Vous!..... par George S.Arundale

VOUS!........

par GEORGE S. ARUNDALE


ΔΔ



Traduit de l'Anglais

Éditions Adyar, 4 Square Rapp, Paris VII, France

1937

Chapitre
TABLE DES MATIERES
Page
Avant-Propos 7
Vous en général 9
1 Le "vous" individuel 23
2 Vos parents et votre famille 34
3 Votre éducation 43
4 Votre plus grande famille 61
5 Vos circonstances et votre entourage 73
6 Vos occupations et vos loisirs 87
7 Votre monde en paix et en guerre 99
8 Vous et vos décisions 113
9 Vous et l'amour 129
10 Vous et la mort 141
11 Vous et un mode de transcendance 159
12 Vous en quête de la beauté 180
13 Vous, la Théosophie et la société 198
14 Vous et votre but 209

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


AVANT-PROPOS

Ce livre est un bref épitomé de ma Théosophie, car si la science théosophique peut avoir pour base certains principes fondamentaux comme j'ai tenté de l'indiquer dans l'envoi final, il incombe à chaque étudiant de chercher par lui-même sa propre Théosophie, sa propre science de la vie.

J'ai d�fini la mienne afin d'�veiller en mes lecteurs le d�sir de trouver la leur, Th�osophie qui (c'est possible et m�me probable] diff�rera compl�tement de la mienne. Il faut donc bien le comprendre: je suis loin d'exposer ici les croyances, les opinions et les principes communs aux Th�osophes et dont beaucoup peuvent �tre oppos�s aux miens. Tant mieux. Ce dont chacun a besoin, c'est sa propre Th�osophie d�finie par un effort individuel, sa Th�osophie et non celle d'autrui. J'esp�re avoir aiguis� chez mes lecteurs l'app�tit pour la Th�osophie, tout simplement parce que j'ai trouv� le bonheur dans la mienne. [Page 9]

G. S. A.



INTRODUCTION

Parmi les membres du r�gne humain, il en est beaucoup dont l'�volution est sans doute assez avanc�e pour leur permettre de comprendre que le processus �volutif se poursuit en vertu de lois immuables et qu'il vise un but pr�cis.

Devant, c'est in�vitable, travailler en termes d'une exp�rience fort limit�e, nous ne connais�sons gu�re la nature des lois en question et celle de notre but. Encore le peu que nous savons est-il sujet aux modifications constantes exig�es par l'extension de nos connaissances.

La Th�osophie est la science de la Vie telle que l'ont d�couverte ceux dont la sagesse est infiniment sup�rieure � celle des plus sages vivant aujourd'hui dans le monde ext�rieur. Leur savoir est incorpor� dans les plus hautes doctrines de la philosophie religieuse et de la science. Il nous vient des temps ensevelis dans [Page 10] un lointain pass�, o� les grandes lois gouvernant le d�veloppement humain �taient � la fois proclam�es et observ�es dans la vie.

D�s lors, dans son d�veloppement, l'humanit� s'est lentement mais s�rement rapproch�e des mod�les donn�s. A t�tons elle cherche � les atteindre et, dans la conscience humaine, fait entrer la v�rit� comme des briques dans une construction.

La Th�osophie exprime le plan. Tout �tre humain est un b�tisseur apprenant � reproduire le plan dans les termes de sa propre vie individuelle. D'abord il per�oit peu de chose de ce plan et surtout inexactement. Il b�tit. II d�molit. Mais peu � peu un �difice s'�l�ve, conforme au plan. Quand chaque �difice individuel sera complet, les constructions ne pr�senteront pas de monotonie. Comme dans une r�gion suburbaine, chaque demeure poss�dera son caract�re distinct, sa beaut� exclusive. A des th�mes fondamentaux �ternels viendront s'ajouter des variations admirables.

En ce monde, deux cat�gories de gens : ceux qui sont entr�s en contact avec ce plan nomm� la Th�osophie ou la Sagesse divine; et puis ceux qui en ont saisi, m�me un fragment infime. Leur t�moignage se r�sume ainsi :

1� Elle offre l'explication la plus intelligible et la plus scientifique de la Vie telle que nous la connaissons dans le monde ext�rieur. Elle [Page 11] montre le cosmos o� le chaos semble r�gner sans opposition;

2� Elle exprime dans les termes les plus pr�cis l'origine, le chemin et le but de la Vie dont nous constatons l'existence en nous-m�mes et dans tout notre entourage.

Dans le pr�sent ouvrage, l'auteur essaie d'appliquer la Th�osophie aux affaires journali�res, dans la vie du premier venu; mais d�s le d�but il tient � �tablir nettement que la Th�osophie dont il poursuit ainsi l'application est simple�ment la Th�osophie telle qu'il a pu, jusqu'ici, la comprendre. Qui pourrait conna�tre la Th�osophie dans ses concepts ultimes, en dehors des hommes qui ont appris tout ce que peut enseigner la Vie? Qui osera dire: "La Th�osophie, la voil�; il n'en est point d'autre" ? Un v�ritable �tudiant en Th�osophie dira: "C' est la Th�osophie selon mes connaissances actuelles. Demain j'esp�re en savoir davantage et sans doute trouverai-je beaucoup � modifier dans ce que je sais aujourd'hui."

L'auteur offre donc ici le fruit qu'� ce jour lui ont rapport� ses �tudes. Le pr�sent ouvrage repr�sente son interpr�tation de la vie, interpr�tation point technique mais fond�e sur une �tude th�osophique poursuivie pendant pr�s de trente ann�es. D'autres �tudiants peuvent bien �tre arriv�s � des conclusions diff�rentes. L'auteur lui-m�me pourra, si son livre est encore lu dans [Page 12] quelques ann�es, trouver l'occasion de modifier bien des points qui aujourd'hui lui semblent offrir une certitude raisonnable. Il croit cependant qu'en somme les principes g�n�raux ne changeront pas.

Il a intentionnellement �vit� toute exposition d�taill�e des enseignements th�osophiques. Cette exposition, on la trouvera dans la litt�rature th�osophique dont une liste donn�e � la fin de ce volume fournira des lectures plus �tendues. L'auteur termine aussi par un sommaire de ce qu'il estime �tre les principes ultimes de la Th�osophie et dans ce chapitre il expose certains c�t�s pouvant �lucider son commentaire de la vie journali�re en termes de Th�osophie.

Tout d'abord on pr�te plus d'attention � la saveur d'un entremets qu'� ses �l�ments constitutifs. De m�me, le lecteur doit constater l'effet produit par la Th�osophie dans la vie quotidienne et la mani�re dont elle explique, jour apr�s jour, tout notre entourage; comment elle nous dit que la vie m�rite au plus haut point d'�tre v�cue, et cela dans toutes les circonstances possibles; comment elle insiste sur le fait qu'il n'y a point de nuage, si noir f�t-il, dont le revers ne soit d'argent et enfin qu'un jour tous les nuages auront disparu.

Notre d�sir de savoir comment l'entremets a �t� fait sera d'autant plus vif que celui-ci nous para�t meilleur. Nous tiendrons davantage � savoir [Page 13] ce qu'est cette Th�osophie si nous constatons que, gr�ce � elle, la vie devient plus facile � comprendre et moins p�nible.

Dans ces pages on verra la Th�osophie en action. Si cette action nous plait, nous voudrons on savoir plus long et nous ferons un choix de lectures th�osophiques afin de pousser plus loin notre �tude et nos connaissances. L'auteur esp�re stimuler le go�t pour la Th�osophie. S'il y parvient, son livre n'aura pas �t� inutile.

Il faut donc juger la Th�osophie d'apr�s son action sur la vie et sp�cialement sur la vie journali�re qui � tous nous est commune, vie constitu�e par ce que l'on appelle des riens mais toujours g�n�ratrice de joies et de chagrins, de bonheur et de mis�res, d'esp�rance et de d�sespoir.

La vie journali�re est bas�e sur ce fait que nous naissons dans un milieu qui nous affecte profond�ment. Pour la plupart d'entre nous, il va sans dire qu'il est vain de demander pourquoi nous sommes n�s et pourquoi notre entourage est ce qu'il est. Nous voici. Voil� notre entourage. Nos relations mutuelles � elles ne cessent de cro�tre et de changer � font partie de ce que nous appelons vaguement le processus �volutif, tout en pensant que la nature de ce processus ne peut �tre, en ce qui nous concerne personnellement, qu'une question de foi et d'esp�rance.

Au milieu de tant d'ignorance et d'incertitude [Page 14] la Th�osophie se pr�sente avec ses trois grands principes :

1.  Pour �tre heureux dans la vie il faut avoir d�couvert le sens et le but de la vie, en bravant
constamment les circonstances, et aussi en refusant absolument d'admettre l'ignorance.

2.  
La Th�osophie est l'�ternelle r�ponse aux questions concernant la vie, questions qui t�t ou tard doivent �tre pos�es et recevoir une r�ponse.

3.  Aucune r�ponse n'est d�finitivement vraie avant le passage de la foi � l'exp�rience, de
l'hypoth�se au savoir.

La Th�osophie d�clare en outre :

1.  Que tout ce que nous voyons autour de nous dans un r�gne naturel quelconque, cro�t �ternellement;

2.  Que cette croissance est semblable � une �chelle dont les innombrables �chelons supportent toutes choses. Chacun occupe tel ou tel �chelon d'o� il monte lentement � l'�chelon suivant;


3.  Que toute chose, et partout, s�me et r�colte l'exp�rience et en croissant n'abandonne rien
mais conserve int�gralement semailles et moissons;


4.  Que nous, dans le r�gne humain, poss�dons en nous, par cons�quent, les fruits de toute
l'exp�rience acquise dans les r�gnes travers�s par nous jusqu'ici;


5.  Que les �chelons qui nous restent � gravir [Page 15] projettent leur ombre, comme les �v�nements imminents, et qu'ils exercent sur nous une influence attractive. Ainsi l'avenir nous tire, comme nous poussent en avant le pass� et le pr�sent.

Voyons maintenant ce que dit la Th�osophie quand elle s'applique � deux faits: la naissance et le milieu.

D'abord, d�clare-t-elle, la naissance est un �pisode nouveau dans un processus de croissance ou de d�veloppement par quoi l'individu (chaque �tre vivant est essentiellement un individu), apr�s avoir subi les diverses obscurit�s de l'ignorance, de la tristesse, de l'infortune, du d�sespoir, finit par atteindre un soleil �ternel de paix et de puissance.

Na�tre c'est rena�tre. Nous reprenons le fil de l'existence en ce monde ext�rieur apr�s une phase de repos et de d�lassement dans un �tat de conscience nomm� � tr�s juste titre le Ciel.


Quand a pris fin une vie particuli�re, termin�e par ce que nous appelons la mort, point d'inscription de "Fin" ou" Conclusion", mais bien celle-ci: "A continuer dans sa vie prochaine". La mort est simplement une porte conduisant au repos.

En second lieu, notre entourage, quel qu'il soit, est exactement ce qu'il faut � notre croissance et � notre d�veloppement. M�re, p�re, fr�res, soeurs, amis, foi, nationalit�, occasions ou [Page 16] manque d'occasions, cadre g�n�ral de notre naissance et de notre croissance, tout cela r�pond � nos besoins; tout cela nous l'avons eu, peut-�tre diff�remment exprim�, dans des incarnations pass�es.

Nous devons tirer de notre entourage tout le profit possible; en extraire, telles qu'elles sont, toutes les occasions possibles et, par une utilisation parfaite, le muer graduellement en un entourage meilleur.

Dans ce monde ext�rieur nul ne dispose de conditions parfaites et non am�liorables.

La meilleure fa�on d'�changer les conditions actuelles contre d'autres plus favorables est d'am�liorer nos relations avec chacun de leurs �l�ments, moins en nous y r�signant qu'en nous associant � leur esprit.

Il ne s'agit pas, en g�n�ral, de fuir notre entourage mais plut�t de nous pr�ter � son action, en l'utilisant, et de parfaire sa mission �ducatrice.

Nous constatons ainsi que la Th�osophie nous parle de beaucoup de choses que nous ignorons encore, que peut-�tre nous ne pouvons croire encore et que nous n'avons pas aujourd'hui la possibilit� de conna�tre.

Peu d'entre nous sont � m�me d'affirmer que cette vie actuelle n'est qu'une vie parmi beaucoup, beaucoup d'autres. Peu d'entre nous peuvent dire qu'ils reconnaissent, dans les conditions [Page 17] ambiantes, des instructeurs, des guides, des philosophes et des amis.

La plupart diront, tr�s probablement, qu'ils n'ont aucune connaissance d'une vie ant�rieure quelconque. Nous exigeons ce que nous appelons une "preuve", c'est-�-dire une vision presque physique des vies pass�es, afin que nous puissions les "voir", oubliant que si m�me nous poss�dions cette vision nous ne tarderions pas � d�clarer que nous avons �t� hypnotis�s ou autre�ment tromp�s.

Pour �tre effective une "preuve" exige deux facteurs: la pr�sentation et la r�ceptivit�. La pr�sentation a beau �tre irr�prochable, elle se perd dans l'obscurit� de l'incr�dulit� commune s'il y a peu, ou point, de r�ceptivit� pour en subir l'impression.

La r�ceptivit� d�pend de l'exp�rience et comporte divers stages avant que celle-ci ne soit compl�te:

1� L'ignorance; 2� la p�riode o� les changements provoquent le sarcasme, la pers�cution, le m�pris, l'horreur. L'ignorant se cramponne alors � l'existence; 3� Le doute; 4� l'�tonnement; 5� l'attraction; 6� la foi; 7� l'exp�rience elle-m�me qui conf�re la r�alit� � ce qui, jusque l�, avait �t� plus ou moins irr�el.


La preuve est sans effet sur l'ignorance; elle n'a pas non plus d'action sur le ridicule, sur la pers�cution, le m�pris et l'horreur; point [Page 18] d'influence sur le doute. Elle sollicite l'admiration. Elle agit sympathiquement sur l'attraction, puissamment sur la foi, irr�sistiblement sur l'exp�rience, puisque la preuve elle-m�me fait partie de l'exp�rience. Quant au sage, la pr�tendue "preuve" ne le contente gu�re, car il sait que la preuve finale na�t en lui-m�me et jamais au dehors, et que la preuve ext�rieure ne saurait jamais �tre plus qu'un poteau indicateur, dirigeant vers le but.

En ce qui concerne l'entourage il est de mode de le regarder comme ext�rieur � l'individu qui s'y trouve plac� par hasard, affecte son entourage et � son tour en subit l'influence. Que r�sultera-t-il de cette interaction? Sp�culation pure et rien de plus.

Parfois, comme la science l'explique, l'individu triomphe de l'entourage, mais parfois c'est le contraire et normalement l'influence pr�dominante appartient � l'entourage. En tous cas, c'est pile ou face.

La Th�osophie fait de ce chaos un cosmos, en d�clarant que l'entourage d'un individu est non seulement, dans tous ses d�tails, ce qu'il le fit dans certaines vies pr�c�dentes et tel qu'il l'a constitu� au cours de toutes ses naissances ant�rieures, mais encore et pr�cis�ment l'entourage dont il a besoin pour continuer son d�veloppement,

Quel que soit le milieu � parents, famille, [Page 19] amis, foi, nationalit�, circonstances mat�rielles, etc. � tout cela est cr�� par l'individu qui ainsi d�termine ses propres occasions de progr�s.

La Th�osophie nie que l'entourage soit jamais inappropri� � l'individu. L'�volution ou croissance, d�clare-t-elle, a pour objet l'exp�rience menant elle-m�me au bonheur, � la puissance et � la paix et comme, en fait, rien n'existe qui r�ponde � une perte de ce que l'on appelle " temps" (ce mot signifie vraiment une occasion offerte � l'opportunit�), il en r�sulte que dans la vie toute circonstance est opportune. C'est un coup frapp� � la porte de ce que nous sommes par ce qui va nous �tre n�cessaire.

Dans la vie, point de circonstance, rencontr�e par l'individu, qui soit autre que le plus cherchant sa voie vers le moins. Le plus humble objet � chaise, table, tapis, fleur, animal, image � est un appel, muet pour la plupart des gens, mais un cri pour certains, exigeant une relation plus subtile entre soi et l'individu. L'objet nous invite � le manier d'une fa�on d�licate et judicieuse; il demande que nous le fassions � propos et (vous allez peut-�tre sou�rire) avec respect.

A toute chose, la Th�osophie conf�re donc valeur, opportunit�, vie. Dans le dictionnaire th�osophique certains mots n'existent pas, tels que: inanim� ou inorganique, sans espoir, [Page 20] impuissant, inutile; tous ceux qui expriment la futilit� ou l'annihilation; tous ceux aussi qui expriment soit une infortune autre que passag�re, soit encore une haine ou une col�re dont, t�t ou tard, l'amour sera vainqueur.

La Th�osophie est vraiment la science des valeurs exactes, la science de l'optimisme r�el; la science qui donne aux circonstances leur prix; la science qui montre tous les nuages doubl�s d'argent, fussent-ils noirs ou sinistres; la science de la justice et de l'amour qui partout règnent dans la vie; la science de la certitude; la science de l'opportunit�; la science du succ�s; la science de la joie, de la paix, d'un ravissement continuel.

La Th�osophie est plus que telle ou telle religion particuli�re car elle forme la cha�ne d'or qui les unit toutes; elle est la vie qui donne � chacune sa r�alit�.

La Th�osophie est plus que telle ou telle science ou philosophie, car elle comporte ce qui n�cessairement d�passe leurs fronti�res. Sciences et philosophies existent; il le faut bien et elles sont dans une grande mesure des reflets de leur �poque. La Th�osophie est le reflet de l'�ternel.

La Th�osophie est plus que les croyances, opinions et convictions d'un individu quelconque, car elle exprime l'individualit� accomplie aussi bien que ses phases. [Page 21]


La Th�osophie est plus que le pass�, plus que le pr�sent; elle les ajoute � l'avenir.

Voyons maintenant agir la Th�osophie dans les d�tails ordinaires et quotidiens de la vie ordinaire et quotidienne men�e par 'immense majorit� des hommes, c'est-�-dire par des gens ordinaires, ceux de tous les jours. [Pages 22-23]

CHAPITRE -1-

LE VOUS INDIVIDUEL

Vous �tes n�. Qu'est-ce qui est n�?

Sans entrer dans les donn�es th�osophiques. n�cessairement compliqu�es, concernant et l'origine de la vie et celle de l'individualit� qui se constitue en elle, nous pouvons dire: "Vous �tes un p�lerin, ignorant tout d'abord votre identit�, mais destin� � d�couvrir qu'en fait vous �tes un roi de la vie et que vous exercerez un jour cette royaut�. "

"Un roi de la vie": pour d�finir ce terme il vous suffit de penser � ceux qui repr�sentent pour vous de grands exemples de perfection humaine. "Que ne puis-je ressembler �..." et vous ajoutez le nom de votre id�al le plus inspirateur. Dans la vie ordinaire et quotidienne vous soupirez en pensant que ce voeu ne vous laisse pas d'espoir, mais la Th�osophie est la f�e-marraine qui r�pond : "Un jour vous lui [Page 24] serez pareil et plus vous vous y appliquez, plus t�t ce sera".

Bien entendu la croissance prend longtemps. On peut demander pourquoi. Mais, votre niveau actuel, vous l'avez d�j� occup� et il faut esp�rer que vous ne l'ignorez pas. En m�me temps et � juste titre vous pouvez estimer que vous avez assez peu progress� et commencez � distinguer des hauteurs que vous d�sirez ardemment gravir.

La Th�osophie vous dit que la vie actuellement d�velopp�e en vous, individualit� des mieux caract�ris�es, n'avait encore re�u, dans un pass� lointain, aucun d�veloppement, Passant d'un �tat de conscience � un autre (�tats nomm�s g�n�ralement r�gnes de la nature) la vie que vous connaissez aujourd'hui comme le "Moi" a lentement grandi jusqu'au moment o� il vous devint possible de dire:"Moi" et ainsi de vous distinguer nettement de votre entourage.

Tout d'abord le "Moi" repr�sente peu de chose. Il vient � peine de se s�parer de tout autre "Moi" auquel il a pu �tre associ� jusque l�, par �conomie, pourrait-on dire. C'est tout juste avant le r�gne humain, nous dit la Th�o-Sophie, que ces "Moi" se d�gagent de la masse g�n�rale des "Moi" parmi lesquels ils ont eu nagu�re la vie, le mouvement et l'�tre. Mais d�s que la vie atteint le seuil de l'�tat de [Page 25] conscience appel� par nous le r�gne humain, elle abandonne son nid, c'est-�-dire le groupe et se lance pour son propre compte.

Pour commencer, le "Moi" est une assez pi�tre chose, t�moin le sauvage absolument primitif. Mais les vies se succ�dent. L'irr�sistible pression de la qualit� qui se d�veloppe dans la vie, action � la fois centrifuge et centrip�te, d�termine un progr�s lent mais constant. Ici, la Th�osophie balaie toute confusion entre la libert� et la n�cessit�.

Ces deux mots n'ont de sens que si l'on regarde comme distincts l'individu et le processus �volutif; d'o� un conflit apparent entre l'individu et une puissance ext�rieure. La Th�osophie identifie l'individu avec la puissance ext�rieure qui est le processus �volutif, si bien que la "n�cessit�" devient pour l'individu naturelle, partie int�grante de sa nature m�me; la libert� devient le pouvoir de r�pondre � cette n�cessit� naturelle et inn�e. En Th�osophie, la n�cessit� est repr�sent�e par le mot souverainet�, et la libert� par le mot puissance. Loin qu'il y ait conflit entre la libert� et la n�cessit�, loin que l'individu soit un simple pion dans une partie acharn�e, la libert� est au fond la servante magnifique d'une merveilleuse n�cessit�. L'individu, roi virtuel qui emploie sa libert� � remplir la destin�e dont lui-m�me a fait sa propre n�cessit�. En tant que [Page 26] partie int�grante de la Vie-Une, il cr�e une glorieuse, personnelle et universelle n�cessit�. En tant qu'individu, il se conf�re la libert� de r�aliser la gloire qu'il est bien d�cid� � saisir.

Vous voici donc, avec un "Moi" parvenu � un certain point de d�veloppement. Si pour vous l'avenir importe peu, si votre centre principal est �tabli dans le pr�sent ou dans le pass�, vous pouvez �tre extr�mement fier de votre "Moi" actuel et de tous les �l�ments dont il est constitu�. Vous pouvez avoir une haute opinion de vous-m�me, �tre tr�s content de vous-m�me, vous enorgueillir de vos aspirations, de vos id�aux, de vos pens�es, de vos impressions, de vos activit�s. Sans bouger, vous pouvez vous complaire en vous-m�me et, par suite, vous juger incomparablement sup�rieur � tous ceux dont le "Moi" diff�re du v�tre.

Persuad� que vous �tes dans le vrai, vous vous �tonnerez de voir d'autres m�conna�tre que, pour �tre dans le vrai, il faut vous ressembler. Vous ferez vos d�lices de votre �tiquette particuli�re, qu'il s'agisse de politique, de coutume, ou de: toutes les autres caract�ristiques propres � votre degr� d'�volution individuelle. En fait vous serez restreignant, intol�rant et peut-�tre pieusement agressif.

La Th�osophie cherche � vous donner le sens des propositions. Elle vous dit: "Jusqu'ici, c'est bien, mais pour l'avenir qui vous attend, soyez [Page 27] dynamique, ne restez pas fig� dans le pr�sent ". La Th�osophie vous somme d'�tre gaiement m�content de tout ce que vous �tes, sans une seule exception, quels que soient les bons �l�ments. Elle vous pousse � ambitionner le "Moi" bien plus beau que vous serez un jour � d'autant plus t�t si le temps vous est soumis, mais d'autant plus tard si le temps est votre ma�tre. Pourquoi, dit la Th�osophie, vous contenter d'un "Moi" relativement petit quand d'autres "Moi" toujours plus grands vous restent � saisir?

A cet �gard, le grand obstacle rencontr� par la Th�osophie peut se r�sumer dans cette phrase: "Je me contente parfaitement de mon sort". Disons-le sans h�siter: la Th�osophie est aussi la science du m�contentement, mais point d'un m�contentement grondeur, irritable, d�sesp�r�, hostile, absolument mis�rable et chagrin. Elle est la science d'un m�contentement ravi, �lectris� par l'id�e que le "Moi" pr�sent peut compter sur quelque chose de tr�s, tr�s sup�rieur m�me � ce qui le caract�rise aujourd'hui. Un individu satisfait de son �tat pr�sent n'est certainement pas mort, mais il n'est vivant qu'� demi, car il fuit le contact de tout ce que la vie a encore � lui offrir. Au lieu de faire partie du fleuve, il s'obstine � rester une petite mare stagnante o� l'orgueil cherche � usurper et � tuer la facult� de se mouvoir [Page 28] .

La Th�osophie vous aide � go�ter l'immense virilit� du m�contentement et � toujours chercher aventure dans l'avenir qui vous attend. Elle vous d�crit cet avenir en termes qui luisent et scintillent.

La Th�osophie fait davantage. Elle vous aide � comprendre et appr�cier les autres hommes l� o� ils sont, avec leurs opinions, leurs formes religieuses, leurs id�es politiques, leurs aspirations, leurs habitudes, leur "Moi". Le monde serait bien plus heureux, plus prosp�re et plus paisible si nous pouvions apprendre � �tre aussi contents d'autrui que nous le sommes de nous-m�mes.

La Th�osophie affirme que les divers degr�s d'�volution ne d�pendent pas des diff�rences de religion, de nationalit�, d'habitudes ou de coutumes. Religions, races, nations, habitudes et coutumes ne sont, dans la grande �cole de la vie, que des classes diverses. Les diff�rents degr�s d'�volution sont marqu�s par des diff�rences de raffinement, de noblesse, de dignit�, de g�n�rosit�, de bont�, d'appr�ciation, de sagesse, de puissance, d'aptitude � voir dans tous les �tres vivants, les enfants d'un m�me P�re, le Dessein divin. Je vous laisse d�finir � votre gr� ce dernier mot.

Mais revenons maintenant � votre naissance, en gardant pour un autre chapitre les questions de milieu. [Page 29]

Vous naissez dans le corps d'un petit enfant. Que faites-vous durant cette p�riode infantile? Suivant la Th�osophie, vous apprenez � vous accoutumer � votre nouveau corps physique. Entendons-nous� bien :�� ce�� que�� vous�� appelez "Moi" passe comme un fil d'argent � travers vos naissances relativement innombrables. Le "Moi" est permanent, tout en croissant, mais ses v�hicules changent de naissance en naissance. Votre "Moi" est extr�mement, presque infiniment vieux, mais � chaque naissance, en vous embarquant pour l'aventure de la vie, vous portez des v�tements propres. En bas �ge vous poss�dez un joli, pur et nouveau corps, petit naturellement, faible, d�pendant plus ou moins d'autrui, mais aussi plus� ou moins dou� de caract�re. Cela d�pend de votre degr� d'�volution.

Pourquoi ce joli, pur et nouveau corps? Afin qu'il� soit� l'interm�diaire�� ou,�� dirons-nous,�� le canal entre votre "Moi" et cette vie ext�rieure qui vous entoure� et d'o� votre�"Moi"� tire beaucoup de ses aliments.

Quand, � la fin de votre derni�re existence, la mort est venue, en valet empress�, vous aider � quitter vos habits anciens et us�s, vous vous �tes retir� pendant quelque temps dans un bain c�leste dont l'action reconstituante ressemblait � celle du bain turc si connu ici-bas. Dans le ciel, dit la Th�osophie, s'op�re une re-cr�ation. Vous vous r�adaptez vous-m�me au dessein [Page 30] �ternel de la Vie, en sortant de cette semi-amn�sie qui doit in�vitablement caract�riser votre conqu�te graduelle des r�gions les plus mat�rielles de la vie, repr�sent�es par notre monde physique. Et puis vous entrevoyez la gloire de l'avenir qui vous attend. Tout se passe comme si, au sein de l'obscurit�, vous aperceviez tout � coup le soleil levant et contempliez toutes les splendides couleurs de sa bienfaisante ascension. Ainsi captiv�, comprenant que nul fragment de vie, m�me le plus mat�riel, ne doit �chapper � votre conqu�te si vous tenez � vous assurer cet avenir, vous vous plongez pour cela dans notre bas monde afin d'y reprendre le p�lerinage qu'au ciel vous savez merveilleux bien que, sur la terre, il semble souvent tr�s p�nible.

Vous arrivez dans un corps physique, car il vous faut un corps terrestre pour entrer en contact avec la terre et recevoir ses le�ons. Dans les premi�res ann�es, vous vous habituez peu � peu aux nouveaux v�tements bien que tout d'abord, il est vrai, ils ne semblent pas vous aller, surtout quand vient la dentition et que vous subissiez les souffrances et les malaises communs � la premi�re enfance. Ann�e apr�s ann�e, toujours d'une fa�on plus s�re, vous apprenez � reprendre les anciens contacts par la pens�e, les sentiments et les �motions, et m�me par le corps physique. [Page 31]

Vos facult�s anciennes reprendront leur vigueur. De vieilles tendances vous domineront � nouveau. De vieilles associations vous lieront une fois encore. Reprenant les mouvements anciens vous remettrez en pleine marche le pendule de votre vie, du moins dans la mesure o� vous �tes capable, � votre pr�sent degr� d'�volution, de le faire osciller.

Vous renouvellerez graduellement votre vie de jadis mais autrement. Autrement, car l'ambiance, le milieu ne ressemblent en rien � ceux que vous avez connus il y a bien des ann�es. Combien d'ann�es? Leur nombre d�pend d'innombrables circonstances, entre autres du point par vous atteint sur le sentier de la vie. Mettons, rien que pour citer un chiffre, de quatre � sept si�cles, mais le nombre peut s'�lever � beaucoup moins ou � beaucoup plus.

Cette diff�rence est � la fois la cause et l'occasion de notre croissance. S'�terniser, vie apr�s vie, dans le m�me entourage serait s�rement d�g�n�rer. Tel un mariage entre parents trop rapproch�s. Pour entreprendre l'aventure d'une existence nouvelle, vous �tes �quip� � neuf et cette aventure se d�roule dans un nouveau milieu. Dans ces conditions favorables vous partez, reprenant votre existence, en ce qui touche au monde physique, plus ou moins au point o� vous l'avez quitt�e. Il est vrai, cependant, que la p�riode qui s'�coule entre le [Page 32] d�pouillement (nous l'appelons la mort) et l'habillement (nous l'appelons la naissance) nous fait nettement progresser; si bien que nous ne commen�ons pas tout � fait � notre ancien point d'arr�t.

Il s'agit ensuite de faire servir aux progr�s que vous �tes destin� � r�aliser dans cette incarnation particuli�re chacun des �l�ments dont votre entourage est form�. Ici la Th�osophie joue un r�le admirable, car elle montre fort nettement o� vous �tes plac� et ce que vous avez � faire. Une �tude relativement br�ve de la Th�osophie d'apr�s la litt�rature classique � notre disposition vous donnera une id�e assez claire de ce que vous �tes; quel genre de personne; quel chemin en g�n�ral vous avez suivi jusqu'ici; enfin, et c'est infiniment plus important, quelle direction vous avez prise.

De plus en plus instruit sur ces points vous devenez de plus en plus capable de mettre � profit toute la force qui s'offre � vous sous les formes innombrables prises par les circonstances. Sachant d'o� vous venez, quel genre d'individu vous �tes et, plus ou moins, quel genre d'individu votre "Moi" entend vous voir devenir, vous agirez beaucoup plus savamment dans vos relations avec votre milieu. Vous serez un individu qui sait ce qu'il fait, et non pas une simple paille, jouet des vents.

Autrement dit vous commencerez, avec plus [Page 33] de force et de pr�cision, � d�velopper votre caract�re. Or celui-ci est l'essence vitale du bonheur et de la puissance.

Vous voil� donc encore ici-bas, vieux "Moi" habill� de neuf, revenu parce que vous en avez la volont�, sachant que ce monde fait partie du champ de bataille o� la Vie remportera la victoire. La Th�osophie nous aide puissamment, alors que vous d�sirez avec une insistance croissante "savoir de quoi il s'agit". La Th�osophie vous dit pourquoi vous �tes petit enfant; pourquoi l'enfant grandit; ce qu'il accomplit, en fait, au cours de son �trange et incompr�hensible petite vie; o� il en arrive peu � peu; enfin comment tirer le mieux profit de l'�tat infantile.

Dans le chapitre suivant, la Th�osophie aura � dire les choses les plus int�ressantes concernant les parents: et la famille, car ceux-ci viennent �galement du passé. A un certain point de vue, la naissance nouvelle d�termine un milieu nouveau, mais � un autre point de vue, elle apporte simplement l'ancien entourage sous un v�tement nouveau. Et maintenant, examinons-en les cons�quences en ce qui touche aux parents et � la famille. [Page 34]

 
CHAPITRE -2-

VOS PARENTS ET VOTRE FAMILLE


Vous voil� n�. Il s'agit moins de savoir de quels parents que de savoir pourquoi vous �tes n� de ceux-l�.

Est-ce par hasard comme si, pour na�tre ou plut�t rena�tre, l'individu les yeux ferm�s tirait � soi deux parents � coup de chance heureux (parfois le contraire) ? La Th�osophie nie qu'il y ait rien de fortuit dans le choix des parents, par cons�quent dans le choix des enfants. Au contraire le fait est que chaque individu se meut dans un monde relativement limit�, avec d'autres individus, pendant toute la dur�e de sa carri�re �volutive. Les m�mes gens doivent cent fois jouer ou, plus exactement, jouer avec variations les r�les de p�re, m�re, fr�re, soeur, oncle, tante, cousin, grand-p�re, grand'm�re, fils, fille, neveu, ni�ce ou toute autre relation imaginable, y compris l'amiti�.

C'est pourquoi votre p�re en cette vie l'a probablement �t� d�j� souvent, certainement votre ami assez intime. De m�me pour votre m�re et [Page 35] pour tout autre membre de votre famille actuelle, comme aussi pour les personnes en dehors du cercle familial.

Nous retrouvons donc les fils, dans notre naissance nouvelle, non seulement des activit�s, des pens�es, des sentiments, des �motions mais aussi des relations. On peut dire sans aucune exag�ration qu'en cette existence vos proches parents ont eu avec vous au cours des si�cles toutes les relations imaginables, bien que le r�le jou� aujourd'hui par chacun ou chacune puisse en apparence leur convenir sp�cialement.

