LES NIVEAUX DE CONSCIENCE DANS L'HOMME

par Phan-Chon-Tôn .

Selon le Dictionnaire Larousse, la conscience est la perception plus ou moins claire des phйnomиnes qui nous renseignent sur notre propre existence.

Il est difficile de trouver une meilleure dйfinition du mot conscience. Ce mot provient de la racine science, qui signifie connaissance, et de cum, qui veut dire avec, ensemble. La conscience est donc constituйe par 1a somme des perceptions des phйnomиnes qui, ensemble, constituent ce que nous appelons notre vie.

Il faut alors dйfinir ce qu'est la vie. Citons ces quelques remarques d'Annie Besant. Conscience et Vie sont synonymes et servent a dйsigner une seule et mкme chose vue du dedans ou du dehors. Il n'y a pas de vie sans conscience et pas de conscience sans vie. La Vie est la Conscience tournйe vers l'intйrieur et la Conscience est la Vie tournйe vers l'extйrieur. Si notre attention se porte sur l'unitй, nous disons "Vie"; si elle se porte sur la multiplicitй, nous disons "Conscience". (Une Йtude sur la Conscience, p.31)

Si ces remarques ne nous donnent la dйfinition ni de la Vie ni de la Conscience, elles nous indiquent au moins une chose essentielle: la Vie et la Conscience sont la mкme chose, vue d'un cфtй ou de l'autre.

Lorsqu'on dit qu' "on est conscient", on dit immйdiatement "de quelque chose". Pour qu'il y ait conscience, il faut deux choses: l'кtre conscient et la chose dont il est conscient. Mкme lorsqu'on dit, dans le langage courant que quelqu'un est conscient, cela veut dire qu'il est conscient de son corps et du fait que ce corps vit. Qu'est-ce donc que la Vie? Prenons notre corps, pour raisonner sur un exemple concret. Le corps vit lorsqu'il peut se mouvoir et percevoir 1e monde autour de lui. Vivre, c'est percevoir, vivre, c'est agir. Un corps mort est un corps qui ne sent rien et qui ne bouge pas. C'est simple, simpliste mкme , mais il faut passer par cette constatation pour aller plus loin.

Nous disons donc que notre corps vit lorsque, d'une part, il rйagit aux impacts du monde qui l'entoure, d'autre part, lorsqu'il fait quelque chose par lui-mкme. Le fait mкme que le corps vive –sans mouvement apparent- nous 1e savons, la science nous l'a dйmontrй, suppose que les organes, les tissus et mкme les cellules de notre corps travaillent. Le principal organe est 1e cњur. Lorsqu'il bat, il y a vie, lorsqu'il ne bat plus, c'est la mort. Le deuxiиme organe est l'ensemble respiratoire avec ses deux poumons : quand nous vivons, nous respirons ; c'est pourquoi nous parlons du "souffle de vie", que les latins appelaient "anima", mot dont plus tard les hommes ont fait le centre de 1 'кtre vivant, l'вme, 1e principe spirituel (de spiritus, souffle, а nouveau). De lа, on fait une diffйrence entre tes кtres animйs, ceux qui ont une "anima", un souffle, et les choses inanimйes, celles qui n'ont pas d' "anima". Et dans cette optique, non seulement les pierres et les йlйments de 1a nature, l'air, l'eau … йtaient considйrйs comme inanimйs, mais les plantes aussi ont pendant 1ongtemps йtй classйes parmi les choses inanimйes. [Et l'esprit humain est tellement retors qu'il en est allй jusqu'а dire que les animaux n'ont pas d'вmes. Mai s ceci est une autre question. ]

Or, c'est ici que les progrиs de la science ont apportй un complйment d'information, qui a fait changer 1'optique humaine de la vie. La science biologique a, en effet, dйcouvert que les corps, ceux des humains aussi bien que ceux des animaux, sont des ensembles comp1exes d'unitйs plus petites, qui doivent fonctionner pour que le corps dans son ensemble puisse vivre. Il y a d'abord la prise de conscience de 1'existence des organes, comme nous l'avons vu plus haut. Au dйbut, c'est une prise de conscience physiologique, de 1'organe en marche, de la fonction de 1'organe. Les anciens savaient que "le souffle йtait la vie", mais ils ne savaient pas que des organes distincts йtaient prйposйs а 1'entretien du souffle, et pensait que c'йtait le corps qui respirait.

