dans le livre eu question, je trouve
comme apothéose
de celle phase finale d'union le mot "déification".
L'homme est déifié, c'est-a-dire devient
Dieu.
Je parle de ces similitudes et de cette identité d'enseignement
afin que vous ne croyiez pas qu'en vous parlant comme le fais ici je vous
présente
quoi que ce soit de nouveau pour la sublime foi chrétienne. Nous
sommes sur un terrain commun, terrain sur lequel toutes les religions
s'accordent, et
mieux on s'en rendra compte, mieux ce fait sera reconnu, plus on s'approchera
de cette union des religions à laquelle chaque religion apportera
sa couleur spéciale, résultat du passage par le prisme de
l'humanité de
l'unique grande Lumière universelle. Chacune apportera sa couleur
particulière
afin que la lumière puisse être créée à nouveau
par la synthèse des couleurs, et que tous les êtres puissent
ensemble se rapprocher de ce but glorieux: l'union avec la divinité.
En me servant du mol Christ dans ma dernière causerie, je voulais
parler de ce fragment divin qui est l'Esprit en chacun de nous et auquel
saint Paul fait allusion lorsqu'il dit:"Ne savez-vous pas que vous
le temple de Dieu, et que l'Esprit
de Dieu habite en vous". (Saint-Paul -première épître
aux Corinthiens, 3. 16)
La moitié des erreurs, des malheurs et du désespoir de l'humanité prennent
naissance dans l'idée fausse que l'homme n'est pas par son essence
l'enfant de Dieu. C'est sur cette doctrine sublime, qui enseigne que l'Esprit
en l'homme émane
de Dieu Lui-même, que se fonde l'espoir du monde. Dans la prière
nommée Confiteor,
se trouve l'indication de la véritable nature de l'homme,
image de la propre éternité divine. Mais le fait
sur lequel je vous prie de concentrer votre attention ce matin, c'est la
croissance de cette semence divine qui est en l'homme et je me suis servi
du terme Initiations non pas en pensant aux Initiations du Christ glorieux
qui là-haut, bien
haut, porte le titre sublime d'Instructeur du Monde, de Sauveur, mais du
Christ en chacun de nous, du Christ dont saint Paul disait, ainsi que nous
en parlions dimanche dernier, qu'il souffrait douleurs de l'enfantement
afin que le Christ puisse naître en eux. Passons pour un moment à l'étude
positive de certaines phase
du développement humain qui précèdent celle-ci; il
me semble que cela aidera à fixer nos idées. Patanjali, le
grand philosophe oriental, a esquissé une représentation
des étapes
parcourues par l'être humain ordinaire au cours de son évolution.
Il les compare à l'enfance, à la
jeunesse, puis à deux périodes de maturité. De l'enfant,
il dit qu'il est semblable à un papillon, volant de fleur en fleur,
attiré par
le charme extérieur du parfum et de la couleur
tout comme le papillon [Page
9] qui volète
sans trêves de fleur en fleur sans se fixer nulle part. Ceci,
dit-il, est le stage d'enfance de l'homme intelligent. Il n'est pas
apte au Yoga. Puis il passe à la période de jeunesse,
où l''homme, dans la fougue de la passion, est à la merci de
violentes vagues d'émotions; instable, mais distinguant cependant
les buts divers qui s'offrent à son activité, il les poursuit,
quitte à s'en détourner par la suite et à demeurer
effaré, éperdu
devant les énigmes de la vie.
Ce jeune homme, dit le philosophe, n'est pas prêt
pour le yoga.
L'homme entre alors dans la période de sa vie où il perçoit
un idéal,
où il se donne tout entier à une idée. C'est
dans cette phase de l'évolution humaine que se manifestent les êtres
que nous nommons martyrs et héros et qui, possédés
par un idéal unique,
sont capables de lui sacrifier tout le reste.
Impossible de discuter, de raisonner avec de tels êtres, car
tous les arguments, tous les raisonnements humain s'écroulent devant
cette emprise victorieuse d'un idéal plus puissant
qu'eux.
Aucun des charmes, des attraits du monde ne saurait les
empêcher
de suivre cet idéal et de lui sacrifier tout ce qui rend la vie
aimable pour l'homme et jusqu'à celle vie même. Cet homme,
dit l'auteur, est près
du yoga. Enfin le philosophe passe à la quatrième période
où il
dit que l'homme possède cette grande vérité. Au lieu
de subir son emprise, c'est lui qui est le maître. Il n'est plus à sa
merci, il la domine, assez puissant pour se tenir en paix et en sagesse,
attaché à l'idéal
mais demeurant son maître et non son esclave. Voilà l'homme,
dit Patanjali, qui est prêt pour le yoga. Je sais bien que ces choses,
soit qu'on les expose sous une forme orientale
ou à la manière occidentale, choquent et blessent certaines
personnes. Ces personnes ont tort, La nature entière est un
phénomène de croissance. L'on
n'attend pas de l'enfant le
même genre de capacités que celles qu'on demande de l'adolescent
ou de l'adulte. L'on n'exige pas du jeune homme la maturité de l'homme
fait, son jugement ferme, sa force, sa volonté précise. L'on
sait parfaitement que tout viendra en son temps et que jeunesse et âge
mûr
ne sont que questions de temps.
Et qu'est ce que le temps sinon en quelque sorte la grande forme-pensée
imposée
au système
planétaire par l'Etre sublime
qui l'a créé et qui le conserve? C'est pourquoi il nous faut,
en matière religieuse, renoncer à l'idée que dans
la religion tout convient également à tout le monde. Origène
a écrit à ce
sujet des choses très puissantes et très sages. Il semble
qu'à
son époque
l'opinion se soit révoltée contre l'idée de ne pas
révéler certaines chose à tous et on parlait du Christ
comme du grand médecin et de l'Église comme étant
son oeuvre.
La réponse d'Origène fut que, bien que l'Eglise possède
des [Page 10] remèdes pour tous les
pécheurs, l'on ne saurait constituer une église
avec des pécheurs seulement; il faut aussi appeler ceux qui
savent, les Gnostiques, c'est-à-dire ceux qui sont familiers avec
la Gnose intérieure ou
la sagesse divine. Ceux-ci, disait-il, forment les piliers et les murs
de l'Église. Voilà ce qui a peut-être été un
peu perdu de vue dans la suite de l'histoire du christianisme où l'idée
directrice fut de rendre la doctrine entière accessible à la
compréhension
des moins cultivés, d'où il résulta qu'une grande
partie du merveilleux héritage du christianisme demeura perdu pour
le plus grand nombre qui n'en connaissait même
pas l'existence. Le Christianisme fut affaibli d'autant
aux yeux de la science grandissant du monde qui l'entourait.
Je n'insisterai pas davantage sur ce point. J'ai voulu
simplement vous l'indiquer, de manière à ce que vous vous efforciez de vous
débarrasser
complètement de ce sentiment, si vous le partagez si peu que ce
soit. Comment, en effet, pourrait évoluer le monde s'il n'y avait
des hommes plus avancés qui, ayant été plus longtemps à l'école
de l'univers, ont appris les leçons qui y sont enseignées.
C'est précisément de ces leçons que je parle sous
le nom d'Initiations du Christ, du Christ humain qui s'efforce de se rendre
digne de ce que le Christ puisse naître en lui et y atteindre son
plein développement.
Ceci, d'après moi, n'implique pas encore dans celle période
d'évolution
l'égalité avec le grand Christ, l'Instructeur du Monde, mais
bien qu'il s'est libéré des leçons du monde et qu'en
servant le monde ou un autre peut-être, il s'élèvera
à des hauteurs qui le rapprocheront de plus en plus du Père.
C'est ainsi que dans la vie humaine du Christ, dans la vie qu'Il passa
sur terre, il est possible de discerner plusieurs étapes; car il
est dit qu'il vint pour donner un exemple que les hommes puissent suivre.
En réalité,
depuis le baptême,
sa vie tout entière est supra-humaine et même avant cet événement,
durant ses années de jeunesse et dans ce corps qui était
préparé pour
Lui, apparaissait déjà beaucoup de la sagesse
du Christ futur.
Dans les diverses religions, nous voyons qu'a cette phase
de développement,
au début du Sentier de Sainteté, il est dit que l'Initié naît.
Dans les Écritures hindoues, par exemple, les instructeurs diront,
en employant les paroles des Upanishads: Dans le coeur de l'homme se trouve
une grotte et dans cette grotte il y a une chose qu'il faut découvrir;
oui, en vérité,
celle chose mérite qu'on la recherche. Dans certains documents chrétiens
anciens (je ne veux pas dire plus anciens que les Évangiles, mais
non considérés
comme canoniques par l'Église comme les Évangiles), au lieu
de dire que l'Enfant naquit
dans une étable. il est dit qu'il naquit dans une grotte. Ce n'est
qu'une question de mots. Une grotte peut évidemment être utilisée
comme étable,
mais en employant le mot étable [Page 11] on
supprime le rapport qui eût existé si ce mot qui eût
existé si ce mot eût été
remplacé par grotte, expression
commune à toutes les religions. Et ce qu'il faut chercher
dans le coeur, c'est le Christ qui vous transforme à son image,
qui vous modèle à sa ressemblance. Le grand Christ extérieur
contribue sans aucun doute dans une immense mesure à cette transformation,
mais la plus grande part du travail d'épanouissement et de transformation
est accomplie par le Christ intérieur.
Et c'est ce Christ qui est dans le coeur humain, ce Christ
qui, quelque faiblement qu'on sente sa présence, est là, qui
peu à peu
fait de la vie humaine une vie supra-humaine contenant en germe la promesse
des splendeurs de la vie divine. C' est ainsi que cette naissance du Christ,
dont il est parlé dans les Évangiles, est considérée
au point de vue mystique. Souvent l'on dit: " le Christ mystique" pour
le distinguer du grand Instructeur du monde.
Dans cette naissance du Christ, nous voyons le symbole
de la première
des grandes Initiations de l'esprit humain, celle qui caractérise le premier
stade de cette évolution accomplie par l'homme au cours de sa marche
ascensionnelle vers Dieu. Et du fait que le petit Enfant est naturellement encore
faible à bien
des égards, l'homme peut demeurer à ce stade pendant bien des vies.