Peut-�tre n'arriverez-vous pas � imaginer qu'une tante, vieille fille tir�e � quatre �pingles et tr�s vieux jeu, fut jadis un de vos enfants les plus insoumis, peut-�tre m�me un fr�re mauvais sujet. Rien ne prouve le contraire. Le temp�rament manifest� par un individu dans une vie donn�e ne repr�sente pas forc�ment son temp�rament fondamental et constant, En fait, c'est le contraire qui est bien plus n�cessaire et plus vrai. L'�volution a pour but de d�velopper, en somme, une perfection d'ensemble. Point de prodigalit� mal r�partie. T�t ou tard, la qualit� ou la faiblesse la plus inv�t�r�e doit s'effacer devant son contraire. Il le faut pour que l'exp�rience soit compl�te, et aussi pour obtenir la flexibilit� parfaite qui, des hauteurs o� elle r�side, sait descendre dans les vall�es sans rien perdre des plus l�gers parfums de la montagne. [Page 36]

Finalement chacun doit devenir un Everest. mais il est impossible d'en comprendre parfaitement la nature sans plonger en profondeur jusqu'� son antith�se. Voil�, soit dit en passant, qui nous aide � �prouver pour toute faiblesse et toute ignorance la sympathie et la compr�hension les plus vives, car ces stages eux-m�mes m�nent � des cimes glorieuses. Ajoutons qu'un autre mot se trouve �limin� du dictionnaire th�osophique � celui de m�chancet�. Il est peut-�tre difficile de le croire, mais, lorsqu'on en vient � l'analyse des motifs et des actions, on ne constate aucun �tat de conscience pareil � celui qu'exprim� le mot "m�chancet�". Ignorance, oui; faiblesse, oui; mais rien de plus.

Tout cela est une digression dont le seul but est de montrer un fait que l'on m�conna�t ais�ment : les relations et leurs caract�ristiques diverses ressemblent � l'image que, pendant un moment, nous offre un kal�idoscope. Une secousse imprim�e � l'instrument et les m�mes fragments donnent une image compl�tement diff�rente. Sauf peut-�tre dans les phases d'�volution plus anciennes o� les changements sont tr�s lents et tr�s graduels, chaque naissance nouvelle produit un tableau nouveau et l'individu figurant dans un tableau peut, dans un tableau nouveau, sembler � peu pr�s impossible � identifier. [Page 37]

N�anmoins toutes les naissances, comme des perles, sont reli�es par un fil d'or; l'individualit�. Depuis le commencement des temps, ce fil d'or a exist�, enroul� sur lui-m�me, pourrait-on dire, non manifest�, non individualis�, � na�tre. Puis survient l'impulsion qui excite la croissance et dont nous n'avons pas ici � rechercher l'origine. Le fil d'or se d�roule et s'empare successivement des perles (les naissances) pour que le collier de la perfection divine soit enfin constitu�. De combien avons-nous chacun, homme ou femme, allong� notre collier individuel en y ajoutant les perles de l'exp�rience? Dans les premiers stages, les perles sont d'abord et forc�ment rugueuses et irr�guli�res, mais enfin chacune devient parfaite et le cercle de la vie �ternelle se trouve compl�t�.

R�sumons-nous. Voici un petit enfant de l'un ou l'autre sexe (mais point un "Moi" encore en enfance, ne l'oubliez pas) parmi tous les membres d'une famille qu'il a connue bien souvent mais que, tr�s probablement, il ne se rappellera pas aujourd'hui. La parole lui venant, il ne pourra dire: "Mais vous n'�tiez pas mon p�re. Vous �tiez ma tr�s ennuyeuse fille; elle me donna beaucoup plus de mal que sans doute je ne vous en donnerai jamais!" De m�me il ne pourra observer: "Comme il est �trange que cette fois vous soyez ma m�re! Amants, dans notre vie derni�re, nous nous sommes mari�s;
[Page 38] nos enfants furent nombreux; nous v�c�mes tr�s vieux". Il ne pourra se rappeler ces relations anciennes. Amn�sie vraiment divine dans sa mis�ricorde.

Si, parvenus � un degr� en somme peu �lev� de notre d�veloppement, nous gardions le souvenir des relations, nous risquerions de perp�tuer les relations anciennes dont souvent nous serions sages de changer radicalement la qualit�. Il faut nous rappeler les vieilles erreurs que nous avons commises, les vieux torts que nous avons caus�s, les vieux pr�judices que nous avons subis, les vieilles dettes dont le remboursement pourrait bien nous incomber encore, enfin � notre avoir les vieilles cr�ances sur lesquelles nous pourrions encore compter.

La m�moire est une arme puissante. Aux mains du sage, elle embellit. Aux mains de l'ignorant, elle blesse et celui qui la porte et celui dont il garde le souvenir. Aux mains du sage, la m�moire est tendre et sans rancune, m�me s'il s'agit d'un tort et d'un pr�judice subis dont la loi impose une exacte compensation. Aux mains de l'ignorant, la m�moire sera dure et vindicative: elle exigera bien compl�te la livre de chair.

Par gr�ce, il est ordonn� que nos souvenirs restent pauvres, m�me si nos pr�f�rences et nos aversions nous en font percevoir le reflet, Pour que la m�moire puisse nous �tre confi�e sans
[Page 39] danger, il faut que dans le domaine spirituel nous soyons assez �g�s.

Ainsi le pass� est une page blanche et, dans notre pens�e, nos proches actuels n'ont pas jou� d'autres r�les que leurs r�les pr�sents. Pourtant le pass� n'est pas tout � fait d�ni�. Il y a l'enfant pr�f�r�. Il y a le p�re et la m�re sp�cialement aim�s. Il y a l'ami parmi d'autres amis. Il y a la grand'm�re que peut-�tre nous craignons et le grand-p�re qui est notre confident le plus intime. Toujours des sympathies et des antipathies qui nous sont absolument inexplicables et pour lesquelles il n'y a point de raisons, la m�moire �tant absente. La m�moire entre pour une part si essentielle dans la facult� de raisonner avec justesse!

Quoiqu'il en soit, en rentrant dans votre famille, vous renouvelez des liens anciens. Vous avez connu d�j� et bien connu tous les membres de la famille. Vous avez �t� intimement et pendant tr�s longtemps associ� � chacun. Avec chacun vous continuerez votre marche vers l'avenir, jusqu'au moment o� vous formerez un petit cercle de fraternit� parfaite appartenant au cercle universel qui contient � la fois votre cercle et tous les autres. Pour mieux comprendre la notion de ce cercle universel, rappelez-vous que chaque membre de votre propre cercle fait partie d'un cercle avec lequel vous n'�tes qu'indirectement en rapport, Et si vous poussez
[Page 40] assez loin cette id�e, vous verrez que l'universalit� est la cons�quence naturelle et in�vitable de la particularit� dont vous-m�me faites partie.

Disons-le cependant: rien n'exige que vos camarades particuliers renaissent en m�me temps que vous. Il se peut que des parents et amis nombreux ne soient pas en incarnation; qu'ils ne doivent pas na�tre cette fois, mais plus tard. Vous ne les rencontrerez donc pas ici-bas avant que votre existence actuelle ne soit d�j� assez avanc�e. Vous pouvez m�me, cette fois, ne pas les rencontrer du tout bien que, durant les heures de ce que nous appelons sommeil, il y ait souvent d'heureuses r�unions des membres de votre famille �volutive particuli�re.

Il se peut que vos amis les plus intimes et les plus chers soient pour les meilleures raisons �loign�s de vous, du moins en ce qui regarde le plan physique. Vous pouvez, ou non, sentir que quelque chose vous manque. Cela d�pend de la force de votre m�moire. N'imaginez pas que vous soyez toujours au complet dans chacune de vos incarnations. Mais, nous dit la Th�osophie, il y a quelque part, non seulement solidarit�, mais plus encore unit� de .camaraderie individuelle que ni la naissance, ni la mort, ni la pr�sence, ni l'absence ne peu�vent alt�rer. Quelque part, votre famille d'alli�s et d'amis est toujours compl�te. Quelque part, les fils d'or de vos individualit�s forment un [
Page 41] indissoluble et parfait lien de camaraderie si m�me, � tel moment, tel fil particulier s'occupe d'une perle (naissance), alors m�me que parmi les autres fils aucun n'en fasse autant.

Quelque part? O� cela? La r�ponse � une question pos�e avec autant de raison et d'insistance se trouvera dans la litt�rature th�osophique qui explore en profondeur et ne se borne pas aux surfaces dont seules peuvent traiter ces pages. Il existe un monde o� la fraternit� r�gne toujours, o� l'amiti� n'est jamais rompue, o� la s�paration n'est point, o� la tristesse est inconnue. Ce monde-l� est le monde r�el. La Compagnie des Camarades y est toujours r�unie. Pourtant c'est encore un monde limit�, alors qu'il ne devrait pr�senter aucune barri�re. Afin de rendre illimit� un monde aussi glorieux, vous et tout le reste de la vie en manifestation, vous prenez et reprenez naissance et combattez sans tr�ve l'ignorance, la tristesse, les privations, la s�paration, la frustration, afin de dissiper l'obscurit�, faire tomber les barri�res et pr�parer la route � recevoir le perp�tuel rayonnement, dans tous les mondes, de cette lumi�re du monde int�rieur qui, dans le monde ext�rieur, demeure si longtemps terne et faible. La Th�osophie refl�te ici-bas la vie du monde r�el. Priv�s de la Connaissance, la cherchant � t�tons, nous pouvons croire que la Th�osophie n'est que doctrine, hypoth�se, th�orie,
[Page 42] philosophie sp�culative, mais il y a des gens qui reconnaissent dans la Th�osophie un fait, et l'expression, sous une forme n�cessairement imparfaite, de la vie une et universelle.

Que la Th�osophie, comme une torche �lectrique, jette la lumi�re sur ces faits qui, � mesure que vous les comprendrez mieux, vous permettront de faire servir les circonstances, agr�ables ou p�nibles, � une fin heureuse et f�conde tant pour vos camarades que pour vous-m�me.

Consid�rons maintenant dans votre vie les divers incidents exprim�s en termes d'�ducation, de bien-�tre, de malaise, de circonstances, d'occasions, d'impuissances, de tendances et hoc genus omne. [Page 43]


CHAPITRE -3-

VOTRE  EDUCATION


Qu'enseigne un syst�me �ducatif ? A qui donne-t-il l'�ducation? Ordinairement, nul ne s'occupe de savoir � qui., pour la raison tr�s simple que la plupart des gens ne peuvent m�me pas commencer � r�pondre. Il en est ainsi, m�me � notre �poque dite "civilis�e" o� chaque enfant est �lev� comme s'il �tait en particulier personne, mais en g�n�ral tout le monde. Sans doute l'�ducation vise � la simplicit� et � la commodit� dans ses m�thodes et son organisation, mais il en r�sulte pour l'enfant un labeur infini et pour la nation de bien maigres avantages.

La Th�osophie � on doit maintenant s'en apercevoir � a beaucoup � dire quand se pose la question: "A qui le syst�me �ducatif donne-t-il l'�ducation? ".

D'abord point de "qui", coup de tonnerre dans un ciel serein. L'�l�ve est une individualit� ind�pendante qui a d�j� longtemps suivi
[Page 44] le chemin de la vie. Il est d�j� parvenu � un certain niveau dans le r�gne humain apr�s avoir fait les exp�riences appropri�es aux r�gnes animal, v�g�tal et min�ral; il monte plus haut encore dans le r�gne humain et un jour en �mergera, comme tous les autres humains, un roi de l'humanit�.

En second lieu tout "qui" a eu dans le pass� son propre genre d'�volution, distinct et sui generis, quelle que soit sa ressemblance apparente avec tous les autres "qui" dont chacun poss�de son propre temp�rament sp�cial, son propre g�nie sp�cial, sa propre place sp�ciale dans le grand dessein et dans le grand plan.��

Ainsi, quand nous �levons un enfant, nous �levons une �me tr�s �g�e, une individualit� unique. Le corps physique peut �tre jeune, mais c'est la seule jeunesse poss�d�e par l'enfant que nous d�signons par son corps, car de son �me nous ignorons tout, et pouvons m�me, dans notre ignorance, nier qu'il en poss�de une.

C'est pourquoi le parent sage et l'instructeur sage, se rappelant l'existence de l'�me, se rappellent aussi qu'ils font l'�ducation d'un voyageur dou� d'�ge et d'exp�rience qui, sachant au fond ce qu'il lui faut, s'attend � voir parents et instructeurs d�couvrir ce dont il a besoin. Par leur sagesse ou par leur maladresse, ils
[Page 45] peuvent soit favoriser l'aventure, parmi nous, de ce vieux voyageur, soit y faire obstacle.

Il incombe aux parents et � l'instructeur d'aider l'individualit� � se mettre aussi vite que possible en liaison avec ses v�hicules nouveaux. Parents et instructeurs ont occup� leurs corps physiques plus longtemps qu'il n'a occup� le sien. Ils ont plus d'exp�rience et devraient la mettre � sa disposition tant pour lui �viter dangers et difficult�s que pour l'aider autant que possible � acqu�rir sans d�tours inutiles l'exp�rience n�cessaire. Seulement ils ne doivent jamais le contraindre, sauf dans les cas les plus graves, encore moins en faire une r�plique d'eux-m�mes en ce qui touche aux pens�es et aux sentiments. Ils doivent l'aider � d�couvrir sa propre vie �ternelle et � la poursuivre, d�t-elle �tre fort diff�rente de leur propre genre d'existence. Ils doivent l'aider � devenir non pas une copie d'eux-m�mes, mais sa propre continuation.

Assur�ment la plupart des membres de la famille humaine ont encore quelque chemin � faire avant d'atteindre le point o� ils deviendront capables de se montrer, m�me dans leurs corps physiques, des reflets fid�les de leur royaut� future. Mais les reflets sont l� et plus sera judicieuse l'�ducation, plus vite poindra l'aube de la splendeur royale.

Parent et instructeur doivent au moins aider
[Page 46] l'enfant � d�couvrir sa royaut�, non pas en essayant de deviner le genre de royaut� encore latente, mais plut�t en �tant eux-m�mes toujours plus anim�s d'esprit royal. D�s lors cet esprit pourra faire appel � la royaut� de l'enfant dans le langage qui leur est commun.

Que de fois, nous dit la Th�osophie, le vieux voyageur a �t� contraint de renoncer � faire de son nouveau corps un usage efficace, tout simplement parce que des ouvriers �ducateurs maladroits n'ont pas su lui offrir les moules de la dignit�, du raffinement et du bonheur! Que de fois le vieux voyageur a trouv� ses canaux encombr�s d'ordures quand ils devaient donner libre cours � sa puissance ! Plus souvent encore il trouve que son v�hicule a �t� affaibli par les mauvais traitements, ou par la crainte, peut-�tre m�me par la cruaut�. En cela, sans doute, point d'injustice m�me pour l'enfant. Il se peut que ces infortunes lui soient destin�es, mais ni le parent ni l'instructeur ne devraient se pr�ter � leur manifestation. Qu'elles viennent, s'il le faut, mais nous n'avons aucun besoin de contribuer � leur apparition, � moins que la loi inviolable ne l'exige.

Une immense responsabilit� incombe au parent ou � l'instructeur, telle que la conception d'une demeure pour un vieil ami, ce qu'est en v�rit� tout enfant. Parent et instructeur ont la possibilit� de faire d'une naissance nouvelle soit
[Page 47] une b�n�diction, soit un malheur; d'aider l'individu � progresser vivement ou d'entraver sa marche.

La Th�osophie a beaucoup � dire sur le "qui" dont l'�tude ne peut ici trouver place. A la v�rit� l'�ducation th�osophique est � elle seule une science.

Sur quoi porte une m�thode �ducative? Ici encore l'id�e g�n�rale est que nous avons affaire � une combinaison r�unissant le corps physique, les sentiments, les �motions, l'intellect et peut-�tre un soup�on d'autre chose.

Une fois encore la Th�osophie transforme le chaos relatif en un cosmos fort bien ordonn�. L'individualit�, nous dit-on, emploie une s�rie de corps distincts, entre autres le corps physique par l'entremise duquel s'�tablit ordinairement une communication avec le monde ext�rieur au moyen des divers sens. Mais il y a d'autres corps tout aussi distincts que le corps physique. Il y a le corps des �motions o� les sentiments et les �motions ont la vie, le mouvement et l'�tre. Il y a le corps mental, si�ge des fonctions mentales. Il y a le corps de l'intuition, sp�cialis� pour loger et exprimer l'�tat de conscience appel� par nous l'intuition. Et il y a encore des corps plus �lev�s.

Tous interp�n�trent le corps physique, bien qu'ils soient plus grands que lui et que leur densit� aille en d�croissant. Chacun a son
[Page 48] existence propre et s�par�e. En m�me temps, ces corps d�pendent beaucoup les uns des autres. Quand, � la mort, le corps physique se d�sint�gre, les autres corps survivent et peuvent m�me �tre conserv�s pour les naissances prochaines; le cas d'ailleurs est rare. En g�n�ral. ces autres corps se d�sint�grent � leur tour et l'individualit� rev�t un corps mental propre et neuf et un corps des �motions propre et neuf, comme il rev�tira des v�tements physiques propres et neufs.

Ainsi, en demandant sur quoi porte notre m�thode �ducative, nous constatons que c'est sur divers genres de conscience � la fois autonomes et tr�s �troitement associ�s par leurs r�actions mutuelles.

Alors une question se pose: commen�ons-nous simultan�ment l'�ducation de tous ou leur d�veloppement comporte-t-il un certain ordre ?

Évidemment, notre attention doit d'abord se porter sur le corps physique. Il se d�veloppe le premier et de son �ducation judicieuse d�pend beaucoup le fonctionnement normal de tous les autres corps, car il est le canal de communication les reliant � ce monde ext�rieur par lequel eux aussi doivent cro�tre.

Du commencement � la fin de la m�thode �ducative, la formation du corps physique exige une attention constante et m�me, comme la formation
[Page 49] du corps �motionnel, une attention dominante.

Le corps des sentiments et des �motions est avec le corps physique le coeur de toute la famille des corps. Sans exception, nous vivons tous, durant la majeure partie de notre existence, dans nos corps physiques et dans nos �motions. Visiblement nous sommes physiques. Susceptibles d'�motion, tout autant, bien que beaucoup de gens, fiers de leur sang-froid ou de la pr�pond�rance de leur intellect, le nieront avec fureur. Quelle que soit l'attention consacr�e, avec raison, au corps physique, nous devons en consacrer tout autant au corps des �motions afin qu'il devienne disciplin� et actif. Un individu bien ma�tre de ses �motions, non pas an�mi�es et rigides, mais assouplies � de nobles fins, et dont le corps physique est un excellent serviteur plut�t qu'un ma�tre capricieux, cet individu est vraiment bien pr�par� � faire de sa vie le point de d�part d'une ascension plus haute.

Quand nous employons le mot "attention", il exprime l'id�e d'une �ducation tendant � d�velopper la gr�ce, le raffinement, la subordination � la volont� (c'est-�-dire � l'individu), enfin la dignit�. Le corps physique doit �tre rythmique, souple, capable d'endurer la fatigue et les privations � tel un cheval ayant besoin de soins constants, mais dont l'ob�issance est
[Page 50] imm�diate. Il peut y avoir naturellement des gens dont les corps physiques sont handicap�s d�s le d�but. Tout ce que l'on peut faire, c'est d'att�nuer autant que possible ces d�savantages et de cultiver dans les autres la s�r�nit� et le courage.

Le corps des �motions doit �tre habitu� par son �ducation � n'admettre que les beaux sentiments et les belles �motions. Pour un corps des �motions bien disciplin�, l'�go�sme, la col�re, la vulgarit�, la grossi�ret�, les passions les plus basses, tout d�sir ignoble doivent �tre d�sagr�ables. Il devrait rester tr�s peu de corps des �motions; ayant encore besoin, pour leur d�veloppement, de l'exp�rience donn�e par la haine. Go�ter avec joie et, autant que possible, cr�er la beaut� (belles formes ou belles attitudes) : tel devrait �tre l'objectif de l'�ducation �motionnelle. Cette �ducation-l� est bien peu donn�e aujourd'hui dans les �coles et coll�ges!

Peut-�tre faut-il dire que, th�osophiquement parlant, l'�ducation doit �tre comprise dans son sens �tymologique: ext�rioriser, par l'attrait de l'ext�rieur et avec son aide, le principe qui attend son d�veloppement dans ces divers corps, reflets de l'�me �ternelle. L'ambiance frappe � la porte. La puissance attend la libert�. L'�ducation est le trait d'union. Elle a pour t�che de former ou plut�t d'affermir le caract�re, les dis�positions, la facult� de distinguer de plus en
[Page 51] plus nettement entre le moins et le plus utile, le moins et le plus vrai, le moins et le plus beau. Ce que l'on appelle un "fait", se rattachant � un sujet quelconque, n'a jamais, en r�alit�, d'autre but. N�anmoins, on admettra certainement que les "faits" dont nous bourrons si souvent les victimes de notre �ducation m�ritent bien peu leur nom. Quand nous parlons d'information � donner, nous ne pouvons entendre par l� qu'une chose: c'est que nous pr�sentons � l'�l�ve les th�ories les plus r�centes concernant certains aspects de la vie. Combien plus efficace serait une �ducation qui insisterait moins sur les formes et sur les faits, et infiniment plus sur la vie et sur nos dispositions.

Si l'on demande � la Th�osophie ce qu'elle pense de la libert�, sa r�ponse est imm�diate. La libert�? Bien certainement. Chez le parent comme chez l'instructeur, aucune vell�it� de contrainte impos�e aux tendres pousses (les nouveaux corps) pour les former et les discipliner � l'image de leurs a�n�s. Point de cruaut�. Point d'�ducation par la crainte; ces deux termes se contredisent. Point de ch�timents, mais quelque�fois de la restriction. La libert�? Oui, mais une libert� r�gl�e, utile; libert� de cro�tre sous le rayonnement de la souverainet� future; libert� de devenir le Feu pr�sag� dans l'�tincelle qui, voil� d'innombrables si�cles, alluma comme un combustible la forme en manifestation; libert�
[Page 52] d'avancer en ligne droite; libert� de mettre � profit le temps, mais sans gaspillage.

En un mot, la libert� dont les corps ont besoin est celle de coop�rer parfaitement avec l'individu qui est leur roi; celle de faire sa volont� et de seconder ses intentions. Quelle difficult� le parent ou l'instructeur n'�prouvent-ils pas � conna�tre la volont� du souverain alors qu'ils comprennent � peine la nature de ses sujets! C'est cependant leur devoir commun et ils doivent, par leur affection, leur patience et leur instruction, agir de leur mieux.

Nous arrivons maintenant au corps mental, corps important, beaucoup moins cependant que ses compagnons �motionnel et physique.

La pr�cision et l'acuit� du jugement sont peut-�tre les qualit�s les plus n�cessaires � d�velopper. Le savoir est exig�, naturellement, par le corps mental. Mais le savoir, � notre �poque, change si vite que l'on se demande si ce corps a bien besoin de faits. Ne serait-il pas plus exact de dire que le corps mental doit �tre aussi pleinement en contact avec les tendances dans tous les d�partements de la vie, sans trop s'y attacher. Alors de ces tendances na�tront, avec le temps, des tendances plus justes. Enfin, sera prise la direction fonci�rement bonne. Le Sentier de la sagesse sera trouv�.

La science elle-m�me commence � se rendre compte que l'abstrait refl�te le r�el, mieux que [Page 53] ne le fait le concret; elle tend, dans sa recherche de la v�rit�, � pr�f�rer l'abstrait.

Le corps mental doit �tre amen� � distinguer sans peine entre ce qui pour lui est vrai et ce qui pour lui est faux, car le vrai et le faux sont tels surtout relativement � l'individu. On doit enseigner au corps mental � discerner le r�el au milieu de l'erreur, la lumi�re au sein des t�n�bres. C'est l'aider � remplir sa fonction sup�rieure: r�unir des mat�riaux, choisir les bons, laisser les autres.

Il y a des �tats de conscience plus �lev�s. Eux aussi ont besoin d'�ducation. L'alimentation et le fonctionnement de la conscience intuitive d�pendent surtout de l'exp�rience. Il y a aussi un �tat caract�ris� par la vision. La vision est facult� percevoir au loin les splendeurs de la vie s'offrant � reconnaissance et à la conqu�te; faculté inestimable, elle devrait �tre encourag�e de toutes mani�res, en familiarisant'individu avec les vies de ceux qui manifestement ont poss�d� à un degr� appr�ciable la faculté de vision.

Quel que soit le corps soumis � l'�ducation, ne jamais oublier que nous n'�crivons pas sur un feuillet blanc, mais sur un feuillet portant d�j�, nettement trac�es, les innombrables exp�riences faites par l'individu avant d'atteindre son pr�sent niveau de d�veloppement. D�j� les tendances abondent en lui. Il est dans une [Page 54] certaine mesure pourvu de connaissances, de facult�s, d'aspirations et, bien entendu, de faiblesses et d'inhibitions. Le parent et l'instructeur doivent chercher par intuition � s'en rendre compte. L'�ducation pourra ainsi, autant que possible, tenir compte et du pass� et du pr�sent.

Avertissement spécial: ne pas essayer, par contrainte ou persuasion, de faire avaler aux jeunes corps, d'un seul coup, ce qu'ils doivent auparavant mâcher. Beaucoup de parents et d'instructeurs ont leurs croyances et convictions propres, bien définies. Ils peuvent avoir, concernant la religion, leurs idées préconçues et immuables et, sûrs d'avoir raison, d'affirmer qu'à moins de se laisser ainsi discipliner ces jeunes corps vont à leur perte.

Être dans le vrai. On n'y est jamais qu'un peu. Tout homme est beaucoup plus ignorant et, disons même, dans l'erreur, qu'il n'imagine. Il y a beaucoup, beaucoup plus de bons chemins que la voie suivie par un individu quelconque.

Il est donc extrêmement important, si l'on présente à l'enfant telle ou telle façon de concevoir la vie, de ne jamais lui en imposer l'absorption totale. En fait rien n'est jamais avalé en une fois. Le parent ou l'instructeur peuvent s'imaginer le contraire, parce que l'enfant semble se conformer, et peut-être se conforme en effet à leur avis. Mais un conformisme pareil n'a qu'un temps. L'enfant n'a pas vraiment [Page 55] absorb� le concept en question. Il ne le pouvait pas. Il gardait la bouch�e dans sa joue et, au moment opportun, voil� le concept rejet�; d'autant plus vivement que l'enfant l'avait gard� sans savoir, par ignorance, peut-�tre � contre-coeur. Tous les droits et tous les devoirs nous appartiennent s'il s'agit de mettre notre exp�rience au service de l'enfant, mais nous devons arriver � comprendre que seules ses propres exp�riences auront une valeur pour lui. Il faut l'aider � les faire et non pas les n�tres.

A notre �poque, l'�ducation s'applique � l'analyse, � la dissection et � la critique, dans le sens g�n�ralement donn� � ce mot, plus qu'� l'appr�ciation. D�velopper l'appr�ciation : telle devrait �tre en �ducation notre devise. Apprenant ainsi tout d'abord � appr�cier ce qui est pr�s de nous et familier, pourrons t�cher aussi d'apprécier ce qui est aussi lointain et peut-�tre nous semblait �trange. Les �tres humains ressemblent fort aux animaux par leur disposition obstin�ment gr�gaire. Celle-ci, sans doute, a sa valeur et son but, mais �galement ses limitations. L'éducation reste inf�rieure à sa t�che si, faisant de l'esprit gr�gaire une application judicieuse, elle n'offre pas un moyen de d�passer qui en somme, repr�sente une exp�rience à faire en cours de route et non pas un lieu o� nous devons nous retrancher sans jamais vouloir avancer. [Page 56]

Le bl�me est assez facile, surtout si notre fa�on d'envisager l'existence est �troite. Beaucoup de gens ne cessent de combattre tout ce qui n'est pas inclus dans leur mani�re de concevoir la vie. Ils trouvent � redire aux religions d'autrui; aux nationalit�s, aux opinions, aux coutumes, aux habitudes d'autrui. Ils semblent incapables de comprendre que les leurs sont, chez d'autres personnes, l'objet de critiques tout aussi vives.

Nous devons apprendre � reconna�tre le bien et non le mal. A tout prendre, il y a chez les autres tout autant de bien qu'en nous. De m�me pour leurs religions, leurs nationalit�s, leurs habitudes, leurs coutumes et leurs opinions.

L'�ducateur doit veiller � ce que ses le�ons soient bien comprises, en �vitant les malentendus si fr�quents aujourd'hui.

Quant aux d�tails de l'�ducation, nous ne pouvons en donner ici qu'une simple esquisse.

Certaines occupations sont indispensables; certaines qualit�s sont essentielles. Nous devons faire porter l'�ducation sur le courage, la v�racit�, l'enthousiasme, l'esprit chevaleresque. Quels que soient les moyens employ�s, point d'�ducation r�elle qui n'�veille en chaque enfant, et � un certain point, ces quatre qualit�s.

Afin de d�velopper des facult�s semblables, il faut enseigner l'adresse manuelle, la musique, [Page 57] les jeux, le d�veloppement corporel, le chant, les divers m�tiers, la cuisine, l'assistance directe, la tenue g�n�rale du m�nage, les connaissances d'ordre sexuel, les vertus d'un bon citoyen, national et international. Sans oublier qu'enseigner � employer les loisirs repr�sente au moins 75 % de notre devoir.

Quant au choix d'une carri�re, en ces temps modernes o� r�gnent la comp�tition, la d�pression et la confusion, il est � peu pr�s impossible d'�viter une vie p�nible. Sous son aspect psychologique, la Th�osophie reconna�t sept diff�rents types d'�volution dont l'un domine en chaque individu, l'action des autres �tant secondaire. D�velopper le type, c'est suivre la ligne de moindre r�sistance et par cons�quent celle du d�veloppement le plus rapide. Mais, comme nous ne discernons pas les types, les individus d'un type donn� se trouvent engag�s dans une activit� appartenant � un type compl�tement diff�rent.

Le pr�tre se trouve marchand; le marchand,notaire; le soldat, comptable; l'homme d'�tat, m�canicien; l'instructeur, n�gociant; le serviteur, homme de gouvernement. Et la plupart sont sans emploi!

N'est-il pas �vident qu'une nation ne peut �tre bien men�e si le personnel dirigeant n'est pas compos� d'hommes et de femmes adapt�s par leur temp�rament � leurs devoirs? N'est-il [Page 58] pas �vident qu'un individu ne peut conduire efficacement sa vie s'il ne suit sa propre ligne de d�veloppement, individuelle et �ternelle.

Cependant, nos regards ne p�n�trent gu�re plus loin que la surface. A une �ducation au petit bonheur succ�de une vie au petit bonheur. Comment s'�tonner de la d�pression subie? Comment s'�tonner de la guerre?

Il est d'autant plus n�cessaire que la Th�osophie nous dise qui nous sommes et ce que nous sommes.

Il n'est pas inapproprié, dans un chapitre concernant l'éducation, de souligner une vérité sur laquelle la Théosophie est seule à insister: c'est que nos a�n�s d'aujourd'hui seront dans un avenir assez proche les cadets de ceux qui alors seront vieux. L'�ge n'a sur la jeunesse qu'un avantage temporaire, en ce qui concerne les ans et l'exp�rience. Les jeunes les acquerront � leur tour, et les vieux aborderont une jeunesse nouvelle, en s'attendant � ce que leurs a�n�s, la jeunesse pr�sente, les aident � progresser, comme les vieux (esp�rons-le du moins) contribuent maintenant au progr�s des jeunes. Que la jeunesse respecte l'�ge et que, tout autant, la vieillesse respecte la jeunesse. Elles ont besoin l'une de l'autre. Ensemble elles peuvent, �tant compl�mentaires, et par leur action collective, faciliter et rendre plus fructueuse la vie de chacun. A la jeunesse il faut l '�ge, � celui-ci [Page 59] la jeunesse. Les jeunes deviendront les vieux. Les vieux deviendront les jeunes. Si seulement cette v�rit� pouvait �tre comprise et constituer un facteur puissant dans les vies des jeunes et des vieux, celle des premiers deviendrait infiniment plus effective et celle des seconds infiniment plus utile et plus joyeuse. Dans la vieillesse, rien � redouter; dans la jeunesse, rien � m�priser. En chacun il y a tout ce dont l'autre peut b�n�ficier avec reconnaissance. Il ne devrait pas exister, car ils seraient inutiles, des compartiments �tanches, s�parant la jeunesse de la vieillesse. La Th�osophie, tout en leur assignant leurs valeurs respectives, ne voit en elles que des aspects de la croissance, que des phases d'un seul mouvement. Sp�cifiquement, l'instructeur a autant � apprendre de l'�tudiant que celui-ci de l'instructeur. Instructeur et �l�ve apprennent en fait � s'instruire et � se d�velopper ensemble. En termes de vie, qui oserait dire: " Un tel est instructeur, tel autre, �tudiant" ? Quand l'instructeur a compris que lui-m�me est un enfant tout comme ceux qu'il instruit, alors seulement, il aura commenc� � comprendre la science de l'�ducation.

Un dernier mot. Toute l'�ducation objective peut se r�sumer en un terme, celui de "respect". Le respect m�ne � la croissance et en marque le terme; il est la puissance et le but [Page 60] de l'�volution et, dans la vie, la joie et la paix. Savoir, c'est �tre respectueux. Plus les connaissances sont �tendues, plus pr�domine un respect qui n'exclut pas m�me les plus humbles manifestations de la vie. Le respect doit r�gner entre l'homme et la femme, entre l'a�n� et son cadet, entre le saint et le p�cheur, entre les r�gnes naturels humain et sous-humains; respect de toute vie dans ses innombrables genres de manifestation, qu'ils soient beaux ou laids, barbares ou civilis�s.

Chez peu d'entre nous s'affirme le sentiment de respect. Or, l'�ducation n'est r�elle et efficace que si elle encourage.[Page 61]

CHAPITRE 4

VOTRE� PLUS� GRANDE�� FAMILLE

Vous connaissez bien sans doute vos parents et vos proches, vos amis et vos relations. Vous sentez qu'un lien vous unit � vos coreligionnaires et � vos compatriotes. En outre, vous n'ignorez peut-�tre pas votre consanguinit� avec d'autres membres de votre race, avec l'empire dont votre nation est partie int�grante.

Quant � l'humanit� globale, elle ne repr�sente probablement pour vous rien ou presque rien, un principe et rien de plus.

Or, d�clare la Th�osophie, la vie est une, quelle qu'en soit la forme. La vie qui coule dans les veines d'un sauveur coule dans celles des individus les plus ignorants. Dans tel d�partement naturel il se peut que la vie soit encore � l'�tat de semence; que, dans le r�gne imm�diatement au-dessus, elle soit devenue une pousse; que, dans le r�gne suivant, elle ait atteint le stage du bouton; que, plus haut encore, le bouton se soit entrouvert; qu'enfin le bouton qui va s'�panouir prenne l'apparence [Page 62] d'une fleur. Ainsi la vie progresse et s'�l�ve. Il n'y a qu'une seule vie, dit la Th�osophie, quel que soit son degr� de d�veloppement.

II existe donc dans chaque r�gne, pas n�cessairement en forme ni moins encore en apparence, mais bien en fait, la plus �troite affinit� entre tous les genres de manifestation. L'�vidence grandit quand nous entendons la Th�osophie d�clarer que la vie des individus a passé par les formes et par les phases de manifestation les plus basses, en sa progression ascendante.