Il a fallu l'audace de certains mйdecins, qui osиrent ouvrir cette unitй sacro-sainte qu'йtait le corps pour, petit а petit, se rendre compte que l'intйrieur du corps n'йtait pas homogиne comme on l'imaginait alors -le corps йtait vu comme un "sac de chair"-, mais qu'il se composait de beaucoup de choses aux structures et apparences trиs diffйrentes. Ainsi pas a pas on dйcouvrit les muscles, les os, les nerfs, et plus tard l'њsophage, la trachйe-artиre, et bien plus tard encore 1'estomac, les intestins, puis le cњur, et les poumons. Chez les chinois, ce fut par la dйcapitation que les mйdecins se rendirent compte de 1'existence des nerfs et autres йlйments de corrйlation, ce qui constitua la base de l'acupuncture. En Occident, ce fut par des dissections et recoupements, par raisonnement logique, que l'on est graduellement arrivй а attribuer les fonctions physiologiques а des organes ou des systиmes bien dйterminйs. L'une des premiиres rйvйlations a ce sujet fut le systиme circulatoire, qui comprend le cњur et l'ensemble des artиres et des veines. C'est un systиme fermй, isolй des autres tissus, avec des tubes d'une structure et d'une composition particuliиres, et qui surtout remplit une fonction spйcifique. Cette fonction est double; d'une part, c'est une fonction mйcanique, qui sert а propulser le liquide sanguin dans tout le rйseau, grвce а la pompe centrale qu'est le cњur ; d'autre part, ce sang vйhicule des g1obules rouges, qui transportent l'oxygиne et des globules blancs, dйfenseurs de l'organisme. (Restons dйlibйrйment dans cette vision simpliste de la circulation.) La pompe n'est pas un appareil mйcanique simplement automatique, elle change de rythme selon les besoins du corps, elle change de pression aussi, et c'est elle mкme qui rйgule ces opйrations. On peut dire que le cњur a une certaine conscience, une certaine intelligence. De leur cфtй, les globules rouges ou blancs, aussi rйagissent -les uns au manque d'oxygиne, les autres aux toxines des attaquants- et selon le cas, rйgulent leurs propres rйactions, en nature et en intensitй. L'on sait combien est prйcise la rйponse immunologique des g1obules blancs.

Si nous prenons les muscles, nous voyons que le niveau de rйaction est beaucoup plus rudimentaire, et toutes les cellules font ou bien une contraction ou une dйtente, et 1a commande se fait de l'extйrieur. Et si nous nous adressons par exemple a des cellules de la peau, la rйponse est encore plus simple. Elle est surtout beaucoup plus aveugle: 1a cellule rйpond en sйcrйtant des substances de dйfense, qui attaquent 1a cellule el1e-mкme. Lorsqu'i1 y a une plaie, le pus qui en sort est fait d'une multitude de cellules qui sont tuйes par leurs propres sйcrйtions de dйfense. Cet exemple simpliste dйmontre dйjа que les cellules des diffйrents tissus de notre corps n'ont ni 1a mкme sensibilitй ni le mкme degrй de fonctionnement, les unes sont presque soi-conscientes, les autres ont а peine l'aperception.

Mais analysons un peu plus en dйtails notre exempte. Nous avons vu que le systиme circulatoire a une conscience de niveau supйrieur a celui de 1a conscience des cellules de 1a peau. Il y a une diffйrence de structure entre la peau et 1e systиme circulatoire. On peut dire que 1a peau -ou 1e tissu conjonctif- est un agglomйrat sans beaucoup d'orientation de cellules de mкme type; celles-ci ont donc toutes les mкmes rйactions et toutes font 1a mкme chose, aveuglйment. Dans le systиme circu1atoire , il y a une structure beaucoup plus complexe avec plusieurs sortes de tissus, chacune spйcialisйe dans un travail dйterminй. Cet exemple montre que 1a conscience est plus dйveloppйe dans un organe ou ensemble d'organes plus complexes, et c'est l'assemblage fonctionnel -non plus un agglomйrat informe- qui sert de vйhicule а 1a conscience plus йlevйe.