Le nombre n'en est pas exactement fixé, mais on dit généralement
qu'il est de sept environ. En réalité cela dépend du degré que
l'homme avait atteint lorsque, dans un but déterminé, le premier
grand Portail s'est ouvert devant lui. En effet, les qualités qui permettent
aux humains d'aborder cette première étape sont d'ordres très
divers. A notre époque de transition, une des grandes qualités
qu'on demande est la faculté de servir des groupes importants d'êtres
humains, la faculté de servir de canal à la force divine pour lui
permettre d'atteindre de grandes collectivités et de les préparer
ainsi à la venue du Grand Instructeur du Monde. De sorte que parfois,
un individu peut être choisi en raison d'une certaine qualité qu'il
possède, tandis que d'autres qualités nécessaires
ne sont pas encore développées en lui, ce qui l'oblige à passer
encore par bien des existences avant d'aborder l'étape
suivante.
Ce qui
est indispensable, c'est qu'il se libère de trois choses au cours
de ces vies. L'une d'elles est le sentiment d'être séparé des
autres hommes, sentiment qui empêche de reconnaître la Vie
unique, le Dieu unique en tous. Parfois, ce sentiment est appelé la
grande hérésie
de la séparativité; l'expression n'est pas
mauvaise. Pour se libérer de ce sentiment, l'homme doit s'efforcer
de voir clairement qu'il ne fait qu'un avec ses semblables. Nous savons
Ions combien il est facile de nous identifier avec les hommes supérieurs,
les hommes supra-humains qui collaborent à l'évolution du
monde; tous nous aspirons à nous rapprocher d'Eux. à nous
réclamer d'Eux comme
des [Page 12] frères ainés de l'humanité,
Mais le véritable signe de la
naissance dans l'esprit intérieur de l'esprit christique, c'est
la reconnaissance de la fraternité avec tous les êtres, les
plus humbles comme les plus élevés. Tant que vous n'aurez
pas, dans une certaine mesure, senti cela, il nous faudra rester stationnaires
jusqu'à ce que vous vous
rendiez clairement compte de ce que le criminel le plus abject est un avec
vous comme vous espérez être un avec Dieu.
Si Dieu ne considère pas que sa Vie divine soit souillée
du fait de demeurer dans le plus vil de ses enfants, notre tâche à nous
est d'apprendre que le péché du monde est notre péché et
que nous n'avons le droit de nous isoler de nul d'entre les êtres
en disant:
"Je suis plus pur que toi", car il n'y a ni toi, ni moi dans
la vie spirituelle. Il y a une Unité, l'Unité divine. C'est
une acquisition nécessaire au développement de la vie. Elle
est indispensable à un
stade plus avancé, la grande tâche du Christ triomphant étant
le service de l'humanité, de tout membre de l'humanité. L'on
peut dire, pour exprimer ceci d'une manière claire, que toutes les âmes
humaines sont ouvertes vers le haut et enfermées de murs sur le
plan inférieur
de manière à permettre au Christ d'infuser
en chacune d'elles son amour et son aide; c'est pourquoi, sous son aspect
triomphant; on l'appelle le Sauveur du monde. Pour lui, aucun être
n'est un étranger,
tous sont ses frères, et peut-être pouvons nous juger de notre
progrès
sur le Sentier en voyant si nous sommes arrivés au point où nul
sentiment de condescendance n'est éprouvé a
prendre place auprès
du plus humble des enfants des hommes. L'effort pour atteindre ce point
peut durer une vie, plusieurs vies, nous ne pouvons dire combien de temps,
jusqu'à ce
que l'homme remplisse parfaitement cette première
condition.
Il lui faut ensuite se débarrasser de ce que l'on nomme le
doute. Mais se libérer du doute ne signifie pas qu'il soit interdit
de discuter une opinion intellectuelle, car la croissance de l'intellect
est stimulée
par la discussion. Ce qui nous est demandé, c'est la faculté d'arriver à une
décision par la force de notre propre raisonnement; car il est dit
que
"ni dans ce monde ni dans aucun autre, il n'y a de félicité pour
l'âme
qui doute", l'âme qui sans cesse interroge, se débat
dans le trouble, trouve partout des obstacles et ne peut arriver à une
conclusion. Cette âme
est toujours malheureuse et tout progrès lui impossible. On dit
aussi que les grandes vérités au sujet desquelles l'homme
doit avoir laissé derrière lui toute espèce de doute
sont celles de l'unité de
l'humanité,
de la réincarnation et
de la grande loi de causalité que les Orientaux nomment karma. Durant
première période, l'homme doit également
se libérer de la superstition. Il y a bien des
manières
d'envisager la superstition. Certains déclarent qu'en matière
religieuse [Page 13] tout
ce qui ne fait pas partie de leurs croyances est superstition.
Il n'en est pas ainsi; pris dans son sens fondamental,
ce moi implique la contusion faite entre ce qui est essentiel
et ce qui ne l'est pas, la concentration de l'attention,
dans nos rapports avec de grandes vérités,
sur ce qui n'est pas partie intégrante de l'essence de cette vérité.
L'attachement à ce qui n'importe
pas et la confusion de ceci avec la réalité, voilà ce
qui constitue la superstition. Telles sont les trois choses qui doivent être
rejetées au cours de la première période, sans égard
au temps qu'il en puisse coûter pour atteindre ce résultat.
La seconde grande étape est marquée
dans le récit évangélique par ce qu'on nomme le Baptême
du Christ, où il est dit que
l'Esprit de Dieu descendit sur Lui et demeura en Lui, fait qui est caractérisé dans
la seconde initiation par ce qui est parfois désigné sous
le nom de descente de la Monade. Il s'agit de l'Esprit, de l'esprit divin
qui est nôtre
et qui, à la stricte vérité, ne se sépare jamais,
ne peut pas se séparer de Dieu Lui-même. Néanmoins,
dans notre langage humain qui exprime si mal certaines grandes vérités,
nous parlons de descente et d'ascension, de ces changements dans l'espace
qui, au fond, n'ont pas plus de sens réel que le temps. C'est pourquoi
lorsque cet Esprit sublime, qui est notre Soi, vient en quelque sorte
occuper les véhicules
au-dessus desquels il avait jusqu'alors plané, ce fait est exprimé symboliquement
par le Baptême du Christ. Il est qu'à dater de ce moment,
Il alla prêcher, enseigner ce qu'il avait appris, tandis qu'auparavant, à l'exception
d'une apparition dans le Temple, Il s'était peu montré aux
hommes.
Puis les événement se précipitent, et c'est le Grand
Mystère
de la Transfiguration, où les yeux dessillés des disciples
purent contempler sa gloire qui restait invisible aux autres. C'est
la troisième
des grandes Initiations où toute attraction des sens doit disparaître.
L'homme doit alors être attiré par l'intérieur et non
par l'extérieur et se débarrasser entièrement de
l'orgueil et de la colère. La quatrième est appelée
la Passion du Christ, au cours de laquelle Il passa de la montagne
glorieuse de la Transfiguration au Jardin de Gethsemani et au Calvaire
où il
subit l'angoisse suprême de l'abandon de
Dieu qui était
Lui-même. Cette impression de complet isolement se fait parfois sentir
pendant toute la durée de la quatrième période jusqu'au
début
de la cinquième; c'en est la caractéristique la plus
remarquable et qui abandonne l'Esprit humain à lui-même pour
lui permettre de découvrir sa propre puissance, de connaître
sa propre divinité qu'il ne peut connaître jusqu'à ce
que le Dieu extérieur semble pour un moment avoir
disparu.
C'est ce que symbolisent les paroles qui s'échappèrent des lèvres du Christ agonisant: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné?" En effet, ses disciples avaient pu [Page 14] l'abandonner, ses amis le trahir, l'apôtre auquel Il avait donné sa confiance, le renier à la face de ses ennemis, dans toutes ces épreuves il lui restait le sentiment de la présence du Père, le sentiment du réconfort venant de Dieu lui-même. Mais au moment de l'angoisse suprême, même ceci lui fut retiré. Sinon, comment eut-Il pu reconnaître sa propre divinité. Voilà pourquoi cette dernière phase, qui précède celle de la victoire, apporte avec elle la souffrance, la passion, l'angoisse, la flagellation, la couronne d'épines. Ce n'était là que les souffrances apparentes que devait suivre la désolation intime, prélude inévitable de la mort, de cette mort qui n'est plus alors que l'entrée dans une vie plus haute, dernière ennemie qui devait être vaincue, et vaincue par la puissance du Christ, conscient de sa Divinité.
Avant de m'occuper
du sujet dont je veux vous entretenir aujourd'hui, permettez
que je dise pour ceux d'entre vous qui pourraient ne pas
me comprend quelques mots seulement de la constitution
de l'homme telle qu'elle nous est enseignée
par les Écritures ou, comme nous les désignons
souvent, par la Sagesse divine.
Vous vous rappelez que l'apôtre Saint-Paul, en parlant de l'homme, déclare
qu'il existe un corps naturel et aussi un corps spirituel. Dans un autre passage
l'Apôtre parle de l'homme comme étant triple dans sa constitution,
puisqu'il se compose du corps, de l'âme et de l'esprit. Partant de cette
classification connue, j'ajouterai qu'à un certain point de vue l'âme
est considérée comme constituée par deux éléments:
les émotions et l'intellect. Voilà en réalité tout
ce que j'ai besoin de vous dire de la constitution de l'être
humain pour rendre intelligible ma causerie de ce soir.
Le corps de l'homme l'abandonne au moment où se produit ce que nous nommons
la mort, tandis que son âme et son esprit immortels passent dans des régions
plus hautes. Deux de ces mondes supérieurs sont parfaitement accessible à
l'étude de ceux qui prennent la peine d'étudier sérieusement
le sujet; s'ils le désirent et veulent y consacrer le temps et la
réflexion nécessaires, ils pourront se rendre compte par eux-mêmes
de la constitution de ces deux mondes. L'Eglise catholique romaine donne,
au premier le nom très approprié de Purgatoire. D'autres l'appellent
parfois l' état intermédiaire et parfois le monde
des émotions car il est spécialement consacré à l'élaboration
des émotions éprouvées durant la vie physique mortelle
et surtout de ces émotions d'une nature plus ou moins égoïste. [Page
15]
Je ne mets
aucune intention de blâme dans l'emploi du mot égoïste;
par là je veux seulement indiquer le genre de sentiments dont la
nature est d'exiger d'être payés de retour et d'être
peu satisfaits ou mécontents lorsque ce n'est pas
le cas.
L'on peut passer de ce genre d'émotions à des émotions
plus élevées
où l'amour perd toute trace d'égoïsme, où il s'épanche
sans demander de réciprocité et où, sous son aspect
le plus haut appelé dévotion, il se manifeste sous forme de
service à l'objet de sa dévotion et s'efforce, en servant en
ce monde
mortel, d'exprimer l'amour sous son aspect vraiment divin, l'amour qui cherche
à servir
et à bénir, qu'il y ait ou non réciprocité.