Plus est avanc� le d�veloppement, plus est �tendue et compl�te l'exp�rience. Pas une seule exp�rience faite en cours de route, par la vie, dans les r�gnes min�ral, v�g�tal, animal ou humain, que ne connaisse l'homme parvenu au degr� royal. Des faiblesses, des vices, des mis�res ou des tristesses subis par la vie, rien, d'une fa�on ou d'une autre, n'est ignor� d'un roi semblable. Sa royaut� est p�trie dans l'argile de succ�s et d'�checs, de joies et de douleurs innombrables. Il a triomph�, aussi triompherons-nous, o� que nous soyons plac�s, et qui que nous soyons.

En v�rit�, les grands �tres dont nous avons entendu parler ou que nous avons eu le bonheur de voir sont pour nous, m�me si notre ignorance nous emp�che de le constater, des t�moins affirmant l'avenir qui nous attend [Page 63] tous. "Vous �tes des Dieux", disent tous les Sauveurs. C'est bien l� notre nature et donc notre destin�e. Cette v�rit�, de mieux en mieux comprise, devrait nous aider � �tablir avec notre entourage des relations normales, � mieux l'appr�cier, � vivre aupr�s de lui dans un esprit plus fraternel et surtout � ne plus lui infliger de souffrances pour nous assurer d'imaginaires avantages personnels.

La parent� la plus �troite nous unit, nous qui sommes dans le r�gne humain, aux formes de vie dont nous sommes entour�s dans les r�gnes animal, v�g�tal et min�ral. Nous sommes fr�res consanguins de tout animal, de toute fleur, de tout arbre, de toute herbe, de tout rocher et de toute pierre, de la montagne et de la boue. Au premier abord, cette id�e peut sembler tout au moins discutable. Nous sommes port�s � dire que nous n'�prouvons envers telle ou telle forme aucun sentiment fraternel. Nous ne nous sentons pas le fr�re des formes nombreuses dans notre propre r�gne ou r�gne humain. Cela nous est possible envers quelques personnes qui nous sont proches et ch�res; impossible envers tous et envers le premier venu.

L'objection est naturelle, au point d'�volution atteint par la plupart d'entre nous, mais si le sentiment de fraternit� nous est �tranger, il ne s'ensuit pas que n'existe pas. Au [Page 64] contraire: plus est �volu� l'individu, plus il est certain de la fraternit� universelle de toute vie.

La naissance dans ce monde ext�rieur est parfois appel�e un processus de r�adaptation. R�adaptation � quoi? Au r�el, au v�ritable, � l'�ternel, � la paix qui surpasse toute conception, � la joie inalt�rable. R�adaptation � la vraie relation qui doit unir la vie et la forme et les r�gnes naturels entre eux-m�mes. R�adaptation � une vie de paix, de compr�hension, de camaraderie, de service, sans distinction de stades atteints en �volution. Pour chacun de vous, la plus grande famille, c'est le monde entier, chacun des �tres humains, chacune des cr�atures qui s'y trouvent. T�t ou tard nous devrons apprendre � vivre en amis avec la cr�ation enti�re et � respecter toute vie.

Il faut apprendre � traiter toute forme avec respect et d�licatesse, moins pour la forme que pour la vie ascendante qui r�side en elle. Il n'y a aucune raison pour ne pas en user quand cela est n�cessaire ou opportun, mais il ne faut jamais en abuser. L'abus est le grand danger couru quand la puissance s'arroge tous les droits sur l'impuissance. Le respect (nous l'avons montr� dans le chapitre sur l'�ducation) est la supr�me vertu, la supr�me puissance, car il porte en soi la fleur des relations normales et de l'adaptation parfaite. [Page 65]

Nous devrions �tre capables de nous rapprocher �troitement de ceux qui, avec nous, sont membres du r�gne humain.� En somme et� � tous les points de vue, nous sommes au m�me stade d'�volution. Nous suivons� ensemble� un m�me chemin.� Il nous fait vivre �troitement associ�s. Notre d�pendance mutuelle est grande. Les membres du r�gne humain devraient �tre � un jour, il le faudra bien � d'excellents amis et des camarades g�n�reux, non pas en d�pit, mais � cause des diff�rences qui s�parent les associ�s.� Tol�rer les faiblesses et les insuffisances d'autrui� doit nous �tre d'autant plus facile qu'� chacune nous sommes � peu pr�s certains de trouver, dans nos propres natures� individuelles,� des� d�fauts similaires. La critique est ais�e.� Il� devrait l'�tre davantage de nous critiquer nous-m�mes, nous connaissant mieux que nous ne connaissons jamais les autres. Mais en r�alit� rien n'oblige � critiquer personne, quand ce serait nous-m�mes, sauf en de rares occasions o� il faut noter un d�faut appelant la r�adaptation.

Nous devrions aussi pouvoir nous rapprocher des membres du r�gne animal qui ne sont pas, apr�s tout, si �loign�s de nous. Ce sont l� des fr�res pu�n�s; ils ont donc droit � notre protection et � notre direction. On peut bien dire que nous avons sur eux tous les droits d'emp�cher leurs empi�tements et de les [Page 66] maintenir � leur place. Mais cela ne doit pas nous emp�cher de leur t�moigner notre respect, sous forme de douceur et de bienveillance. Les membres du r�gne animal cherchent la voie menant au r�gne humain. Nous les avons pr�c�d�s. Ils nous suivent. Donnons-leur notre assistance, comme nos propres pr�d�cesseurs nous accordent si g�n�reusement la leur.

Pour l'individu �volu�, la cruaut� est inconcevable. Infliger la souffrance � des cadets pour la satisfaction d'un a�n� : voil� qui ne lui vient pas � l'id�e. Enlever � un cadet ce qu'il poss�de afin de rendre plus agr�able la vie d'un a�n�, voil� ce que ne peut imaginer l'individu �volu�. Cela ne veut pas dire que, dans certaines circonstances et pour nous d�fendre, il ne faille pas tuer, mais, � coup s�r, que le r�gne humain n'a pas le droit de s'engraisser �go�stement aux d�pens des animaux, ses fr�res.

Le m�me principe est applicable aux relations des r�gnes humain et v�g�tal. Aucun principe n'est plus nettement soutenu par la Th�osophie que celui d'�viter la laideur. Prostituer un animal au b�n�fice de l'homme, sauf dans des cas pr�cis et graves, est laid et sordide. Nombreux d'ailleurs sont les �tres humains � ne pas admettre qu'aucune circonstance, aussi urgente f�t-elle, ne saurait justifier une pareille laideur. [Page 67]

�viter la laideur en ce qui touche le r�gne v�g�tal, c'est lui �viter les destructions inutiles; c'est ne pas lui associer la laideur (comme le fait si souvent notre manie de publicit�); c'est ne pas traiter avec indiff�rence tels v�g�taux que nous d�racinons ou cueillons pour satisfaire nos go�ts d�coratifs et "artistiques" ; c'est �viter cette superstition que, dans le r�gne v�g�tal, la vie n'a au fond aucune importance et peut tout supporter.

La vie que maintenant nous ch�rissons en nous-m�mes a d� passer par le r�gne v�g�tal comme par le r�gne animal. Nous avons occup� jadis les �chelons o� se trouvent aujourd'hui v�g�taux et animaux qui, � leur tour, atteindront celui o� nous sommes actuellement. Aidons-les de notre mieux, c'est-�-dire par notre respect, notre bienveillance et nos services.

La laideur est tout autant � �viter en ce qui concerne le r�gne min�ral. Nous sommes ses d�biteurs, comme nous sommes d�biteurs des r�gnes v�g�tal et animal. En lui la vie poursuit sa progression vers les r�gnes de au del�.

Pour �viter la laideur au r�gne min�ral, il faut �viter les vilaines formes mat�rielles qui, dans ce r�gne, obligeraient la vie � voir en laideur le monde ambiant. Fa�onner la laideur en pierre, en terre, en acier ou en fer ou en toute autre substance appartenant au règne minéral, c'est avilir ce règne par [Page 68] l'enlaidissement et augmenter, pour la vie qu'il enrobe, la difficult� de son d�veloppement. Il est bien vrai, sans doute, que la plupart d'entre nous ne sont gu�re capables de distinguer entre la laideur et la gr�ce et, si la laideur� prime, l'esprit commercial en est largement responsable. Cependant, les objets gracieux et beaux peuvent �tre aussi bon march� que les objets laids; ils peuvent m�me, � la longue, co�ter moins cher, leur influence �tant beaucoup plus grande

S'il nous �tait possible de bannir la laideur du commerce, de la cuisine et, g�n�ralement parlant, de la maison, de nos villes et de nos cit�s, et surtout de ce que l'on nomme l'art, un monde plus heureux ne serait plus pour nous tr�s lointain. Car le bonheur du r�gne humain n'est pas, pour assurer celui du monde, la seule condition essentielle. Le r�gne min�ral doit �tre heureux � sa mani�re. De m�me pour le r�gne v�g�tal. De m�me pour le r�gne animal. Toutes les vies, nous dit la Th�osophie, sont soeurs. Aucune d'elles ne peut �tre heureuse aux d�pens d'une autre. Ou nous croissons ensemble ou nous ne croissons pas. Point de bonheur v�ritable sans �tre un bonheur partag�, ne comportant pour celui d'une partie quelconque aucun �l�ment nuisible.

Impossible, par la souffrance, d'acheter le bonheur. Il y bien, en apparence, un gain passager, mais c'est un gain illusoire. N�m�sis [Page 69] rejoindra t�t ou tard l'individu qui s'imagine pouvoir fouler aux pieds les autre vies pour assurer la sienne. Impossible d'ajouter � votre propre vie en soutirant la vie d'autrui. Il semble, mais pas pour longtemps, qu'on y soit parvenu, mais, t�t ou tard, vous serez forc� non seulement de soustraire tout ce que vous avez accumul�, en payant pour votre emprunt un p�nible int�r�t, mais encore de sacrifier � autrui ce que vous avez pris tant de peine � lui extorquer. Telle est la loi de r�adaptation qui �quilibre dans la vie l'ignorance humaine et la justice.��������������������������������������������������������������

Dans tout ce chapitre, nous avons jusqu'ici consid�r� les r�gnes min�ral, v�g�tal, animal et humain. Nous avons mis en pr�sence les r�gnes humain et sous-humains. Mais ne devrions-nous pas voir que les r�gnes surhumains d�passent d'aussi loin le degr� d'�volution du r�gne humain que celui-ci d�passe lui-m�me les r�gnes sous-humains ?

La vie s'arr�te-t-elle au fa�te du r�gne humain, l� o� nous voyons plac�s les hommes et femmes les plus �minents de notre monde humain? La vie serait-elle incapable d'achever rien de plus �lev� que notre humanit�? N'y aurait-il pas des cimes plus hautes que celles du r�gne humain? Il y a, nous le savons, des sommets plus �lev�s que ceux repr�sent�s dans le r�gne min�ral par le diamant, l'�meraude, le [Page 70] rubis, le saphir; des sommets plus �lev�s que repr�sentent dans le monde v�g�tal l'arbre le plus imposant, la fleur la plus �clatante; des sommets sup�rieurs � ce que l'on trouve dans le r�gne animal, dans ses repr�sentants les plus intelligents, les plus fid�les et les plus chers au coeur humain.

Ne devrions-nous pas savoir aussi qu'il y a des sommets plus �lev�s que ceux du r�gne humain; plus �lev�s que le saint le plus auguste, le h�ros le plus chevaleresque, le g�nie le plus p�n�trant?

Par bonheur, la Th�osophie nous �claire sur certains des sommets qui s'�l�vent au del� de l'humanit�.

D'abord, on nous dit qu'il y a, au del� du r�gne humain, des r�gnes bien caract�ris�s. Les degr�s divers atteints par l'expansion de la conscience les diff�rencient comme ils diff�rencient nos quatre r�gnes.

Deuxi�mement, on nous dit que nous aussi, en croissant, nous p�n�trons successivement dans ces r�gnes, tout comme nous avons p�n�tr� successivement dans les r�gnes inf�rieurs.

Troisi�mement, on nous dit que les citoyens de ces r�gnes s'appliquent � aider de toutes leurs forces les �tres qui grandissent dans des r�gnes qu'ils ont d�j� eux-m�mes d�pass�s. On ajoute que nous pouvons conna�tre ces citoyens dans la mesure permise par notre  [Page 71] d�veloppement et m�me que, de temps � autre, ils prennent comme �l�ves sp�ciaux certains de leurs jeunes fr�res qui, dans le r�gne humain, semblent offrir des dispositions. Ils le font afin de former plus vite des recrues pour le r�gne au-dessus du r�gne humain, non pour l'avantage personnel de l'individu choisi, mais afin qu'un individu de plus soit libre de servir le monde avec sagesse et puissance.

Dans chaque r�gne naturel la vie individuelle commence au premier �chelon et s'�l�ve graduellement jusqu'au sommet. Dans la litt�rature th�osophique est expos�e en d�tail la mani�re dont la vie, parvenue dans un r�gne quelconque au degr� royal, cesse de vivre dans ce r�gne pour na�tre dans le r�gne imm�diatement sup�rieur. Il s'agit alors d'apprendre les le�ons qui sont sp�ciales au r�gne nouveau. C'est long et souvent p�nible. Puis l'on quitte ce r�gne comme par une mort, ou plut�t l'on passe par une ascension dans le r�gne naturel suivant. Une mort, une ascension pareilles nous attendent quand nous aurons appris � devenir des rois dans le r�gne humain. Et quand nous approchons du degr� royal, l'assistance nous est donn�e pour acc�l�rer notre marche et nous permettre de devenir bient�t citoyens du r�gne surhumain qui s'ouvre au del�.

Les incarnations se succ�dent et � chaque fois nous mourons pour que notre vie grandisse. [Page 72] Nous passons, par une mort, de r�gne en r�gne afin d'entrer dans le règne supérieur et d'en connaître la vie plus vaste.

Toutes les fois que nous voyons le g�nie, l'h�ro�sme, la saintet� ou toute autre qualit� �minente alli�e � la connaissance de la sagesse �ternelle en ce qui concerne la vie et d�di�e au service de tous, quelles que soient les diff�rences de foi, de race, de nation, de coutume, d'opinion ou de r�gne naturel, nous sommes en pr�sence d'individualit�s qui approchent du stade royal, fa�te du r�gne humain et, nous pouvons en �tre s�rs, les �tres surhumains leur accordent toute l'assistance qu'ils sont capables de recevoir.

La Th�osophie d�clare aussi que ces personnages surhumains forment une Soci�t�, une confr�rie organis�e pour diriger et guider l'�volution de ce monde, par le sentier le plus court, vers son but.

Il est impossible d'exposer dans les limites de ce volume les perspectives extraordinairement fascinantes que la Th�osophie nous ouvre dans ce domaine particulier, mais d'autres ouvrages nous parlent des Fr�res A�n�s, si nous pouvons leur donner ce nom, de leur travail splendide et de la manière dont nous pouvons les approcher et m�me les seconder. [Page 73]

CHAPITRE 5

VOS CIRCONSTANCES ET VOTRE ENTOURAGE

Vos circonstances, vous en �tes l'auteur. Telle est la supr�me v�rit� � saisir quand vous examinez vos conditions d'existence. Point de hasard, ni chance. Seule r�gne la loi. Nous ne croyons voir que son contraire, mais en loi est pr�sente, m�me si elle invisible

Nous voyons partout l'in�galit�, qu'il s'agisse des conditions ou des occasions de progr�s.

Nous voyons des milieux favorables et d'autres qui ne le sont pas.

Nous voyons des individus capables de faire bon usage de peu de chose et d'autres qui, mal�gr� toutes les occasions offertes, n'arrivent � rien.

Nous voyons des individus n�s dans la fortune et dans le bonheur et qui passeront leur vie dans l'aisance et dans la joie. Nous en voyons d'autres n�s dans une mis�re profonde et qu'attend le plus sombre avenir.[Page 74]

Nous voyons des individus handicap�s, d�s le d�but, par la maladie, la d�bilit� mentale, les dispositions criminelles et les passions incoercibles. Nous en voyons favoris�s d�s leur naissance par tous les avantages imaginables, si bien qu'ils sont assur�s du succ�s, quoi qu'ils entreprennent.

Nous voyons des individus destin�s au g�nie, � l'h�ro�sme, � la saintet�. Nous en voyons condamn�s � mener les existences les plus ordinaires et les plus sordides.

Nous voyons des individus s'�levant au pouvoir et d'autres asservis.

Nous voyons autour de nous de belles formes et de laides, des coeurs g�n�reux et d'autres �go�stes, des intelligences vives et d'autres obtuses, des natures raffin�es et d'autres vulgaires.

Partout l'in�galit�. C'est in�vitable, car chacun de nous se trouve � son degr� particulier de d�veloppement et nul ne se trouve exactement au m�me �chelon qu'une autre personne.

Mais quelles que soient les circonstances, elles ont �t� cr��es par nous. A la fa�on dont nous avons v�cu dans nos existences pass�es correspond ce que nous sommes aujourd'hui. De la fa�on dont nous avons sem� jadis d�pend maintenant notre moisson. La loi de la nature ou de la vie est telle que chaque individu, [Page 75] affirme la Th�osophie, obtient exactement le milieu appropri� � son degr� de d�veloppement. Il y a des milieux plus ou moins pareils communs � beaucoup d'hommes, mais ce fait montre seulement que beaucoup d'entre nous sont plus ou moins, mais pas compl�tement pareils. Et chacun de nous, quelle que soit la nature commune de son entourage, r�agit, au moins dans une certaine mesure, � sa fa�on particuli�re.

Mais il ne suffit pas de dire que nos entourages sont appropri�s � nos divers stades d'�volution. Il faut dire aussi que ces entourages comportent ce qui nous est n�cessaire pour avancer d'un pas dans notre �volution progressive. Nos milieux et nos circonstances remplissent ainsi une double fonction. Ils expriment notre stade de d�veloppement et pr�sentent les mat�riaux qu'exige la suite de notre construction, c'est-�-dire des ach�vements et des possibilit�s.

Vous �tes n� pauvre parce que vous avez, d'une fa�on ou d'une autre, investi vos int�r�ts dans la pauvret�. Mais celle-ci contient ce qui vous permettra de la vaincre. Vous souffrez, d�s votre naissance, d'une maladie incurable parce que, d'une fa�on ou d'une autre, vous en avez cr�� les conditions. C'est la cons�quence naturelle et in�vitable de quelque activit� pass�e. Mais c'est une b�n�diction tout [Page 76] autant qu'une mal�diction apparente. Pour en triompher, il y a mieux � faire que de gu�rir. D'ailleurs, vous ne le pourriez pas, votre mal �tant suppos� incurable.

Si vous �tes n� parmi des circonstances qui ne vous donnent aucun espoir, c'est que, pour le moment, elles sont adapt�es � votre stade d'�volution, mais elles le sont �galement � la n�cessit�, pour vous, de leur �chapper et d'en �tre d�livr�.

Vous �tes n� peu intelligent, sans amis. Nul ne se soucie ou prend soin de vous. A chaque pas, vous trouvez un obstacle. C'est la loi, votre loi; c'est vous-m�me. Seul, vous pouvez vous changer et ainsi modifier votre entourage: il n'est qu'une extension de vous-m�me.

Cette fa�on d'envisager la vie et ses circonstances est, en fait, extraordinairement encourageante, car elle oppose le "Moi" �ternel � toutes les circonstances passag�res et montre que, de l'�ternit� ou du temps, c'est l'�ternit� qui vaincra. Elle montre que nul entourage, quelle qu'en soit l'apparence accablante et d�vastatrice, n'est sup�rieur � ce qui le cr�a. Le "Moi" peut d�faire ce qu'il a fait. La Th�osophie invite le "Moi" � se conna�tre et � marcher plus vite vers le stade royal. La Th�osophie s'applique davantage � �veiller le "Moi" qu'� en modifier l'entourage. D�s son r�veil complet, sachant ce qu'il est en r�alit�, il transforme [Page 77] lui-m�me son entourage et ne cessera plus d'avancer, toujours libre.

Aux "Moi" innombrables, tels qu'ils sont, est d� le monde, tel qu'il est. Pour que l'effet soit modifi�, la cause elle-m�me doit l'�tre d'abord. Si, au nom de l'universelle unit� de la vie, les "Moi" philanthropes doivent s'appliquer � supprimer la laideur autour d'eux, le "Moi" individuel est seul seul capable, à la longue, d'am�liorations durables et profondes. A coup s�r, nous devons faire activement le bien dans le monde ext�rieur, en aidant le plus possible nos fr�res dans chaque r�gne naturel, mais nous devrions, avec une activit� plus grande encore, aider les " Moi" qui nous entourent � se conna�tre et à mener des existences plus parfaites.

Chacun de nous peut, du dehors, assister autrui, car c'est exprimer la v�rit� que sommes fr�res, engag�s dans une m�me aventure. Mais notre aide plus efficace d'aider un "Moi" � s'aider lui-m�me.

Il est donc d�raisonnable de s'�lever contre le "destin", contre "l' injustice", contre l'in�galit�, contre le fait que d'autres poss�dent ce qui nous est d�ni�. Chacun de nous est ma�tre de son propre sort : il le cr�e, il doit le subir, il doit en faire son profit, jusqu'au jour o� ce sort devient si beau qu'il le nomme faveur.

Aussit�t que possible, il faudrait aider [Page 78] l'individu��� comprendre�qu'il�s'est��quip� lui-m�me, pour ce qu'il poss�de comme pour ce qu'il est.� Il faudrait l'encourager � constater son� "avoir" et sa "dette", son actif et son passif, afin de chercher � augmenter de son mieux le premier,� � minimiser le� second et, si possible, � les supprimer tous deux. Il faudrait l'encourager � se consid�rer comme engag� dans les affaires comme chef d'une entreprise en pleine activit�. Il dispose de cr�dits, de marchandises (ses facult�s); il a des dettes repr�sent�es��par ses�faiblesses�et, sans�doute aussi, par des obligations dans son entourage envers des individus que, dans des vies anciennes, il peut avoir trait�s d'une fa�on non-professionnelle. Il ne doit pas perdre son temps � se pr�occuper de ses dettes ni en �tre impressionn� au point de ne plus trouver assez d'�nergie pour� employer ses cr�dits,� m�me� s'il� en poss�de peu. Ses affaires lui semblent-elles p�ricliter? La Th�osophie, avec une force extr�me, lui affirme qu'il ne peut et jamais ne pourra s'en d�gager. Il est chef de la maison. Ses divers �tats de conscience (�motions, intelligence, corps physique) sont ses associ�s et son fonds et aussi, bien entendu, son passif. Son milieu repr�sente les� conditions dans lesquelles il� a d�cid� de mener son affaire, sachant qu'il en peut tirer profit mieux que de tout autre milieu, quelque �trange et m�me douteux que ceci [Page 79] paraisse. Souvent nous nous �crions: "Ah! si mon milieu �tait diff�rent! Si seulement j'avais ce que je n'ai pas!" Cri futile; cri d'ignorant. Ce que nous avons est pour nous la meilleure des occasions et c'est parce que nous m�connaissons encore cette v�rit� que si souvent nous restons esclaves de notre entourage, impuissants mécontents.

La demeure que vous habitez en famille, les circonstances de cette vie commune, vos relations avec les autres membres votre famille, le mobilier et autres �l�ments de votre maison, la rue o� elle se trouve, district dont vous faites partie, les occupations de votre milieu, peut-�tre les v�tres, l'�cole ou coll�ge ou vous suivez des cours,vos amusements, les restrictions qui vous sont impos�es, le cercle d'amis qui vous entoure, la paix et l'orage domestiques dans leur alternance, les indispositions, les pr�occupations tr�s diverses qui absorbent vos pens�es, les esp�rances, les anxi�t�s, les joies, les chagrins, les aspirations, les bonnes intentions, tout cela fait partie de vous, est votre mise en sc�ne pour l'existence nouvelle dans laquelle vous vous trouvez plac�.

Vous les avez pr�par�s depuis des si�cles et m�me depuis des mill�naires. Rome n'a pas �t� b�tie en un jour. Vous n'�tes pas devenu tout [Page 80] vos circonstances et votre entourage d'un coup ce que vous �tes. Les d�tails de votre vie journali�re n'apparaissent pas instantan�ment, d'une seconde � l'autre. Chacun fait partie d'une longue s�quence, et sa nature actuelle a �t� d�termin�e il y a tr�s longtemps. Malgr� son apparente simplicit�, il est l'effet complexe d'un conglom�rat de causes.

Pour ne pas vous donner une impression de tristesse et d'impuissance, celle d'une mouche qui se d�battrait d�sesp�r�ment dans la toile d'araign�e tiss�e par une d�termination impitoyable, la Th�osophie vous assure que rien, absolument, n'est jamais d�finitif : en partie parce que vous pouvez, ici et maintenant, modifier sensiblement ce qui, fruit du pass�, vous atteint aujourd'hui; en partie parce que l'avenir, chose �trange, exerce sur le pr�sent une influence tout aussi puissante que celle du pass�. Des nuages peuvent s'�tre �lev�s ou commencer � para�tre vers l'Occident que nous appelons le pass�. Mais, de l'avenir, le soleil nous �claire bien que cet avenir soit appel� par nous l'Orient. Le soleil brille, m�me s'il ne nous est pas toujours visible, m�me si nous �levons entre nous et lui la barri�re de notre ignorance. Le pass� doit se relier au pr�sent. Le pr�sent doit aussi se relier � l'avenir. Plus l'avenir nous devient connu, plus nous sommes capables, par la vertu magique de la sagesse, de vivre dans l'avenir aussi bien que dans le [Page 81] pr�sent; plus il nous devient possible d'att�nuer les coups de vent froids qui nous viennent de jadis, en leur opposant les puissants rayons du soleil qui, un jour, luiront.

Nous ne pouvons emp�cher les causes de g�n�rer leurs effets, mais nous pouvons modifier les causes si nous leur en ajoutons d'autres. Nous modifions ainsi les effets.

Quand nous aurons compris cette v�rit�, le pass� sera pour nous comme un livre ouvert, car il ne nous inspirera plus la moindre crainte. Nous saurons tout ce qui concerne nos existences pass�es. Nous saurons ce que nous apportent et le soleil et l'orage. Mais, tant que nous redoutons le pass�, ignorant que nous en sommes ma�tres, il nous reste mis�ricordieusement cach�, si bien que nous en sommes arriv�s � croire qu'il n'existe point. Quand l'ignorance inspire la s�curit� il serait pr�matur� d'�tre sage. Mais, dans la succession des naissances, le courage grandit et un jour le voyageur veut savoir et, pour savoir, consent � tout. Alors se d�chirent pour lui les voiles de l'ignorance. Il conna�t le pass�, brave le pr�sent et met sa gloire dans l'avenir.

Examinons maintenant quelques moyens sp�ciaux offerts, dans sa croissance, � l'individu : par exemple la religion.

Si un individu est n� dans une certaine religion, c'est en partie parce qu'elle lui convient [Page 82] en partie parce qu'il en a besoin. La religion dans laquelle il se trouve plac� est, en son genre, un reflet de la v�rit�, un des rayons composant la grande Lumi�re Blanche. Il y a d'autres religions. Elles sont �galement issus du m�me foyer et sont adapt�es aux besoins de leurs fid�les. Toute religion est dans la grande �cole de la vie, une classe avec programme, ses m�thodes, ses principes sp�ciaux. Quand un individu na�t � nouveau, il entre g�n�ralement dans l'une de ces classes et y re�oit l 'instruction qu'elle donne.

S'il est encore jeune dans le stade humain de son �volution, il affirmera sans doute que sa classe est sans �gale et m�me qu'elle est la seule vraie, toutes les autres �tant ill�gitimes et leurs doctrines sans aucune valeur. Souvent les tr�s jeunes enfants assurent que leurs jouets personnels valent beaucoup, beaucoup mieux que ceux de leurs petits amis. Ils vous diront que leurs parents sont bien sup�rieurs � ceux de leurs camarades. Ils vous parleront de la splendeur des objets qu'ils poss�dent, merveilleux aupr�s des biens mis�rables d'autres familles. Comme nous sommes fiers de ce qui est � nous ! Il semble que nous ayons �t� choisis pour b�n�ficier de faveurs uniques et inestimables ! Comme nous aimons � nous sentir diff�rents, plus fortun�s, plus pr�s de la v�rit� que d'autres! Et nous en sommes � croire que la fiert�, s'ajoutant [Page 83] au sentiment de la s�curit� et d'une protection sp�ciale, est en d�finitive la v�rit� !

La Th�osophie nous rend plus modestes et nous aide � comprendre que nous sommes parties d'une grande collectivit� dont chaque �l�ment a ses avantages et ses d�savantages sp�ciaux. La Th�osophie coupe, dans sa racine, le sentiment de sup�riorit� n� de l'ignorance, qui persuade un individu, fid�le d'une religion donn�e, qu'il poss�de la v�rit� et que d'autres, fid�les d'une religion diff�rente, ne poss�dent tout au plus qu'une erreur camoufl�e. La Th�osophie nous dit que nous sommes n�s dans une religion afin de b�n�ficier des v�rit�s qu'elle comporte, elles nous sont n�cessaires, m�me quand arrive le temps o� nous nous lib�rons de toutes les formes, �tant devenus capables de p�n�trer au-dessous de la surface que pr�sentent les religions � la plupart des hommes.

Pour s'�lever au-dessus de la religion, il faut qu'un individu se sente "chez lui" dans toutes les religions. A un certain point de vue les religions peuvent sans doute �tre des prisons mais, � moins d'apprendre � frapper contre ce que nous prenons pour les barreaux d'une ge�le, nous ne sommes pas pr�ts � jouir de l'espace qui s'�tend au dehors. D�s la le�on apprise nous voyons qu'en fait il n'y a pas de barreaux mais seule�ment des occasions � saisir. D�s lors nous sommes libres, dans toutes les religions comme [Page 84] au dehors d'elles. Nous appartenons � toutes et � aucune en particulier. Nulle ne nous entrave. Nous sommes libres dans le rayon color� sp�cial � chacune, et forts dans le rayon blanc qui les r�unit toutes.

Si les conditions nous semblent encore �tre des barreaux ou des prisons, c'est que nous n'avons pas encore saisi leur nature. Nous ne les comprenons pas encore. En fait nous y sommes encore captifs. L'individu qui r�pudie religion, c�r�monies ou convictions, ou ce qui pour autrui est v�rit�, doit encore apprendre les le�ons que l'on en tire; elles sont n�cessaires � chacun. Il s'en est �chapp�, ou du moins le croit, mais trop t�t. En ce monde il n'y a que des occasions, bien que certaines puissent nous �tre devenues inutiles. Le sage est libre partout, dans les religions comme en dehors d'elles, avec ou sans c�r�monies, avec ou sans nationalit�, dans les formes ou en leur absence, � l'�troit ou au large. Le sage dispose de la vie compl�te et s'en r�jouit, Le sage ne conna�t pas de fronti�res � son royaume, point de prisons ni de barreaux. Il est roi partout et partout vit en roi.

Pour finir, consid�rons la nationalit�. M�me principe pour elle que pour la religion. Un individu na�t dans une nation parce qu'il a besoin des le�ons qu'elle peut lui enseigner, car chaque nation repr�sente dans la grande �cole plan�taire un type de classe particulier. Il ne doit pas, [Page 85] s�duit par le plus oublier le moins, c'est-à-dire tout ce qu'il doit apprendre comme élève de la classe nationale, en contemplant l'immensité de la grande école planétaire. <�-dire tout ce qu'il doit apprendre comme �l�ve de la classe nationale, en contemplant l'immensit� grande �cole plan�taire.>

Beaucoup de gens, dans une h�te irraisonn�e, veulent sauter les le�ons de classe pour errer dans toute l'�cole. Ils s'intitulent internationalistes. Seulement l'internationalisme comporte une s�rie d'�l�ments, nationaux. On ne peut en n�gliger aucun sans alt�rer l'ensemble dont ils sont des parties essentielles. Il faut apprendre le beau nationalisme afin de pouvoir plus vite atteindre le bel internationalisme. Il faut savoir fournir � l'ensemble international une belle contribution nationale. Il faut �tre anim� d'esprit national, c'est-�-dire d'un patriotisme qui, d�di� � une fraternit� moins �tendue, est lui-m�me fort et harmonieux et contribue � la puissance d'une fraternit� plus large. La lumi�re blanche ne peut exister sans ses couleurs constitutives. Sans elles point de lumi�re blanche. De m�me l'internationalisme ne m�rite son nom que si aucun de ses �l�ments nationaux n'en est exclu.

�tudions s�rieusement et avec z�le notre religion, notre nation, nos classes. Soyons fiers de ces classes � cause des v�rit�s qu'elles renferment pour notre d�veloppement. Il faut devenir de plus en plus capables de sonder avec joie la sagesse dont elles sont les gardiennes. En [Page 86] g�n�ral, si nous n'arrivons plus � percevoir la v�rit� dans aucune de ces classes, c'est que nos yeux n'ont pas encore la force de percer, sous la surface, jusqu'aux profondeurs qui d'ordinaire demeurent inconnues aux gens rest�s uniquement superficiels. [Page 87]

CHAPITRE 6

VOS OCCUPATIONS� ET VOS� LOISIRS

 

La Th�osophie, pourrait-on croire, a peu de chose � dire sur les moyens employ�s par l'individu pour gagner sa vie, ou sur la mani�re dont il devrait employer ses heures de loisir. Or sur ces deux points elle a fort � dire.

La Th�osophie voit dans l'individu une unit� en �volution; unit� qui �volue en partie pour son propre compte en partie pour celui de la vie Une. C'est l� un des grands principes de la Th�osophie. Elle consid�re toute attitude ou activit� de l'individu comme partie int�grante du processus �volutif, si bien que ses aspects, ses id�aux, ses esp�rances, ses �motions et ses sentiments, ses occupations repr�sentent ce processus en action � en action avec l'effet double et simultan� de le faire avancer, lui et en m�me temps sa vie toute enti�re, dans la voie du d�veloppement.

De quelle profession l'individu fait-il le choix? Cette d�termination et la mise en jeu d'�nergies sp�cialis�es qui en r�sulte �taient latentes, [Page 88] accompagn�es de la facult� de cro�tre. Or ce qui �tait latent devient patent, que le choix, au jugement du monde ext�rieur, r�ussisse ou non.

Quand m�me le choix tourne mal, l'exp�rience d'un �chec apparent offre des compensations. Pas une exp�rience dont, t�t ou tard, le souvenir ne nous satisfasse, malgr� l'effort d�vastateur qu'elle a pu jadis repr�senter. Pas une exp�rience dont nous ne dirons pas: " Eh bien, si elle fut alors terrible, si elle me d�prima et me fit perdre du terrain, je ne voudrais point quand m�me ne l'avoir pas subie, tout simplement parce qu'elle me permet d'�prouver une sympathie intime pour tous ceux qui font ce genre d'exp�rience. "

Passons donc en revue, au point de vue th�osophique, une s�rie de choix sans nous occuper beaucoup de la fa�on dont ils tournent mais sans oublier que tout cela n'est que mouture pour les moulins de notre croissance.