Si nous examinons un tel organe ou systиme d'organes, on peut dйtecter au moins deux niveaux de conscience, celui des cellules constitutives de la "matiиre" des organes, et celui de l'ensemble. Si 1a conscience de 1'ensembie est dйveloppйe, cet 1e des cellules le sera beaucoup moins, et si l'on fait des tests  immunologiques, qui dйtectent les caractйristiques intrinsиques des cellules, on s'apercevra que ces cellu1es ressemblent beaucoup а celles de la peau.

Si donc on considиre un organisme complet; -tel le corps de l'homme- on y dйtectera trois niveaux de conscience, -ou plutфt trois consciences de niveaux diffйrents- une au niveau des cellules, une au niveau des organes et enfin, une au niveau de 1'organisme.

Considйrons maintenant l'кtre a ses diffйrents niveaux d'activitй.

Chez l'enfant de 2 ans par exemple, qui commence а кtre autonome, l'utilisation du corps consistera uniquement en l'usage des fonctions physiques : il marche, court, il mange, il fait pipi, il dort et se rйveille. Sa conscience est collйe au corps. Lorsqu'il a faim, i1 rйclame а manger parce que son corps rйclame de 1a nourriture. Et surtout il ne rйsiste pas а ces rйclamations : sa vie en tant qu'кtre humain est identique а celle de son corps. On voit d'ailleurs le cas des gens qui n'ont pas grandi autrement que physiquement, et qui, dиs que quelque chose les attire, s'en emparent par tous les moyens physiques dont ils disposent, au risque -involontaire mais incontrфlй- d'aller jusqu'а tuer d'autres кtres, humains ou non.

Mais chez l'кtre humain, dans la majoritй des cas, au stade actuel de l'humanitй, il y a un dйveloppement graduel de ce que les Hindous appellent les instruments de la connaissance, autrement dit les organes sensitifs, les organes de perception, surtout l'њil et l'oreille. Et petit а petit, le petit homme qui grandit s'affranchit de la dйpendance immйdiate de son corps. La sphиre de sa conscience s'йlargit et dйpasse de plus en plus les limites de son corps.

Puis il apprend а aimer, ou а ne pas aimer. Attraction ou rйpulsion, sont tout d'abord immйdiates et physiques. Puis avec la mйmoire -d'abord physique- de la douleur, de la douceur..., ces impressions se continuent mкme aprиs que la sensation physique soit passйe... Il dйveloppe sa conscience sensorielle, qui graduellement devient йmotionnelle et sentimentale.

Il apprend aussi а raisonner, а comparer, а distinguer... et petit а peti t sa conscience, d’abord cйrйbrale, acquiert une dimension intellectuelle de plus en plus grande.

Chez la plupart des humains, nous en sommes lа avec trois niveaux de conscience а 1'йchelle humaine, celle d'un кtre complexe, la conscience sensorielle, la conscience йmotionnelle et la conscience intellectuelle. Selon les qualitйs innйes -les samskaras-, selon le milieu et 1'йducation, selon le degrй ou la frйquence du fonctionnement, chacune peut avoir sa dimension propre, et c'est ce qui fait la diffйrence entre les кtres humains – et l'on parle de 49 tempйraments humains.

La caractйristique commune а tous ces niveaux de conscience est qu'elle est la rйponse aux impacts du monde extйrieur, que celui-ci se prйsente comme une autre cellule (rйaction de dйfense), comme une substance, bienfaisante ou nйfaste, ou comme un objet, physique ou moral, immйdiat ou 1ointain (sons, couleurs...), qui provoque une sensation, une йmotion ou une pensйe.

Mais chez certains кtres humains -et il y en a de plus en plus- il existe une autre source de conscience qui ne dйpend pas de l'extйrieur, mais de l'intйrieur. C'est ce qu'on appelle d'ailleurs la voix de la conscience. Pour le moment, qu'il suffise de la mentionner sans en explorer l'origine, m 1a faзon dont elle se fait entendre.