Puis, arrivés à un certain degré, nous passons dans
le monde céleste, dans le royaume des émotions pures de tout égoïsme, émotions
où l'intellect occupe une large place. C'est cette partie supérieure
de l'âme humaine qui trouve dans les cieux un repos temporaire, si
toutefois le mot repos peut être employé pour caractériser
une vie pleine d'activité et présentant, pour l'homme, l'intérêt
le plus profond.
Tandis que je vous parlerai de cette vie, pourrais-je vous
prier de me considérer
pendant un moment comme une personne qui revient d'un pays étranger
pour en parler à ceux qui sont appelés à le visiter
plus tard et qui n'ont pas encore pénétré dans ce pays
que j'allais qualifier de très éloigné mais
qui est bien proche en réalité ?
Que je ne sois donc à présent pour vous qu'un voyageur vous
disant ce qui a été vu, ce qu'on a rencontré, les expériences
qui ont été faites dans ce monde céleste, vous décrivant
en partie l'activité qui y règne, les conditions de son existence
et par dessus tout sa grande importance au point de vue de l'évolution
de l'âme humaine, du développement de l'esprit
divin en l'homme.
Pour beaucoup de personnes, tout ceci n'est pas seulement
un sujet étudié dans
les livres mais le résultat d'observations personnelles, et il n'y
a vraiment pas plus de raisons de mettre en doute la valeur de ces
observations qu'il n'y en a à douter de la valeur des récits
de voyages que nous pouvons lire. Peut-être n'irez-vous jamais dans
les pays décrits
dans ces récits et ne pourrez-vous pas vérifier les renseignements
qu'on vous donne, mais il est intéressant d'écouter les rapports
de ceux qui ont visité ces pays et en ont rapporté des nouvelles.
Voilà dans
quel esprit je voudrais vous voir considérer ce soir le monde céleste,
vous le figurant comme plus réel que le nôtre, plus réel
dans ce sens
que la matière grossière dont nous sommes revêtus ayant été rejetée,
il est de deux étape- plus proche de la réalité.
Ces trois mondes auxquels j'ai fait allusion, le monde [Page
16] physique, le monde intermédiaire et le monde céleste,
constituent le vaste champ d'activité de l'évolution humaine
depuis son début
jusqu'à un degré élevé de progrès intellectuel
et émotionnel. Imaginons que nous plongions nos regards dans ce monde
supérieur pour examiner les activités qui s'y déploient.
Au premier moment, nous serons sans doute troublés par la vue d'une
foule d'êtres inconnus se livrant apparemment à des occupations
d'ordre émotionnel ou intellectuel suivant la région du monde
en question où nous nous trouvons. L'explication de cette activité réside
dans la, vie extérieure ou terrestre. Ici-bas nous accumulons sans cesse
les expériences mentales et émotionnelles; ces expériences
sont en quelque sorte la nourriture que l'homme doit assimiler dans les sphères
supérieures en vue de sa croissance ultérieure. De même
que le corps physique est nourri par les aliments, aliments qui seraient inutiles
si l'homme ne disposait pas du temps nécessaire à leur assimilation,
de même que les différentes parties du corps se nourrissent, grandissent
et se développent en raison de la valeur nutritive des aliments, de
même l'expérience s'est accumulée au cours de la vie dans
le monde physique. Où que ce soit que nous exercions notre faculté émotive,
nous amassons de l'expérience qui en résulte et la mettons en
réserve; nous l'employons sans doute dans cette vie après l'avoir
amassée, mais seulement en partie, car le temps nous manque au milieu
de l'activité continuelle de nos sensations pour tirer complètement
parti des possibilités contenues dans chacune d'elles et pour les utiliser-de
la manière que je vais indiquer par la suite.
En ce qui concerne l'intellect, nous amassons aussi sans
cesse de l'expérience
mentale. Nous étudions, nous pensons, nous accumulons des connaissances
et nous faisons travailler notre pensée sur ces connaissances, y ajoutant
quelque chose qui nous est propre. C'est sur ce fait que je désire insister, étant
donné l'influence énorme qu'il exerce sur la valeur de notre
vie céleste. Si notre vie terrestre est pauvre d'émotions et
de pensée, si notre récolte est maigre dans ces deux grands champs
de l'activité humaine, notre vie céleste aura une valeur moins
grande au point de vue de notre évolution que si notre vie émotionnelle
est riche en émotions nobles et profondes et si notre vie mentale s'applique à des
pensées et des aspirations hautes et sublimes.
Une fois dans la région céleste, nous ne pouvons plus amasser
d'expérience pour l'assimiler. Il nous faut dans l'ensemble nous borner à celle
que nous avons accumulée durant notre existence mortelle à laquelle
vient s'ajouter un peu d'expérience acquise dans le monde intermédiaire,
mais fort peu.
En ce qui concerne son âme, on a comparé l'homme à l'oiseau
qui se nourrit de poisson, lequel plonge un instant dans la mer, y trouve de
la nourriture et (reprend immédiatement son vol [Page
17] pour
l'absorber et l'assimiler. A beaucoup de points de vue,cette
comparaison est très exacte, la vie céleste étant normalement
tellement longue en proportion de la vie physique que l'image de l'oiseau
plongeant dans l'eau et reprenant son essor peut donner une idée juste
de la vie humaine sur la terre. La vraie demeure de l'oiseau est l'air et non
l'eau. Notre patrie véritable est le monde céleste
et non le monde terrestre.
Lorsque le Grand Apôtre que j'ai déjà cité parlait
du monde céleste, il disait "Vous êtes citoyens des cieux",
vous-êtes et non vous serez. En réalité nous sommes originaires
des cieux; c'est notre demeure naturelle. C'est là que nous vivons,
là qu'est notre patrie, et nous ne faisons que plonger de temps à autre
dans le monde inférieur pour y récolter la nourriture que nous
transformerons en facultés, en pouvoirs, en capacités
intellectuelles et sentimentales.
Voilà pourquoi je disais que plus l'expérience est abondante
ici-bas, plus important est le travail d'assimilation dans les régions
supérieures, et le laps de temps passé dans ces sphères
est proportionné à la quantité d'expérience accumulée
sur terre. Car il nous faut le temps nécessaire à une assimilation
pleine et entière.
Pour étudier le rapport qui existe entre le ciel et la terre,
prenons donc pour l'instant pour base que la terre est le lieu
où l'on récolte l'expérience, le ciel celui où on
la transforme en facultés, en pouvoirs, en capacités. C'est
avec ces facultés
accrues
que nous revenons sur terre lorsque toute la récolte antérieure
a été assimilée,
et nous renaissons avec le germe de toutes ces
facultés agrandies que nous avons créées dans le monde
céleste à l'aide
de l'expérience acquise dans la vie
précédente.
Si vous adoptez cette théorie de la vie humaine, vous verrez
quelle influence énorme elle exercera sur votre propre vie. Représentez-vous
un jour de cette vie qui est la nôtre. Le jour fini, examinez-la et demandez-vous
quel emploi vous avez fait de vos sentiments au cours, de cette journée.
Avez-vous éprouvé quelqu'une des émotions d'ordre
inférieur? Avez-vous permis à l'une de celles qu'on nomme passions
de vous dominer? Avez-vous perdu votre peine à lutter avec elles ou
les avez-vous maîtrisées et guidées parfaitement? Vous
ont-elles inspiré le désir de servir, le désir d'aider
toute personne avec laquelle vous'êtes entrés en contact ce jour-là?
Avez-vous utilisé complètement les émotions éprouvées
par vous et en plus de ce travail positif, leur avez-vous permis de prendre
leur essor vers les régions supérieures sous forme d'aspirations,
afin d'en goûter le résultat le plus sublime, l'aspiration vers
un amour toujours plus noble, plus pur, plus grand, plus profond de Dieu et
de l'humanité? Lorsque vous aurez examiné la journée sous
cet angle, vous commencerez à comprendre que pendant ce temps, si
vous l'avez bien employé, vous avez récolté dans
le [Page
18] champ des émotions bien plus que
vous n'en pourrez utiliser durant toute votre existence.
Après quoi, vous pourrez passer à vos pensées et les soumettre à un
examen du même genre. Ces pensées ont-elles été pures
et nobles, ou ont-elles été consacrées entièrement
aux choses les plus insignifiantes de l'existence? Cette sorte d'étude
des conséquences de la pensée vous amènera sans doute à vous
imposer une règle fort sage d'ailleurs, qui consiste à ne pas
laisser s'écouler une journée sans lire, ne serait-ce que quelques
phrases d'un livre important, afin d'amasser quelque nourriture intellectuelle
au cours de cette journée. Il ne s'agit pas là de lire beaucoup.
La plupart des gens lisent trop et réfléchissent trop peu à ce
qu'ils lisent: Ce qui a de la valeur ce n'est pas la lecture en elle-même,
mais ce que nous y ajoutons par l'exercice de notre propre réflexion.
Il ne sert pas à grand chose de parcourir un grand nombre de pages et
de les mettre ensuite de côté. Par là, nous pourrons, suivant
l'expression de Bacon, à ce que je crois, être bien remplis, c'est-à-dire
que nous aurons amassé une bonne quantité de connaissance de
seconde et de troisième main. Mais la véritable valeur de la
lecture se trouve dans ce que nous y ajoutons par l'usage de nos facultés
mentales personnelles. Vous allez comprendre tout de suite pourquoi il est
si important d'avoir en lecture un livre ayant une réelle valeur et
le don de stimuler la pensée et d'en lire journellement, ne fut-ce qu'un
quart de page, car en y réfléchissant, en en tirant toute la
substance que nous pouvons, nous utilisons le pouvoir mental de telle sorte
qu'il donne, naissance à de nombreux germes de pensée exigeant
du temps pour grandir et se développer.
De même il importe d'inclure dans cette lecture quotidienne un passage,
même seulement une phrase tirée de l'une des grandes Écritures
sacrées de l'humanité. Méditons ce passage, apprenons-le
par coeur si possible; je ne connais pas de meilleure défense
de l'esprit contre les pensées viles, basses ou indésirables
que d'y introduire le matin quelque sublime et noble pensée qui montera
la garde durant toute la journée et empêchera le mal d'y pénétrer,
voyez bien persuadés, en effet, que nous ne pouvons penser à deux
choses à la
fois... L'un-des meilleurs moyens de se débarrasser de toute pensée
inférieure, pensée malveillante, pensée mesquine, pensée
de vengeance, n'est pas de lutter avec elle, mais de la remplacer par quelque
chose de différent. Il faut la faire périr d'inanition; or,
en pensant à une chose, nous la fortifions, et penser à un tort
qu'on a eu c'est fortifier le pouvoir que cette pensée
mauvaise a sur nous.