Pour la Th�osophie, une profession ou une entreprise est un moyen de r�alisation, tant pour le moi individuel que pour le moi collectif.

D�s lors, qu'importe la nature de la profession ou de l'entreprise? Elles rendent service � l'individu qui s'y adonne, � la communaut�, au monde entier.

Certains types de service sont mis par la Th�osophie au premier rang : services de l'homme d'�tat, du pr�tre, de l'instructeur, du [Page 89] soldat, du d�fenseur, du guerrier, du souverain, du marchand, de l'industriel, du n�gociant, du travailleur sp�cialis� dans aucune profession particuli�re, de l'artiste, du musicien, du sculpteur, du philosophe, de l'architecte, de l'acteur.

En chacun de ces services la Th�osophie voit � la fois un moyen de servir la communaut� et un gagne-pain. L'individu met-il enti�rement � profit ses affaires ou sa profession? Une pierre de touche en d�cidera : c'est la mesure o�, satisfait de lui-m�me et fid�le � ses obligations, il est capable de partager les fruits de son travail entre le soi individuel et le soi collectif dont il fait partie.

A coup s�r il a raison de consacrer une partie de ses b�n�fices tant au confort qu'aux n�cessit�s, afin de pouvoir mener une vie tranquille et favorable � ses aspirations. Mais il a, envers la communaut�, un devoir aussi p�remptoire qu'envers lui-m�me. Aucun de ces deux devoirs n'est rempli sans que l'autre ne le soit �gale�ment. La d�pression actuelle est due pour une grande part � la concentration sur le moi individuel aux d�pens du moi collectif. Ils croissent ensemble ou ne croissent point.

Si, en ce monde, les m�thodes �ducatives �taient � hauteur de leurs devoirs, les premi�res ann�es d'un jeune citoyen serviraient a indiquer avec exactitude le genre de profession la plus conforme � son temp�rament. Au cours de son [Page 90] �ducation ult�rieure il recevrait, en vue de cette profession, l'apprentissage correspondant. Une nation th�osophiquement organis�e se rendrait tr�s nettement compte de l'inestimable avantage, pour sa prosp�rit� nationale, de voir chaque jeune vie na�tre et grandir en partie int�grante de l'organisme total.

D�s lors plus de criminel gaspillage de vie, tel que nous le voyons quand les jeunes citoyens cherchent en vain un emploi et une fa�on de mettre en jeu leurs �nergies juv�niles et enthousiastes. Une nation th�osophiquement organis�e percevrait clairement l'impossibilit� pour elle-m�me de perdre une seule unit� de puissance civique, surtout � l'�poque o� cette puissance est en plein d�veloppement. Un gouvernement th�osophique consid�rerait comme son devoir primordial d'attacher ses jeunes gens au service de la nation. Il y aurait une t�che toute pr�te pour chaque citoyen devenu majeur, mais sans aucune intervention dans les accords, en mati�re d'emploi, conclus � titre priv�.

Actuellement la vie ne pr�sente gu�re que des adaptations fautives. Les citoyens qui devraient exercer telle profession, tel type de service particulier, languissent dans d'autres, au d�triment de leur propre croissance et du bien-�tre national. La culture souffre, � un degr� presque inconcevable, du fait que les gens dont elle d�pend sp�cialement � artistes, musiciens, [Page 91] sculpteurs, acteurs, architectes� sont g�n�ralement laiss�s � leurs propres efforts, la nation ne comprenant pas que de ces hommes d�pend sa vie r�elle. Une nation meurt, est-il �crit, quand il n'y a pas de vision (Proverbes 29,18) Elle p�rit de m�me si elle ne sait appr�cier effectivement la culture.

Les principes fondamentaux communs � toutes les entreprises, � toutes les professions, sont la probit�, la dignit�, l'efficience et le service au point de vue th�osophique, le d�veloppement de ces qualit�s est la raison d'�tre des hommes d'affaires et des professionnels. A un point de vue semblable il n'y a aucune distinction entre le travail manuel et tout autre. Le premier, quel qu'il soit, a tout autant de valeur qu'un travail c�r�bral. La main nourrit le caract�re aussi abondamment que le font l'intelligence et les �motions, et rien ne forme le caract�re comme l'occupation manuelle qui met l'individu en contact direct avec la nature.

Le temps viendra, sans doute, o� les populations ne s'entasseront plus dans les grandes villes, loin de la terre qui est si v�ritablement la m�re; o� elles retourneront � la campagne qu'� certains �gards elles n'auraient jamais eu besoin de quitter. L'expression retour � la [Page 92] terre pr�sente, th�osophiquement parlant, une tr�s profonde v�rit�. Vivre aupr�s de la nature, se contenter des plaisirs naturels, revenir � la simplicit� et � la paix, tout cela non seulement s'accorde avec la croissance mais lui apporte en fait l'encouragement le plus puissant. On peut dire, et c'est � peine exag�rer, que plus l'individu est rapproch� de la ville, plus lent est souvent son d�veloppement.


Si nos méthodes éducatives étaient plus judicieuses et moins ignares, beaucoup de jeunes citoyens des deux sexes, grâce à leur éducation, trouveraient leur satisfaction et leur gagne-pain dans des genres de vie naturels. Ils se contenteraient de plaisirs simples et obtiendraient par leur communion avec la nature, tout ce qu'exigent pour leur alimentation le corps, les émotions et l'intelligence. Les livres, la société continuelle d'autres personnes, la stimulation artificielle, par notre civilisation des appétits d'ordre mental et émotionnel, tout cela n'est pas du tout indispensable comme, en nous éduquant, on nous l'a fait supposer. Nous avons extraordinairement compliqué la vie alors qu'elle a pour but la simplicité. Nous avons soif de sensation et le bizarre a pénétré jusque dans l'enceinte sacrée de l'art, si bien que, au nom même de l'art, hommes et femmes déforment la beauté et la simplicité au point de les rendre méconnaissables. Au temps de la Révolution [Page 93] française la déesse Raison remplaça le grand Fondateur de la foi chrétienne. De même, aujourd'hui, la laideur a dans une certaine mesure détrôné la grâce et règne en son nom.

Nulle n�cessit�, jamais, de donner aux affaires un caract�re de laideur et de sordidit�. On nous dit souvent que les affaires sont un vilain jeu. C'est de notre faute. En r�alit� les affaires sont un jeu parfaitement propre, o� chaque joueur cro�t et contribue � la croissance de ses partenaires. Gardons-nous d'imaginer que ce soit pour nous un malheur d'avoir � consacrer aux affaires presque tout notre temps alors que nous voudrions nous occuper de questions plus spirituelles et plus utiles � nos semblables. Nous commettrions une lourde erreur en croyant que l'on ne peut faire le bien qu'en le pr�chant ou en se livrant � une activit� philanthropique. Que de braves gens souhaitent sans cesse de ne plus avoir � gagner leur vie afin de pouvoir mieux se consacrer au service! Comme si le devoir de gagner sa vie ne constituait pas un service tout aussi r�el que l'effort qui, trop souvent, na�t et prend fin sur une estrade publique. Comme si une affaire honorablement conduite n'�tait pas pour la communaut� une aussi belle contribution que le temps pass� en exhortations �motionnelles et en appels sollicitant des fonds destin�s aux bonnes causes.

Il faut apprendre � exalter les affaires, les [Page 94] professions, le travail et ne pas laisser dire qu'il est impossible de r�ussir en affaires si l'on reste honn�te. N'y a-t-il pas d'hommes honorables parmi les n�gociants et les professionnels? Tout, dans leur existence est-il donc corrompu? Le contraire saute aux yeux. En m�me temps il est ind�niable que certains hommes d'affaires, surtout ceux qui visent une fortune rapide, ne savent pas mener de front l'honneur et le succ�s.

Parlons maintenant des loisirs.

Les affaires exigent, et c'est in�vitable, la discipline et la ma�trise de soi. En affaires on se propose un but d�fini et l'on se rend compte que seules ces conditions permettent le succ�s. Le repos est, � certains �gards, ins�parable du travail entrepris. Comme celui-ci, c'est une mani�re de cro�tre, mais sous la forme sp�ciale de d�lassement, de d�tente ou de divertissement d�tournant l'attention de son occupation et m�me de ses pr�occupations normales.

Le loisir v�ritable et constructeur est caract�ris� par le bonheur et par le raffinement.Tout d�lassement devrait comporter, avec un sentiment de ga�t�, une absence de vulgarit�, surtout en ce qu'il y a de plus beau et de plus sacr� dans la vie � la relation entre l'homme et la femme. II est bien a d�plorer que les journaux, les livres, les th��tres et les cin�mas flattent souvent et follement la sensation, la passion, la licence. [Page 95]

S'appliquant � la vie �go�ste et destructrice, indiff�rents au mal caus� par eux � la communaut�, surtout � ses jeunes membres, beaucoup d'�diteurs et de propri�taires de journaux, beaucoup d'auteurs, beaucoup de directeurs de th��tre et de cin�ma stimulent cyniquement, jour apr�s jour, ce qui est vulgaire, sordide, sensationnel, indiff�rents aux lois, � l'ordre et � tout respect d� � la forme humaine. Il faut bien vivre, disent-ils, et donner au public ce qu'il demande.

En ce qui concerne la premi�re assertion on est tent� de r�p�ter le mot cruel et faux de Talleyrand : Je n'en vois pas la n�cessit�. Ils ont droit � la vie; c'est �vident; mais ils pourraient vraiment vivre en humains civilis�s et pas sauvages, barrant la route � l'�volution, lui faisant obstacle, s'opposant � elle. N�m�sis les rejoindra t�t ou tard, car du grain sem� d�pend a moisson. Mais comme souvent N�m�sis reste en suspens afin de laisser les hommes agir � leur guise et leur permettre de mieux s'instruire, il semble parfois qu'il n'y ait ni N�m�sis, ni certitude qu'� la cause doit succ�der l'effet. Il est ais� de lire, empreinte dans les traits des gens qui se livrent � de tels d�lassements , l'action de ces ennemis de tout ce qui, dans la vie et dans ses formes, est merveilleux et glorieux. Quant � l'all�gation qu'il faut donner au public ce qu'il demande, n'est-il [Page 96] pas vrai que le public demande en g�n�ral ce qui lui est donn�?

Le loisir actif et agr�able est un des grands objectifs, tant de l'�ducation que de tous les autres moyens de faire passer la vie int�rieure en sommeil � un complet r�veil.

Les d�lassements devraient viser � la gr�ce et � la vigueur corporelles, � la simplicit�, � la r�gularit� de l'alimentation et des habitudes. Le corps ne devrait �tre ni trop, ni insuffisamment d�velopp�. Il y aurait d�formation dans le premier cas, d�bilit� dans le second. Il faut amener le corps, par la discipline, � devenir un serviteur digne de toute confiance, jamais un tyran hargneux.

Le loisir devrait servir � stimuler toutes les �motions, tous les sentiments sup�rieurs; � faire d�p�rir tous les autres. L'appr�ciation du beau, la joie trouv�e dans l'aspiration, le bonheur dans le service, l'enthousiasme pour tout ce qui est noble, l'usage respectueux des �nergies cr�atrices, la tendresse envers les faibles et les ignorants : tels sont les seuls buts l�gitimes � donner au loisir.

Il devrait encourager l'intelligence � s'accorder avec les plus hautes conceptions de la vie; au moins jusqu'� un certain point sonder l'ab�me des infortunes humaines; contempler avec v�n�ration les sommets atteints par la fleur de notre humanit� ; voir avec ravissement [Page 97] s'ouvrir les vastes perspectives de progr�s; enfin, mettant en jeu une discrimination infaillible, distinguer entre ce qui, pour l'intelligence particuli�re dont il s'agit, est bien et vrai, et ce qui est faux et mal, la croissance n'y trouvant plus avantage. Le concept du bien et du mal n'est-il pas absolument relatif et bas� sur le principe tr�s juste exprim� par le dicton: "Ce qui pour l'un est nourriture, pour l'autre est poison". Or ce qui pour l'un est poison peut fort bien �tre, pour un autre, nourriture et l'est probablement.

La Th�osophie affirme que, si l'occasion s'offre partout, partout aussi r�gne la v�rit� � v�rit� absolue sur son propre plan mais ici-bas relative. Toute intelligence, en �tablissant une distinction entre le bien et le mal, devrait donc bien sp�cifier: POUR MOI.

Le loisir devrait servir aussi à éveiller les états supérieurs de conscience qui, chez la plupart des hommes, sont encore en sommeil ou à peine actifs. La Théosophie mentionne une série d'états de conscience: ils partent du niveau physique et atteignent des régions très élevées dont fort peu d'entre nous ont la moindre expérience. Dans la méditation, dans la contemplation, dans l'aspiration il est parfois possible d'arriver à ces états et à en percevoir faiblement les splendeurs. Dans les extases et dans les visions il est même possible d'en faire [Page 98] l'expérience, sans pouvoir cependant les comprendre. Toutes les descriptions qui en sont faites doivent forcément être inexactes et faussées par l'équation personnelle de l'observateur. Le loisir peut même fort bien nous servir, parfois à nous abstraire des états de conscience trop familiers, ceux où normalement nous avons la vie, le mouvement et l'être; parfois à gagner les cimes intérieures de notre individualité, afin d'y apprendre que la Vie est bien véritablement Une et que les prodigieuses virtualités de l'individu sont illimitées.

Il se peut que votre labeur soit comme le corps de votre vie, mais à coup sûr le loisir en est l'âme. En réalité, ajoute la Théosophie, le corps et l'âme ne font qu'un. Le corps est le miroir de l'âme, et l'âme est l'apothéose du corps.[Page 99]

CHAPITRE 7

VOTRE MONDE, EN PAIX ET EN GUERRE

Nous nous faisons de la paix et de la guerre les plus étranges idées. Au fond nous restreignons le sens de ces deux mots à celui de conflit armé ou absence de ce conflit entre pays différents. En l'absence de lutte physique nous disons que la paix règne; dans le cas contraire, que nous sommes en guerre.

A notre époque nous ne cessons, par nos prières, de solliciter la paix et, pendant que nous prions, nous luttons ou nous préparons à la lutte.

La Th�osophie analyse tr�s � fond toute cette question de la paix et de la guerre. Ce que nous appelons la guerre, affirme-t-elle d'abord, est simplement le dernier signe, extr�me et visible, d'une s�rie de conditions ant�rieures, engendr�es dans d'autres �tats de conscience, peut-�tre aussi �lev�s que le domaine mental. Un �tat de guerre physique a d�j� exist� ailleurs et trouve son expression ultime sur le plan physique.

L'assassinat de l'archiduc autrichien a �t� en [Page 100] fait une des causes de la guerre mondiale. Il appartenait � une s�rie d'alternatives in�vitables, cr��es par une guerre d�j� soutenue dans d'autres �tats de conscience. Quand le mot guerre est employ�, il est synonyme de haine. Il n'y a point guerre; il y a haine, non pas n�cessairement dans l'�me de ceux qui combattent sur le plan physique mais certainement chez les hommes dont les pens�es et les sentiments s'expriment en termes belliqueux.

La guerre a ses racines dans les conditions mentales et �motionnelles et n'arrive que tout � la fin sur le plan physique, lors de quelque �v�nement pr�cipit� par une convergence d'intensit�s mentales et �motionnelles.

De plus la Th�osophie affirme qu'il ne faut pas du tout regarder la guerre comme un ph�nom�ne sp�cial � la race humaine. L'esprit belliqueux r�gne dans l'humanit� dont il soul�ve les sections l'une contre l'autre. L'�tat de guerre r�gne entre l'humanit� et les r�gnes naturels inf�rieurs au r�gne humain. L'humanit� ne cesse de combattre le r�gne animal, le r�gne v�g�tal, le r�gne min�ral. Ces derniers sont � leur tour engag�s dans des luttes intestines, ou encore se font la guerre entre eux.

L'esprit belliqueux r�gne parce qu'il a sa place, son but et sa valeur dans le processus �volutif, au moins jusqu'� un certain point. Le pacifiste le plus convaincu peut d�clarer qu'il [Page 101] abhorre la guerre, et ne rien faire pour y contribuer. Il se distinguera comme objecteur de conscience et, en vertu de cette conscience, subira toute esp�ce de souffrances et de p�nalit�s. Pourtant il peut contribuer � la guerre comme le plus ardent combattant, car sa conscience n'y voit peut-�tre pas bien loin.

S'il mange de la viande, se v�t de fourrure; s'il est vivisecteur ou participe � la chasse des animaux; ou si, de toute autre fa�on, il impose sa force aux faibles et � leurs droits, il prend part � la guerre, et cela contre ses fr�res pu�n�s dans la famille universelle.

Il peut, en lui-m�me, justifier la guerre, invoquer la loi fausse de la survivance du plus apte, montrer que nul homme dou� de sens commun ne peut consid�rer l'usage de la viande comme une exhibition de bellicisme �  "id�e ridicule, absurde et de celles que l'on peut s'attendre � voir soutenues par l'un de ces fanatiques d�s�quilibr�s" ; il peut �tre s�r d'avoir raison mais, en fait et absolument, il propage la guerre. Abhorre-t-il certain genre de guerre, le d�nonce-t-il m�me avec fureur, il n'en travaille pas moins activement � d�cha�ner une guerre diff�rente. Et il y aura des gens aussi enrag�s contre son bellicisme qu'il est enrag� lui-m�me contre celui des personnes qui ne condamnent pas la guerre entre humains comme lui-m�me la condamne. [Page 102]

L'esprit belliqueux est essentiellement un et indivisible, quel que soit son expression. Nous pouvons le d�noncer sous une certaine forme et y participer autre, mais, en vitalisant dans direction, nous augmentons sa puissance dans toutes.

La Th�osophie ne condamne pas d'une fa�on absolue l'esprit belliqueux. Elle y voit un stade dans l'�volution. La guerre a sa t�che � remplir et, jusque l�, ne dispara�tra pas. Elle subsistera tant que l'esprit belliqueux n'aura pas cess� d'exister : en ce qui concerne le r�gne humain, pas avant que l'humanit� n'ait appris � le dominer non seulement dans le r�gne humain mais aussi et tout autant dans ses relations avec les autres r�gnes. Tant que l'humanit�, dans son ensemble, fera la guerre aux r�gnes naturels sous-humains, elle la nourrira dans ses propres rangs.

Ainsi la guerre mondiale peut se rattacher directement � des causes humaines. Jusqu'� quel point ce conflit a-t-il �t� l'expression de l'esprit belliqueux comprim�, g�n�r� au cours des si�cles par la guerre constante faite aux r�gnes naturels incapables de r�sistance ? L'esprit belliqueux revient sur son possesseur, comme le boomerang sur son lanceur. Dirig� contre d'autres r�gnes il revient d�vaster le r�gne humain.

Mais, dira-t-on, les membres du r�gne humain [Page 103] ont pour t�che premi�re de supprimer la guerre entre eux-m�mes; quand les guerres entre hommes n'existeront plus il sera bien temps d'abolir les autres. En fait cependant, une "ligue pour l'abolition de la guerre entre les r�gnes humain et animal (guerre de r�gne � r�gne) importerait beaucoup plus qu'une ligue pour abolir les guerres entre les hommes. Celles-ci au moins se passent jusqu un certain point entre �gaux capables de rendre les coups. Une certaine dignit�, un certain point d'honneur s'y constatent. Mais la guerre dans laquelle un des partis est en somme somme tout puissant et l'autre d�sarm�, n'est plus du tout la guerre mais seulement un massacre; c'est la ruse mentale oppos�e à l'ignorante faiblesse.

Aucune ligue pour abolir la guerre dans le r�gne humain n'aura la plus minime chance de r�ussir tant qu'elle n'aura pas, et ce serait logique pure, vis� aussi la guerre entre les r�gnes humains et inf�rieurs. Mieux vaut, dira-t-on peut-�tre, quelque chose que rien et il est pr�f�rable de former une ligue dont l'objectif est restreint que de n'en avoir aucune. C'est vrai, mais ne nous flattons pas de voir cesser la guerre tant que la volont� de la faire, sous toutes ses formes, n'aura pas disparu du coeur humain. Orthodoxie, conventions qui remplacent � notre �poque la raison et le sens commun, contribuent toutes � maintenir l'esprit de guerre [Page 104] sous une forme ou sous une autre. Seulement, le jour o� la soci�t� commencera � y voir plus clair, � raisonner plus juste et � transformer en sens commun ce qui en attendant est si rare, ce jour-l� prendront fin les guerres entre nations et entre peuples.

Quels sont les �l�ments de l'esprit belliqueux? En fait, ils sont nombreux. Tout d'abord, naturellement, la haine et surtout la haine dite religieuse qui justifie son venin. Exemple: les inquisitions du moyen �ge. Et cette haine l� survit bien que, sur le plan physique, elle se traduise moins par l'infliction de tortures physiques. Notre civilisation �tant en progr�s, nous avons d�couvert des m�thodes plus subtiles.

Nombreux sont les d�partements de la vie o� la haine reste pr��minente. Haine entre gens aux opinions politiques diverses. Haine entre gens dont les convictions religieuses diff�rent et m�me au sein d'une m�me religion. Haine entre les nationalit�s, entre les races. Haine entre les hommes dont les opinions et les habitudes ne concordent pas. Partout soup�ons et m�fiance, pr�curseurs de haine.

Au lieu de la compr�hension et de l'appr�ciation r�gnent l'orgueil et son concomitant, le sentiment de sup�riorit�. Or il n'y a pas loin de l'orgueil � la haine. Nous trouvons ainsi dans l'orgueil, dans toutes ses permutations et toutes [Page 105] ses combinaisons, un autre �l�ment de l'esprit belliqueux. Et leur influence devient de plus en plus irr�sistible quand les impr�gne la conviction qu'on est dans le vrai et qu'on fait son devoir (terme impropre). Que de haine g�n�r�e d'un c�t�, par ceux dont le sentiment de leur sup�riorit� pi�tine les "inf�rieurs" ; de l'autre, par ceux qui, sans moyen de se r�volter, sont oblig�s de subir ce traitement. Il y a des chiens de grande classe et des chiens communs, mais, dans la mesure de leur haine mutuelle, ils se ressemblent souvent beaucoup. Que choisir entre les deux extr�mes? Des c�t�s on a le culte de la haine et t�t ou tard dieu exaucera pri�res tous ses adorateurs fera fondre sur eux toutes les d�vastations.

L'orgueil est �galement pr�sent chez ceux qui sont franchement oppos�s � l'orgueil de race, de nationalit�, de foi, place, pouvoir.

L'internationaliste ou communiste, comme on l'appelle, est souvent tout aussi enrag� que ceux qu'il d�nonce si haineusement.

Mais l'�l�ment vital, dans l'esprit belliqueux, c'est l'ignorance. Point de haine sans ignorance. Point d'orgueil sans ignorance. Point d'oppression, ni de sentiment de sup�riorit�, point d'injustice ni de tyrannie sans ignorance. Celle-ci g�n�re la haine et toutes les guerres. Or, sans apprendre � reconna�tre l'ignorance dans ses [Page 106] d�plorables effets, rien ne nous pousse � acqu�rir la sagesse. Voil� pourquoi la Th�osophie peut constater la place tenue par l'esprit belliqueux, par la guerre et m�me par la haine et ses concomitants dans le processus d'�ducation suivi par la vie dans son d�veloppement. La disparition de l'ignorance pr�c�dera seule celle de la guerre. Pour que tout conflit local disparaisse, il faut que partout la guerre ait disparu.

Si l'on me demande: "Le monde en a-t-il fini avec la guerre? La guerre mondiale ne devait-elle pas �tre la derni�re?", me pla�ant au point de vue th�osophique, je r�ponds: sans le moindre doute, le monde n'en a pas fini avec la guerre. Le dernier conflit, qui aurait d� suffire � la supprimer, si l'humanit� avait compris la le�on � fond, n'a point du tout, comme nous le voyons si clairement aujourd'hui, fait p�n�trer�dans les� esprits� son affreux enseignement. L'esprit belliqueux, sous une forme quelconque, n'est-il plus r�pandu? Avons-nous si bien remis notre �p�e au fourreau que toute trace d'hostilit� ait disparu entre nations, entre religions, entre pr�jug�s. Les incursions dans le r�gne�animal�ont-elles�pris� fin?� Avons-nous cess� de terrifier les animaux en leur faisant la chasse, de les torturer pour en tirer des ornements, de les tuer pour satisfaire nos app�tits? Avons-nous cess� de d�shonorer les campagnes par la publicit� hideuse pr�nant des inventions [Page 107] sans valeur; de sacrifier les arbres et les fleurs � nos convenances et � nos go�ts; d'enlaidir la nature en la souillant d'une architecture de cauchemar? Avons-nous renonc� � emprisonner la vie latente du r�gne min�ral dans des formes horribles, sous pr�texte d'utilit�?

Partout r�gne une fi�vre belliqueuse, et nous croyons pouvoir nous en d�livrer compl�tement en essayant de l'att�nuer.

L'humanit� ne peut �chapper aux guerres intestines alors qu'elle fait la guerre � ces jeunes membres de la famille universelle dont elle est, comme un fr�re a�n�, moralement et spirituellement responsable. La guerre est la N�m�sis de l'injustice, de la cruaut�, de la tyrannie. Tant que subsisteront ces formes de l'ignorance, la guerre subsistera entre nations, entre religions, entre individus.

Mais il est extr�mement important de bien comprendre que la Th�osophie ne s'arroge pas le droit de juger, ni ne pr�che dans un esprit dogmatique. Il ne prononce pas de paroles qui condamnent, bien moins encore de celles qui damnent. La Th�osophie d�clare la v�rit�, mais laisse ses auditeurs libres d'accepter ce qu'ils peuvent et de laisser, � leur gr�, ce dont ils ne veulent pas. Nous poss�dons la v�rit� dans la mesure o�, � notre stade pr�sent, notre ignorance a diminu�. Un individu incapable d'accepter telle v�rit� particuli�re n'est pas plus � bl�mer [Page 108] que ne l'est un enfant de ne pas �tre plus �g�.

Comme beaucoup des assertions pr�c�dentes pourraient sembler dogmatiques et pr�ter fortement � la controverse, ajoutons que toutes les id�es contenues dans ce chapitre, comme dans tout autre, repr�sentent d'abord une fa�on individuelle de comprendre les v�rit�s th�osophiques et ne peuvent donc �tre que partielles, color�es par l'�quation personnelle. Deuxi�mement elles repr�sentent la v�rit� dans mesure o� l'auteur est capable de la saisir. Troisi�mement, il ne faut absolument pas y voir formul� un credo indispensable � qui veut arriver au salut.

L'auteur n'est que partiellement capable d'incarner certaines v�rit�s par lui d�couvertes. Il ne dit pas: Voil� comment je vis, mais plut�t: "Voil� comment un jour je vivrai".

Chaque lecteur prendra ce qui lui convient et laissera le reste, sans s'exposer au jugement :"Tu as �t� pes� dans la balance et tu as �t� trouv� l�ger [Daniel, 5, 27]

La Th�osophie montre clairement que tout le monde est constamment mis sur la balance et atteint invariablement le poids voulu, sauf peut-�tre pendant tr�s peu de temps. La Th�osophie montre avec la m�me clart� que nul ne court [Page 109] le danger de manquer son salut, pour la simple raison que nous ne cessons d'�tre sauv�s, pas toujours, il est vrai, au m�me degr�.

Le salut est le coeur du temps, car, si le temps existe, c'est pour que nous soyons certains d'atteindre le salut (quelle que soit la signification de ce mot). Chaque instant nous m�ne, lentement mais s�rement et souvent invisiblement pour les regards humains, toujours plus pr�s du salut. C'est pourquoi, en examinant toutes les assertions faites par exemple dans le pr�sent chapitre, il n'en faut consid�rer aucune comme pierre de touche de nos m�rites. Nul, th�osophiquement parlant, ne peut �tre regard� comme �tant de seconde classe parce qu'il ne se conforme pas � telle ou telle exhortation. La Th�osophie nous laisse tous libres: pour elle il est probable que chacun de nous se dirige aussi rapidement que possible vers le terme de son voyage.

Les pots th�osophiques ne reprochent pas aux autres bouilloires d'�tre noires, car ils ont le sentiment tr�s vif de ne pas �tre eux-m�mes tr�s brillants. Rien donc n'est mis en avant dans le moindre esprit de dogmatisme agressif � "Je vaux bien mieux que vous, car je fais ceci et vous ne le faites pas." Pour un Th�osophe, une telle attitude est inconcevable.

Cependant, les v�rit�s subsistent, quelle que soit notre fa�on de les juger. Et rien n'est [Page 110] meilleur pour nous, rien de plus r�ellement roboratif et stimulant pour l'homme d�cid� � trouver la v�rit�, que de voir expos�es devant nous des v�rit�s qui remontent au commencement des �ges et sont comme le souffle m�me de la vie.

Peut-�tre remercions-nous tous� Dieu� de ne pas �tre comme les autres hommes, mais ceux-ci peuvent �tre beaucoup plus pr�s du but que nos personnalit�s confites en d�votion et tr�s contentes de soi. Sommes-nous des fanatiques, des r�formateurs, etc. (il serait excellent pour quelques-uns d'entre nous et tr�s mauvais pour nous tous de partager ces id�es), gardons-nous de la vilaine et d�sastreuse illusion qu'on ne peut �tre notre adversaire sans �tre celui de la v�rit�. Ces id�es peuvent �tre oppos�es au fragment de v�rit� bien imparfaitement acquis par nous, mais il se peut aussi qu'elles touchent � un fragment de v�rit� qui nous est absolument invisible, peut-�tre m�me un fragment plus important que le n�tre dont nous sommes si absurdement fiers.

"A" est-il v�g�tarien, ne se livre-t-il pas � la chasse par amour du "sport", est-il fort attrist� de voir "B" assez peu d�velopp� pour demeurer carnivore et chasser; "A" m�ne-t-il dans les termes plus ardents une campagne acharn�e contre "ces horribles cruaut�s", en d�clarant que d'espoir nous reste tant qu'elles [Page 111] n'auront pas pris fin? ce "A" a parfaitement raison. D'autre part, " B" peut, en fait, �tre fort sup�rieur � "A", plus noble � bien des �gards, et pratiquer des v�rit�s dont "A" ne se doute pas encore.

Il nous appartient de d�fendre �nergiquement les principes mais jamais d'attaquer les personnes; ce que nous pouvons savoir de leur vie est peu de chose. Identifier les personnes aux maux que nous combattons, voil� une des sources les plus abondantes de dissentiments qui, si souvent, aboutissent � la guerre. Nous sommes, pour la plupart, si personnels qu'en l'absence de quelqu'un � combattre, la satisfaction de lutter perd la moiti� de son charme.

Par bonheur, la Th�osophie n'est pas un credo, moins encore un dogme ou une doctrine, ni une mise � l'�preuve de notre jugement. La Th�osophie est la science de la vie. Elle est impersonnelle, ne juge point, ni ne critique. Chacun de ceux qui s'y rattachent en prend ce qui lui convient, �tant donn� son pr�sent stade d'�volution. Il laisse ce qu'il ne peut pour le moment comprendre et se garde bien de le nier. Point de distinction entre les Th�osophes, m�me s'ils ne partagent pas tous les m�mes id�es.

Dans la guerre nous voyons le signe ext�rieur et visible de l'ignorance que nous cherchons � [Page 112] remplacer par la sagesse. L'ignorance met longtemps � dispara�tre. Pour la guerre il en sera de m�me.

La paix est le signe ext�rieur et visible de la sagesse. O� la paix est absente, point de sagesse. O� la paix r�gne, la sagesse a remplac� l'ignorance. Rejetons l'id�e superstitieuse que l'ignorance puisse jamais donner le bonheur et qu'il soit parfois insens� d'�tre sage. �tre sage n'est jamais une folie, car la sagesse seule donne le bonheur, et l'ignorance peut seule �tre une folie.[Page 113]

CHAPITRE 8

VOUS ET VOS DECISIONS

La Th�osophie aide infiniment � prendre une d�cision, ce qui, pour beaucoup de gens, est assez difficile.

La Th�osophie vous dit, par exemple, que tr�s probablement vous Le faites non seulement dans le domaine mental, mais aussi dans celui des �motions, car celles-ci ont plus de poids que l'intelligence m�me dans l'influence qu'elles exercent sur la d�termination.

La Th�osophie d�clare ensuite qu'au moment o� vous fixez de la sorte un but � votre intelligence et � vos �motions (ce qui reviendrait � dire, pour la plupart d'entre nous, que vous leur donnez libre cours, votre pass� int�gral, votre pr�sent et l'ombre de votre avenir deviennent les facteurs d�terminants. Jusqu'� un certain point votre d�cision est d�j� prise, mais, � moins qu'il ne se trouve des influences en action, trop puissantes pour �tre affect�es par le pr�sent et par l'avenir, vous pourrez franchement modifier cette d�cision et m�me la faire diverger de sa ligne normale. Ajoutez � l'intelligence et aux �motions, et � toutes les forces [Page 114] peut-�tre mises en jeu depuis fort longtemps, ajoutez � tous ces facteurs qui contribuent � vous faire prendre un parti la volont� � ce reflet le plus fid�le de votre Moi �ternel, dont vous pouvez disposer dans monde ext�rieur.

Rares sont les hommes qui emploient beaucoup la volont�. Pour la plupart, nous nous contentons, au cours de notre vie, d'�tre des volants envoy�s de raquette en raquette, c'est-�-dire le jouet des circonstances qui surgissent devant nous, comme celui des pens�es et des �motions passag�res et flottantes qui, de temps en temps, traversent notre conscience. Nous sommes enfants du vent ou, pour employer une expression moins pittoresque, nous sommes des pailles emport�es �a et l� par les vents changeants de notre existence. Nous vivons "en bas" et c'est principalement parce que nous ignorons qu'il y a un "en haut".

Mais la Th�osophie attache une extr�me importance au second et montre que l' "en haut" attend simplement l'occasion, si souvent refus�e par le premier, de participer � la vie d'en bas et de se montrer son plus pr�cieux conseiller; bien plus � une force dont on reconna�t bient�t les jugements quasi-infaillibles. En fait, dit en haut, un jour viendra o� en bas dira: "Je ne comprend pas comment j'ai pu si longtemps me passer de cet en haut auquel je me suis, avec reconnaissance, associ� ". [Page 115]

La volont�, voil� l'en haut,non point ce qu'� tort on appelle volont�; celle-ci n'est souvent qu'une impulsion aussi variable que les images du kal�idoscope. J'entends la volont� propre de l'�tincelle vitale dont nous suivons le p�lerinage, allant du stade de la flamme � celui du feu, dans le jeu r�ciproque de l'individualit� et de son entourage.