Chez l'кtre humain donc, il y a un septiиme niveau de conscience. En plus des trois йnumйrйs prйcйdemment, а savoir la conscience des cellules, la conscience des organes et celle de 1'organisme, toutes trois dйjа prйsentes chez les animaux et а un degrй moindre chez les vйgйtaux, et les trois autres niveaux de conscience que possиdent les кtres humains, celui-ci possиde une autre conscience, extra-organique qui le diffйrencie de l'animal, qui atteste que l'humain a atteint un degrй d'йvolution plus йlevй que l'animal. Cette conscience, lorsqu'elle peut s'exprimer, tend а guider le comportement de l'кtre humain, guidage qui, d'ailleurs, se met gйnйralement en opposition, pour le moins en dйsaccord avec les attractions ou rйpulsions йprouvйes aux six autres niveaux. Si on observe ce qui se passe chez l'кtre humain, on se rend compte que cette septiиme conscience n'obйit pas aux besoins de l'organisme, mais tire ses "ordres" d'une autre source. Cette source, comme nous 1'avons dit prйcйdemment, est appelйe "la conscience" dans le langage moral courant. La plupart des traditions et religions disent qu'elle prend sa source dans la partie spirituelle de l'homme. Et ce dualisme, cette opposition mкme, entre cette conscience spirituelle et les consciences corporelles dйmontre la diffйrence de nature entre le ou les corps et l'esprit. Et l'кtre humain est un кtre particulier dans l'йchelle des кtres vivants, chez lequel il y a co-habitation du matйriel et du spirituel , co-habitation divergente, difficile, mais dont les problиmes, les conflits, fournissent des occasions а l'esprit de s'affirmer vis-а-vis de la matiиre et а celle-ci d'emprisonner l'esprit : ceci procure aux deux pфles de l'кtre humain le terrain pour faire 1eurs expйriences. "L'union de Purusha et de Prakriti a pour but la rйalisation par Purusha de sa propre nature et йgalement par Prakriti," dit Pataсjali, 1e maоtre du Yoga. Autrement dit, chez l'кtre humain, et 1'esprit et la matiиre vont а 1'йcole, une йcole dont les travaux pratiques sont les йvйnements mкmes de la vie humaine, et dont les leзons se dйduisent, se distillent, de ces expйriences.

Dans la plupart des traditions, on s'accorde а dire que l'esprit aussi bien que la matiиre sont йmanйs d'une source unique, gйnйralement appelйe Dieu (Logos, Crйateur, Brahma,...) Ainsi l'adage occulte dit : "Dieu va а l'йcole". On rйalise alors que 1'кtre humain n'est pas seulement ce petit corps ni mкme son petit esprit, si brillant soit-il, mais le terrain sur lequel Dieu, le Crйateur de l'Univers , fait son apprentissage, et, grвce aux expйriences rйalisйes, se perfectionne.

Arrivй а ce point, qui est a la limite de notre connaissance directe, il est nйcessaire de faire appel a des informations que nous ont lйguйes des кtres qui ont poussй plus loin leurs investigations et qui ont appris а utiliser plus pleinement leurs trois niveaux de conscience humaine. I1s se sont aperзus que ce que nous appelons "matiиre", qu'elle soit physique, йmotionnelle ou intellectuelle, n'est pas une substance homogиne comme l’eau par exemple. D’ailleurs, la science a dйmontrй que cette substance qui semble homogиne, unie, cohйrente, est en rйalitй constituйe par des unitйs sйparйes, bien individualisйes, appelйes atomes, qui, dans le cas de l'eau liquide, glissent les unes sur les autres, ce qui donne а l'eau l'apparence connue. De mкme, toute matiиre est constituйe d'unitйs sйparйes, et dans le langage occulte ces unitйs sont appelйes "йlйmentaux", dans la plupart des religions, des "dieux". Quel que soit 1e nom qui leur est donnй, ce sont des unitйs qui ont leur propre conscience, et si nous comparons celle-ci а la conscience des cellules qui sont de gros agrйgats d'atomes, cette conscience des atomes, ou des йlйmentaux, est encore plus rudimentaire. C'est ce qui fait la ou les propriйtйs des йlйments chimiques et qui est а la base de leur rйactivitй. C'est cette rйactivitй, trиs diversifiйe, qui a crйй 1e monde tel que nous le connaissons. Ce monde qui existe est donc le rйsultat du travail de ces unitйs de conscience, qui њuvrent chacune а son niveau, et qui, par l'intermйdiaire de ces rйactions -rйactions en soi, et rйactions faites а l'intйrieur d'unitйs plus grandes, molйcules, macro-molйcules, cellules, organes, organismes-, tirent leurs expйriences, et partant, progressent graduellement. Ainsi, а l'intйrieur de la conscience globale d'un кtre humain, si nous nous plaзons a un niveau assez primitif, il y a une multitude d'unitйs de conscience, chacune opйrant а sa faзon et dans sa propre direction. Et c'est sa conscience supйrieure qui, dиs l'apparition des premiиres agglomйrations de matiиre, oriente l'йvolution des molйcules, puis des formes des organismes. Cette opйration se fait d'ailleurs le plus souvent par une lutte entre les deux sources de conscience, l'une essayant de flйchir l'autre, la seconde rйsistant а la premiиre.