Admettons que nous adoptions ce qui précède comme règle
de vie. Cela constitue une préparation méthodique du séjour
céleste, et en persévérant durant des jours, des semaines,
des années, nous accumulons une quantité d'expérience [Page
19] intellectuelle
qui, dans son ensemble, forme une masse imposante, et tout
cela nous l'apportons avec nous dans le monde céleste. Pas un
seul de nos joyaux ne s'égare au cours de ce voyage. Nous les retrouvons
tous dans notre âme
et ce sont là les matériaux que nous emploierons à la
construction de l'esprit avec lequel nous reviendrons au monde. Étudions
un ou deux exemples précis et nous verrons de quelle lumière
s'éclaire
le cas spécial des êtres humains qui naissent, admettons, avec
des capacités spéciales pour les actions nobles et le travail
bienfaisant. Que de fois il nous arrive à tous de désirer qu'il
nous soit permis de réaliser nos rêves en ce monde. Nous voulons
servir l'humanité, l'aider, laisser le monde meilleur qu'il n'était
lorsque nous y sommes venus et cependant nous nous sentons sans force devant
ses chagrins, ses douleurs, sa misère et nous gémissons
sur notre impuissance à faire ce que nous souhaitons. Ne gémissons
point, car les gémissements sont vains, mais mettons-nous au travail
pour rassembler pour une vie ultérieure les éléments de
facultés plus puissantes. Il y avait en Angleterre, au temps de mon
enfance, il y a bien longtemps, un homme connu pour sa philanthropie: le comte
de Shaftesbury. C'était un homme auquel sa naissance avait donné un
rang élevé, la fortune, une situation où toutes les jouissances
sociales étaient à sa portée et destiné en un mot à mener
une vie de plaisir, une vie de paresse et de luxe comme le font tant de ses
pareils. Au lieu de cela, il se distingua par la sympathie qu'il témoignait
aux plus pauvres; il consacra sa vie, sa pensée, sa fortune au soulagement
des classes les plus déshéritées de la société.
Ce fut lui qui contribua à éloigner des mines de charbon les
femmes et les enfants qui y passaient une si grande partie de leur misérable
existence, lui qui contribua à l'élaboration de la législation
ouvrière anglaise à propos de laquelle, il vous en souvient,
Mrs Browning chanta son merveilleux poème Pleurs d'Enfants.
Ce fut lui qui s'occupa sans relâche à aider
les pauvres et qui trouva son bonheur dans, cette occupation.
S'il était possible de jeter un coup d'oeil sur la vie céleste
qui précéda la vie terrestre d'un tel homme, on le verrait réfléchissant, élaborant
des plans comme un architecte qui prépare le projet d'un édifice,
esquissant peu à peu le plan qui fera de lui le soutien des abandonnés,
le sauveur des misérables.
Pendant de longs siècles de vie céleste, il a modelé ce
pouvoir d'aider, transformant en faculté chacune des aspirations du
passé, en force, chaque désir inexaucé de ce passé, édifiant
ainsi graduellement ces caractéristiques si nobles et si humanitaires
qui l'accompagnèrent à son retour sur terre et en firent l'un
de ceux qui aident les malheureux. Dans sa vie précédente il
avait essayé, il avait aspiré à ce résultat; or
toute aspiration que nous ne pouvons réaliser, tout désir que
nous éprouvons d'aider les pauvres et les malheureux et que notre destinée
ou [Page 20] peut-être notre propre faiblesse
nous empêche de satisfaire,
nous les retrouvons dans la vie céleste et il nous sera donné de
transformer notre faiblesse en pouvoir, notre faculté en
force.
A mesure qu'on se rend compte de tout ceci, l'on commence à préparer
son propre paradis. L'on commence à utiliser la pensée et l'émotion
de manière à s'assurer une quantité considérable
de matériaux pour le moment où commencera la grande oeuvre
d'assimilation du passé et la création de l'avenir. Car
le temps nécessaire nous est accordé, le temps de réaliser
tous nos
espoirs et de développer la faculté d'accomplir tout ce que à quoi
nous avons aspiré. L'on peut dire que cette obligation où nous
nous trouvons de nous préparer dès h présent à la
vie céleste est l'une des caractéristiques les plus précieuses
de cette vie. Si actuellement nous nous laissons vivre sans pensée et
sans émotion élevée, nous n'aurons à notre disposition
qu'une bien petite et bien pauvre somme d'expérience à transformer
en énergie et en capacité. Par la pratique de la pensée
et des émotions, il nous faut rassembler les matériaux que nous
utiliserons dans la vie céleste. C'est comme si nous amassions ici-bas
la quantité de fil nécessaire pour en tisser un vêtement
et que la taille de ce vêtement dépende de la quantité de
fil de coton ou de soie que nous avons recueillie pour le tissage. Le monde
céleste est le lieu où notre récolte est tissée
en une trame et il nous est donné de nous préparer à tisser à notre
usage un vêtement de gloire et de force pour le vêtir lorsque nous
retournerons vers ce monde-ci, qui a si grand besoin d'aide, et à devenir
ainsi l'un des soutiens du monde de demain.
Le genre de lecture dont je viens de parler a également une grande valeur
intellectuelle à un autre point de vue. La pensée de l'auteur
se trouve exprimée, bien qu'imparfaitement, dans le livre qu'il écrit
et la plupart des écrivains sentent qu'il ne leur est pas possible de
refléter fidèlement dans leur oeuvre la beauté
de la pensée telle qu'elle se présente à leur esprit.
Eh bien, en lisant un livre avec attention, en y réfléchissant,
nous créons pour ainsi dire un lien magique entre notre esprit et celui
de l'écrivain, et cette lecture, faite en ce monde physique, peut nous
en enseigner plus long que l'auteur n'en a réellement écrit,
car elle peut nous mettre en contact avec son esprit vivant, et nous permettre
ainsi d'en apprendre plus que les mots ne peuvent exprimer. Mais ceci n'est
qu'un avant-goût de ce qui nous attend dans l'avenir. Si nous le voulons,
nous pouvons choisir notre société dans le monde céleste.
Les auteurs que nous avons aimés seront là et nous les fréquenterons.
En utilisant nos facultés intellectuelles pour entrer en rapport avec
les plus grands écrivains de notre temps et du passé, nous créons
par notre sympathie un lien d'esprit à esprit. Et lorsque dans le monde
supérieur notre capacité de penser s'éveillera,
nous nous trouverons en rapport avec ceux [Page 21] dont
nous avons étudié les oeuvres sur la terre; nous
nous trouverons en présence de ceux que, dans bien des cas peut-être,
nous avons ardemment désiré approcher ici-bas sans
que l'occasion nous ait été donnée
de le faire,
Ceci est tout spécialement vrai si notre lecture et notre étude,
de même que notre pensée, ont pour objectif ceux qui sont les
grands instructeurs du monde. En pensant à ceux d'entre eux dont les
oeuvres nous ont inspiré îles émotions les plus nobles,
les pensées
les plus profondes et les plus sublimes, en dirigeant notre attention sur ceux
dont les paroles nous ont été transmises (peut-être par
leurs disciples) d'un passé lointain, nous tissons des liens entre
Eux et nous, et lorsque nous pénétrerons dans le monde céleste,
Ils seront là pour nous aider et nous enseigner pour nous guider
et nous inonder de lumière, et notre vie céleste pourra nous
offrir les plus merveilleuses occasions de nous instruire auprès
de ceux que nous aurons aimés et révérés et considérés
comme nos instructeurs en ce monde physique.
Ceux d'entre nous qui sont persuadés qu'il existe des hommes supra-humains,
qui dans leur amour infini pour l'humanité préfèrent ne
pas s'éloigner de ce monde et rester en contact avec elle plutôt
que de pénétrer dans des sphères d'existence où il
ne leur serait plus possible de travailler pour cette humanité dont
ils font partie, ceux d'entre nous qui croient en ces Hommes supra-humains
et les connaissent, qui s'efforcent de les suivre et de les servir,
ceux-là les rencontreront dans le monde céleste et il leur sera
permis d'entrer en relations personnelles avec ceux que, déjà sur
cette terre, ils apprennent à connaître et à aimer.
Les Êtres qui ont passé par l'Initiation dont je parlais dimanche
dernier, qui ont atteint le stade de l'Esprit libéré, sont toujours
disposés à accueillir leurs disciples, à illuminer leur
esprit, à diriger et à fortifier leur pensée. Je ne veux
pas dire que nous ne puissions Les connaître avant de pénétrer
dans ce monde céleste; nous pouvons réussir ou échouer
sur ce point, mais dans le monde en question nous Les rencontrerons et Les
reconnaîtrons inévitablement à condition de Les avoir aimés
et servis ici-bas.
Y a-t-il donc lieu de s'étonner que je parle de l'importance du paradis?
A bien l'entendre, il réagit sur toute notre vie mortelle. Chaque jour
de cette vie se trouve transformé du fait que nous sommes conscients
de la valeur de la vie céleste. Que ceux d'entre nous qui ont la
nostalgie du beau, ceux qui ont peut-être en eux le sens artistique,
mais ne sont doués que médiocrement au point de vue de l'exécution
ou qui n'ont peut-être que peu d'occasions de jouir du grand art, se
rappellent que les privations d'ici-bas trouveront leur contre-partie en satisfactions
dans le monde céleste où est réuni
tout ce qu'il y a de plus sublime en fait de musique, de
peinture, de sculpture, d'art enfin, sous toutes ses formes. [Page 22]
Donc si nous avons
un don quelconque à ce point de vue, gardons-nous
de le négliger quand bien même il ne serait pas celui d'un grand
artiste. Entretenons-le, cultivons-le, tirons-en tout ce que nous pouvons dans
les limites qui nous sont imposées par cette vie et par les conditions
où nous sommes placés, car dans le monde supérieur tous
nos espoirs seront réalisés, toutes nos aspirations
se transformeront en jouissances.