Il faut, pourrions-nous m�me sugg�rer, non seulement que l'intellect et les �motions doivent prendre une d�cision, mais qu'il en soit de m�me pour la volont�. Seulement celle-ci a pris sa d�cision depuis un temps imm�morial et, si l'intellect et les �motions doivent en faire autant, c'est pour livrer � la d�termination de la volont� les domaines de l'intellect et des �motions dont la population est si turbulente dans les premiers stades de l'�volution. L'intellect doit se d�cider � agir en ma�tre et servir de miroir � la royaut� int�rieure de la volont�. Les �motions, de m�me, doivent gouverner et servir de miroir � la royaut� interne de la volont�. Alors seulement, quand l'intellect g�n�ral et les �motions g�n�rales auront soumis, pour leur seigneur, leurs territoires respectifs, fera-t-il, volont� souveraine, son entr�e triomphale dans ses nouveaux �tats.

Une d�cision doit-elle �tre prise; l'intellect et les �motions doivent-ils prendre un parti ; il est extr�mement d�sirable que l'on cherche � [Page 116] conna�tre les d�sirs de la volont� ou Moi sup�rieur.

La consultation pourrait �tre formul�e dans la question: "Que devrais-je faire?" Mais ce genre de question donne � la r�f�rence un caract�re d'irr�alit�; de plus, elle semble admettre l'existence d'un conflit entre deux possibilit�s de d�cision: ce que je devrais faire et ce que je voudrais faire, et il para�t souvent cruel de faire c�der � l'ennuyeux et peu sympathique "devoir" la persuasive et flatteuse pr�f�rence .

Plus exactement il faudrait demander: " Quel est mon v�ritable d�sir? Que l'intellect et les �motions soient vos conseillers et m�me, si vous voulez, des conseillers exigeants, mais ils doivent conna�tre leur place et n'en pas sortir. Donnez la parole au Moi sup�rieur. Donnez � la volont� l'occasion de s'affirmer.

Au fond, que d�sire votre Moi r�el? Il veut (point de diff�renciation sexuelle dans ce domaine plus vaste) �tudier les fronti�res de sa conscience, jusqu'aux derni�res limites de l'intellect, des �motions et du corps, afin de pouvoir, aussi t�t que possible, dans sa vie, atteindre la pl�nitude de ses diverses royaut�s. Il sait que ces mondes doivent �tre conquis et leurs richesses recueillies pour son usage. Il sait que ces agents ext�rieurs doivent prendre leur temps et ainsi ne rien manquer; qu'ils doivent parcourir la gamme des exp�riences fondamentales mais pas, naturellement, dans les moindres d�tails.[Page 117] C'est avec reconnaissance qu'apr�s la moisson il verra les exp�riences recueillies dans son tr�sor.

Il ne veut pas ici d'agents timor�s, ce qui les emp�cherait de travailler utilement pour lui.Il les veut sans haine, col�re ou irritabilit�. Il entend que ses agents soient enthousiastes, car la nonchalance et l'indiff�rence rendraient vaine leur action. Il veut que ses agents soient honorables et chevaleresques, car la moindre absence d'honneur et de r�v�rence rendrait infructueux leur travail, du moins celui qui lui est d�. Il veut que, chez ses agents, d�bordent la bienveillance et la serviabilit� envers tous, sans exception, car si leur bont� d�pendait de leur humeur et s'ils n'�taient serviables que dans la mesure o� ils comptent en profiter, ils ne pourraient fournir un travail efficace.

Il lui faut des agents ni distants, ni fiers. Tant qu'ils se croiraient sup�rieurs aux autres agents ls ne pourraient bien travailler pour lui. Il les veut pleins de gr�ce et de dignit�, de charme et de raffinement, sans l'ombre de grossi�ret�, de vulgarit� ou de laideur; autrement, ils ne pourraient le servir utilement.

Comme vous le voyez, il exige beaucoup, mais rien que de raisonnable. Il demande simplement ce qu'il sait �tre essentiel � son propre bonheur, celui de ses agents, au bonheur tous.

Nous ne pouvons, bien entendu, lui donner imm�diatement tout ce qu'il exige, mais vaut [Page 118] la peine de savoir ce qu'il demande, afin qu'en formant une r�solution nous puissions faire en sorte qu'elle s'accorde, dans la mesure du possible, avec ses besoins. Or ceux-ci, � vrai dire, sont les besoins m�mes de l'intellect, des �motions et du corps physique. Ah ! si ces gens pouvaient le comprendre! T�t ou tard il obtiendra ce qu'il faut, mais, en attendant, point de bonheur pour lui, ni pour nous, ni pour la vie du monde dans aucun de ses domaines.

C'est l� une raison pour nous souvenir de faire appel � la volont� afin qu'elle nous assiste dans notre d�cision. Car, dans votre famille des "Vous", il est seul � conna�tre bien clairement ses besoins d'aujourd'hui et de toujours. Le reste de la famille veut maintenant une chose et, plus tard, en voudra une autre, et ses variations sont ins�parables de ses nombreux besoins. Mais la volont�, le Moi sup�rieur, conna�t avec une absolue certitude ses propres besoins; ses appels sont invariables; jamais il ne se lasse de demander sans obtenir et finalement il aura gain de cause, car l'intellect, les �motions et le corps reconna�tront alors qu'il est le plus sage.

Avant tout, il exige la v�rit�; elle est l'�me de ses intentions. Il ne se contente pas de ce qu'ici-bas vous prenez avec une absolue certitude pour la v�rit�: ce n'est l�, il le sait, qu'un fragment de la v�rit� et encore probablement un assez vague fragment. [Page 119]

Peut-�tre vos principes religieux, vos observances c�r�monielles, un livre, une s�rie d'articles repr�sentent-ils � vos yeux la v�rit� pure. C'est possible pour vous, ici-bas, � votre degr� d'�volution, mais il conna�t leur pauvret� en comparaison de la v�rit� qu'il lui faut. Aussi, malgr� toute l'insistance avec laquelle d'�minentes personnalit�s ou des textes fort anciens affirment que telles ou telles notions repr�sentent la v�rit�, toute la v�rit�, rien que la v�rit�, il ne faut pas trop s'attacher � elles car le Moi sup�rieur ne se tiendra pas pour satisfait avant que vous ne les ayez modifi�es au point de les rendre � peu pr�s m�connaissables.

Ayant cess� d'appartenir � une �glise, d'en pratiquer les observances c�r�monielles, de souscrire aux dogmes de la religion qui fut la v�tre, vous supposez peut-�tre qu'�chapp� de prison vous respirez le grand air de la libert�.

Vous pouvez d�clarer fi�rement que, ayant abandonn� une bible, d�sert� les c�r�monies et rejet� les formes, vous vous �tes par cela m�me rapproch� de la v�rit�. Vous avez trouv� sans doute une autorit� suivant laquelle de pareils abandons ressemblent � une lib�ration.

T�chez de vous en souvenir: la volont� est cynique (puisse le mot nous �tre pardonn�) en ce qui concerne les innombrables d�clarations que telle ou telle id�e exprime seule la libert� et la v�rit� et qu'enfin telle ou telle personne [Page 120] est parvenue � savoir qu'elle avait touch� au vrai. En ce monde, que de gens ne cessent d'assurer que la v�rit� se trouve l� o� vous n'�tes pas, ou dans ce que vous ne poss�dez pas ! Leur insistance a pour seule base le fait que ce qu'ils sont, ou ce qu'ils poss�dent, se trouve pour l'instant repr�senter pour eux la v�rit�. Notre vanit� est si extraordinaire que nous attachons beaucoup trop de prix � nos propres possessions et bien trop peu aux possessions des autres; celles-ci ne nous conviennent pas, sans doute, mais peuvent leur convenir parfaitement.

Nous ne pouvons mieux faire que de laisser l�, de temps en temps, livres, autorit�s, personnalit�s et toutes opinions ext�rieures, pour nous retirer dans le Moi sup�rieur, la volont�, ce "Moi" ultime que nous atteignons dans nos moments de plus haute exaltation. Prenons l'habitude de communier avec nous-m�mes, � nos plus hautes altitudes, loin de l'intellect, loin des �motions, loin des personnes et des livres, loin des collines, et de nous �lever, quand ce ne serait qu'un instant, aux Everest de notre �tre �ternel.

Alors nous saurons la volont� du "Vous" ou "Moi" v�ritable, en ce qui concerne un choix quelconque, m�me trivial, qui se pr�sente � nous et attend le jugement de notre supr�me Cour d'appel. Bient�t nous nous familiariserons avec la proc�dure invariablement suivie par ce [Page 121] tribunal. Devons-nous faire, ou dire, �tre, ceci cela? Pour satisfaire cette Cour, notre d�cision doit pr�senter certaines qualit�s dont nous venons de citer quelques-unes: le raffinement, la dignit�, charme, bont�, courage, l'honneur, l'efficience. Une seule de ces qualités fait-elle d�faut, tout choix reste, en fin compte, inacceptable aux yeux du tribunal.

L'intellect peut se contenter de moins; les �motions aussi. Ils peuvent se contenter de beaucoup, beaucoup moins, souvent m�me de ce qui est la n�gation des qualit�s en question. Le jugement et la conscience peuvent �tre fort au-dessus de ce qu'exige le tribunal. Mais la volont� sait. En se r�f�rant sans cesse � elle, jugement, conscience, intellect, �motions s'exalteront et un temps viendra o� tous ne feront plus, � jamais, qu avec elle.

La volont� sait. Nous croyons savoir et souvent nous en sommes persuad�s. Quand, � la fin, nous saurons que nous sommes ignorants, nous serons vainqueurs car nous commencerons alors � vraiment savoir.

Mais, dira-t-on, il est ridicule de faire tant d'histoires quand la d�cision � prendre est sans importance. Or en fait rien absolument, dans la vie, n'est trivial. Nous imaginons que certaines choses importent tr�s peu, d'autres point du tout. C'est l� une des causes engendrant les difficult�s dans lesquelles nous nous trouvons [Page 122] continuellement plac�s. S'agit-il de se d�cider sur un point apparemment insignifiant; nous le prenons � la l�g�re, comme si notre choix importait peu. Alors, les effets ayant suivi notre d�cision, nous nous trouvons pris dans des conditions et dans des circonstances que nous n'aurions jamais suppos� pouvoir na�tre de commencements aussi minimes et aussi triviaux. Or dans la vie rien de trivial. En toute chose couve une puissance capable de cr�er une conflagration. Un mot fortuit, une action minime, un geste fortuit, une attitude prise tout � fait inconsciemment, une d�cision non r�fl�chie, peuvent tr�s bien d�terminer une s�rie de cons�quences accompagn�es d'effets �normes.

En r�alit�, au point de vue th�osophique, la force m�me la plus petite en apparence est le premier ruissellement qui annonce un torrent d�vastateur.

Or la volont� seule est vraiment capable de diriger ces �nergies virtuelles. L'intellect a, bien entendu, sa valeur; de m�me les �motions, mais leur d�veloppement est incomplet. La volont� (le moi sup�rieur) les a d�put�s, reflets d'elle-m�me, pour �tendre son empire jusqu'aux derni�res limites de la vie manifest�e. Mais ils mettent longtemps � choisir, � d�sirer, � accepter, � rejeter, avant de devenir capables de donner � la volont� exactement ce qu'elle veut, Par suite vous n'�tes jamais certain de pouvoir,[Page 123] � un moment donn�, vous en rapporter � l'intellect pour le meilleur jugement, aux �motions pour le meilleur d�sir. Consultez ces deux messagers mais demandez � la volont� la solution finale du probl�me.

Souvent, direz-vous, le temps manque pour la réflexion qu'exige nécessairement une procédure semblable.Il faut parfois se décider vivement, sans quoi l'occasion est perdue. Mais consulter la volonté ne prend aucun temps, moins en fait qu'il n'en faut pour consulter l'intellect et les émotions qui si fréquemment (vous le savez sans doute) gaspillent les jours, étant instables et flottants.

Si vous n'avez pas acquis l'habitude de consulter la volont�, en vous demandant: "Quel est r�ellement mon but?" Cette mani�re de proc�der vous semblera peut-�tre plus difficile et moins directe que celle de questionner l'intellect et les �motions. Mais si tout d'abord il vous faut pour cela un peu plus de temps, plus vos consultations seront fr�quentes et plus il sera bref), ce temps repr�sente un investissement de premier ordre, �tant donn� que votre d�cision sera probablement beaucoup plus sage et vous apportera beaucoup plus de bonheur et de paix durables.

Bien entendu, l'intellect et les �motions peuvent vous dire qu'en les �coutant vous obtiendrez plus vite satisfaction et qu'un bon [Page 124] " tiens" vaut mieux que deux " tu l'auras". Mais la volont� r�pond, si on le lui permet, que l'oiseau captur� ne restera gu�re dans la main et probablement s'envolera. D'autre part, les oiseaux libres feront sans doute leurs nids, multiplieront le peuple ail� et augmenteront ainsi votre f�licit�. Le bonheur que l'on tient dans la main est presque toujours un bonheur passager. Il est � vous aujourd'hui; il dispara�tra demain, mais le bonheur en libert� a bien plus de chance d'�tre permanent. L'amie, c'est la libert�, non point la main.

Le bonheur que l'on tient peut fort bien avoir moins de valeur, m�me qu'un seul bonheur go�t� de loin.

C'est pourquoi, toutes les fois que vous avez � prendre une d�cision, essayez la mani�re th�osophique, celle de laisser d�cider votre volont�, d�j� beaucoup plus r�solue et infiniment plus clairvoyante que l'intellect et les �motions.

Lancez un appel et vous recevrez probablement une r�ponse imm�diate. La volont� aime � �tre consult�e, car pour elle cette exp�rience n'est que trop rare. Vous me direz: "Mais ne dois-je pas employer mon jugement?" Oui, de toutes fa�ons, mais le jugement n'est tout au plus que la Cour d'Appel; elle n'est pas la Chambre des Lords, ni le Conseil priv�.

La Th�osophie maintient qu'il y a en nous un principe plus pr�cieux que le jugement ou [Page 125] la conscience. Rien, pouvons-nous supposer, n'a plus de valeur que ceux-ci mais � ne l'oubliez pas et c'est le point de vue th�osophique � le jugement et la conscience repr�sentent seulement le fruit de l'exp�rience acquise ici-bas. Ils indiquent dans quelle mesure nous avons pouss� notre �volution ici-bas, dans le monde ext�rieur. Ils ont leur valeur propre et il faut assur�ment en faire un bon usage. Mais il y a encore le jugement sup�rieur et la conscience sup�rieure auxquels le jugement inf�rieur et ]a conscience inf�rieure cherchent � ressembler. Il y a le Dessein que jugement et conscience cherchent � ex�cuter.

Pourquoi ne pas consulter le plan aussi bien que les constructeurs? Si nous nous habituons � conna�tre le plan, c'est-�-dire la volont�, m�me dans les circonstances les plus triviales de la vie quotidienne, nous verrons notre jugement et notre conscience �clair�s d'en haut et simultan�ment �difi�s ici-bas. Mais il y a plus: nous constaterons aussi que nous commen�ons � moins vivre en termes de la vie inf�rieure, ceux de l'intellect, des �motions, du corps, et davantage de la volont� et d'une haute d�cision. Nous commencerons à vivre dans l'�ternit� plus que dans le temps, dans la vie plus que dans la mort.

Vous avez une d�cision � prendre; il s'agit d'une action triviale en apparence. Si vous en [Page 126] avez le d�sir employez-la pour aiguiser votre jugement et votre conscience. Mettons que ceux-ci prononcent le "Nihil obstat". Tr�s bien. Maintenant faites appel � la conscience sup�rieure, celle de la volont�. Comment faire? Quelle est la proc�dure normale?

Cessez de penser � votre affaire; qu'elle ne vous touche plus. Laissez de c�t� jugement et conscience; ils ont dit leur mot. Maintenant le SILENCE doit r�gner, car�dans�le�r�gner,car�dans�le�silence seul peut s'entendre la voix volont�. volont� vit entour�e de silences infiniment plus puissants que notre bruyante existence. Le m�canisme de la vie est incomparablement plus vibrant dans le domaine de la volont� que ne le sont ses contreparties dans les domaines de l'intellect et des �motions. Pourtant les vibrations dans les r�gions sup�rieures r�gnent dans le calme et le silence. Il faut � la volont�, pour parler et �tre�entendue,�ce calme et ce silence. La voix de la volont� est ce silence.

Vais-je mettre tel ou tel v�tement; manger ceci ou cela? Telle ou telle chose me sera-t-elle agr�able? Que vais-je dire? O� vais-je aller? Que vais-je faire ? Vais-je me ranger � tel ou tel avis?

Autant de questions en apparence triviales. Les soumettre � la volont� serait, semble-t-il, faire beaucoup de bruit pour rien. Mais, comme [Page 127] nous l'avons d�j� dit, le mot rien est impropre; bruit l'est �galement. Consulter la volont�: tel est le parti le plus naturel, bien plus naturel, bien plus r�el que celui de consulter exclusivement le jugement et la conscience. La volont�: voil� le vrai!

Mais il faut consulter la volont� en silence, avec calme, s�r�nit�, sans pr�vention; dans ce silence o� n'entrent ni crainte, ni ce que nous appelons d�sir, ni influence perturbatrice de l'�quation personnelle inf�rieure, ni influence limitative du temps; dans ce silence qui exalte le jugement et la conscience de l'exp�rience et du temps, si bien qu'ils deviennent le jugement et la conscience du grand Dessein qui jadis nous fit conna�tre le triomphe et la victoire et nous r�serve l'un et l'autre � tout jamais.

La d�cision peut �tre en conflit avec le jugement des tribunaux inférieurs et comme en g�n�ral nous nous reposions uniquement sur leurs d�cisions, sauf � de rares intervalles, nous pouvons ne pas �tre convaincus que c'est bien le tribunal supr�me dont nous entendons le jugement quand soudainement nous percevons ce qui ressemble � un �clair dans le ciel bleu.

Si nous parvenons � faire une pause avant de nous conformer � la d�cision, nous constaterons que plus le temps passe et plus le jugement du tribunal sup�rieur devient insistant, plus sa sagesse devient �vidente. Plus [Page 128] nous m�ditons sur l'�clair qui semble nous avoir frapp� (nous �vitons express�ment le mot "r�flexion"), la pens�e faisant na�tre si souvent la confusion et l'obscurit�, plus, si c'est bien un �clair de la r�alit�, grandit notre conviction qu'il dit vrai. Si, d'autre part, l'�clair a une autre origine, sa valeur apparente vacillera, pr�sentera des hauts et des bas; si bien que nous ne saurons plus o� nous en sommes. Le jugement inf�rieur et la conscience produisent souvent cet effet, mais un v�ritable �clair de la volont�: jamais!

Si nous n'avons pas le temps d'attendre, l'intensit� et l'�clat vous serviront d'indices. Si vous avez l'impression d'un �clair dans le ciel bleu, il convient de vous conformer au message. Autrement nous pourrions nous croire forc�s d'accepter l'avis du jugement inf�rieur et de la conscience, mais en veillant dans la mesure du possible � ce qu'ils ne soient point, pour employer la phrase expressive prononc�e par un juge � une �poque ancienne de l'histoire d'Angleterre, "la conscience d'un sot".

En principe, du moins, ayons coutume de consulter la volont� dans les choix les plus inf�rieurs, et de h�ter ainsi le moment, qui viendra s�rement, o� dans son royaume la volont� exercera une souverainet� absolue et o� l'intellect et les �motions seront ses parfaits agents. [Page 129]



CHAPITRE 9

VOUS ET L'AMOUR

Th�osophiquement parlant, l'amour est la puissance ou qualit� la plus merveilleuse du monde. De toutes les puissances, de toutes les qualit�, l'amour est la plus grande.

L'amour est, en fait, le plus pur reflet, � la fois de l'unit� et de l'�nergie cr�atrice de la vie, de Dieu, de la nature. L'amour repr�sente Le savoir le plus certain que puisse jamais poss�der aucune individualit� appartenant � un r�gne naturel quelconque, sur tout ce qu'est en r�alit� la vie, sur tout ce qu'elle peut �tre, sur tout ce qu'elle sera.

L'amour est la grande exp�rience, la transcendance mystique du moins, le s�jour mystique sur les cimes olympiennes, la splendide fusion du temps et de l'�ternit� dont le temps est issu.

L'amour cr�e le monde, le soutient, le r�g�n�re. L'amour est le commencement, la voie et la fin de la croissance.

L'amour est au coeur de toutes choses; il les am�ne � leur parfait d�veloppement; il brille [Page 130] de plus en plus en elles et par elles. Rien dont l'amour soit absent, quelles que soient la laideur ou la d�gradation apparentes. Rien que ne glorifie l'amour. L'amour est la cha�ne d'or qui unit toutes choses. Personne, rien qui ignore l'amour ou en soit priv�, ne f�t-ce que l'amour que lui t�moigne la vie. D'�tre humain � �tre humain, de l'homme � l'animal, de l'homme � la fleur, � l'arbre, � la plante ou � la terre, d'un �tre � un autre l'amour peut tomber mais l'amour qui porte la vie � tous ne faiblit jamais. Car pour la vie l'amour ne conna�t pas d'exclusions; il est constant envers toutes choses et sa tendresse est pr�sente l� m�me o� les yeux mortels ne per�oivent pas d'amour.

L'amour est la loi et son accomplissement. L'amour est la justice. L'amour est l'ami universel et r�conforte chacun dans la mesure de ses besoins.

L'amour est le r�el dans l'irr�el, la lumi�re dans l'obscurit�, la vie dans cette ombre de vie que nous appelons la mort.

L'amour est la vie, le bonheur, la paix, la confiance, l'endurance, la camaraderie, l'immortalit�.

Tel est l'amour comme le comprend la Th�osophie. Telle est la nature de votre amour, f�t-il faible, indigent, �go�ste, �troit. Cet amour peut �tre passionn�, exigeant, agressif, int�ress�. Il peut na�tre et dispara�tre, voleter d'un objet � [Page 131] un� autre,� d'une� personne� � une� autre,� d'un d�sir � un autre; il peut �tre grossier.

Mais dans toutes ces scories vulgaires, ignobles, sordides, laides, grossi�res, un diamant jette ses feux et, malgr� sa petitesse, rayonne de beaut�; ses promesses sont infinies. Ce diamant c'est le dessein sublime et l'�ternelle signification de la vie. Point de circonstance ext�rieure, d'ignorance, de n�gligence ou de vulgarit� humaines qui puissent ternir ce diamant de l'amour, bien qu'elles puissent en voiler l'�clat.

Chacun de nous a fait quelque part ou de quelque fa�on l'exp�rience de l'amour. Infinies en sont les permutations et les combinaisons. Il relie d'innombrables objets. Il vit l� o� nous croyons souvent que r�gne seule la mort.

�voquez votre pass�: vous trouverez l'amour manifest� en mille circonstances: amour pour vos proches, pour tels objets pr�cieux � l'enfance, tel petit camarade votre contemporain, pour telle occupation pr�f�r�e, pour un jeu, pour un instructeur. Vous le trouverez dans le culte des h�ros avec ses objets changeants, dans ces d�licieuses camaraderies entre gar�ons et filles, amiti�s qui se forment et se d�nouent, sans permanence mais qui sont, tant qu'elles durent, vraiment �ternelles; dans l'adoration que vous avez pu �prouver, dans votre jeunesse, pour une personne beaucoup plus �g�e que vous [Page 132] mais qui s'est trouv�e capable de faire na�tre en vous la flamme; dans l'�veil de votre go�t pour les causes et les entreprises aventureuses, et m�me de vos pr�f�rences en ce qui concerne le v�tement et la parure.

Alors vient l'heure des grandes passions. Elles aussi naissent et s'�vanouissent, impermanentes, mais tant qu'elles durent, sont interminables. Le culte des h�ros, un sentiment plus profond se manifestera, lui aussi: admiration pour un ma�tre, un professeur, un athl�te hors de pair, une �toile de cin�ma, un acteur ou une actrice. Peut-�tre un enthousiasme ardent pour une cause d�sesp�r�e, pour une croisade contre une injustice ou pour un tort passionn�ment ha�s. Peut-�tre encore un attachement � la profession dont vous vivez, � quelque sport, � certains d�lassements.

Plus tard c'est le mariage, la conception des enfants et leur naissance. Vous les gardez et les dirigez dans leur jeunesse; fiers d'eux, vous les surveillez quand ils commencent � suivre avec assurance le sentier de la vie. Et puis vient la joie teint�e de m�lancolie quand vous les perdez, au jour o� ils trouvent et prennent le m�me chemin que tous les autres ont d�couvert et pris avant eux. Enfin c'est l'attachement aux souvenirs; il vient s'ajouter � l'amour qui [Page 133] n�cessairement doit se modifier, sans pourtant d�cro�tre, comme se modifient ces objets ch�ris.

A tout cela doit, en son temps normal, succ�der l'amour de l'avenir et m�me (est-ce exag�rer?) celui de la mort, en laquelle on reconna�t enfin non pas un d�mon qui nous inflige s�parations et pertes, mais l'ange d'une vie �largie. L'ignorance interdit � la plupart des hommes un amour pareil et c'est pourtant l'une des plus magnifiques manifestations de l'amour et qui un jour nous comblera de joie. Oui, c'est un amour puissant que celui d'un glorieux avenir, que l'ardeur de son attente, que l'impatience de voir arriver le temps o� il n'y aura plus de s�parations, m�me apparentes, o� auront �t� apprises les le�ons du r�gne humain, o� avec vos proches et ceux qui vous sont chers vous avancerez, tous ensemble, unis par une camaraderie inalt�rable et une joie toujours croissante. Cet amour-l�, vous devez aussi l'�prouver.

Exaltons encore cet admirable signe de ce qui fait la gloire de la vie, cet insondable myst�re, ce sacrement: la naissance de l'amour.

Non, rien n'est plus merveilleux que de s'�prendre (mieux vaudrait dire s'�lever � l'amour), m�me si chaque attachement doit avoir une fin. Tant qu'il dure c'est la perfection et jamais nous n'�prouv�mes rien de pareil. Tant que subsiste l'amour il nous soul�ve du temps dans l'�ternit�, de nos petites [Page 134] personnalit�s dans une infinit� presque incroyable et, � coup s�r, indescriptible; il est la Divinit� descendue sur la terre; il est la terre �lev�e jusqu'au ciel. Peu importe s'il ne dure qu'une heure, un mois, une ann�e, suivi de d�sespoir, de d�vastation, de d�sillusion, d'obscurit�. Tant que dure l'amour il est �ternel et cela suffit.

Que dire du sexe �sujet dont nous avons si peur que nous le d�clarons redoutable et tabou afin de justifier notre crainte?

Qu'est-ce que l'amour, ou le sexe, ou m�me la sexualit� (nous donnons � ce mot le sens g�n�ralement accept�), sinon l'instinct, dans l'Unique, de la pr�servation et, dans l'individu celui de ressembler davantage à la vie qui ne cesse de cr�er et de se reproduire? Qu'y a-t-il de plus naturel et de plus n�cessaire que le sexe?

En soi, rien de mauvais dans le sexe ou dans la sexualit�, mais souvent leur expression dans ces mondes inf�rieurs laisse gravement � d�sirer. Nous voulons parler de l'�go�sme: c'est le mal que nous commettons trop souvent au nom de l'amour, au nom du sexe. La sexualit�, dont nul n'a � rougir, devient un objet de honte parce qu'elle est �go�ste et parfois cruelle.

Plus purs l'amour, le sexe, la sexualit�, plus ils donnent, plus ils sauvegardent et prot�gent, et moins ils exigent de r�ciprocit�, moins ils sont indiff�rents � leurs fruits. Quand, aimant [Page 135] pour notre petite satisfaction personnelle, nous commettons un acte sexuel pour satisfaire un d�sir momentan�, puis rejetons, n'en ayant plus besoin, le principe qui nous a �t� commode, alors en v�rit� les scories enlaidissent l'amour et sur le diamant nous verrons la fange. L'acte d'aimer, sexuellement ou d'autre fa�on, est un des plus hauts sacrements de la vie; il la sanctifie afin qu'elle parvienne plus vite � l'unit�. La pubert� est un sacrement. Devenir pleinement citoyen de la patrie est un sacrement. Embrasser une carri�re est un sacrement. Le mariage est un sacrement. La g�n�ration est un sacrement. Mourir est un sacrement. Il y a encore d'autres grands sacrements conf�r�s par l es religions de ce monde; mais quel sacrement plus auguste que celui de s'�prendre et d'en recueillir les fruits; que d'ouvrir la vie mesquine � une conscience �largie, c'est-�-dire � l'amour, dans le sens le plus vrai et dans sa r�alit� la plus profonde?

La vie ne nous offre-t-elle pas son plus merveilleux myst�re : l'Un devenant multiple puis, de cette multiplicit�, deux s'unissant afin que de nouveau l'Un puisse devenir multiple.

La trag�die, de nos jours, c'est que l'amour est devenu banal, sans importance, une transaction commerciale, un �change o� rien ne se donne sans retour, une petite satisfaction que l'on peut bien s'accorder � l'occasion, une [Page 136] affaire dont on ricane, dont on fait lourdement myst�re, qui fait plaisir comme font une cigarette, tel aliment, telle sensation journali�re.

La trag�die, dans la vie moderne, c'est que nous sommes assez l�ches pour �tre esclaves de nos d�sirs et pour nous d�rober bassement � leurs effets naturels. Point de mot ne condamne davantage notre mani�re de vivre que le mot anticonceptionnel. L'id�e qu'il comporte est, souvent et � tr�s juste titre, abhorr�. Mais en ces jours de demi sauvagerie il faut aux faibles une certaine protection contre les cruelles et insouciantes passions des forts. Jamais l'amour ne devrait �tre ainsi avili et d�grad�. Il l'est pourtant. Il faut des armes pour combattre cette ignominie, tout comme nous avons besoin d'une police qui prot�ge les bons citoyens contre les criminels.

La trag�die de la vie moderne c'est que l'amour conjugal, cette apoth�ose, est d�grad�: ce n'est plus qu'une simple affaire laiss�e au hasard, union sans importance que nous pouvons accomplir ou refuser d'un coeur l�ger. Le mariage est peut-�tre l'acte le plus saint auquel puisse participer un individu. C'est une d�dicace et une cons�cration solennelles, suivies d'une cr�ation divine que seule rend possible l'intervention du Coeur de la vie Lui-m�me. L'amour invoque. Le mariage pr�pare le chemin. La vie descend. Par le mariage nous [Page 137] entrons dans le lieu tr�s saint de la vie. L�, dans un sentiment de respect infini, nous devrions trouver un bonheur abondant. Or la civilisation nous a conduit � ce point que, pour la plupart d'entre nous, le mariage ne pr�sente gu�re de signification, ou m�me aucune. On y donne libre cours � ce qui est, en somme, l'immortalit� sous sa forme la plus certaine: pas de ma�trise de soi, pas d'honneur, pas de dignit�. Le divorce est si facile! Il le faut bien, le mariage �tant plus facile encore. Oserons-nous condamner le divorce quand, par nous, le mariage n'est pas honor�?

Le sacrement du mariage peut sans doute exister en dehors des formes conventionnelles, c�r�moniales et religieuses. Il n'est pas n�cessaire de participer � une c�r�monie pour �tre v�ritablement solennellement mari�s. Mais le caract�re profond�ment sacr� du mariage ne devrait pas moins se trouver noblement r�fl�chi, reconnu, figur�, dans une observance ext�rieure o� s'affirment notre respect, notre volont� de vivre honorablement dans l'�tat nouveau qui nous est accord�. Un mariage, le mariage civil! Le Sublime tombe au ridicule... on pourrait dire au blasph�matoire. Comment esp�rer le bien-�tre pour l'humanit� alors que nous tra�nons dans le ruisseau les dons de la vie les plus pr�cieux.

Dans�d'autres�d�partements de�l'existence [Page 138] nous jugeons souvent n�cessaires une reconstruction, une r�adaptation nouvelle. Cependant nulle part ne se voit plus de d�pression et de mis�re que dans le domaine de l'amour. Si, en amour, le monde partait sur des donn�es nouvelles, si nos m�thodes �ducatives s'occupaient s�rieusement d'enseigner � la jeunesse le v�ritable art d'aimer, les autres activit�s de l'existence seraient vite d�livr�es de leur d�pression. Si nos �ducateurs �veillaient, avant tout, l'esprit de service, l'amour reprendrait bient�t sa place l�gitime dans la vie des deux sexes. Mais l'�ducation a perdu ou point trouv� encore son �me, et cette absence d'�me se refl�te dans la laideur des formes o� le bel amour est prisonnier.

Ne redoutons pas l'amour, mais pla�ons-le dans un sanctuaire. L� nous lui rendrons un culte.

Ne craignons pas de nous attacher et de nous d�tacher, mais que notre attachement soit respectueux, notre d�tachement reconnaissant et honorable.

Surtout ch�rissons les fruits de l'amour, car ils pourraient succ�der � des actes prouvant, par leurs cons�quences, notre r�elle divinit�, ne f�t-elle m�me que virtuelle. C'est la Divinit� en nous qui nous rend capables d'accomplir ce qu'il y a ici-bas de plus merveilleux. Il ne faut pas craindre notre divinit�, bien moins [Page 139] encore la fuir et bassement l'abandonner. Et souvenons-nous toujours que la femme est le sanctuaire de ce qui repr�sente, en tout r�gne naturel, l'�v�nement supr�me de l'existence. Son r�le est la protection de toutes les vies, dans leurs naissances successives et dans leur p�lerinage. Elle �veille aussi dans l'homme ces nobles qualit�s qu'il a de son c�t�, pour mission et pour objet de manifester dans leur royale splendeur.

Que les femmes soient trait�es comme souvent elles le sont en ce monde ignorant; qu'elles-m�mes oublient souvent leur f�minit� au point d'en prostituer les gloires � la recherche de la laideur; que les hommes prostituent leur inestimable esprit chevaleresque � une cruaut�, � des horreurs bien pires que les plus affreux crimes commis en temps d'inquisition et de pers�cution: tout cela prouve que nous sommes encore infiniment �loign�s, m�me d'un genre de vie raisonnablement civilis�, et tout aussi �loign�s comprendre la vraie nature l'amour.

Cependant l'amour habite nos coeurs et y r�gne comme il peut. Sans �tre bien puissant n'est jamais tout � fait d�tr�n�. D'o� notre certitude pour l'avenir, au milieu des t�n�bres actuelles.

La haine r�de souvent aux alentours. Souvent la cruaut� ne semble pas rencontrer [Page 140] d'opposition. L'�go�sme para�t constituer dans la vie la r�gle la plus ob�ie. L'oppression des faibles par les forts semble ne devoir jamais cesser. La laideur porte haut la t�te et ses regards tombent, avec m�pris, sur la beaut�. La guerre menace constamment. L'injustice a libre cours. La discorde est prosp�re.

Pourtant l'amour n'est pas vaincu, car il est invincible. Tout le reste passera, l'amour jamais.[Page 141]

CHAPITRE 10

VOUS�� ET�� LA�� MORT

Quelles merveilles que la mort

La mort et le sommeil son fr�re.

Quand nous abordons le sujet de la mort, la Th�osophie par toutes ses lumi�res nous est extraordinairement utile.