Un exemple tirй de la biologie peut dйmontrer comment se fait cette orientation. Prenons la cellule. Elle est faite d'une substance de base, appelйe cytoplasme (substance de la cellule), dans la quelle, au microscope, on voit apparaоtre un noyau . Pour le moment, limitons-nous а ces deux йlйments de la cellule. Nous savons que le cytoplasme est la matiиre vivante, car elle contient non seulement les composйs dits "organiques", ceux qui, ensemble, constituent la "matiиre" du   corps, la chair et les os de la cellule si l'on peut employer cette image; mais elle contient aussi les substances dites "biologiquement actives", qui sont les agents permettant а ta cellule de fonctionner. On distingue deux catйgories principales de ces substances biologiquement actives: d'une part les enzymes, et d'autre part les hormones.

Les enzymes sont des substances extrкmement actives, dont 1a seu1e prйsence en trиs petite quantitй, rend possibles des transformations de la matiиre organique. Les enzymes sont donc, pour la cellule ce que sont les ouvriers et artisans de divers corps de mйtier pour 1a sociйtй. Toute cette activitй de transformation, de dйmolition et de construction, de dйgradation et de synthиses appelй mйtabolisme, constitue la vie propre de la cellule, sa vie physique. Les biologistes se sont aperзus que toute cette activitй multiple n'est pas dйsordonnйe. Elle est commandйe, rйgulйe, a plusieurs niveaux.

Il y a d'abord le niveau chimique si l'on peut l'appeler ainsi. Il y a dans la cellule quelque chose qui veut qu'il y ait un йquilibre entre les substances existantes. Par exemple, si une cellule a absorbй beaucoup de sucres, elle en est incommodйe, intoxiquйe, et elle s'empresse de demander а des enzymes spйcifiques, d'une part de dйmolir une partie des sucres pour dйgager de l'йnergie (la tempйrature du corps s'йlиve lorsque nous avons mangй), d'autre part, de transformer ces sucres immйdiatement utilisables en d'autres substances  pour une utilisation ultйrieure, appelйes substances de rйserve, amidon chez les vйgйtaux, glycogиne chez les animaux, graisse aussi chez les animaux (obйsitй). Ce niveau de rйgulation peut кtre appelй auto-rйgulation interne de la cellule en tant qu'unitй physique vivante, et cette activitй se retrouve а peu prиs identique dans toutes les cellules, а quelqu'organisme qu'elles appartiennent.

Mais un organisme, йtant constituй par plusieurs cellules (pluricellulaire), doit veiller а l'organisation de ces cellules. Gйnйralement, les diffйrentes fonctions vitales sont confiйes а des organes ou tissus spйcifiques, des ensembles de cellules de structure et de mйtabolisme spйcialisй.