C'est ainsi que se forment les grands artistes de notre
monde. Ils ont travaillé,
aspiré, fait de durs efforts dans le passé et, dans le monde
céleste, ils ont transformé ces efforts en capacités plus
grandes; mettant à profit tout ce qu'ils avaient édifié dans
des existences antérieures, ils ont développé leurs facultés
jusqu'à devenir l'objet de l'admiration du monde entier. Pensez à Mozart
qui, à cinq ou six ans et presque sans instruction, s'asseyait au piano
et improvisait de merveilleuses mélodies. Plus tard, ce même Mozart,
essayant d'expliquer de quelle façon il entendait la musique des sphères
supérieures, le faisait sous une forme presque incompréhensible
ici-bas, car il disait percevoir tout une grande sonate comme un accord unique
et majestueux, et redescendu de son extase dans ce monde physique, il écrivait
en une succession de notes ce qu'il avait entendu en une sublime et unique
harmonie. Le génie est la moisson du monde céleste. Toute action
remarquable dans le domaine du sentiment ou celui de l'intellect a été créée
dans le monde de la pensée avant de pouvoir s'exprimer dans celui de
l'action. C'est cela qui fait la valeur d'un long séjour dans les régions
célestes, cela dont il nous est donné de semer le germe, la
graine, le point de départ ici-bas, car nous enrichirons ainsi notre
vie céleste d'un trésor de possibilités que nous réaliserons à notre
prochain retour sur la terre.
Dimanche dernier,
j'ai essayé de vous donner une esquisse brève,
il est vrai, et imparfaite de ces étapes du Sentier manifestées
expressément dans la vie humaine vécue par le Christ en Palestine
il y a près de deux mille ans. Vous vous rappelez sans doute que cette
vie se divisa en quatre grandes périodes. Chacune de celles-ci représente
ce qu'on nomme une Initiation, c'est-à-dire une grande expansion de
conscience devançant de beaucoup l'évolution normale de l'humanité et
conduisant directement à travers des phases de durées inégales
(qui peuvent englober parfois plusieurs existences) vers la cinquième
grande étape appelée celle de l'Esprit libéré,
qui est la victoire remportée sur la mort et l'ascension vers une région
plus sublime [Page 23] encore
de la vie éternelle.
Ces quatre phases, nous le savons, furent marquées par la Naissance,
le Baptême, la Transfiguration et la
Passion, et il nous faut noter que ce n'est pas seulement dans ces sublimes
expressions des grandes vérités de la vie intérieure,
mais même dans le monde extérieur, en matière de religion,
que nous retrouvons cette grande Loi de la Nature en vertu de laquelle il faut
avant de terrasser la mort, vaincre également les tristesses et les épreuves
de la vie. De sorte que dans la vie de l'homme idéal, dans ces étapes
sur le chemin de la perfection, nous trouvons sur un plan inférieur
l'image des derniers jours qui précédèrent la mort du
'Christ. Nous constatons que toujours, a la veille de quelque victoire, l'homme
qui s'efforce à monter traverse une période de souffrance, d'épreuves
durant laquelle il lui faut faire face à des obstacles exceptionnels,
symbolisés dans la Passion du Christ par la flagellation, le couronnement
d'épines, la condamnation du peuple et la préférence donnée
sur Lui au larron.
Puis, en arrivant au Calvaire, voici la dernière épreuve de l'esprit
avant que puisse commencer sa libération, il lui faut se sentir complètement
isolé, abandonné au regard du monde — et même de
sa propre conscience intérieure, de Dieu Lui-même. C'est alors
que, dans cette suprême épreuve, il trouve le Dieu qui est en
lui. Dans sa conscience humaine il avait pu se croire délaissé même
par Dieu, mais le Père n'est jamais plus près du Fils qu'à l'instant
où il semble à celui-ci que les bras protecteurs se sont retirés
et où il se sent absolument isolé. Tel est le symbole de cette
vérité vitale sans cesse renaissante: celui qui perd sa vie
la retrouvera dans la vie éternelle. Ce n'est qu'en se sentant seul
que l'homme peut découvrir le Dieu intérieur.
Puis viennent les paroles finales: "Tout est consommé".
La vie d'épreuves est terminée; il remet son âme humaine,
son esprit divin entre les mains du Père retrouvé, puis il passe
dans le monde d'outre-tombe. Ces régions, tant dans la vie du Christ
lui-même que dans celle de l'Initié près d'atteindre le
but, restent entièrement voilées pour nous, comme pour tous ceux
qui ne les ont pas traversées en personne. Il fallait que la mort fût
vaincue, l'humanité rachetée, et quelques écrivains de
l'Eglise primitive, essayant en quelque sorte de plonger leur regard dans ces
ténèbres que nul ne peut percer, si ce n'est ceux qui sont sur
le point de les traverser, ont parlé de la descente du Christ dans un
monde mystérieux, demeure des esprits en prison, comme dit saint Pierre
dans son épître.
Ils interprétèrent ces mots les esprits en prison dans
ce sens que nul de ceux qui étaient morts avant la venue du Christ n'avait
pu s'élever jusqu'au Paradis. Et comme justement II est représenté comme
ayant dit, en pleine agonie, au larron repentant: "Aujourd'hui
tu seras avec moi au Paradis", ces mêmes écrivains
essayèrent
de se faire une idée du sens de ces paroles.[Page
24] Ils en conclurent que le grand ennemi du
genre humain tenait toutes les âmes
humaines captives, que l'homme ayant failli (à ce qu'ils croyaient), était
au pouvoir de celui qui était censé l'avoir trompé,
et que, jusqu'à la venue du vainqueur, ces âmes devaient rester
plongées non pas dans les tourments, mais dans l'obscurité d'une
aspiration jamais satisfaite, dans l'attente de l'arrivée du Maître.
Enfin, Celui-ci ayant brisé les portes de la mort et vaincu le dernier
ennemi de l'homme, Il avait délivré tous ceux qui étaient
au pouvoir de l'ennemi, tous ses frères, et les avait rachetés
de la mort, impuissante à enchaîner l'Homme Divin. Et ils peignirent
et décrivirent cette scène miraculeuse où l'on voyait
des ancêtres de l'humanité en grand nombre sortir du lieu
qui avait été pour eux une sorte de prison et monter avec le
Christ au Paradis pour y demeurer désormais. C'est ainsi qu'ils se représentèrent
la sublime Expiation subie par le Christ pour ses frères.
Maïs ceci n'est qu'une tentative faite par les hommes pour percer te
mystère
impénétrable de cette dernière et triomphale Initiation
qui met fin à l'esclavage de l'Esprit. De cela nous ne pouvons
rien savoir, et il me paraît plus sage de ne pas nous laisser entraîner
à des spéculations à ce sujet. Il est des cimes où nous
devons atteindre et que notre intellect ne peut'mesurer, en face desquelles,
ainsi qu'il est dit dans un livre sacré hindou, l'esprit s'effondre
dans le silence et ne peut que s'efforcer, du sein de ce silence, de saisir
un reflet intérieur de la perspective qui s'ouvre devant nous, enfants
dès hommes.
Nous savons une chose, c'est que vers la fin du sublime Sentier
de l'Initiation, de la partie de celui-ci qui est comprise
dans la vie normale du monde, l'Initié qui
est sur le point de franchir le seuil peut, s'il veut demeurer un aide, un
sauveur de cette humanité d'où II a surgi, accomplir ce qu'on
nomme le Grand Renoncement à la liberté individuelle. Ce sont
précisément ceux qui ont passé par cette phase d'évolution
que nous désignons sous le nom de Maîtres, parce qu'ils sont restés
pour enseigner, et d'Eux nous savons seulement qu'ils avancent sans cesse sur
la voie glorieuse en devenant toujours plus puissants pour servir l'humanité.
C'est leur propre volonté qui les lie à ce service. Seuls leur
propre choix et leur volonté propre les guident sans cesse en avant
vers l'accomplissement des tâches toujours plus sublimes destinées à aider
notre humanité. Quant à la résurrection du Christ, c'est
cette sublime cinquième Initiation au moyen de laquelle les hommes continuent à vaincre
la mort; car la mort ne peut plus rien sur eux lorsque l'Esprit est libéré de
toutes les entraves qui le paralysaient et qu'il a pris conscience de sa
propre majesté de l'empire qu'il exerce sur la matière.
La matière devient son esclave lorsqu'il s'est élevé au
rang de vainqueur de la mort. Mais des états de conscience
d'une sublimité [Page
25] encore plus merveilleuse, succèdent à celui-ci
où l'être destiné à devenir un Christ, parmi les
hommes avec toute la puissance de l'Instructeur, du Rédempteur et du
Protecteur s'élève jusqu'à la cime incomparable où il
se tient alors comme un Sauveur du monde. Efforçons-nous de nous représenter
un instant cette gloire ineffable, quelque misérable
que soit l'image que nous nous en faisons.
Même avec nos connaissances incomplètes, il nous semble possible
qui plutôt nous savons qu'il est certain qu'en s'élevant au rang
de Christ un être devient capable d'aider toute âme qui
se tourne vers Lui en quête de secours, d'être présent en
quelque sorte en n'importe quel point de notre monde. Permettez-moi d'employer à cet
effet une simple comparaison qui peut-être, si nous n'y avons déjà réfléchi,
nous fera comprendre comment il peut se faire que de ce foyer merveilleux
de lumière et d'amour irradient dans le coeur et l'âme des
humains des rayons qui leur apportent une aide et qui sont Sa propre vie. Pensons
au soleil, l'une des images si nombreuses employées ici-bas pour Le
décrire. Parfois on Le nomme le Soleil de Justice. Représentons-nous
le soleil physique montant dans notre ciel et envoyant à flots ses rayons
vivifiants, sa propre substance, sur le vaste cercle de notre terre, où;
songeons-y bien, toute vie est entretenue par ce foyer unique.
Rappelons-nous que la plante elle-même n'acquiert sa teinte verte qu'à condition
d'être atteinte par le flot descendant de ces rayons, et nous pourrons
comprendre que chacun des rayons contient la vie du soleil, que c'est le
soleil lui-même qui stimule toute chose ici-bas, que tout vit grâce à sa
lumière, grandit grâce à sa chaleur, est nourri et rendu
capable d'absorber des aliments grâce à ses
rayons.
Puisqu'il est dit que les choses d'en haut servent de modèles à celles
d'ici-bas, il nous est permis de prendre notre grand soleil pour le symbole
du Christ après l'Ascension. Il verse à flots sur le monde les
rayons de sa propre vie et lui-même s'incarne en quelque sorte en chaque être
humain. Tous ont la possibilité de Le recevoir, sauf s'il Lui ferment
leur coeur; et dans ce cas même II ne se décide pas à abandonner
ne fût ce qu'une seule âme, et fait entendre Son appel à la.
porte close du coeur: "Voyez, je me tiens à la porte
et je frappe, et si quelqu'un ouvre, j'entrerai". Il semble que
si grand soit le respect de la Divinité manifestée pour la volonté humaine
(l'un des trois aspects de la Trinité dans l'homme), que même
le Christ respecte trop profondément ce pouvoir divin en l'homme pour
lui faire violence, Il ne forcera pas la porte fermée, il faut qu'on
l'ouvre de l'intérieur.