Dans l'opinion g�n�rale la mort est l'ennemi public no. 1, bien que, rarement, on admette que sa v�ritable nature est la d�livrance.   La plupart des gens redoutent la mort, non qu'ils la connaissent � fond, mais parce qu'en r�alit� ils ne poss�dent � son �gard aucune notion. Mourir para�t souvent douloureux, peut-�tre un martyre. Et quand la mort est compl�te, qu'est-ce qui la suit? L'an�antissement? La scission finale avec tout ce que nous aimons? Un vague �tat de conscience dont la nature spirituelle exacte est un myst�re que ni la religion, ni la philosophie n'�lucident � notre satisfaction?

En r�alit� la mort d�termine un changement radical et, aux yeux de la plupart des hommes ici-bas, catastrophique. En vie nous savons o� [Page 142] nous sommes. Mourants ou morts, nous nous sentons � la merci de forces inexorables et insensibles dont nous ne savons et ne pouvons rien savoir. Ces forces nous enl�vent � des conditions qui normalement nous procurent un certain sentiment de s�curit�; elles nous mettent en pr�sence d'un inconnu dont aucune description, en religion, en philosophie, en spiritisme, ne peut inspirer de conviction g�n�rale. Et toujours la possibilit� qu'il n'y ait rien � d�crire. Il se peut, pour une raison insondable, que la vie se r�sume en la vie pr�sente, sans pass� ni avenir.

La Th�osophie jette une vive lumi�re sur cet urgent probl�me; elle montre que la mort est, non point une ennemie, mais une amie.

Quelle que soit son action apparente, elle ne nous enl�ve rien qui soit or, seulement ce qui est scories. Toutes nos id�es � son sujet r�sultent de notre ignorance. Notre deuil, notre chagrin, notre consternation de voir dispara�tre quelqu'un � la fleur de l'�ge; notre r�volte quand un petit enfant "qui avait en perspective tout ce que la vie peut offrir" est enlev� peut-�tre au milieu le plus tendre, nos orthodoxies exprim�es dans les mots "perte irr�parable", "coup accablant", "cruelle s�paration", ne repr�sentent que mauvaises herbes l� o� devrait fleurir le savoir.

La mort d�livre. La mort nous fait [Page 143] progresser. La mort est la porte s'ouvrant sur une vie nouvelle et plus large, apr�s un temps de repos et de bonheur.

Le mort ne brise pas d'amiti�s, ne dissout pas de camaraderies, ne rompt pas de liens, ne frustre aucun dessein. Si nous avons des amis, la mort aide � consumer tout ce qui est inf�rieur � notre amiti�, tout ce qui est passager, et rapproche le moment o� la s�paration devient impossible. La mort nous aide � vaincre la mort.

S'agit-il d'�tres qui nous tiennent de plus pr�s que des amis, la mort contribue � cimenter pour toujours, dans sa puissance et sa puret� compl�tes, le lien qui nous est si cher.

Si, d'autre part, nous nous sentons �loign�s de certains par une antipathie plus ou moins vive, la mort s'attribue le r�le d'un grand alchimiste et nous aide � r�tablir si bien la situation que, peu � peu, l'antipathie se change en compr�hension et en bienveillance, enfin en amiti�, sinon davantage.

La mort apporte toujours un gain; toujours elle donne et ses dons sont des beaut�s, litt�ralement "des joies �ternelles". Il y a bien un point sur lequel nous pourrions avec r�v�rence critiquer la mort � avec r�v�rence car elle est la grande bienfaitrice. Il faut nous attendre � ne plus retrouver ni la forme que nous avons aim�e, ni la proximit� physique qui fut pour [Page 144] nous une source de joie continuelle. A coup s�r aucune religion, aucune philosophie, pas m�me la Th�osophie, ne peut absolument, tout au moins � notre pr�sent stade d'�volution, oblit�rer le sentiment d'un vide douloureux, quand avec le corps physique dispara�t tout ce qu'il a repr�sent� pour nous pendant de longues ann�es camaraderie. Nous restons sur la terre et automatiquement mettons en jeu des actions dont attendons des r�alit�s, �tant incapables, pendant un certain temps, de comprendre que la r�ponse � nos appels ne peut avoir un caract�re physique.

Claire est la r�ponse de la mort. Elle nous dit: "Je le reconnais: vous pouvez vous croire � plaindre quand dispara�t une forme aim�e. Je regrette un peu pour vous d'�tre oblig�e, l'avantage m�me de l'individu que vous aimez si tendrement, de l'aider � se d�barrasser d'une forme qui nuit � son d�veloppement. Mais laissez-moi vous assurer que je suis venue � lui pour son bien. Il faut donc t�cher d'�tre heureux pour lui, alors m�me que pour votre propre personne vous �tes attrist�. Maintenant laissez-moi vous expliquer un peu le processus qui, je le sais, m'a valu tant d'impopularit� et a fait si peur aux hommes."

II est vrai, naturellement, que l'enveloppe ext�rieure de votre ami, qu'il devait porter pour endurer les rigueurs du plan physique, n'existe [Page 145] plus. Mais votre ami n'a perdu que cela. Il est vivant, autant votre ami, aussi heureux que jamais. Que dis-je? Il est plus vivant, plus votre ami, plus heureux que jamais il ne fut. Et il voudrait vous faire comprendre que votre chagrin personnel constitue en r�alit� pour lui un surcro�t de fardeau. Il se sent plus libre, plus pr�s de vous que jamais. Sa joie et son espoir ne furent jamais plus grands; au point que l'on peut dire sans aucune exag�ration: II danse autour de vous, exalt� par le sentiment d'une d�livrance merveilleuse.

" Et vous? La d�pression et la tristesse vous entourent de leurs nuages sombres. Vous �tes repli� sur vous-m�me et vos nuages interceptent son soleil. Vous croyez que son d�part (en fait ce n'en est pas un) pour vous est un coup dur. Lui, trouve votre m�lancolie lui est p�nible. Dites-vous, et votre ignorance en serait une excuse, que vous n'y pouvez rien? Il r�pond que vous pourriez essayer de r�agir et que pour cela il est un moyen: chercher � d�couvrir ce qu'au fond est la mort."

L'ignorance ne se dissipe pas en un moment, mais plus notre savoir grandit, plus augmente notre bonheur. En fait c'est de la Th�osophie dont nous avons besoin.

La mort, d�clare la Th�osophie, nous aide � quitter nos v�tements us�s ou qui ne r�pondent plus � nos besoins, nous lib�re de leurs [Page 146] effets restrictifs et, par l�, de toute douleur et de toute souffrance, renouvelle en nous le sentiment de puissance qui s'exprime si mal quand nous habitons le corps physique, nous aide � progresser vers un ciel o� nous trouvons tous les �l�ments de bonheur v�ritable, o� la vie devient b�atitude et nous donne tous les espoirs. Et finalement la mort nous ram�ne sur la terre pour y semer et moissonner encore dans les champs du monde physique.

Le sommeil nous conf�re quelques-uns de ces avantages, car en dormant nous abandonnons aussi le corps que nous employons sur le plan physique, mais pour un temps seulement. Le lendemain matin, nous sommes de retour. Quand nous mourons nous revenons dans la vie prochaine. Point d'autre diff�rence.

Comment, au cours de notre existence, nous pr�parer � la mort si bien que, lorsqu'elle nous atteindra, nous soyons capables d'en profiter pleinement et faire en sorte que sa venue soit, pour nos proches et nos �tres ch�ris, aussi peu cruelle que possible?

Certains lecteurs tiendront probablement cette question pour malsaine et d�primante. Ils diront que la mort est un sujet fort d�sagr�able et qu'il y a tout avantage � y penser le moins possible.

Si la mort est un sujet d�sagr�able, c'est que nous ne la consid�rons pas sous son vrai jour. [Page 147] II en est de m�me pour un sujet quelconque. Nous voyons dans la mort une destruction, un an�antissement, une ennemie personnelle, et notre jugement est d'autant plus s�v�re que, nous le savons bien, elle sera t�t ou tard plus forte que nous.

Un individu aux id�es saines, poss�dant au sujet de la mort, cause de tant d'afflictions, un minimum de notions, nouera des amiti�s avec la mort, la traitera en coll�gue et en auxiliaire et enfin, quand elle viendra, en secondera intelligemment l'action. Si, pendant des ann�es, l'ignorant ne s'est pas �vertu� � �lever contre la mort ce qu'il prend pour des barri�res formidables, barri�res qu'elle renverse ais�ment, la mort non seulement se montrera moins p�nible, mais encore nous visitera en amie. Plus nous cherchons � repousser la mort, plus nous l'appelons � nous. Et la mort doit sourire en voyant nos fr�n�tiques efforts pour demeurer vivants, quand si souvent elle aurait � nous offrir des conditions beaucoup plus avantageuses que celles offertes par la "vie", celle-ci n'�tant que l'ombre d'une ombre.

A nous de tenir compte de la mort dans la fa�on d'organiser notre existence. Il faut, dans la vie, donner � la mort sa place l�gitime, car la mort est tout autant la vie que ce que nous appelons ainsi. Si on l'appelle "mort", c'est qu'elle est une vie d'un autre genre. [Page 148]

Un individu dou� de la pr�voyance n�cessaire ferait bien, pourvu qu'il poss�d�t en m�me temps assez de bon sens et un caract�re exempt de morbidit�, de se figurer parfois �tendu sur un lit de malade et souffrant beaucoup. Bien portant aujourd'hui, il aura l'espoir de faire preuve, quand il sera malade, de patience, d'endurance, d'altruisme, de gratitude, de politesse, surtout envers les personnes qui s'occupent de lui et en g�n�ral envers tous ceux qui, de temps � autre, lui rendent visite. S'il approche du moment o� il aura besoin des services de sa servante, la mort, qui l'aidera � �ter son pardessus, il aura le d�sir de voir, sans aucune crainte, approcher cette assistante b�n�vole. Il voudra consoler ceux qui redoutent (pour eux-m�mes, notez-le bien) la s�paration prochaine. Il exigera que son corps physique soit aussi disciplin� que possible pendant tout ce d�shabillage, afin de pouvoir avec aisance et facilit� aller et venir, plus l�g�rement v�tu. Le temps viendra, bien entendu, o� il devra quitter encore d'autres v�tements, mais pourquoi s'en pr�occuper, du moment o� le gros pardessus impos� par le temps assez incl�ment du plan physique lui est enlev� � son retour dans un climat plus temp�r�.

Qu'il �tudie cette affaire de la mort comme l'expose la Th�osophie de si admirable et encourageante fa�on. Que pour cela il n'attende pas [Page 149] le moment o� se pr�sentera la mort. Qu'il en �tudie la technique, car t�t ou tard il aura directement � l'observer. Cette pr�paration lui sera d'un secours immense au moment critique. Et quand on s'�tonnera de lui voir consid�rer avec tant calme ce qui est en g�n�ral si troublant, il r�pondra sans doute: "J'ai eu l'avantage de conna�tre d�j� ce qui allait arriver. Pr�venu, j'�tais arm�. Or je constate que tous les espoirs sont l�gitimes: tout est � gagner et RIEN ABSOLUMENT N'EST A PERDRE".

Voici, dirait la Th�osophie, comment pourrait se traduire notre attitude g�n�rale. Nous sommes pourvus, avec un corps physique, de sentiments, d'�motions, d'intelligence et d'un certain degr� de conscience sup�rieure. Voyageurs, nous arrivons pour nos affaires en un lieu donn�. Ce lieu, c'est le monde o�, pour le moment, nous vivons. Il faut en tirer le meilleur parti possible, comme aussi de toutes ses facilit�s, occasions ou d�savantages. Seulement, nous avons soin de combiner un voyage qui, en aucune fa�on, ne se terminera l�. Beaucoup de gens �tudient un voyage, mais seulement pour le pr�sent et pour l'avenir imm�diat. Ils le font comme si la mort n'existait pas, ou bien c'est � elle que s'arr�tent leurs plans. Nous, au contraire, nous prenons nos mesures pour travailler et nous d�velopper bien au del� de notre [Page 150] mort prochaine et de toutes les morts qui suivront celle-ci. Beaucoup de gens se contentent de garder leurs �conomies dans deux petits bas de laine, ceux du pr�sent et de l'avenir imm�diat. Nous, au contraire, nous les investissons dans la banque de la Vie qui ne conna�t ni mort ni interruption. Nous faisons le meilleur usage possible de ce que nous sommes et de ce que nous avons. Mais nos dispositions sont telles que ce qui ne peut s'accomplir dans la vie actuelle nous occupe n�anmoins d�s aujourd'hui, afin qu'un jour nos r�ves, nos visions, nos aspirations, nos id�aux puissent, �tant vrais, devenir r�els et actuels. La mort devient ainsi, non pas un obstacle, mais plut�t une auxiliaire.

Nous nous disons: "Eh bien! dans cette vie nous ferons ceci et cela. Nous allons essayer de remplir telle ou telle t�che. Mais, si nous ne pouvons r�aliser tous les projets form�s pour cette vie, nous en avons tout le temps. Nous irons aussi loin que possible. Alors viendra la mort et, gr�ce � elle, nous serons pr�ts � aller plus loin dans la vie prochaine. Nous avons �chou�? Peu importe. Le temps dont nous disposons est limit�: � nous d'en profiter le plus possible. Il n'y a pas lieu de regretter de n'avoir pu faire tout ce que nous esp�rions. Ce qui ne peut se faire dans l'existence actuelle [Page 151] pourra l'�tre dans celle de demain ou d'apr�s-demain ou plus tard encore. Une vie n'est qu'un jour et les jours sont nombreux.

Tout sentiment d'impuissance et de d�sespoir s'�vanouit. Pour l'�tudiant en th�osophie sachant mettre en pratique ses connaissances, point de d�couragement ni impression d'�chec ou d'impuissance. "Ce que je ne puis faire aujourd'hui, je le ferai un autre jour. Comment me croirais-je capable de tout faire en une fois? Ce que l'on pourrait accomplir aussi vite et aussi facilement ne vaudrait gu�re la peine d'�tre entrepris."

C'est pourquoi le sage ne s'applique pas seulement � ce qu'il entend achever dans la vie pr�sente; il entreprend aussi des t�ches qui retiendront son attention pendant une succession d'existences. Il voudra par exemple devenir un grand musicien, un grand artiste, un grand savant, un grand philosophe, un grand homme d'�tat, un grand orateur, un grand �crivain, un grand instructeur religieux, un grand bienfaiteur de l'humanit�, un grand soldat ou marin, un grand n�gociant. En ce qui concerne la vie pr�sente, de semblables espoirs ne peuvent �tre que des r�ves, mais s'il comprend la nature de la mort il commencera sans tarder � jeter les fondations qui lui permettront d'atteindre les cimes auxquelles il aspire. [Page 152] Certain de l'avenir, il s�mera tout de suite le grain; il en r�coltera la moisson, dont il est heureux d'attendre le jour.

Que la vie serait diff�rente si nos projets s'�tendaient plus loin que la mort, dans la vie nouvelle et au del�!

Il est d�licieux, comme le savent certains d'entre nous, de projeter ce que nous essaierons de faire dans notre vie prochaine et ce que nous sommes d�cid�s � devenir; de consid�rer la mort comme une des bornes milliaires jalonnant notre route; de sentir que rien ne nous est impossible; de savoir que la mort, loin de clore d�finitivement la vie, a pour effet contraire son acc�l�ration.

Il est d�licieux, comme le savent certains d'entre nous, de comprendre que les frustrations dont nous nous sentons prisonniers, nos malaises, nos infortunes, nos incapacit�s ne peuvent durer bien longtemps; que notre lassitude, surtout quand nous devenons vieux, dispara�tra sous l'action amicale de la mort; que celle-ci nous rajeunira et que nous aborderons la vie prochaine avec toute la joie de vivre qui marque, comme la plupart de nous le savent, les d�buts de notre existence actuelle.

La mort peut venir, de temps en temps, nous priver de toutes les relations diverses que nous [Page 153] th�saurisons si passionn�ment et ainsi nous inspirer la r�volte contre une apparente mal�diction, mais en fait la mort vient simplement nous faire quitter des relations moins belles et moins �ternelles qu'elles n'�taient destin�es � �tre, et de les remplacer par d'autres unissant le m�me groupe de camarades, mais d'une qualit� toujours plus voisine de la r�alit�, donc de la beaut�.

C'est vraiment pour la mort un r�le ingrat que d'�veiller pareille hostilit�, quand elle remplit une mission bienfaisante, sous l'affreux d�guisement de fl�au dont l'affuble notre ignorance.

N�anmoins, la mort demeure notre tendre amie, car elle est du nombre des plus grands et des plus vrais messagers de la vie �ternelle. N'est-il pas temps que certains d'entre nous la connaissent et la voient sous son v�ritable jour?

En r�alit�, la mort a pour le Th�osophe peu ou point de terreurs; aussi l'id�e de s'y pr�parer quand il est en bonne sant� lui semble-t-elle non seulement naturelle, mais encore prudente et pr�voyante.

Ajoutons une ou deux observations. Voici la premi�re. Le corps physique m�ne une existence particuli�re et ind�pendante, �trang�re � l'individu; il r�siste donc souvent � la mort alors m�me que l'individu, touch� lui aussi par elle, y consent pleinement. Souvent un [Page 154] individu pour qui la mort n'a pas de terreur s'aper�oit qu'elle en a pour son corps et cherche � excuser celui-ci d'�tre � lui seul un �l�ment de rouble. Les luttes et les angoisses qu'offrent parfois les lits de mort, et l'�vidente r�pugnance du mourant sont bien souvent la preuve que le corps physique lui-m�me ne veut pas se dissoudre et c'est peut-�tre assez naturel, car effectivement il se d�sint�gre. Ayant fait son temps, il cesse d'exister mais regrette que sa journ�e n'ait pas �t� plus longue.

L'individu, lui, est en g�n�ral tout pr�t � s'en aller, sachant que la mort n'a rien de terrible et qu'en r�alit� non seulement il passe d'une prison dans un jardin, mais encore ne perd pas une seule des joies �prouv�es ici-bas, sauf les plaisirs sensuels qui n'ont rien � voir avec le vrai bonheur. Amiti�, affection, camaraderie, toutes survivent � la mort, comme il s'en aper�oit si bien. En m�me temps il sympathise profond�ment, non sans impatience parfois, avec les personnes de son entourage priv�es de la perspective que lui ouvre la d�livrance prochaine.

D'o� l'importance, quand la discipline est plus facile, d'exiger que le corps soit un bon serviteur, son r�le normal, et non pas le dictateur qu'il est si souvent. Si la sant� est bonne et surtout si elle laisse � d�sirer, il vaut la peine, par mesure de pr�voyance, de ma�triser [Page 155] le corps, de lui refuser les satisfactions dont il est souvent si avide et de l'habituer ainsi � l'ob�issance en un temps o� l'individu est encore en mesure de l'imposer.

Aux approches de la mort il y aura ainsi plus de chances que le corps demeure soumis et ne se r�volte pas quand faiblit notre contr�le. A elle seule, l'intention de l'individu, nagu�re le ma�tre (toujours celle d'emp�cher le corps d'agir � tort et � travers), suffira pour que celui-ci ne sorte pas de son r�le. Mais, si nous avons eu coutume de c�der au corps, il fera une sc�ne au seuil de la d�sint�gration, d'autant plus que nous aurons v�cu surtout en termes du corps physique et de ses d�sirs.

Ceci nous am�ne au deuxi�me point.

Le corps physique ayant cess� d'exister, nous n'avons plus le moyen de satisfaire les d�sirs qui int�ressent plus sp�cialement le corps physique. Nous ne pouvons plus contenter les app�tits qui, dans une certaine mesure, ne peuvent �tre en rien assouvis sans le corps physique. Nous ne pouvons plus subvenir � des exigences telles qu'aliments et boissons agr�ables, c�t� physique du plaisir sexuel, effets calmants d'une pipe, d'un cigare ou d'une cigarette, celle d'un stup�fiant, ni toute autre convoitise se rattachant au corps physique. In�vitablement il se produit dans ce qui reste de nous un sentiment vide p�nible et [Page 156] nous luttons d�sesp�r�ment pour le combler, sans �videmment y parvenir, bien que, et ce cas n'est pas commun, le vampirisme puisse momentan�ment procurer une satisfaction illusoire destin�e � �tre pay�e d'un prix terrible.

Il vaut la peine de faciliter immens�ment la vie d'outre-tombe en r�duisant peu � peu l'aspect physique de l'existence, sans naturellement nuire en rien � la sant�. Plus nous avan�ons en �ge, plus il convient de renoncer aux habitudes dont la satisfaction exige le corps physique. Alors, quand viendra le temps de mourir, le corps se trouvant beaucoup plus affin�; nous ne serons plus suivis par toutes sortes de d�sirs dont nous serions esclaves et qui, litt�ralement, nous mettraient en enfer dans l'au-del�.

Quand des Th�osophes conseillent ces pr�parations en vue de l'existence nouvelle qui suit la mort, on leur reproche parfois de condamner la joie parce qu'ils invitent � distinguer entre les plaisirs qui ne sont que des plaisirs et les plaisirs qui, t�t ou tard, se r�v�leront comme causes de souffrance. Bien entendu, si un individu d�clare que l'avenir ne l'int�resse pas et qu'il tient � go�ter ses "plaisirs" tant qu'il en sera capable, il en est parfaitement libre. Seulement, s'il est sage ainsi au point de vue de l'autre plan, il agit � coup s�r en insens�. [Page 157]

Les Th�osophes, gens prudents, trouvent d�raisonnable de vivre sans r�gle quand un peu de sagesse pourrait assurer � la vie enti�re beaucoup plus de bonheur que ne lui en procure la fa�on d'agir des gens moins pr�voyants. Rien qui s'arr�te � un plan quelconque ne saurait vraiment satisfaire. Tout � fait � part du corps physique, une vie o� dominent les sentiments et les �motions nous donnera beaucoup de mal quand viendra le temps, pour le corps �motionnel, d'�tre abandonn� comme le fut plus t�t le corps physique. Ici, de m�me, nous poursuivrons les d�sirs d'ordre �motionnel inf�rieur qui n'auront plus, pour les satisfaire, de corps �motionnel. De m�me encore, une vie gouvern�e par l'intellect inf�rieur nous mettra en difficult� quand finalement nous d�pouillerons ce corps-l� pour aller au ciel, dans les r�gions sup�rieures du plan mental. L'orgueil et la froideur, duret�, l'�troitesse des pens�es de toute sorte,l 'esprit s�paratif, tout cela retiendra notre attention quand nous voudrions n'�tre plus distraits, �tant impatients de nous r�fugier dans les r�gions mentales sup�rieures, s�jour des aspirations et des grands r�ves.

Tous ces d�sirs devront prendre fin sur leurs plans respectifs et p�rir d'inanition avant que nous puissions aller plus avant. Par leur insistance et leur action r�trograde, ils ne peuvent que ralentir notre marche. [Page 158]

Sans tristesse et pr�voyants, tenons compte de la mort avant qu'elle ne s'impose � notre attention. Cela nous est facile, si nous sommes �tudiants en Th�osophie.

Incidemment, occupons-nous de nos relations avec nos proches et nos �tres ch�ris. Leurs corps peuvent �tre pr�cieux, et nous ne pouvons sans douleur les voir dispara�tre, mais leurs �mes, immortelles en chacun, devraient nous �tres plus pr�cieuses encore. Et si, � travers le corps, nous pouvons percevoir l'�me �ternelle et nous y associer bien plus �troitement qu'avec le corps, nous r�duirons au minimum le d�chirement de la perte physique. Ces proches, ces �tres ch�ris, nous verrons en eux des camarades anciens qui ont toujours voyag� avec nous et qui nous accompagneront encore jusqu'au jour o� la mort n'aura plus d'aiguillon.

Autrement dit, adaptons-nous constamment � l'�ternel et au r�el, si bien qu'aucune circonstance ext�rieure, f�t-ce la mort ou tout autre changement, ne puisse jamais nous donner l'impression que l'immortalit� nous �chappe, ni colorer de r�pulsion et de peur nos pens�es et nos sentiments concernant l'in�vitable. [Page 159]



CHAPITRE 11

VOUS� ET� UN� MODE� DE� TRANSCENDANCE

L'insertion de ce chapitre a, pensons-nous, sa raison d'�tre. S'il traite moins de "vous" et de votre vie quotidienne, il aborde un sujet qui devrait �tre profond�ment cher � tous; il exprime la mani�re dont l'auteur comprend la musique, illumin� par les principales v�rit�s qu'expose la science th�osophique. C'est � peine si l'on y trouvera le mot de Th�osophie, mais chaque phrase respire la Th�osophie, telle que l'auteur la con�oit. Ce chapitre est donc un exemple de Th�osophie active dans le royaume musical de l'auteur. Dans le royaume musical d'un autre, la Th�osophie chantera sans doute autrement. Pour l'auteur, la Th�osophie a glorifi� la musique et l'a rendue intime. Dans ce chapitre, il a essay� de traduire en paroles une sorte d'illumination qui cependant lui est personnelle. Si donc les pages en paraissent ennuyeuses, le lecteur ne doit pas oublier que, malgr� l'insuffisance de nos efforts, elles furent [Page 160] �crites avec joie. Vous qui �tes tent� de vous arr�ter aux premi�res, rappelez-vous qu'en vous-m�me r�gne votre propre musique et qu' � la lumi�re de la Th�osophie vous pourriez �galement vouloir chercher à exprimer son premier jaillissement.

L'auteur du pr�sent ouvrage est un musicien. De m�me pour chaque lecteur. A chacun donc devrait appartenir une fa�on musicale de s'�lever au dessus du "moins", sans pourtant approcher de la transe dont la description suivra. D'o� ce chapitre.

La vie ne pr�sente aucun fait plus important que le processus �volutif. Les individualit�s qui le constituent font entendre dans leur ensemble un chant immense, une seule et prodigieuse symphonie dont le th�me initial remonte au temps infiniment recul� o� notre processus �volutif n'avait pas encore commenc�. Ce th�me, quelle en est l'origine? Voici une petite histoire relative � l'un et � l'autre.

Dans un incommensurable pass� brillait une �tincelle de vie, pareille � d'innombrables autres et sur le point d'entreprendre, pour son d�veloppement, un grand voyage. Elle voulait, �tincelle divine, devenir flamme et puis foyer. Car elle connaissait la nature de son G�niteur et la n�cessit� de lui devenir semblable. Le grand G�niteur mit en route l'�tincelle et, avec elle, ses pareilles en nombre infini et [Page 161] les b�nit: "Va et deviens semblable � moi!". Et le grand G�niteur confia � l'�tincelle une merveilleuse note musicale, note unique, e�t-on dit, mais poss�dant en son unicit� un chant virtuel d'une extr�me complexit�, jaillissement de sons in�puisable. Ce chant-l� �tait en v�rit� un �cho parfait o� se retrouvait, avec d'innombrables variations, l'unicit� prodigieuse du chant divin dans lequel, donnant une voix � sa propre nature, il rendait hommage � son P�re Cosmique.

L'�tincelle, �tant fille du grand G�niteur, devait participer � sa nature.

Ainsi l'�tincelle re�ut la mission ou plut�t l'inspiration de chercher et de trouver le chant qui serait un jour le sien, son �tre m�me, afin qu'� son tour elle p�t donner une voix � sa propre nature et rendre hommage � Celui dont elle est messag�re. Elle vibrait d�j� de d�veloppements musicaux potentiels. Maintenant elle d�couvre par degr�s ext�rieurement � elle-m�me un monde sonore dont les ondes ne cessent de frapper en elle le moi lentement �veill�. Peut-�tre aussi, venues de tr�s loin, dirait-on, de vagues intimations lui sont tout bas donn�es de ce que, dans son incompr�hension, elle avait d'abord pris pour une surabondance de sons tumultueux. Sans force encore, elle d�sira cette impr�cision, comme un enfant tend les mains vers la lune. [Page 162]

Ainsi commen�a son aventure musicale, et aujourd'hui l'�tincelle est devenue notre commun, notre puissant G�niteur.

Chacun de nous fut ainsi mis en mouvement avec un don, celui de sa propre note individuelle, avec une promesse aussi, celle de son propre chant individuel, de proclamer avec une gloire toujours croissante sa voie �ternelle.

Le chant de notre P�re qui est dans son ciel m�lodieux, r�sonne dans toutes les existences et sa diversit� correspond aux diversit�s innombrables qui forment l'orchestre du rocher, de la pierre et de la terre; de la rivi�re, du fleuve et de la mer; de l'herbe, de la fleur et de l'arbre; des animaux qui rampent ou qui sautent; de toutes les cat�gories d'�tres humains, depuis le sauvage jusqu'au saint et au g�nie; de toutes celles enfin des �tres qui peuplent des r�gnes infiniment plus avanc�s.

Supprimez une seule note, un seul chant �veillant par sa beaut� un �cho ancien et, par son inach�vement, pr�sageant l'avenir � et le grand chef d'orchestre perd un instrument pr�cieux et indispensable � son oeuvre. Voil� pourquoi toute vie est immortelle.

Dans le r�gne min�ral la petite note entend l'appel de toute la vie min�rale ambiante, qui lui enjoint de se conna�tre et de devenir un chant. Tonnerre, �clairs, s�ismes, avalanches, temp�tes, ruissellement du plus petit cours [Page 163] d'eau, torrents et cascades �normes, calme du lac profond, �ternit� sereine de la montagne alti�re et du roc imm�morial, immobilit� de la plaine et de la mer sans rides: tout cela c'est le chant de la vie, c�l�brant la splendeur et l'inconcevable majest� de la vie; c'est la vie qui chante sa propre �ternit�.

Peuvent le percevoir ceux qui ont des oreilles pour entendre.

La petite note a �cout� ce chant pendant des si�cles. Elle-m�me y a particip�, comme un enfant se joint � un choeur d'autres enfants. Enfin elle sait le chant par coeur. Elle le r�p�te dans les chants du diamant, du saphir, de l'�meraude, de l'opale et des souverains du monde min�ral.

Peuvent reconna�tre le chant triomphal, ceux qui ont des oreilles pour entendre.

Elle chante, progresse, s'�l�ve et commence � apprendre le chant du r�gne v�g�tal.

Chaque brin d'herbe, chaque feuille d'arbre ou d'arbuste, chaque graine, chaque bouton ou fleur, chante sa m�lodie individuelle. Or la petite note qui, devenue maintenant un peu plus qu'une note, car elle r�sonne plus fort et sa musique cach�e se fait tout au fond entendre, r�pond � une musique encore inconnue, mais en quoi elle reconna�t sa propre nature et son rythme �ternel.

Et le son se propage sous formes odorantes, [Page 164] parfum�es, color�es; sans cesse il chante dans les termes d'une vie d�j� bien d�velopp�e.

La petite note l'entend, l'entend toujours et finit par l'apprendre. Puis, d'autre fa�on et � sa� mani�re� propre� elle� ajoute� son� caract�re distinctif sp�cial � ce chant de la vie v�g�tale dont chaque membre interpr�te la m�lodie conform�ment � sa propre unicit�. Il en est ainsi, d'ailleurs, dans le r�gne min�ral dont chaque membre, selon sa propre unicit� individuelle, interpr�te le chant du r�gne min�ral.�

Peuvent l'entendre ceux qui ont des oreilles pour entendre.

Ainsi commence la diff�renciation. Ainsi les types changeants, aux vari�t�s presque innombrables, commencent � choisir les sons et les chants correspondant � leurs diverses natures. La nature du diamant se rapproche�du diamant, son camarade. La nature de l'�meraude se rapproche de l'�meraude, sa camarade. La nature de l'opale se rapproche de l'opale, sa  camarade.�Et�dans�le� r�gne� v�g�tal� le� type fleur,� le� type� arbre� se� rapprochent de� leurs camarades,�fleur�et�arbre,�et�tous ensemble chantent la m�lodie issue de la note commune � laquelle� participe� chacun,� bien�� que� diff�remment.

Chaque petit groupe avance, peut-�tre collectivement, chantant la m�lodie-type, entonnant la Parole qui �tait au commencement, qui �tait avec Dieu [Page 165] car elle est plus que Dieu, et qui est Dieu car elle exprime Sa vie et Son �tre.

Et ce chant triomphal, ceux qui ont des oreilles pour entendre peuvent le percevoir.

Arbre majestueux et fleur d�licate, une vie dans le r�gne v�g�tal atteint sa royaut� et chante, dans toute sa gloire, le chant de victoire du r�gne v�g�tal. Puis elle aborde les humbles degr�s du r�gne animal afin d'y enrichir encore son chant, non point un autre chant mais une m�lodie, une variation sur le th�me originel qui n'a pas encore �t� per�u. Dans le r�gne animal r�sonnent le chant de la vie min�rale et celui de la vie v�g�tale. Dans ces chants va se d�tacher le motif qui maintenant dans un crescendo continu traverse la nouvelle phase de d�veloppement.

Dans le r�gne min�ral nous pouvons percevoir le chant de la vie avant m�me qu'elle n'atteigne le stade min�ral de sa croissance. Ceux qui ont des oreilles pour entendre peuvent entendre le chant de la vie quand elle grandissait d�s avant son stade min�ral. Et, compl�tant cette musique primitive, r�sonne le motif min�ral, avec ses variations correspondant aux types et aux diff�rences.

Dans le r�gne v�g�tal le motif min�ral devient l'arri�re-plan imm�diat. En m�me temps [Page 166] le motif pr�-min�ral s'�loigne sans pourtant �tre final, car le chant du grand Protagoniste est seul final. Encore son chant lui-m�me est-il un �cho d'une autre m�lodie qui fut chant�e avant l'origine de notre temps.

A ces motifs s'ajoute alors celui de la vie dans le r�gne v�g�tal qui arrive graduellement � son apoth�ose. Une fois encore le type choisit le type; il se rapproche de la vie et de la forme typiques, et le groupe progresse en chantant. D�s lors passe au premier plan le motif du r�gne animal.�Il�fait passer imm�diatement derri�re lui le motif v�g�tal. La royaut� s'atteint dans le r�gne animal sous ses plus nobles formes. On entend un chant plus riche et plus splendide:��chant de�triomphe�proclamant qu'une nouvelle �tape de la Grande Voie a �t� parcourue et d�pass�e.

Imaginez que le plus bel animal connu de vous repr�sente un chant. Cessez, un instant, de� voir� la� forme,� d'en� subir le�charme, de vibrer � l'unisson de sa joyeuse vitalit�. T�chez d'�couter seulement le chant de son �tre, chant silencieux� pour��ceux�dont�l'ou�e�n'est�pas encore �veill�e et pour lesquels cela ne repr�sente�peut-�tre� aucun� chant.�Mais, pour� les autres, c'est un chant v�ritable et qui monte jusqu'au ciel.� �coutez le chant de la vie o� elle puise ses premi�res le�ons. �coutez, dans l'animal m�me, son chant de triomphe, celui [Page 167] de sa royaut� dans le r�gne min�ral. �coutez en lui la voix triomphante d�clarant � la Majest� Divine qu'un de ses enfants ayant obtenu à son tour des grands saluts, demande � Celui dont il est issu d'ouvrir la porte menant � salut nouveau. Écoutez dans l'animal, votre compagnon affectionn�, le chant dont les accents vainqueurs ouvriront un jour � sa vie une autre porte lui permettant de se rapprocher du salut final propre aux r�gnes inf�rieurs.