C'est là une grande vérité d'une importance vitale. Dieu
rayonne également sur tous, mais comme l'a dit jadis Giordano Bruno:
" L'homme
ferme les persiennes de son esprit contre [Page 26] le
soleil; le soleil darde ses rayons sur les persiennes, mais
c'est à l'homme
d'ouvrir celles-ci toutes grandes s'il veut que l'inférieur soit inondé de
lumière". De même ce que l'on nomme parfois la grâce
divine, cette grâce qui se déverse sans cesse sur notre terre
chargée d'un amour constant, rayonne sur nous tous, sauf quand nous
fermons pour un temps nos fenêtres devant elle. Ouvrons-les, et la grâce
inondera le coeur humain, car Dieu n'a pas plus de favoris
qu'il n'a d'ennemis.
Si dans leur folie certains l'empêchent de pénétrer, Il
sait qu'alors même Sa vie est en eux, et que dès que cette vie
se sera quelque peu fortifiée, ils ouvriront toutes grandes les portes,
afin que Sa grâce puisse entrer et submerger la nature entière.
Il me semble donc que pour chacun de nous, quelle que soit
l'étape d'évolution
qu'il ait atteinte, la grande leçon apportée par la Résurrection
et l'Ascension du Christ est l'annonce de la résurrection du Dieu en
l'homme qui nous attend tous. Devant nous se trouvent des degrés que
nous devons gravir, nous n'en pouvons apercevoir l'extrémité supérieure,
mais à mesure que nous nous élevons se développe notre
faculté de servir et d'aider nos semblables. Celui qui a gravi ces échelons
durant sa vie humaine, Celui qui a vécu en homme sur la terre
reviendra pour aider son Univers et seule notre volonté erronée
peut nous exclure de Son action. En dépit de notre aveuglement, il ne
nous apporte que de l'Amour, et le jour viendra inévitablement où nos
yeux s'ouvriront grâce à l'amour qui ne se lasse point et à la
sagesse qui ne peut manquer de résoudre l'énigme créée
par notre ignorance.
Ces trois derniers
dimanches, je me suis efforcé de vous décrire
quelques-unes des étapes, de l'évolution supérieure de
l'homme et des obligations qu'elle comporte. Je me propose, ce soir, de vous
donner un aperçu des méthodes à l'aide desquelles l'homme,
en tant que maître de son avenir, peut créer, modeler sa propre
destinée, et utiliser les lois de la nature pour stimuler l'évolution
de son esprit et de son caractère. Peut-être cela vous aidera-t-il à vous
rendre compte plus clairement que vous ne l'avez fait jusqu'à présent
que nous pouvons, si nous le voulons, accélérer notre marche
sur la route du progrès et prendre conscience plus promptement par nous-mêmes
de la vérité d'une des plus hautes doctrines
religieuses qui soient.
Il y a un peu plus de cinq mille ans, un grand sage, un
homme profondément
savant, gisait, mourant, sur un champ [Page 27] de
bataille. Il était blessé à mort, mais la mort tardait à venir
et, tandis qu'il était étendu sur ce champ de bataille, un jeune
roi qui bientôt devait prendre possession de son trône, s'approcha
de lui et se mit à lui poser de nombreuses questions concernant l'activité et
les devoirs d'un roi et le sentier du progrès humain. Il lui posa, entre
autres, une question sur laquelle s'est souvent exercé le raisonnement
des hommes. Il demanda lequel est le plus puissant de l'effort ou de la destinée.
Et la réponse du sage fut: " L'effort est supérieur à la
destinée". Plus tard dans l'histoire de l'humanité,
l'un des grands instructeurs chrétiens, un Apôtre, écrivait:"
Ne vous y trompez point, l'on ne se moque pas de Dieu; ce qu'un homme sème,
il le récolte".
Dans ces deux phrases prononcées si loin de nous dans le temps comme
dans l'espace, s'exprime en réalité la loi, une loi qui, si nous
la comprenons, devient pour nous une force, un guide et un soutien et qui dans
le cas contraire, se joue de nous, nous projetant de ci, de là, nous
entraînant comme un fétu de paille emporté par
un torrent.
Rendons-nous tout d'abord exactement compte de ce que nous
entendons par le mot loi. Il existe, comme vous le savez,
deux sortes de lois: les lois naturelles et les lois humaines.
On est, en général très
porté à employer ce mot d'une manière vague, confondant
ainsi les lois faites par l'homme avec ces lois sublimes qui reflètent
dans le temps et dans l'espace la nature même de Dieu. C'est pourquoi
je m'arrête un instant sur ce mot de loi afin de m'assurer que vous sentez
toute la différence qui existe entre les lois de la nature et celles
qui peuvent être faites par les hommes.
Une loi humaine est arbitraire, elle résulte de la volonté d'une
autorité reconnue par une nation, mais l'autorité qui l'a établie
peut ultérieurement la modifier; elle peut décréter qu'une
sanction quelconque punira toute infraction à cette loi; la sanction
n'aura d'ailleurs aucun lien réel avec l'infraction elle-même,
elle n'en découlera pas naturellement, mais y sera ajoutée,
en vertu du texte de la loi promulguée par l'autorité en
question.
Nous savons qu'on peut violer une loi de cette espèce; si le coupable
est découvert, la sanction prévue s'ensuit ; dans le cas contraire,
l'homme poursuit son chemin comme si le manquement n'avait pas eu lieu. Mais
dans les lois naturelles, nous ne retrouvons aucune de ces caractéristiques
de la loi humaine.
Et d'abord, une loi naturelle ne peut être violée. Elle est intangible,
immuable. L'homme peut la négliger, alors la loi le frappe. Il se peut
que l'homme l'ignore, il n'en supporte pas moins les conséquences douloureuses
de ce manquement, bien qu'il résulte de son ignorance, la loi ne pouvant
changer. L'effet qui suit l'infraction à une loi est non pas une sanction
arbitraire, mais une conséquence inévitable...[Page
28]
L'existence d'une telle loi et.de beaucoup d'autres lois
semblables on oeuvre autour de nous, peut, à première vue, donner à l'homme
l'impression qu'il n'est qu'une créature sans défense, entouré de
lois immuables et réduit à l'impuissance, puisqu'il ne doit en
négliger aucune.
Mais à mesure que la connaissance se substitue à l'ignorance,
il se dégage de l'étude et de la compréhension de ces
lois inviolables non pas le sentiment de notre impuissance, mais au contraire
la conscience de notre force. Et peu à peu l'homme apprend à se
convaincre de ce que, précisément du fait de l'inviolabilité des
lois naturelles, il peut se mouvoir librement parmi elles à condition
seulement de les connaître. Il peut faire plus encore; il peut se servir
de ces lois et, en superposant leur force à la sienne propre, accomplir
ce qui sans elles lui eût été impossible.
C'est justement cette immuabilité qui permet l'existence de la science,
l'existence d'une sécurité quelconque, puisque nul n'a le pouvoir
de s'opposer à la loi. En avançant dans notre étude, nous
arrivons à comprendre cette grande vérité exprimée
par un savant qui s'était assimilé en partie l'esprit des lois
de la Nature: "La Nature est vaincue par l'obéissance".
Au fur et à mesure que grandit et se développe notre connaissance,
nous constatons un accroissement constant de notre faculté d'action,
car la découverte des lois naturelles et la collaboration, avec elles
n'ont pas pour effet de paralyser, mais de stimuler nos capacités. Nous
apprenons donc lentement et insensiblement que l'homme peut devenir le maître
de la nature par l'obéissance à ses lois, par l'utilisation de
ses forces; que c'est le fait de l'ignorance de nous représenter la
loi comme nous réduisant à l'impuissance; par la connaissance
nous pouvons prendre en main notre avenir. Tel est le sentiment de certitude
causé par l'existence de ces lois inviolables, par la connaissance de
leur organisation, de leur action et de leurs effets inévitables. C'est
par lui qu'il nous est possible d'avancer rapidement sur le chemin montant,
et cette loi naturelle n'est en son essence qu'une conséquence intangible,
le résultat de la loi qui suit celle-ci inévitablement. Car la
loi étant immuable, ses effets le sont également. Ces faits une
fois clairement reconnus, le seul parti sensé que nous puissions adopter
est d'apprendre quelles sont ces lois, d'étudier la nature afin de
découvrir leurs inévitables conséquences ; alors, les
ayant découvertes et ayant observé les rapports qui existent
entre elles, nous entrerons en possession d'une liberté qui, dans d'autres
conditions, nous échapperait infailliblement. C'est parce que nous pouvons
nous reposer sur une loi, parce que nous en connaissons les effets inévitables
et que nous avons étudié ces effets, qu'il nous est possible
de nous rendre compte si le projet que nous formons est réalisable,
le but que nous nous proposons d'atteindre [Page 29] accessible.
Puis, avançant dans notre étude, nous constatons
peu à peu qu'une loi naturelle peut en contre-balancer une autre, que
ce qu'une loi semble déclarer impossible peut parfois être réalisé si
l'on sait opposer à la loi qui nous fait obstacle l'action d'une autre
loi qui nous soit favorable. Finalement, nous apprenons à nous diriger
librement dans ce grand royaume de la nature, instruits de ses lois et les
employant comme des forces pour nous amener au but que nous nous sommes fixé.
Permettez-moi de prendre un exemple simple et banal pour
vous donner une idée
exacte de ce que j'avance. Il y a une loi bien connue qui établit
que l'eau ne bout qu'à une certaine température, dans des conditions
données, au niveau de la mer. Consultons les données scientifiques
courantes et nous verrons qu'au niveau de la mer, l'eau bout à cent
degrés. Si nous faisons une ascension en montagne, nous constaterons
que l'eau bout à une température plus basse et à mesure
que nous nous, élevons, l'ébullition se produira de plus en plus
rapidement. Là-dessus, on pensera: "Puisqu'il en est ainsi et
qu'on ne peut faire bouillir l'eau normalement, il n'est pas possible, au cours
d'une grande ascension, de se réconforter d'une tasse de thé,
car l'eau bout trop vite et le thé sera, par conséquent, mauvais".
Mais l'homme de science répondra à cela: " Vous
vous trompez, l'on peut contre-balancer cette loi; l'on peut obtenir l'atmosphère
normale en employant précisément la vapeur produite par l'ébullition
prématurée de notre eau; il suffit de l'envoyer dans un appareil
grâce auquel elle fera pression sur l'eau, suppléant ainsi à la
pression atmosphérique trop faible. En continuant l'opération
vous arriverez finalement à obtenir l'ébullition à la
température normale, simplement par le jeu combiné de deux lois
qui se contrarient". Cela est vrai de toutes les lois naturelles.
L'exemple que j'ai choisi est enfantin, les écoliers l'apprennent en
classe, mais c'est un symbole de toutes les lois importantes qui nous environnent
et nous montrent qu'il nous est possible d'équilibrer ces lois les unes
au moyen des autres et que ce que nous avons à faire est de neutraliser
celles qui nous sont contraires et de mettre à profit celles qui nous
sont favorables. Quelle influence cette manière d'agir a-t-elle sur
notre destinée ? Laissez-moi vous citer un dicton mahométan bien
connu: "Tout homme vient au monde avec son destin lié autour
du cou". Le
caractère de l'être humain est le facteur le plus important de
sa destinée. Un caractère noble et élevé, une volonté puissante
le soutiendront à travers obstacles et dangers jusqu'au but qu'il a
décidé d'atteindre. Un caractère faible est à la
merci des circonstances extérieures; un caractère vicieux s'égare
et fait le malheur de celui qui le possède. Le dicton musulman renferme
donc une profonde vérité: l'enfant en venant
au monde y apporte son [Page 30] caractère, et c'est ce caractère
qui joue un rôle prépondérant
dans sa destinée.
On a dit que l'homme devient ce à quoi il pense, le caractère étant
modelé par la pensée. Pour dégager cette grande loi de
cause et d'effet, la loi et ses conséquences, il nous faut la considérer
plus attentivement et isoler les éléments qui composent ce fil
du destin que nous tissons à chaque moment de notre
existence.
Si nous cherchons à diviser ce fil, nous voyons qu'il est fait de trois
fils secondaires et que chacun d'eux est régi par sa propre loi. La
première est que la pensée crée le caractère, la
seconde, que le désir crée l'occasion et la troisième,
que les conditions de notre avenir sont créées par le fait que
nous répandons actuellement autour de nous soit le bonheur soit le malheur;
telles sont les trois grandes lois qu'il nous faut comprendre et faire agir,
si nous désirons tenir en mains notre destinée.
Nous allons les analyser l'une après l'autre. Ce qui donne en effet
sa valeur à l'enseignement théosophique que j'expose ce soir
devant vous, c'est le fait de prendre les commandements d'une religion, les
déclarations des livres saints, de les étudier et d'en dégager
tous les détails afin de les rendre féconds et utiles et de nous
enseigner à les mettre en pratique. Prenons la première de ces
lois: la pensée édifie le caractère. Ainsi exprimée
d'une manière générale, il peut paraître difficile
d'en vérifier par soi-même l'exactitude et cependant une expérience
directe ou une découverte que nous refaisons par nous-mêmes a
cent fois plus de valeur que la parole d'un conférencier, quel qu'il
soit, ou qu'une déclaration par ouï-dire et qui n'est par conséquent
pas expérimentale. Permettez-moi donc d'indiquer comment chacun de nous
peut vérifier cette loi et s'en démontrer la valeur à lui-même.
En vous exposant cette expérience, laissez-moi vous rappeler que toute
recherche directe relative à un phénomène naturel exige
de la patience dans son exécution. Il nous faut travailler avec suite
et persévérance si nous voulons vérifier par nous-mêmes
quelque loi naturelle. Voici donc la méthode à employer pour
contrôler la vérité de la loi qui établit que la
pensée édifie le caractère. Il faut examiner son propre
caractère et prendre note de ses points faibles, puis ceci étant
fait et les faiblesses enregistrées, pour ainsi dire, il n'y faut plus
penser. La moitié des gens de bonne volonté sont dans l'erreur à ce
sujet; ils pensent à un défaut et le déplorent, se tourmentent
et perdent de vue le fait que si la pensée est constructrice,
en la fixant sur une faiblesse on la développe au lieu de s'en
débarrasser.
Lorsqu'on s'est découvert un point faible, mettons l'inexactitude dans
l'expression, qui est en réalité un manque
de [Page
31] véracité — lorsqu'on
a établi qu'on dit des inexactitudes,
il faut prendre l'opposé de ce défaut: la véracité.
C'est toujours le contraire d'une faiblesse qu'il faut
choisir comme sujet de réflexion, et dans le cas particulier chaque matin, avant de quitter
notre chambre, il faut prendre le temps de penser avec calme et fermeté à la
vérité. Tout en y pensant, prenons bien soin que l'effort ne
nous fatigue pas outre mesure; peu de gens se rendent compte s'ils ne l'ont
expérimenté, combien il est fatigant de penser avec suite à une
seule et même chose. A l'instant où l'on commence à fixer
sa pensée, la voilà qui s'échappe ailleurs et l'on se
retrouve pensant à quelque chose de tout différent. Le seul moyen
d'apprendre à maintenir sa pensée sur le sujet que l'on s'est
proposé est de ramener vers lui autant de fois qu'il le faudra l'esprit
vagabond. Mais gardons-nous de trop prolonger ces exercices, car la pensée
fatigué et notre cerveau qui en est l'organe ne doit pas être
soumis à une
tension exagérée. Bien des gens se font du tort en pratiquant
ce genre de méditation, faute de comprendre qu'ils exigent de leur cerveau
un travail inaccoutumé en l'obligeant à se plier devant la volonté et,
en prolongeant cet exercice, ils surmènent leur cerveau ou s'attirent
des maux de tête ou tout autre symptôme de
fatigue trop grande.
Faites cette expérience pendant deux ou trois minutes seulement au début,
cela vous paraîtra bien assez long et durant cette réflexion,
efforcez-vous de ne pas permettre à votre esprit d'errer si peu que
ce soit. L'on peut, si l'on veut, employer une formule verbale quelconque pour
fixer le mental mais il faut qu'elle se rapporte à. cette question de
vérité. Par exemple: "Je suis l'Esprit et l'Esprit est
Vérité", ou quelque phrase de ce genre qui aide à maintenir
l'esprit fixé sur ce point pendant le temps voulu.
Ceci fait, vous allez à vos occupations et ayant l'habitude de vous
exprimer d'une manière inexacte, vous ne tardez pas à dire quelque
chose qui n'est pas conforme à la vérité. Mais après
avoir pratiqué pendant quelques jours cette courte méditation
quotidienne sur la vérité, aussitôt après avoir
fait une déclaration inexacte, la pensée suivante vous viendra à l'esprit:
"J'ai pensé à la vérité et voilà que
je manque d'exactitude". Il vous faut persévérer
dans la pratique de cette méditation jusqu'à en arriver à ce
que la constatation d'une inexactitude sur le point d'être commise en
précède l'expression. Vous pourrez alors vous dominer et cesser
de vous servir des termes inexacts que vous employiez par négligence.
De cette manière l'on fait germer en soi l'habitude de l'exacte expression
de la vérité et l'on persévère ainsi durant
des semaines, des mois peut-être. Peu à peu l'on découvre
que l'habitude créée par la pensée grandit et
nous rend incapables d'exprimer une chose d'une façon
inexact?. Tous les petits mensonges de la vie [Page 32] sociale
nous deviennent impossibles, toutes les formules irréfléchies
et qui ne correspondent pas à l'état d'esprit de ceux qui les
emploient ne peuvent nous venir à l'esprit, A force de nous exercer
avec persévérance, nous en arrivons à découvrir
que nous sommes devenus sincères sans nous apercevoir de ce que nous
acquérions cette grande vertu. Cela devient une habitude, une habitude
invétérée, puis une vertu immuable et plus n'est besoin
pour répondre, de réflexion ni d'attention, c'est automatiquement
que nous disons la vérité.
Je m'entretenais une fois avec un juge hindou, nous parlions
de la méditation.
Il me dit qu'il avait médité durant presque toute sa vie, puis
il ajouta que pendant quarante ans, il avait médité sur la vérité.
Je lui demandai quel avait été le résultat de toute ces
années de méditation, car les Hindous sont patients et n'hésitent
pas à consacrer des années à poursuivre le but qu'ils
ont résolu d'atteindre. Le résultat auquel parvint le juge hindou
fut qu'il en arriva à pouvoir constater sans réflexion ni raisonnement
quand on ne lui disait pas la vérité. La vérité en
vint à faire si complètement partie de sa nature que lorsqu'un
mensonge était prononcé devant lui, il le blessait, comme une
fausse note blesse l'oreille du musicien. Étant juge et ayant constamment
affaire à des témoins, ces longues années consacrées à édifier
en lui-même la vérité lui furent d'une immense utilité car
lorsqu'un témoin était à la barre, il savait s'il disait
la vérité, non pas grâce à un raisonnement mais
par la vibration produite en son mental et qui détonait si la déclaration était
fausse. L'intellect est vérité et reconnaît la vérité sans
hésitation. L'intelligence discute, se soumet à la logique, n'aboutit
souvent à une conclusion que par une voie longue et détournée;
mais l'aspect supérieur de l'esprit, l'intellect qui fait partie de
l'image reflétée par Dieu Lui-même en l'homme, l'intellect
est vérité. La couche de matière qui lui sert de véhicule
est affectée par les vibrations résultant des pensées
extérieures et répond par une dissonance lorsqu'elle est impressionnée
par une fausseté, précisément parce qu'étant de
nature divine, elle est vérité. C'est cela qu'était arrivé à établir
le juge en question.
Il ne nous faut pas quarante ans, tant s'en faut, pour établir en nous
une habitude de pensée. Nous pouvons édifier notre caractère,
affermissant en nous une vertu après l'autre, une énergie après
l'autre par l'utilisation volontaire de la loi qui établit que la pensée
modèle le caractère. Nous pouvons nous démontrer à nous-mêmes
que telle est l'expression de la vérité et si même en une
seule occasion nous constatons que, grâce à la pensée,
nous sommes devenus forts là où nous étions faibles jadis,
nous serons convaincus de l'existence de la loi et il nous sera possible
de façonner pièce à pièce notre caractère.