Oui, vous pouvez percevoir ces autres chants dans les r�gnes inf�rieurs, ascensions successives vers un ciel d'o� la vie reviendra sur une terre plus belle. Vous pouvez entendre le chant des vies min�rale et v�g�tale, qui accompagne leur marche vers une vie plus haute. Mais chez l'animal, plac� au seuil de votre propre r�gne et qui bient�t va commencer � apprendre le chant que vous apprenez vous-m�me, le chant triomphal d'un salut qui fait de l'animal votre camarade en un m�me r�gne, doit vous inspirer une joie sp�ciale car ce chant vous le connaissez; vous l'avez chant� vous-m�me; vous vous en souvenez comme en une extase; vous avez le sentiment de vous r�jouir une fois encore d'�tre sauv�; enfin, avec un courage accru, vous progressez vers le salut o� se confondent tous les autres saluts moins complets. [Page 168]

Ceux qui ont des oreilles peuvent entendre les chants de l'animal sauvage, de l'animal domestiqu� et surtout, des animaux de rang souverain.

Et maintenant, dans le r�gne humain, nous chantons tous le chant de la vie. Les motifs anciens forment un accompagnement ins�parable, un arri�re-plan, o� se d�veloppe de plus en plus la m�lodie �ternelle qui, de r�gne en r�gne, r�sonne de plus en plus fort.

Enfin nous percevons ce chant de la vie comme nous ne l'avons jamais fait encore. D'abord endormis, nous ne l'entendions pas. Puis, bougeant un peu, nous percevions de faibles sons. Puis des fragments de m�lodie frapp�rent notre oreille. Puis naquit en nous la conscience d'un chant. Maintenant, dans le r�gne humain, nous nous entendons nous-m�mes, comme aussi notre prochain. Nous commen�ons consciemment � d�sirer la musique et � mener des existences musicales. Jusque-l�, pourrait-on presque dire, nous avons �t� chant�s. A nous maintenant de chanter; de nous rappeler nos notes �ternelles, celles qui marqu�rent le d�but de notre p�lerinage musical; enfin de traduire en notre chant toute la gloire du r�gne humain.

Il s'agit pour nous, maintenant, de chanter consciemment, en comprenant parfaitement la valeur de chaque note dans la m�lodie de notre [Page 169] �tre. Ainsi les notes se suivront, au fur et � mesure que se d�veloppent la puissance et la sagesse de la nature individuelle.

Il faut apprendre � employer l'intellect pour chanter juste, avec �l�vation; les �motions pour chanter avec sensibilit�, r�v�rence, aspiration; le corps pour que notre chant soit pur; et, tous ensemble, pour qu'il soit cr�ateur, afin qu'un jour, quand nous aurons obtenu les saluts des r�gnes sup�rieurs, nous puissions chanter int�gralement le chant de notre �tre et amener autour de nous un oc�an de vie endormie � bouger, � s'�veiller, � progresser.

D'abord nous disons que la musique c'est ceci ou cela, qu'ailleurs sont la dissonance et la cacophonie. D'abord nous fermons l'oreille � ce que nous prenons pour un bruyant et vilain tapage. D'abord nous jugeons, applaudissons, condamnons, et telle g�n�ration condamne souvent ce qu'exaltera la g�n�ration suivante.

Cependant, par degr�s, la m�lodie de notre signification et de notre but individuels et �ternels domine le chaos vocal qui nous entoure dans chaque r�gne naturel. D'abord, assez souvent, notre chant est tr�s complexe; il abonde en permutations et en combinaisons �nigmatiques. La vie para�t tr�s complexe et notre chant en porte le caract�re. N�anmoins, malgr� la complexit� de notre chant, il est [Page 170] bien une m�lodie inachev�e, car il n'exprime que nous, tout au moins pour notre oreille et tels que nous sommes en termes d'une �poque donn�e. C'est une m�lodie incompl�te car l'intellect, les �motions et toute autre conscience sont tr�s imparfaitement d�velopp�s. La m�lodie est inachev�e car nous croyons impossible de poursuivre au-del� du tombeau, comme des restrictions impos�es par foi, race, nation, croyance. La m�lodie est inachev�e car si, jusqu'� un certain point, nous entendons chanter le pass� et d'une fa�on plus claire le pr�sent, l'avenir pour nous reste silencieux, bien qu'en fait il ne le soit pas.

O� sont parmi nous, � l'exception de certains grands po�tes, artistes et musiciens et des caract�res vraiment hors de pair dans tout autre d�partement de la vie, o� sont les gens capables d'entendre la musique de l'avenir ou la musique de l'�ternel? Qui, entendant une gamme, pourrait dire d'une de ces notes : "Voil� ma note, dans la limite o� l'instrument lui permet de r�sonner" ? Qui, entendant une m�lodie ou une s�quence d'harmonies, pourra dire: "Telle s�quence m�lodique, tel d�veloppement d'harmonie exprime l'essence de mon �tre" ? Qui, entendant chanter par un personnage �minent son propre chant de vie, est capable de dire: "Voil� un chant qu'un jour je chanterai mais, bien entendu, d'autre fa�on ?" [Page 171]

Nous chantons depuis des temps infinis, mais avons-nous commenc� � entendre notre propre chant? Dans le r�gne humain nous devons arriver � une certaine perfection auditive, bien que la perfection absolue du chant ne soit pas encore demand�e. Des complexit�s marquant nos d�buts nous devons passer aux simplicit�s vocales qui forment la base m�me de notre �tre. Ainsi, toujours en qu�te de notre note �ternelle, nous arriverons � percevoir la structure partielle �difi�e sur cette base, gr�ce aux mat�riaux sonores accumul�s par nous de r�gne en r�gne. Alors nous deviendra possible la construction partielle de la superstructure subtile, avec les mat�riaux r�unis dans notre pr�sent r�gne humain.

Point de vraie musique o� nous ne puissions percevoir un son �ternel et basique, un motif voulu, un mouvement vers une fin �lev�e ou vers l'intimation d'une musique pour laquelle nous manque encore un moyen de transmission.

Point de vie r�elle si la musique de nos vies n'est ainsi caract�ris�e. Mais la musique des grands hommes, celle des Dieux, de la nature en ses aspects multiples, nous rappellent que nous pouvons rendre sublime notre propre musique.

C'est pourquoi nous �coutons la musique de la croissance, celle du triomphe et du salut, celle [Page 172] de l'avenir. Chacune chante autour de nous, en nous, partout et toujours.

Ceux qui ont des oreilles pour ou�r peuvent �couter et apprendre � s'ordonner en splendides ondes sonores, � la gloire du grand Compositeur et Chef divin de l'orchestre qu'est la vie; ils peuvent h�ter ainsi leurs progr�s individuels.

O� vous m�nera votre musique � min�rale, v�g�tale, animale, humaine? Est-ce au chant du saint qui consacre sa vie � la contemplation mystique, � l'extase, � l'union avec Dieu? Est-ce au chant du scientiste qui consacre sa vie � la d�couverte, � l'analyse, � la synth�se, � l'expression pr�cise de ses espoirs? Est-ce au chant du h�ros qui consacre sa vie � l'action valeureuse, � l'aventure intr�pide, � la haute chevalerie? Est-ce au chant de l'artiste qui consacre sa vie � l'exaltation de la forme qu'il anime en termes de dessin exquis, de couleur, de son? Est-ce au chant du souverain, dont l'id�al est celui du chef irr�sistible ou du grand homme d'�tat? Est-ce au chant du n�gociant qui s'applique � faire honn�tement fortune et � la bien employer; � obtenir de la terre maternelle ses tr�sors dont elle nourrira ses enfants dans tous les r�gnes naturels? Est-ce au chant de l'homme dont l'id�al est de servir, quel que soit le service, humble ou grand, qui lui est demand�? [Page 173]

Que sera l'unicit� de votre chant triomphal, celui de votre salut dans le r�gne humain, celui qui fera s'ouvrir la porte vous permettant de passer au r�gne suivant? Ce n'est pas votre premier chant triomphal et chaque fois, parmi les citoyens de la Vie, vous vous �tes �lev� d'un degr�. Une fois de plus vous chantez le chant du salut appropri� au r�gne humain afin de pouvoir passer de la royaut� de ce r�gne � un droit de cit� surhumain. Et de l�, devenant de nouveau roi, vous monterez plus haut encore.

N'entendez-vous pas en vous-m�me, dans votre note primordiale, d'abord trop cach� pour �tre perceptible mais aujourd'hui bien d�velopp�, n'entendez-vous pas, tout au moins comme chuchot�, l'hymne de votre �tre �ternel et unique? Ne commencez-vous pas enfin, m�me vaguement, � conna�tre votre chant? Alors t�chez de le chanter dans votre vie, m�me s'il doit d'abord �tre incertain et comme l'ombre d�form�e de sa r�alit�. Que votre chant triomphal r�sonne comme un appel de clairon, afin de proclamer l'av�nement royal d'une �me qui approche du terme humain et qui, par cette proclamation m�me, encourage les �mes, ses soeurs, � mieux se conna�tre.

Le son comporte des vari�t�s presque infinies, toute musique en formation, son croissant, �voluant, se d�veloppant. Il y a la [Page 174] musique de la foule, tant�t aigre, tant�t sinistre et brisante, tantôt d'une beauté qui ennoblit; elle est en g�n�ral assez discordante.

Il y a, dans une assembl�e, la musique des auditeurs; elle d�pend du degr� o� l'orateur, ne se bornant pas � prononcer des mots, agit plut�t en chef d'orchestre qui �voque et arrache la musique � ceux qu'il dirige. Elle exprimera ou l'appr�ciation, ou la d�sapprobation, ou une hostilit� violente, ou une respectueuse adh�sion, ou une consid�ration critique.

Il y a la musique de la ville o� se presse une vie en �volution, toujours en conflit. Souvent on la per�oit plus clairement de loin.

Il y a la musique du village, de l'�glise ou du temple, du th��tre, du cin�ma, de l'habitation, de la parent�, des v�tements et des objets domestiques, des navires, des affaires, des machines, des enfants qui jouent ou travaillent, des trains et des avions, des grands travaux d'ing�nieur, des tableaux et de la sculpture, des livres, des journaux, des revues et m�me de nos aliments.

Il y a la musique �motionnelle, la musique intellectuelle, la musique sp�ciale � chaque �tat de conscience, la musique exprimant chaque phase de la pens�e, chaque nuance de sentiment, de d�sir, d'esp�rance. Il y a la musique du d�sespoir et de l'abandon, du chagrin, de la joie et du rire. Tout cela, en v�rit�, est [Page 175] musique bien que, � notre pr�sent degr� d'�volution, nous puissions ne point la reconna�tre, tant y abondent ce que nous appelons les dissonances.

Or ce mot ne signifie que musique incompl�te, "obscurit�" devenant peu � peu lumi�re. Parfois aussi la dissonance n'est que musique endormie.

Essayez de suivre votre musicien ou compositeur pr�f�r�, au cours de ses explorations personnelles dans ces r�gions o� le vrai artiste fait ses d�couvertes, que celles-ci s'expriment en termes de son, de couleur ou d'un autre genre de forme.

Tout grand artiste arrive � entrevoir l'�me sup�rieure quand, dans un �tat de v�ritable extase, dans un �tat o� de la conscience normale il est �lev� � un degr� supra normal (qu'il s'agisse d'un artiste en paroles ou en une substance mat�rielle ou en tout autre m�dium se pr�tant � l'expression de la vie), toujours il atteint une r�gion de conscience sup�rieure, y r�pond � certaine vibration subtile, simple ou complexe. Puis il en rapporte une r�miniscence qu'il s'attache � exprimer par une cr�ation merveilleuse, ou par ce qu'elle est en r�alit�: un reflet de la vie plus d�velopp�e. De l� na�t une intimation de la conscience �largie.

S'agit-il de quelques g�nies cr�ateurs, la vision qui est enfin rapport�e ici-bas est per�ue dans une simplicit� fondamentale, note [Page 176] vibrante d'harmoniques; ligne unique mais peut-�tre infiniment suggestive d'implications; cou�leur unique o� abondent les d�veloppements visuels. A mesure que la vision, s'�loignant de son propre plan, descend sur la terre, la simplicit� s'�panouit et finalement devient symphonie, statue ou tableau.

S'agit-il d'autres cas de g�nie cr�ateur, la vision est d'abord plus complexe. Il se peut alors qu'en descendant ici-bas elle perde un peu de sa splendeur, au lieu se d�velopper.

Mais toujours, bien entendu, le m�dium de l'expression devenant plus dense, une certaine d�perdition est in�vitable. Souvent le voyant constatera tristement son incapacit� absolue de reproduire sa vie telle qu'il la contempla, telle qu'il en fut enthousiasm�.

Essayez, en �coutant de la musique, d'en comprendre le sens et l'enseignement spirituel, car la musique peut, tout autant qu'un livre, offrir un texte sacr�, comme le peuvent aussi un tableau, une statue, un �difice. Une bible peut s'exprimer en mots, mais aussi couleur et en son. Il en est certainement ainsi dans la nature, dans l'aurore et dans le coucher du soleil, dans le paysage et dans l'oc�an, dans les �toiles et dans les nuages. Perdez-vous vous-m�me en laissant la musique vous conduire vers votre Moi sup�rieur. Perdez le monde inf�rieur et s�journez dans les altitudes. Vous [Page 177] vous r�adapterez ainsi � votre Moi r�el. Pour la plupart, nous nous cramponnons beaucoup trop au moi inf�rieur, qui est le moindre. Nous nous� y attachons si� d�sesp�r�ment que nous en devenons les esclaves. Peu de moyens plus puissants que la musique pour �chapper � une telle servitude, � condition que ce soit la musique sup�rieure et non l'inf�rieure. Le jazz est bien un genre de musique, o� la musique est-elle absente? Mais en nous, celui-l� devrait avoir bien� pass� au� second� plan.� Le� maintenir au premier nous fait reproduire en nous-m�me une p�riode �volutive que les hommes civilis�s devraient avoir d�pass�e depuis longtemps.�� A�� quoi�� bon� �r�p�ter�� une�� le�on�� d�j� apprise, ou revenir dans l'�cole humaine aux premi�res classes, quand nous devrions approcher du terme de notre carri�re scolaire?

Il�est�extr�mement�important�pour nous, non seulement d'�couter de la musique, mais encore d'en cr�er. En Occident, l'activit� cr�atrice dans le domaine musical est peu encourag�e et l'on insiste beaucoup trop sur l'appr�ciation de la musique�déjà compos�e. Pourtant, d�s les rudiments de l'�tude musicale, il faudrait stimuler vivement le besoin de cr�er. Les�premiers�essais��peuvent��tre�des plus na�fs, mais il importe beaucoup que le jeune musicien s'attache � d�couvrir la musique, � s'�battre en musique, � faire des exp�riences [Page 178] en musique, � chercher sa propre note et son propre chant. Se borner � enseigner aux enfants les gammes et la technique g�n�rale et leur faire reproduire les compositions d'autrui, peut � peine s'appeler enseignement musical. Celui-ci consiste � r�v�ler d'abord � l'enfant la vie et l'�me de la musique, et ensuite seulement � diriger son attention sur les formes. Il doit d'abord aimer la musique, puis chercher � se faire une petite musique � lui, puis chercher � reproduire la cr�ation d'un ma�tre musicien. Avec le temps, l'appr�ciation toujours croissante des chefs-d'oeuvre devrait nous faire d�couvrir que nous sommes nous-m�mes des chefs-d'oeuvre musicaux, et nous inciter ainsi � nous reproduire nous-m�mes en sons, comme nous pourrions aussi bien le faire en couleurs, ou autres genres de forme.

Aux Indes, la musique ne pr�sente pas les harmonies caract�ristiques de la musique occidentale, mais elle a sur celle-ci un grand avantage: c'est qu'elle encourage la composition musicale avec un succ�s extraordinaire. Dans tout concert indien une partie du programme comporte une improvisation des divers artistes. Le chanteur improvise et le violoniste l'accompagne d'une fa�on �tonnante. A son tour le violoniste improvise. Alors le merveilleux tambour indien en fait autant sur son propre instrument et d�montre de fa�on [Page 179] saisissante la force et la musique au rythme pur.

Dans quel concert occidental nous attendrions-nous � entendre un chanteur, un violoniste, un violoncelliste, un hautbo�ste, un fl�tiste ou le magicien qui tient les tambours, improviser en notre pr�sence? Cependant l'improvisation et la composition importent beaucoup plus � l'art musical vrai. Pas un individu qui en composition musicale ne soit incapable de rien accomplir. Un individu d�clare-t-il qu'il n'est pas musicien, ni artiste, ni peintre? Il ne dit pas la v�rit�. Il est tout cela au supr�me degr�, bien que la facult� de s'exprimer en termes intelligibles puisse lui manquer. Chacun de nous est dans son coeur un musicien, artiste et parfois, sans doute, se voit s'entend lui-m�me en termes couleur. Incapable peut-�tre jouer d instrument ou peindre, il a n�anmoins en esprit fait la belle musique, peint tableau lumineux, con�u telle forme splendide.

Gr�ce � la Th�osophie, gr�ce � son inspiration et � sa r�v�lation absolument impersonnelle de l'�ternelle v�rit�, la facult� cr�atrice finit par s'�veiller. Nous nous rapprochons ainsi de notre Divinit� dont l'esprit cr�ateur est l'�me. [Page 180]


CHAPITRE 12


VOUS, EN QUETE DE LA BEAUTE

Existe-t-il, des principes essentiels de la Th�osophie tels que nous les comprenons, une application primordiale et g�n�rale? Un service que nous devions rendre individuellement � notre entourage en vertu des notions que nous poss�dons sur la vie?

La t�che de tout Th�osophe, qu'il soit ou non de la Soci�t� Th�osophique, est �videmment d'att�nuer chez Les ignorants la facult� de faire le mal et d'augmenter chez les inform�s celle de faire le bien. Le but supr�me de la Th�osophie est, � coup s�r, de dissiper sous l'influence de son rayonnement lumineux les sombres nuages d'ignorance qui voilent et d�forment la lumi�re n�cessaire � tout �tre vivant, afin d'�clairer sa voie. Chaque individu, au moins dans le r�gne humain, devrait �tre conscient de son ignorance, bien constater [Page 181] les limites de son savoir, toujours aspirer � les d�passer et � tenter de franchir ces fronti�res que vous �tes convenus de tenir pour inviolables.

La Th�osophie ne se borne pas � nous donner individuellement une id�e plus claire des connaissances d�j� en notre possession; elle nous donne aussi � entendre tr�s nettement la nature de la sagesse qui d�passe encore notre compr�hension. Aussi pouvons-nous, gr�ce � la Th�osophie, non seulement mettre en ordre nos connaissances pr�sentes, mais encore �tablir nos plans pour la demeure plus vaste que, t�t ou tard, nous serons press�s de construire.

Innombrables, bien entendu, les directions qui m�nent � la clarification de nos connaissances actuelles et ainsi � la facult� de jeter les fondations d'une science plus haute. Mais nous trouverions avantage � savoir qu'il existe un principe g�n�ral commun � toutes les directions et qui se rattache � l'�ternelle et universelle base de la v�rit�.

S'il existe bien un semblable principe g�n�ral, il serait utile de le renforcer l� o� il se manifeste d�j� et de lui donner expression l� o� il est encore absent.

Le principe ou qualit� de la beaut� n'est-il pas inh�rent � la v�rit�, � la sagesse? La Th�osophie, en ce qui concerne sa v�rit� et sa valeur, ne tient-elle pas debout, ne [ Page 182] s'effondre-t-elle pas, dans la mesure o� elle affirme que le beau seul est essentiellement vrai; o� elle montre en lui l'h�ritage supr�me de notre d�veloppement; o� elle d�montre que le beau est le parfum persistant de l'exp�rience; o� elle donne � comprendre que le beau est un facteur toujours plus important dans l'existence des hommes dont la vie est naturelle et ne comporte, en cons�quence, point de gaspillage. Si la Th�osophie est vraie, il faut que beaut� tienne plus de place dans la vie du Th�osophe que dans celle de la plupart des individus ordinaires. Si la Théosophie est vraie, les plus petits d�tails de sa vie quotidienne doivent pr�senter un �l�ment de beauté peu commun chez d'autres. Il doit mener une vie plus belle, �prouver des sentiments plus beaux. Chez lui, pens�es, paroles, actions, esp�rances �tre plus belles.

Il doit �tre capable de percevoir plus nettement la beaut� dans tous ceux qui l'entourent et de la mieux appr�cier. Ses relations avec la nature doivent �tre plus belles, parce qu'il y a en lui plus de beaut� pour entrer en contact avec la beaut� ext�rieure. La beaut� n'est absente nulle part. Il se peut que vous ne puissiez la percevoir, ou qu'elle soit faible, ou qu'elle vous soit cach�e par bien des choses �trang�res � son genre sp�cial et naturel. Impossible de jamais affirmer la non-existence [Page 183] de la beaut� en un point quelconque, car la beaut� et la vie sont de m�me essence, et la vie est universelle.

Un Th�osophe bien instruit devrait sans peine reconna�tre la beaut� dans toutes les formes de vie possibles. La plupart des gens peuvent dire avec insistance que dans telle ou telle forme de vie il n'y a aucune beaut� et que la laideur y surabonde. Mais, comme le sait le Th�osophe, si tout para�t "laideur" dans telle ou telle forme de vie, elle est �ternellement compens�e par une �tincelle de beaut�, m�me peu brillante.

Qu'est-ce donc que la laideur? Existe-t-elle seulement? La laideur r�gne-t-elle partout dans le monde pr�sent?

L'auteur sera-t-il compris s'il d�finit la laideur comme une beaut� d�plac�e, c'est-�-dire qui, dans un stade d'�volution ant�rieur, aurait pu m�riter son nom, mais qui depuis plus ou moins longtemps a cess� d'�tre la beaut� appropri�e � un stade d'�volution plus r�cent? La laideur c'est la beaut� qui a fait son temps, la forme ou tout autre genre de conscience qui aurait d� quitter la vie pour �pouser des formes se rapprochant davantage d'un d�veloppement plus avanc�. La statue du Christ par Epstein peut bien sembler belle � un sauvage, mais certainement pas � un homme civilis�; elle est donc laide. Epstein, pourrait-on [Page 184] presque dire, a reproduit pour l'�volution pr�sente la beaut� d'il y a des milliers d'ann�es. Or cette beaut� ne peut plus s'acquitter pour nous des devoirs sp�ciaux de la beaut�; nous l'appelons donc laideur.

Par cons�quent, si la laideur existe, c'est que parmi nous nul ne se d�livre assez vite de ce qui jadis a pu �tre beau pour lui mais est laid maintenant parce que nous y restons attach�s alors qu'il faudrait l'abandonner. Si la laideur s�vit dans le monde actuel, c'est que le monde ne monte pas plus vite, comme il le pourrait, de l'�chelon �volutif o� il se tient aujourd'hui � l'�chelon qu'il est destin� � occuper demain.

La beaut� abonde en chacun de nous; elle abonde aussi dans le monde entier; elle pourrait abonder davantage. Il pourrait y avoir plus de sagesse; il y aurait alors plus de beaut�. Il pourrait y avoir plus de respect et de compr�hension; il y aurait alors plus de beaut�.

Serait-il donc possible de donner une d�finition g�n�rale de la beaut� n�cessaire � chacun de nous comme au monde ext�rieur?

Oui et non. Oui, en ce sens que la civilisation est arriv�e � un certain degr� qui, pour bien s'exprimer, exige certaines beaut�s. Il existe une supr�me et commune mesure de [Page 185] beaut� pour le monde dans son ensemble, pour le monde qui se d�clare civilis�.

Non, en ce sens que chaque individu poss�de une beaut� qui lui est sp�ciale et dont il a besoin.

La beaut� que devrait d�ployer X et but de ses efforts peut fort bien �tre radicalement diff�rente de la beaut� convenant � Y.

Ce qui, par exemple, est beau pour un sauvage peut, � tr�s juste titre, �tre laid pour l'individu plus civilis�, car celui-ci ne devrait plus avoir l'emploi de ce genre sp�cial de beaut�.

Le beau, pour un animal et pour chaque esp�ce animale, ne sera pas le beau g�n�ralement appropri� au r�gne humain. Il en est de m�me relativement aux r�gnes v�g�tal et min�ral.

Enfin le beau appropri� � un r�gne surhumain sera sans doute radicalement diff�rent de celui qui suffit au r�gne humain.

Beaut� et laideur sont ainsi des termes relatifs. Le laid, c'est ce qui a fait son temps. Le beau, c'est ce qui exprime aussi parfaitement que possible, � son pr�sent stade d'�volution, l'individu tel qu'il est et tel qu'il doit devenir. Mais d�s que cet individu est pr�t � passer du moins o� il se trouve au plus qui l'attend, ce qui fut beau pour lui commence � devenir [Page 186] "laid" dans la mesure o� il se refuse � laisser ce qu'il admirait jadis se perdre dans la notion nouvelle de beaut� correspondant � la vie plus vaste au seuil de laquelle il se tient.

En toute vie tout est beau, car en elle tout a sa place, mais il faut que le beau soit effectivement � sa place, autrement il para�t �tre, il est en r�alit� laid. Est beau ce qui n'est pas d�plac� et, pour nous, ce qui est conforme � notre stade d'�volution particulier. Autrement le beau n'est pas tel pour nous, au point o� nous sommes, bien que nous devions arriver � l'appr�cier l� o� il est. Plus haut que notre �chelon actuel le beau n'est pas encore le n�tre, bien que nous devions apprendre � l'appr�cier l� o� il est. Nous ne devons, sous aucun pr�texte, m�priser une beaut� qui nous a aid�s � atteindre notre stature pr�sente. L� o� elle est, cette beaut� subsiste, m�me si nous n'en avons plus besoin. Nous ne devons point non plus nous contenter de la beaut� qui pour le moment nous convient. Cette beaut�, � son tour, c�dera le pas � une beaut� plus haute que nous devrions le plus t�t possible chercher � comprendre.

Il faut, humblement mais sans tr�ve, rendant ainsi hommage � la vie int�rieure qui devrait couler en nous comme un fleuve toujours plus puissant et plus clair, examiner les moindres d�tails de nos existences [Page 187] quotidiennes, qu'ils soient d'ordre int�rieur ou g�n�ral. Alors nous serons certains d'exprimer toute la beaut� qui est accessible � notre stade actuel.

Nos demeures, nos go�ts, nos d�sirs, nos attitudes, notre langage, nos actions pr�sentent-ils des laideurs? C'est-�-dire, n'atteignons-nous pas dans nos vies le "standard" qui est naturel � notre pr�sent stade d'�volution.

Examinons nos v�tements, nos chambres, nos aliments, notre travail. Examinons � quel point nous sommes capables d'appr�ciation. Examinons nos loisirs, nos opinions, nos convictions, nos esp�rances et nos craintes. Examinons nos relations.

Tout cela est-il pour nous aussi beau que possible? Un artiste, entrant chez nous, peut condamner notre maison comme laide, sans r�mission. Il peut avoir raison mais la question est autre. Notre maison est-elle laide, �tant donn� notre point d'�volution? Un individu de go�t raffin� en mati�re vestimentaire peut, voyant notre costume, nous trouver plus que vulgaires et na�fs. Le sommes-nous � l'exc�s � notre place actuelle et non � la sienne?

Un individu tr�s difficile au point de vue cuisine peut juger nos repas immangeables; cependant ils peuvent convenir � notre stade pr�sent. Un individu dont la facult� d'appr�ciation est tr�s d�velopp�e peut fort bien se [Page 188] d�tourner avec horreur de ce qui fait notre joie, mais notre appr�ciation, si pitoyable � ses yeux, est-elle pour nous aussi belle que possible?

Clairement,�semble-t-il,�un "standard" existe au-dessous duquel nous ne devrions pas laisser�tomber les�formes. Sont�assur�ment justes certaines conventions, en ce qui touche � la distinction entre le beau et le laid, entre ce qui doit favoriser notre avancement et ce qui doit le retarder. Et nous avons pour devoir, par l'opinion publique comme par l'exhortation et l'opinion personnelle, de condamner le laid et d'insister sur le beau. Nous avons pour devoir d'offrir au public ce dont il a besoin, non point ce que dans son ignorance il exige, mais� la� nourriture� qui� favorisera� son� d�veloppement�� d'ordre�� physique,��motionnel�ou mental.

Nous� devons� proposer� et� maintenir un "standard" �lev� de vie normale et, par cons�quent, d'une beaut� ad�quate, dans tous les d�partements de nos� existences�� compliqu�es.

Mais en m�me temps, il ne faut pas nous figurer que l'individu qui ne se conforme pas ou ne peut se conformer au "standard" normal� est d�nu� de beaut�. Il� poss�de� en� soi, probablement, toute la beaut� � sa port�e, �tant donn� son degr� particulier de d�veloppement. Peut-�tre devrait-il en poss�der davantage� ou [Page 189] encore beaut� et�"laideur"��sont-elles�en lui in�gales ? Il faut juger chaque individu, si toutefois nous avons � cela le moindre droit, en tenant compte de sa nature. Mais il ne faut jamais croire�qu'il�n'y�ait�en�lui�aucune beaut�, surtout si nous nous appliquons nous-m�mes et probablement avec un certain formalisme � d�velopper tels aspects particuliers de la beaut� qui se trouvent plaire � nos fantaisies individuelles.

"Quelle beaut� dans cette id�e, dans ce principe, dans cette activit�! Pourquoi les gens ne la reconnaissent-ils pas et n'abandonnent-ils pas les laideurs correspondantes? Pourquoi ne sont-ils pas fascin�s comme nous par les id�es dont la merveilleuse beaut� est �vidente?"

Ne cherchons pas � imposer ces beaut�s qui pour nous peuvent �tre naturelles et justes. N'imaginons pas que, s'ils n'acceptent pas nos propres "standards" particuliers, les gens sont en cons�quence priv�s du sens esth�tique.

Ce qui est essentiellement vrai pour chacun de nous�est la� beaut� que� chacun� de� nous cherche � manifester. La beaut� cro�t comme la vie, comme l'intelligence, comme les �motions.� Le�d�veloppement�de�la�vie�dans�les r�gions sup�rieures est soumis � une loi naturelle: c'est que le pendule de l'exp�rience et de la compr�hension oscille toujours plus violemment, jusqu'au moment o� l'intime�connaissance [Page 190] de l'obscurit� �veille en nous une par�faite appr�ciation de la lumi�re.

Dans les premiers r�gnes naturels la beaut� semble plus manifeste, plus apparente. Dans le r�gne min�ral la beaut� de la structure, la splendeur de l'immensit�, que ce soit en termes de masse ou en ceux de distance, l'omnipotence latente d'une �nergie torrentielle, l'ardeur de la vie f�conde, la maternit� sublime de la mati�re � tout cela inspire, avec l'admiration, un sentiment de paix qui d�passe v�ritablement notre entendement.

Dans le r�gne v�g�tal, la beaut� de la forme, l'�clat de la couleur, la profusion surabondante, la muette dignit� des membres souverains de ce r�gne � tout cela d�clare que la beaut� de la nature est la qualit� supr�me.

Dans le r�gne animal, la beaut� qui trouve dans la forme son expression n�cessaire, la saintet� universelle et le d�vouement maternels, la noblesse de la mort quand, avec le temps, elle survient � tout proclame les intentions sublimes de la nature.

Dans chaque r�gne la beaut�, dans sa simplicit� et sa nettet� cristalline. Dans chaque r�gne la beaut�, dans sa d�licatesse et son raffinement,

Apr�s ces jeunes r�gnes naturels point n'est besoin d'autres t�moins pour attester le dessein et le triomphe toujours croissant de la vie. [Page 191]

La vie sommeille dans le r�gne min�ral; elle y dort en beaut� � cause de la maternit� parfaite de ce que nous appelons la Providence.

La vie songe et bouge vaguement dans le r�gne v�g�tal. En r�vant, en bougeant ainsi elle est belle, � cause de la maternit� parfaite de la Providence. La vie commence � s'�veiller dans le r�gne animal et tout de suite elle est belle, � cause de la maternit� parfaite de la Providence.

Avec quels soins merveilleux elle veille sur ses plus jeunes enfants!

Et ses enfants plus �g�s � nous du r�gne humain? Ne devons-nous pas devenir pour nous-m�mes des Providences? Ne devons-nous pas atteindre "la mesure de la stature parfaite" [Eph�s. 4, 13] d'une Providence?

Dans les r�gnes inf�rieurs, c'est la protection et toute la beaut� durable qu'elle permet; si bien que nous trouvons souvent la nature plus belle dans les r�gnes animal, v�g�tal et min�ral, particuli�rement dans le d�veloppement royal qu'y atteint la vie, que dans le r�gne humain suppos� les dominer tous.

Dans le r�gne humain chaque vie individuelle a cependant la gloire supr�me de toujours prendre plus compl�tement en main [Page 192] son propre d�veloppement. Et � cette gloire s'ajoute, en son temps, une vision de la souverainet� aff�rente au r�gne dont la vie fait maintenant partie.

Dans le r�gne humain la vie bien �veill�e apprend � se lib�rer et � formuler sa propre loi. Ainsi, dans ce r�gne, la parfaite maternit� de la Providence nous enseigne comment on se tient sur ses propres pieds, comment cessant d'�tre men� en enfant on se meut librement, en homme; comment enfin l'on commence � savoir.

Qui pourrait conna�tre la vie sans conna�tre la mort? Ou conna�tre la lumi�re sans conna�tre l'obscurit�? Ou la sagesse sans conna�tre l'ignorance? Ou la beaut� sans conna�tre la laideur? Nous pouvons donc, dans le r�gne humain, prononcer le mot" laideur" et en savoir le sens. Et parfois, encore ignorants, nous conf�rons aux mots "beaut�" et "laideur" un sens qu'ils ont pour nous, une valeur absolue et d�finitive. Nous jugeons irr�vocablement, semble-t-il.

Mais, quand nous commen�ons � savoir, nous apprenons que la beaut� se montre partout dans les r�gnes naturels, que partout elle habite et nous inspire la r�v�rence.

Avouons-le tristement: en apprenant � mouvoir avec toujours plus de confiance le [Page 193] pendule d'une puissance croissante, nos premiers actes ravagent et d�solent assez souvent des r�gnes naturels qui devraient nous �tre absolument saints et respect�s.

Quels traitements barbares sont fr�quemment impos�s aux jeunes vies qui frayent leur chemin � travers les r�gnes min�ral, v�g�tal et animal. Il nous est loisible de nous instruire par le genre humain, mais faut-il que le pendule oscille avec tant de violence qu'il meurtrisse une vie que jamais il ne devrait toucher?