N'en faisons pas trop à la fois, n'essayons pas
de devenir [Page
33] parfaits
tout d'un coup. Prenons nos faiblesses l'une après l'autre et transformons-les
en énergies au moyen de la pensée. De cette façon,
notre caractère qui subsiste d'une vie à l'autre, se perfectionnera
sans cesse, et à mesure que se succéderont
nos existences, nous viendrons au monde doués d'un caractère
meilleur et plus noble. Et comme le facteur le plus important de la destinée
est le caractère, c'est en créant celui-ci que nous deviendrons
maîtres de notre destinée. Occupons-nous à présent
de la loi suivante qui est plus simple. Le désir crée l'occasion
de sa réalisation. Le désir est la force naturelle qui s'extériorise,
attirée par un objet désirable. Nous sommes entourés d'objets
qui nous sont des causes de plaisir ou de peine. Notre désir nous pousse
vers l'objet qui nous donne du plaisir, il nous éloigne de celui qui
nous cause de la souffrance. Entre le désir et l'objet désirable
s'établit un lien magnétique et aussi sûrement que l'aimant
attire le fer doux, aussi immanquablement notre désir attire à nous
l'objet désiré. Des obstacles peuvent s'interposer, des difficultés
surgir, mais inévitablement le désir en question s'accomplira,
parfois même dans la vie actuelle, parfois dans des vies subséquentes.
Si nous pouvions connaître le passé d'un homme dont on dit qu'il
a de la chance, qu'il transforme en or tout ce qu'il touche, nous constaterions
probablement qu'il a désiré ardemment la richesse, qu'il l'a
poursuivie avec persévérance, qu'il y a aspiré de toutes
ses forces, a travaillé et peut-être même commis des actes
répréhensibles pour l'atteindre, de sorte que ce désir
a dû forcément s'accomplir; voilà pourquoi il est devenu
cet homme qui semble avoir tant de chance qu'il inspire l'envie. C'est son
désir qui lui en a fourni l'occasion. Prenons donc garde à ce
que nous désirons. Ne laissons pas nos désirs errer à l'aventure
et changer sans cesse d'objet. Il nous faut nous assurer de la valeur de la
chose désirée, car elle sera inévitablement notre partage
dans l'avenir et elle pourrait ne nous laisser qu'un goût de cendre
dans la bouche. Nombreux sont ceux qui, ayant ambitionné la richesse,
l'ont obtenue pour découvrir alors qu'elle est plutôt un fardeau
qu'une joie. Nombreux aussi, ceux qui, ayant réussi à atteindre
quelque autre objet désiré, en ont tiré plus
de peine que de jouissance.
Mesurons nos désirs, essayons de percevoir où ils aboutiront;
pesons la valeur de l'objet que nous désirons et peu à peu nous
apprendrons naturellement à ne désirer que des choses justes,
pures, bonnes et qui nous élèvent. Car nous saurons que si ia
possession d'une chose désirable nous met en conflit avec la Loi divine,
elle porte inévitablement en elle des germes de souffrance destinés à nous
enseigner à ne point négliger une Loi qui est divine. Réfléchissons à nos
désirs, mesurons-les, pesons-les et tâchons d'en apercevoir les
résultats. Ceci est tout particulièrement important pour les
jeunes qui, plongés dans [Page 34] un
monde dont ils n'ont encore que peu l'expérience en cette vie, peuvent
aisément s'égarer en quête de distractions et de plaisirs
qui, en fin de compte, ne leur rapporteront que souffrance. Pour chacun de
nous cette surveillance attentive de nos désirs est nécessaire
car c'est seulement lorsque ceux-ci sont en harmonie avec la Volonté divine
que leur accomplissement devient une source de joie et
non une occasion de souffrance.
La troisième loi en question concerne le milieu, les conditions de vie
et s'exerce parfois d'une manière bien curieuse et cependant bien naturelle.
La nature du milieu et des conditions où nous vivons est en fin de
compte le résultat de l'influence que nous exerçons sur nos semblables.
Avez-vous jamais observé le cas d'un homme malheureux au milieu des
plus grandes richesses ? Peut-être vous êtes-vous demandé comment
il est possible que dans cette situation faite pour le rendre heureux et satisfait,
un tel homme puisse se sentir malheureux. Si, en quête d'une explication,
nous jetons un coup d'oeil dans le passé de la personne en question
(comme certains l'ont fait dans des cas analogues), nous constaterons que la
possibilité lui est donnée dans sa vie actuelle de se procurer
les choses les plus désirables parce que jadis, dans un passé lointain,
il a fourni cette même possibilité à beaucoup de ses semblables,
mais qu'ayant eu pour ce faire un motif égoïste, il est malheureux à présent
en dépit des circonstances les plus favorables. Prenons un exemple.
Voici un homme qui donne une grande étendue de terrain pour doter d'un
parc une ville surpeuplée. Ce don est une source de joies nombreuses
pour les autres. Les enfants jouent dans ce parc, des femmes fatiguées
s'y reposent, des hommes viennent s'y recréer après le
travail quotidien. Grâce à cette donation, l'individu en question
a donc procuré de la joie à de nombreux êtres mais il ne
l'a pas fait pour l'amour du prochain; il a été déterminé par
quelque motif égoïste. Peut-être désirait-il obtenir
une décoration ou un poste en vue. L'intention était mauvaise
bien que l'acte en lui-même fût fertile en résultats heureux.
Or, la loi est immuable. Ayant donnédu bonheur aux autres, il est placé dans
des conditions qui sont de nature à le rendre heureux; mais sa générosité ayant été basée
sur l'égoïsme, il se sent malheureux malgré tout. Cette
conclusion vous semblera peut-être arbitraire; tout ce que je puis dire
c'est qu'il est possible d'examiner et de retracer le passé d'un être
en remontant le cours de ses existences successives et qu'en procédant
de la sorte on perçoit le mécanisme des lois sublimes dont j'ai
tracé ici une brève esquisse.
La première d'entre elles qui concerne la pensée, nous pouvons
nous en prouver à nous-mêmes la réalité. Quant à la
seconde, qui a trait aux désirs, nous pouvons avoir occasion de la vérifier
au cours de l'existence même où ces désirs
sont [Page
35] éprouvés. Il peut nous arriver de rencontrer une
personne qui, ayant éprouvé un désir ardent d'aller dans
un pays déterminé,
s'y trouve enfin après des années et nous dise combien elle a
aspiré à connaître ce pays. L'occasion lui en a été donnée.
Même dans la vie actuelle l'on peut parfois attirer à soi ce que
l'on désire, mais pas toujours.
Dans le troisième cas, la preuve est encore plus difficile à
faire au cours d'une seule vie, mais ceux qu'on nomme parfois les Connaisseurs
du Karma — Karma signifie action, c'est le nom de cette grande loi — ceux-là nous
ont dit qu'il en est ainsi et quelques-uns d'entre nous ont été à même
de percevoir le jeu de cette grande loi de cause et d'effet
surtout en ce qui concerne les existences humaines successives.
La seule chose qui me reste à vous dire est pour vous mettre en garde
en quelque sorte. J'ai eu l'occasion de dire que l'idée de la loi exerce
une influence parfois paralysante. Ceci n'est vrai que pour ceux qui ne connaissent
la loi qu'en partie. Seul l'étudiant novice dit: "C'est
mon Karma, je n'y puis rien". C'est une erreur de considérer
une circonstance quelle qu'elle soit comme inévitable parce qu'elle
est le résultat de causes passées. Ces causes ne peuvent être
changées, elles sont derrière nous; mais il nous est donné d'agir
dans le présent de manière à en prévenir les effets,
en leur opposant une force qui les modifie, Je choisis un exemple qui peut être
d'une utilité pratique. On fait la connaissance d'une personne et elle
ne vous plaît pas. Il n'est pas rare qu'un sentiment d'antagonisme se
fasse jour quand deux étrangers se rencontrent. Beaucoup d'entre nous
l'ont éprouvé. Lorsque c'est le cas, éloignons-nous de
la personne en question; cela signifie qu'un tort a été causé,
qu'il soit venu de notre côté ou du sien. Si nous entrons en relations,
la dette résultant d'une injustice commise doit être payée
par le coupable et il s'ensuit de la souffrance. En conséquence, évitons
cette personne, mais ne demeurons pas inactifs en la matière. Envoyons-lui
chaque jour, volontairement, de propos délibéré, une pensée
de bonne volonté, même si cela nous paraît bien artificiel
au début. Efforçons-nous d'envoyer à cette personne une
bonne pensée et peu à peu, le jeu de cette loi effacera, harmonisera
le mal qui a été fait précédemment jusqu'à ce
-qu'ayant mis en pratique cette ligne de conduite pendant des semaines ou des
mois nous constations à l'occasion d'une nouvelle rencontre, que l'antagonisme
a disparu. C'est nous qui l'avons annihilé, contrebalancé, par
le bien que nous avons fait en pensant à notre adversaire.
Voilà donc quelques-uns des résultats pratiques qui découlent
de l'étude de la Loi. Grâce à elle, nous découvrons
qu'il nous est donné de modifier ce qui nous semble mauvais; nous constatons
que notre caractère est en notre pouvoir, que nous pouvons faire
naître les occasions qui nous sont favorables, enfin
que [Page
36] notre bonheur et notre malheur sont entre
nos mains et dépendent
de la joie et de la souffrance que nous distribuons à nos semblables.
Lorsque cette loi nous paraîtra évidente, lorsque par l'observation,
par l'étude et par une méditation approfondie sur cette étude,
l'existence nous en semblera irréfutable, alors nous aurons conquis
la puissance nécessaire à l'édification de notre destinée à venir.
Nous serons alors en mesure de former en nous-mêmes le caractère
qui nous guidera vers le bonheur et le progrès dans une existence ultérieure.
Nous nous convaincrons de ce qu'en chacun de nous réside ce pouvoir
créateur et que, de même qu'un sculpteur qui voit en lui-même
l'image de quelque exquise statue, peut tailler le marbre brut à la
ressemblance de cette idée et faire naître de la beauté là où il
n'y avait qu'un bloc informe et grossier, de même nous, qui ne sommes
actuellement que des cailloux informes, où gît cachée l'image
de la Divinité, nous, ciseleurs de notre destinée, nous pouvons
débarrasser de la gangue qui l'enserre, l'image qui demeure en nous.
Nous pouvons supprimer toutes les excroissances, extirper toutes les imperfections,
l'oeil sans cesse fixé sur ce que nous désirons devenir.
Nous constaterons alors que c'est cela même qui se développera
en nous et nous deviendrons les constructeurs de cet homme divin dont la semence
a été placée en nous par Dieu Lui-même et dont l'épanouissement
a constitué l'oeuvre de nos existences; et cette divine image rayonnera
une lueur resplendissante qui contribuera à la beauté et à la
rédemption de l'Univers.
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