Toute vie, nous d�clare la Th�osophie, est sainte; elle a droit � l'inviolabilit�, contre la d�formation et destruction. Il est temps aujourd'hui que le pendule, en oscillant, change de centre et de la laideur, ou sens de la possession irresponsable, passe � la beaut�, sens de la compassion protectrice. Qu'employer soit servir. Abuser est un mal pour le sujet comme pour l'objet.

Cherchons la beaut� croissante, en nous, dans notre demeure, dans notre travail, dans nos loisirs et dans nos jeux, dans nos relations avec la vie aux formes nombreuses qui nous entourent. Ne nous contentons pas de la beaut� que nous connaissons et appr�cions, et mettons-nous en qu�te d'une beaut� que nous ne sommes pas encore capables de reconna�tre. Sachons, de tout notre coeur et de toute notre [Page 194] volont�, qu'il existe une beaut� sup�rieure, pouvant remplacer � peu pr�s tout ce qui, pour l'instant, embellit nos vies.

Nous pouvons, et le ferons un jour, mettre plus de beaut� dans les petites choses de l'existence et devenir nous-m�mes plus beaux, quoi que nous pensions, sentions, fassions, pr�f�rions, aimions.

Une vie sordide, de tout genre et en tout lieu, est la n�gation de la Th�osophie et emp�che la vie th�osophique.

Quelle est l'antith�se essentielle de la laideur? La simplicit�; c'est le bonheur en ce qui est direct et point compliqu�, facile d'acc�s, inspirateur de r�v�rence et d'aspiration et dans les limites du possible, c'est le travail qui pla�t.

Nous rencontrons souvent des gens qui s'imaginent et d�clarent agressivement que, pour les �tres humains, la vraie simplicit� c'est d'aller tout nu, les r�gnes sous-humains ignorant les v�tements; de se nourrir de crudit�s, les animaux ne mangeant rien de cuit; d'ignorer les sanctions ordinaires de la civilisation humaine, puisqu'elles n'existent pas dans d'autres r�gnes.

Souvent aussi nous rencontrons des personnes pour qui la simplicit� consiste � ressembler aussi peu que possible aux autres, gens ordinaires, qui sont ainsi choqu�s par ce qu'ils [Page 195] consid�rent n�cessairement comme des extravagances. La simplicit� exige donc le rejet des conventions, le bizarre, le surprenant, l'exceptionnel.

Mais une pareille simplicit� ne m�rite pas son nom; elle ne consiste gu�re qu'� sortir d'une orni�re pour tomber dans une autre et � v�n�rer, quoi qu'il en co�te, l'idole de la diff�rence.

La vie simple est possible dans une hutte; elle est possible dans un palais. Le millionnaire peut vivre aussi simplement que le travailleur, dans le sens habituel du mot, bien qu'en v�rit� nous devrions tous travailler.

L'homme capable de trouver l'opulence aussi bien en lui-m�me qu'au dehors vit simplement, car il n'exige aucune satisfaction ext�rieure; au contraire, il est en paix quels que soient les �l�ments contenus dans son cercle.

La laideur, c'est l'extravagance; c'est l'effet pour l'effet; c'est l'exaltation de ce qui tend � nous asservir; c'est la recherche constante du moi pr�f�r�e au service; c'est la flatterie et la glorification du corps aux d�pens de l'�me.

Chacun de ces types de laideur peut se trouver par exemple dans certain genre d' "art" moderne. Il existe une vogue, un culte de la laideur, et l'esprit de servilit� est si fort en nous que souvent nous nous disons: "Je devrais �tre capable d'appr�cier ce qui, en [Page 196] v�rit� est laid et qu'au fond je sais �tre laid, mais que des personnalit�s r�put�es d�clarent beau.

Triste spectacle que celui des esclaves de l'orthodoxie s'appliquant pitoyablement � d�former leur vision afin de voir ce qui est absent. S'ils voulaient seulement avoir un peu moins confiance en autrui et un peu plus en eux-m�mes, ils pourraient supprimer cette laideur des formes et des couleurs. Si elle peut lever la t�te, c'est uniquement parce que nous sommes si nombreux � reculer l�chement devant son offensive.

Puissions-nous bient�t ne plus nous contenter de la beaut� qui pour le moment nous suffit. Alors nous chercherons constamment la beaut� future qui remplacera dans notre conscience de l'�tat de veille la beaut� qui nous sert � pr�sent. Alors nous ne ferons plus surgir des profondeurs du subconscient une beaut� pr�sentant des qualit�s dont notre �ge, depuis longtemps, n'a plus besoin. A notre �poque, il existe une tendance tr�s dangereuse � recourir au pass� au lieu de vivre tourn� vers l'avenir. Nous �voquons les circonstances de notre vie sauvage et, comme elles sont peu famili�res, inaccoutum�es, �tranges, bizarres, nous croyons avancer quand en r�alit� nous reculons. Nous sommes en mouvement. Notre orgueil ne nous permet pas d'imaginer que nous perdions du [Page 197] terrain. Il faut donc bien que nous avancions. Ainsi baisse, dans son ensemble, le ton humain jusqu'� un� niveau� d'o�,�sans�doute,�il� s'est relev�. Cons�quence: un �paississement de la texture vitale. Il s'exprime en partie dans la laideur de l'existence contemporaine,�dans la d�pression, dans les menaces de guerre continuelles, dans l'agitation que refl�te journellement la presse. Notre vie n'est pas � la hauteur de notre valeur r�elle, ni � celle de notre capacit� de vivre. Nous substituons le moins beau au beau qui nous attend et n'allons pas saisir le plus beau qui est notre h�ritage pr�sent.

Cherchons�en��nous-m�mes��r�aliser�la beaut� qui nous est propre, � notre pr�sent degr� de croissance. Dans tous les d�tails de nos existences, que nos vies soient aussi belles que possible. Gardons-nous de galvaniser par une froide et artificielle r�surrection les genres de beaut� v�tustes qui ont fait leur temps et, v�tus de laideur, protestent contre nos outrages. Dans l'esprit de la beaut� qui est la n�tre, progressons�vers celle�qui�nous�appartiendra.�Que la beaut� d'hier et des nombreux jours pass�s dorme du sommeil du juste. Que celle d'aujourd'hui soit superbement �veill�e. Que d�j� celle de demain luise doucement � notre Levant. [Page 198]


CHAPITRE 13

VOUS, LA THÉOSOPHIE ET LA SOCIÉTÉ

Il importe au plus haut point de comprendre que la Th�osophie n'a rien de dictatorial. Elle n'�dicte pas de loi � aucune loi. Elle ne somme pas l'individu de souscrire � un principe quelconque en all�guant que la bonne conduite en exige l'acceptation.

Th�osophie n'est pas autorit�. C'est un expos� d�finissant la science de la vie, expos� d'ailleurs partiel. Nommez-la, si vous voulez, une r�v�lation, car son origine se rattache � ceux dont la sagesse est plus haute que celle des hommes. Elle repr�sente surtout ce que l'humanit� doit commencer � apprendre. Mais la r�v�lation ne pr�tend pas �tre une Parole impos�e � notre foi, celle-ci �tant indispensable � notre salut. La Th�osophie est un tableau. Ceux qui le contemplent sont libres d'aimer ou non soit une de ses parties, soit m�me l'ensemble.

La�Th�osophie�vous�parle-t-elle�de�Dieu, [Page 199] c'est du Dieu qui r�gne en chacun, plut�t que de tout autre Dieu ext�rieur et anthropomorphe, comme l'est n�cessairement tout Dieu semblable. Cependant, la nature divine telle que la conna�t la Th�osophie reste indescriptible pour l'homme. Non que la Th�osophie fasse abstraction de Dieu; loin de l�, car le Dieu-Principe constitue l'un des plus admirables et universels aspects de la vie.

La Th�osophie d�crit de fa�on scientifique et impersonnelle, autant que d�crire se peut, la nature du processus �volutif au sein duquel nous avons la vie, le mouvement et l'�tre. Elle d�crit le pass�, explique le pr�sent, trace le tableau de l'avenir. Elle nous laisse individuellement libres de mettre � profit ce qui nous convient dans cette description et de laisser l� ce qui, pour le moment, n'a pas de sens pour nous.

La Th�osophie ne dit pas: "Vous ferez telle ou telle chose" ou "Vous ne ferez pas telle autre". Elle dit: "Regardez, consid�rez, pesez, d�terminez"

.Un membre de la Soci�t� Th�osophique en reconna�t d'une fa�on g�n�rale les trois objets: de m�me le principe de la fraternit� universelle; l'avantage d'�tudier les grandes religions de ce monde, de les comparer entre elles et de les comprendre. Il accepte encore l'id�e qu'il y a, concernant la vie, infiniment plus de [ Page 200] connaissances � acqu�rir que nous n'en poss�dons jusqu'ici. La qu�te du savoir lui semble enfin extr�mement d�sirable.

Quant � la fa�on d'exprimer une pareille sympathie, c'est son affaire, et sa mani�re de vivre le concerne seul.

On se fait une id�e tr�s fausse de ce qui caract�rise un membre de la Soci�t� Th�osophique. C'est, pour beaucoup, de renoncer � la religion que l'on pratique et d'adopter d'autres croyances, soit anti-religieuses, diff�remment religieuses.

C'est, pour beaucoup, de se faire v�g�tarien, de ne pas fumer et de s'abstenir d'alcool afin d'�tre admis.

Pour d'autres, les membres de la Soci�t� Th�osophique sont tous pacifistes et, en temps de guerre, seraient objecteurs de conscience.

Pour d'autres, nul ne peut entrer dans la Soci�t� Th�osophique sans devoir accepter un certain genre d'autorit�, un Ma�tre, tel Instructeur Mondial ou telle forme religieuse exceptionnelle, comme par exemple le catholicisme lib�ral, en ce qui concerne le christianisme, ou le Bharata Samaj en ce qui touche � l'hindouisme.

Pour d'autres, les membres de la Soci�t� Th�osophique sont tenus de souscrire � une forme sp�ciale de doctrine politique, doivent �tre oppos�s � tous les genres de nationalisme, [Page 201] �tre exclusivement inter ou super-nationalistes et, dans l'Inde, par exemple, soutenir ardemment le "Home Rule".

Pour d'autres, la Soci�t� Th�osophique pr�sente des affinit�s particuli�rement �troites avec tel plan sp�cifique de r�forme �conomique ou humanitaire, avec telle id�e bizarre et fantastique touchant les revenants, le retour des �mes humaines dans des formes animales, ou les ph�nom�nes psychiques. "Oh ! vous �tes membre de la Soci�t� Th�osophique. Comme c'est int�ressant! Je vous en prie, racontez-moi tout ce qui a trait aux revenants et comment on peut faire passer invisiblement des objets physiques d'un endroit � un autre. Pourriez-vous un jour me montrer un Mahatma? Croyez-vous vraiment que nous puissions redevenir une fois des animaux? Et la r�incarnation, y croyez-vous aussi?"

Un membre de la Soci�t� Th�osophique est souvent regard� comme un original et parfois, reconnaissons-le, c'est � juste titre. Mais, loin d'�tre un original, il est ou devrait �tre un peu plus raisonnable que la plupart des gens dont il est entour� dans ce monde, car sa fa�on scientifique de consid�rer la vie pr�sente un caract�re raisonnable qui supporte toutes les �preuves impos�es par e sens commun. Peut-�tre la science n'a-t-elle pas d'exp�riences physiques pouvant confirmer tous les d�tails du [Page 202] tableau th�osophique. Peut-�tre la religion ne met-elle pas son poin�on sur tout ce que la Th�osophie d�clare vrai. Peut-�tre la philosophie n'a-t-elle � nous offrir rien de comparable aux aper�us que r�v�le la Th�osophie. L'individu ordinaire, menant de jour en jour une vie ordinaire et conventionnelle, peut �tre compl�tement incapable de faire une place dans son vade mecum � ce que lui-m�me, ou les savants, ou les sectateurs d'une religion, ou les philosophes rejettent comme des extravagances que ne garantit aucune exp�rience normale.

Et pourtant, malgr� la science, la religion, la philosophie et l'individu ordinaire lui-m�me, un membre de la Soci�t� Th�osophique, avec ses trois principes qui lui sont chers et sa fa�on propre de comprendre le tableau th�osophique de l'existence, poss�de ce que le monde entier ne poss�de pas encore. Cet avantage est-il faible? Supporte-t-il mal d'�tre compar� � certaines d�couvertes grandioses faites en ce monde? Ne se pr�te-t-il pas � ce que l'on appelle des "preuves" ? En d'autres termes: est-il incapable de s'exprimer en termes conventionnels, dans un langage et sous une forme reconnus par les amateurs de preuves et satisfaisant les personnes pour qui l'intellect et ses fronti�res actuelles sont les arbitres ultimes de la v�rit�?

Appel�e � la barre du pr�sent, la Th�osophie [Page 203] peut �tre condamn�e et les membres de la Soci�t� Th�osophique se voir imposer les frais de l'opprobre et du ridicule. Du tribunal actuel, on peut toujours en appeler � celui de l'avenir, et, assez souvent, le jugement du premier se trouve renvers�.

Surtout, il faut comprendre qu'un Th�osophe est libre, comme le sont rarement les sectateurs des diverses religions de ce monde. Pour lui, point de dogmatisme �troit, d'autorit� que l'on ne discute pas, d'orthodoxie redoutable; rien qui donne l'id�e de foules et de conventions. Il n'est pas assujetti aux restrictions qu'elles supposent, quand m�me pour une raison ou pour une autre, il lui plairait de s�journer dans leurs cercles ferm�s.

Consid�rez un membre quelconque de la Soci�t� Th�osophique: impossible de rien constater de sp�cial en lui, si ce n'est une certaine sympathie pour l'id�e de fraternit�, pour l'id�e que la compr�hension est n�cessaire, comme aussi le rapprochement entre les religions, enfin pour la recherche de la v�rit�. Appartient-il � une confession donn�e? S'abstient-il de fumer? S'abstient-il d'alcool? Est-il pacifiste? Peut-�tre que oui, peut-�tre que non.

Croit-il � la r�incarnation, � l'existence des Ma�tres, aux diverses donn�es connues sous le nom de Th�osophie? Qui sait?

La Soci�t� n'a rien, absolument, � voir avec [Page 204] aucun �l�ment sp�cifique d�terminant la mani�re dont l'individu consid�re la vie. Elle se borne � lui demander trois genres de sympathie, pas m�me trois objectifs, buts de ses efforts.

La gloire de la Soci�t�, c'est que des oiseaux de plumage extr�mement divers se r�unissent au nom d'une fraternit� commune, et vivent group�s, dans un esprit de solidarit�, de compr�hension�et d'appr�ciation�mutuelle,�bien qu'ils puissent avoir les id�es les plus oppos�es sur d'innombrables points vitaux. Les diff�rences d'autrui sont n�cessaires � chacun de nous afin� d'accentuer les siennes.�Dans�la Soci�t� Th�osophique, les diff�rences abondent et, en partie, pour cette raison m�me. Car toute diff�rence pr�sente une part de v�rit�, m�me quand, aveugl�s par nos propres diff�rences, nous sommes incapables de la percevoir.

Certains seront vivisecteurs, d'autres, le contraire. Certains seront v�g�tariens, d'autres point ou peut-�tre ennemis de ce r�gime. Certains seront objecteurs de conscience en ce qui concerne la guerre. D'autres n'ont aucun scrupule pareil. Certains suivront avec ardeur tel ou tel chef en th�osophie. D'autres, repoussant toute id�e de direction, peuvent exalter la sup�riorit� des principes abstraits. Certains seront des c�r�monialistes convaincus, et [Page 205] d'autres avec tout autant de conviction seront le contraire.

Certains verront dans la science th�osophique la raison d'�tre supr�me de la Soci�t� Th�osophique. Certains, avec non moins de certitude, affirment que le fait de soutenir et de pratiquer la fraternit� universelle, tout � fait en dehors de la doctrine th�osophique, justifie � elle seule mais absolument l'existence de la Soci�t�.

Les membres de la Soci�t� Th�osophique ne sont pas tous faits sur un seul mod�le, ne sont pas fondus dans un moule unique, ni soumis � un credo unique. A Dieu ne plaise!

Chacun est libre. En m�me temps chacun parvient, gr�ce � sa qualit� de membre, � partager cet esprit de solidarit�, de compr�hension et d'amiti� vraies qui seul peut assurer la paix et le bonheur.

La Soci�t� Th�osophique n'a pas pour objet la reproduction, en masse, d'un seul type, mais d'enrichir l'ensemble par les diversit�s de tous. La Soci�t� accueille les diff�rences, les collectionne avec empressement, est heureuse qu'elles s'expriment dans leur puret� et leur force compl�tes. [Page 206]

Par contre, elle demande qu'au moins dans la soci�t�, ces�diff�rences,�fussent-elles� aussi radicales�que�possible,�soient�accompagn�es de courtoisie et d'affabilit�, de g�n�rosit� et de compr�hension;�et surtout�elle�demande�que l'on reconnaisse avec g�n�rosit� la valeur, pour tout autre membre, de la diff�rence qui, pour lui, est tout aussi ch�re et tout aussi vraie.

Les diff�rences importent moins. Les fa�ons de�les t�moigner importent infiniment.�� Personne n'a raison absolument. Chacun est relativement dans le vrai � relativement � sa stature �volutive et � son unicit� monadique. Chacun�est,�plus�ou�moins, en�possession�du "bien" dont il� a,� pour le�moment,�besoin. Chacun de nous doit s'efforcer de rendre son propre�"bien"individuel aussi r�el et aussi beau que possible, et comprendre que c'est le devoir de tous!

Cette t�che nous est merveilleusement facilit�e par notre qualit� de membres. Gr�ce � elle, nous commen�ons � nous apercevoir qu'en fait chacun brille� de son propre� "bien",� quand m�me ce�"bien" para�trait, du dehors, aussi dissemblable que possible � notre "bien" particulier, et m�me son adversaire.

Voil� pourquoi entrer dans la Soci�t� Th�osophique c'est trouver la libert�, avec une camaraderie �tonnamment constructive et encourageante, dans un milieu o� r�gnent la [Page 207] compr�hension�mutuelle�et�l'esprit�entreprenant. Le membre de la Société Théosophique n'est soumis � aucune r�gle, sauf � celles qu'il croit devoir s'imposer. Point de tableau de la vie qu'il soit tenu d'admirer et de copier. On ne lui prescrit, ni d'adorer au pied des autels, ni de se prosterner devant une personne quelconque, ni m�me de soutenir que la Th�osophie seule est la "v�rit�".

Il se joint � une troupe heureuse de gens qui commencent enfin � conna�tre la fa�on de vivre avec efficience et all�gresse, de tirer le meilleur parti possible� de� toute� circonstance affligeante ou encourageante, d'avoir une confiance illimit�e en eux-m�mes et en leur avenir, sans ignorer pourtant leurs d�fauts actuels, ni ceux qui peuvent encore poindre au-dessus de l'horizon de leurs existences quotidiennes.

Il se joint � une troupe heureuse de gens qui commencent � perdre toute crainte, toute d�pression, tout sentiment de d�sespoir en constatant la futilit� de la vie, tout d�couragement, tout chagrin persistant, tout sentiment d'avoir irr�m�diablement failli.

Il se joint à une troupe heureuse qui apprend à avoir de l'enthousiasme, du courage, de la v�rit�, de la hardiesse et de la paix les qualit�s dominantes dans leurs vies.

Dans la Soci�t� Th�osophique, point d'inquisiteurs, d'arbitres en modes spirituelles, de dictateurs, ni de juges.[Page 208]

La Soci�t� est form�e de gens affables et toute personne qui d�sire �tre en bons termes avec tous, sans distinction de credo, de classe, de race ou de nation, qui ne songe pas, dans un esprit de sup�riorit�, � imposer ses propres convictions � autrui, mais plut�t � appr�cier ses semblables et leurs convictions, est cordialement admise. [Page 209]

CHAPITRE 14


VOUS ET VOTRE BUT

Il est int�ressant de faire une liste des "Vous" qui ont contribu�, contribuent et contribueront � l'ach�vement de "Vous".

Tout d'abord, dit la Th�osophie, il y a le "Vous" qui relie tous les "Vous". Il y a cette �tincelle du Feu vital qui, non seulement ne s'est jamais �teinte, mais encore a d�velopp� son propre caract�re ign� � la mesure du feu qui aujourd'hui se manifeste en vous, gr�ce � l'�l�ment tr�s combustible, bien qu'imp�rissable, que nous appelons la vie en manifestation. Cette �tincelle, avec ses virtualit�s de feu infini, est le � Vous � fondamental, constant, �ternel.

Partie ins�parable du Feu que nous appelons Vie, cette �tincelle poss�dait n�anmoins un caract�re individuel propre qu'elle se mit � d�velopper. Si donc, � un certain point de vue, il y a l'�tincelle ind�pendante de son processus �volutif, � un autre point de vue il y a l'�tincelle travaillant avec ardeur dans les r�gnes naturels successifs, afin d'y recueillir ce que nous appelons de l'exp�rience, mais ce que l'�tincelle nomme l'�l�ment ign�. [Page 210]

Dans le r�gne min�ral, elle chargea ses agents d'y recueillir cet �l�ment; de m�me dans le r�gne v�g�tal; de m�me dans le r�gne animal; de m�me dans le r�gne humain. Et dans chaque r�gne l'�tincelle gagne assez d'�l�ments ign�s pour atteindre par des flammes toujours plus longues le r�gne suivant.Dans le r�gne min�ral, c'est un "vous" min�ral.

Dans le r�gne v�g�tal c'est un�"vous" v�g�tal satur� de constituants min�raux. Dans le r�gne animal, c'est un�"vous"� animal satur�de�constituants�min�raux�et�v�g�taux. Dans le r�gne humain, c'est un� "vous"� humain, satur� de constituants min�raux, v�g�taux et animaux. Autrement dit, elle a us� de l'exp�rience min�rale, v�g�tale et animale pour produire�le�"vous" �humain� que� vous� connaissez comme votre "moi" Ce n'est pas tout, car� � quoi�servirait l'exp�rience�� min�rale, v�g�tale, animale, sans le Feu qui est la Vie, sans l'�tincelle qui est une �me ign�e latente, vibrante, pouvant devenir semblable � l'ensemble dont elle est un fragment? L'univers�est une �me ign�e triomphante. L'individu, � un stade��quelconque,�est�une��me�� ign�e�allant vers le triomphe. L'univers �met des �tincelles. Les��tincelles�deviennent�� des�univers.�Ainsi l'univers se multiplie et ses �tincelles deviennent des feux � la ressemblance de leur parent.

En vous, par cons�quent, r�side le "vous" [Page 211] �ternel que vous avez toujours �t�, que vous serez toujours; le "vous" qui cro�t par un processus de r�adaptation � la mesure du "vous" cosmique, c'est-�-dire de l'univers. Car l'univers c'est l'individualit� "in excelsis".

En vous donc, sont � la fois le "vous" messager qui glane le combustible min�ral pour nourrir l'�me ign�e qui est votre Moi; le "vous" v�g�tal, messager qui glane le combustible v�g�tal pour nourrir l'�me�ign�e�qui�est votre Moi; le "vous" messager qui glane le combustible animal pour nourrir l'�me ign�e qui est votre Moi; le�"vous" � messager qui glane le combustible humain pour nourrir l'�me ign�e qui est votre Moi.� En vous, par cons�quent, aboutissement de tous les�"vous"� inf�rieurs, est le "vous" messager qui glane le combustible du� r�gne� immense,� sup�rieur� au� r�gne humain, pour nourrir l'�me ign�e qui est votre Moi.

Et d'autres messagers attendent leur tour, jusqu'� ce qu'enfin celui qui est individualit� devienne Un, c'est-�-dire un univers.

Pourtant, si les messagers sont nombreux, l'�me est une. Chaque messager, en s'acquittant de son devoir d'ambassadeur, passe dans l'�me de son successeur pour ne plus en sortir jusqu'� ce que le Roi lui ordonne d'organiser comme une demeure o� attendra et sommeillera la vie, le royaume qu'il a conquis. [Page 212]

Tel est le dessein titanesque servi par les moindres d�tails de votre existence. Le roc et la terre vibrent sous le choc des s�ismes, des inondations et des ouragans. La fleur, l'herbe et l'arbre poursuivent leur r�ve et, lentement mais s�rement, recueillent la moisson de leur r�gne. Les habitants du monde animal s'�veillent; leurs sentiments et bient�t leurs �motions m�mes s'intensifient; c'est souvent l'�motion de l'amour, souvent h�las celle de la haine. Enfin la conscience du soi en tout membre du r�gne humain devient la r�alisation du soi par les innombrables exp�riences de chaque heure de la journ�e.

En termes de croissance et de d�veloppement, rien n'est petit, ou insignifiant, ou d�nu� de la plus haute puissance.

Vous pouvez �tre un grand g�nie, un saint merveilleux, un philosophe profond, un puissant homme d'�tat, un grand souverain, un orateur plein de charme, un artiste cosmique en sons, en couleurs, en formes, expressions de la Vie; que dis-je: un sauveur.

Vous pouvez trouver votre t�che en ce monde parmi les d�tails "terre � terre", sordides et sans int�r�t que comportent des n�cessit�s humaines toutes simples. Vous pouvez n'avoir que peu de contact avec le monde ext�rieur. Vous pouvez �tre comme perdu dans la foule, et cependant la plus minime de vos t�ches [Page 213] contribue � vous entra�ner vers le but. Ce que vous faites importe moins que votre mani�re de faire et que le degr� auquel vous vous rendez compte que, dans votre entourage, l'�l�ment qui para�t le plus insignifiant a le pou�voir de seconder votre progression. Vos conditions de vie pr�sentes sont, pour le moment, exactement ce qu'il vous faut. Sachez vous y conformer; ne vous y d�robez pas. Accomplir, c'est l'�vasion, c'est la d�livrance.

Ainsi, dans vos existences successives, vous vous rapprochez, dans la cha�ne graduelle des collines et des montagnes humaines, de sommets plus �lev�s, puis des cimes souveraines. Et quand vous allez toucher aux supr�mes altitudes du progr�s humain, votre vie change.

Les catastrophes s'y multiplient. Les profondeurs o� vous descendez sont plus grandes, les hauteurs que vous atteignez sont plus immenses. Vos crucifiements sont plus d�chirants, vos ascensions plus glorieuses. En oscillant, le pendule de votre �tre d�crit des arcs au rayon toujours croissant. Alors paraissent dans votre vie quelques-uns de Ceux qui sont devenus membres du r�gne sup�rieur au r�gne hu�main ou, peut-�tre, des membres appartenant � des r�gnes plus �lev�s encore. Parvenu � ce point, vous avez acquis le droit de jouir d'une direction et d'une camaraderie qui, toujours � votre service, vous �taient rest�es inconnues. [Page 214]

Ensuite vos progr�s s'acc�l�rent. Lentement le soleil du r�gne sup�rieur au humain s'�l�ve au-dessus de votre horizon. Le "vous" du r�gne humain accomplit enfin la mission qui lui fut confi�e il y a des millions d'ann�es. Le "vous" qui attend, le "vous" qui est le messager envoy� vers le r�gne nouveau est maintenant en vue.

La litt�rature th�osophique offre d'admirables descriptions de ces r�gnes surhumains et de leurs habitants; elle d�clare l'utilit� des difficult�s, des peines, des chagrins et des d�sastres, car ils d�terminent des �tats de conscience dans lesquels ils ne peuvent plus accabler l'individu.

Le r�gne humain, quelles que soient ses mis�res, est simplement une �tape. Tout y est b�n�diction, malgr� les d�guisements dus � notre ignorance. Le r�gne humain renferme d'innombrables "vous". Chacun est seul de son esp�ce, unique, diff�rent. Dans les r�gnes inf�rieurs, ces "vous" s'�taient perdus dans les troupeaux avant de s'en d�clarer ind�pendants. Leurs exp�riences furent des exp�riences gr�gaires partag�es par tous les cong�n�res. Dans le r�gne humain, si jusqu'� un certain point l'esprit gr�gaire se perp�tue, chaque "vous" devient de plus en plus distinct et v�ritablement "sui generis".

Vous voil� donc un Roi dans le r�gne [Page 215] humain. Tous les dons les plus magnifiques que peut offrir ce r�gne sont � vous, car vous avez enfin p�n�tr� jusqu'� leur essence, quand m�me vous n'auriez pas, dans telle ou telle vie particuli�re, rien fait de bien brillant. Mais l'esprit de la splendeur humaine est � vous et vous pouvez lui faire prendre toute forme � votre choix.

Peut-�tre avez-vous atteint la royaut� par une ligne unique. Peut-�tre �tes-vous devenu grand dans un genre particulier de d�veloppement humain, mais par l� vous avez attir� en vous l'essence de toute grandeur humaine, quelles qu'en soient les formes. Le r�gne humain vous a enseign� toutes ses le�ons, bien que vous puissiez ne pas les avoir, sans exception, apprises. La facult� de go�ter les fruits d'une le�on ou d'une exp�rience quelconque offerte par le r�gne humain est � vous. Vous �tes libre dans le r�gne humain, car vous avez appris � en incarner l'�me.

Cette �me, vous l'emmenez avec vous dans le royaume imm�diatement sup�rieur, comme vous avez emmen� dans le r�gne humain l'�me du r�gne animal, comme vous avez emmen� dans le r�gne animal l'�me du r�gne v�g�tal, comme vous avez emmen� dans le r�gne v�g�tal l'�me du r�gne min�ral.

Le grand VOUS-solaire et central s'entoure ainsi d'innombrables Vous plan�taires et, � [Page 216] son tour, il engendre la vie qui est un univers.

Qui oserait deviner o� commence la vie? A-t-elle m�me eu un commencement? L'univers ign� dont tous nous sommes des �l�ments ne nous donna point naissance bien qu'il nous ait servi de m�re et facilit� grandement notre progression, afin qu'� notre tour nous puissions devenir ce qu'il est. Un oc�an d'�tincelles infini n'attend-il pas que les rouages de leurs lois se mettent en mouvement? Et, f�cond�s par l'Univers-Vie, ne r�unissons-nous pas quelques-unes de ces �tincelles dans une maternit� qui, gr�ce � sa propre exp�rience, l'action centrifuge succ�dant � l'action centrip�te, munit ses enfants adoptifs de leur �chelle �volutive et les met en marche, comme des vagues qui se forment l'une apr�s l'autre.

La M�re parle � ses enfants adoptifs

"A vous la conqu�te et l'accomplissement, 0 vie endormie dans les formes min�rales; d'abord poussi�re, devenez diamant.

"A vous la conqu�te et l'accomplissement, 0 vie qui bouge dans les formes v�g�tales; d'abord forme primitive, devenez fleur merveilleuse ou arbre majestueux.

"A vous la conqu�te et l'accomplissement, 0 vie maintenant �veill�e dans les formes animales; d'abord humble cr�ature, devenez l'un des plus nobles animaux; que la grandeur atteinte dans le r�gne v�g�tal favorise votre marche. [Page 217]

"A vous la conqu�te et l'accomplissement, 0 vie devenue consciente dans des formes humaines; d'abord sauvage, devenez g�nie, h�ros et saint; que la grandeur atteinte dans le r�gne animal favorise votre marche.

"A vous la conqu�te et l'accomplissement, 0 vie qui allez trouver dans les r�gnes surhumains la r�alisation du Soi; d'abord roi humain, devenez roi surhumain; que la stature atteinte dans le r�gne humain favorise votre marche."

Ainsi l'�tincelle devient flamme. La flamme grandit, puis se multiplie. Les flammes nombreuses deviennent des feux successifs qui br�lent enfin comme celui qui lui servit de m�re. Alors, � son tour, la flamme �met des �tincelles, bien qu'elle soit elle-m�me une �tincelle dans un feu plus immense.

Et la terre pi�tin�e, l'herbe d�truite par le jardinier, l'insecte �ph�m�re, les fleurs fan�es en un jour, l'enfant mort-n�, l'�tre humain occup� � la plus humble t�che � tous servent d'enveloppe � la Vie qui poursuit sa course vers ces splendeurs. Tous les mondes s'�panouissent et fleurissent triomphalement.

La Th�osophie est la science du triomphe et par cons�quent l'h�ritage pr�cieux et la puissance de tout ce qui a vie. [Page 218]


ENVOL

Voici les lois de la science th�osophique telles que je les ai jusqu'ici per�ues. Elles sont la v�rit� de tout ce que j'ai dit pr�c�demment. Mais pour d'autres chercheurs de v�rit� elles peuvent se pr�senter sous un autre aspect. Peu importe. Ce qui importe c'est de chercher et de trouver. Chaque d�couverte est vraie dans les limites o� s'exerce l'intelligence du chercheur. Il cro�t et pour lui le moins deviendra le plus, mais la v�rit� qu'il a connue ne l'abandonnera jamais, m�me insuffisamment exprim�e. Elle l'a aid� en cours de route et lui restera �ternellement pr�cieuse.

Quand la science th�osophique, c'est-�-dire la science de la vie, se d�roule sous mes yeux, je constate que sa lumi�re blanche int�grale se d�compose en un arc-en-ciel offrant des principes ou lois:

Premi�rement � la Vie ou Conscience est. Il faut l'admettre comme axiome.

Deuxi�mement � la Vie est une. Une et indivisible. L'Un contient le Nombre et celui-ci vibre dans l'Un. [Page 219]

Troisi�mement � la Vie est partout. Je ne puis concevoir un lieu ou une condition dont on pourrait dire: "la vie n'y est point�. Il peut y avoir un minimum de Vie ou un maximum de Vie, mais point une absence compl�te de Vie.

Quatri�mement � la Vie est mouvement. La Th�osophie me d�clare qu'elle n'est en repos nulle part. La Vie est toujours active suivant un continuel processus de d�veloppement. Le temps est ce processus au ralenti. L'�ternel en est la pl�nitude.

Cinqui�mement � la Vie est hi�rarchique. La Vie est comme une �chelle. Sur chaque �chelon la Vie r�gne, parvenue � tel ou tel stage de sa progression, allant de l'inconscience � la soi-conscience, de l'esclavage � la royaut�. D'o� les r�gnes naturels qui existent, et en chacun d'innombrables vari�t�s qui existent dans chaque r�gne.

Sixi�mement � la Vie est Individualit�. Partout l'individualit� est en cours de d�veloppement. Elle est de plus en plus marqu�e, en raison des progr�s de l'�volution. L'universalit� elle-m�me n'est que l'expression de l'ind�pendance �panouie.

Septi�mement � la Vie se suffit � elle-m�me. A chaque individualit� ses circonstances [Page 220] suffisent. Point de vie, quel que soit son degr� de d�veloppement, � qui fassent d�faut les conditions de progr�s. Point de d�sespoir, point d'obscurit� si complets que l'on ne puisse en sortir. La voie menant de l'obscurit� � la lumi�re est toujours ouverte et doit �tre suivie; elle l'est, d'ailleurs, malgr� les apparences.

Ainsi: VÉRITÉ TRIOMPHANTE � AMOUR OMNI-PRÉSENT � LOI OMNIPOTENTE.


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