Qu'est-ce qui dirige ce travail, appelй diffйrenciation ? Les agents chimiques qui sont responsables de l'orientation du travail des enzymes (ouvriers, maоtres d'њuvre) sont des substances appelйes hormones. Ce sont aussi des substances biologiquement actives, dont la prйsence en trиs petites quantitйs (moindres que celles des enzymes) suffit pour orienter le travail de synthиse des enzymes. Ce sont des substances que nous pouvons presque qualifier d'intelligentes. Car en plus du fait que chacune dirige l'orientation d'un travail dйfini -par exemple l'allongement de la cellule-, le dйveloppement harmonieux d'une cellule ou d'un tissu est rйgulй par un ensemble d'hormones, qui coordonnent les travaux : une hormone commande l'allongement, mais une autre va stopper cet allongement lorsque la cellule aura atteint une dimension donnйe, et une autre demandera aux enzymes de consolider les parois cellulaires... Dans chaque cellule, i1 y a une йquipe d'hormones qui veille a sa croissance, а son dйveloppement et а sa diffйrenciation. Dans chaque tissu, chaque organe, chaque organisme, il y a un certain nombre de telles йquipes de substances intelligentes. D'ailleurs, chez les animaux, c'est gйnйralement de l'extйrieur, d'un organe de rйgulation, que vient l'ordre, transportй par des messagers.

Mais nous avons vu que dans la cellule, il y a un autre йlйment, le noyau.

On a d'а bord dйcouvert que le noyau renferme tous les caractиres hйrйditaires de la cellule. Autrement dit, il prйside au travail de toutes les йquipes intelligentes (hormones) et de tous les agents actifs (enzymes). Il est la tкte du corps qu'est le cytoplasme. Et sa prйsidence a quelque chose de plus que l'intelligence, puisqu'elle peut opйrer des changements d'orientation lorsque cela est nйcessaire, changements qui ne suivent pas toujours un enchaоnement logique : c'est ce qu'on appelle des mutations. Et l’йvolution des espиces est faite d'une suite de mutations, de sauts dont seul le noyau a le secret.

Pendant longtemps .nous avons cru que "la cellule" йtait ainsi composйe d'un corps matйriel qu'est son cytoplasme, et d'un centre de commande qu'est le noyau, les deux pфles d'une mкme unitй.

Eh bien, les progrиs dans la microscopie, avec l'avиnement du microscope йlectronique, combinйs avec l'orientation de la biologie dans l'idйe d'йvolution, ont fait dйcouvrir autre chose : le noyau est entourй d'une membrane double . Et pendant des annйes il йtait dйcrit comme tel. Il y a deux autres sortes d'йlйments dans la cellule, qui ont йtй dйcouverts plus tard, et qui ont йtй appelйs "mitochondries" et dans les cellules   vйgйtales "chloroplastes". Les chloroplastes sont les vйhicules de la matiиre verte des feuilles. Avec le microscope йlectronique, il a йtй possible de dйceler que eux aussi sont recouverts d'une membrane double. Et pendant longtemps on s'йvertua а dйcrire cette membrane avec son feuillet externe, son feuillet interne et entre les deux un espace inter-membranaire qui est rempli de liquide, dont un certain nombre d'enzymes.

Ce qui nous intйresse dans le contexte de cette confйrence, c'est une dйcouverte plus rйcente encore : que ces organites sub-cel1u1aires possиdent des acides nuclйiques, non seulement des ARN, mais aussi des ADN. Or, ceux-ci avaient toujours йtй considйrйs comme 1'apanage exclusif du noyau. Et voilа que des acolytes possиdent le trйsor nuclйaire. Autrement dit, il faut -а regret- conclure que ces deux sortes d'йlйments ont la stature d'une cellule intйgrale, l'йquivalent d'un noyau. Du coup, on commence а comprendre la signification de la double membrane. En rйalitй, ce n'est pas une membrane а deux feuillets, ce sont deux membranes distinctes, placйes l'une en face de l'autre. Et on croоt aujourd'hui que ces organites ont йtй des cellules autonomes, qui, a un certain moment dans l'histoire du monde, sont entrйes en symbiose avec la cellule, et l'ingestion de ces йlйments par la cellule se fait de la faзon d'une phagocytose, avec la membrane cytoplasmique qui s'invagine pour englober l'йlйment йtranger, lequel garde sa propre "peau" pour se dйfendre contre les enzymes destructrices sйcrйtйes par le cytoplasme. Cette  double membrane n 'est donc pas une structure homogиne, mais deux lignes de dйfense, la membrane "interne" йtant la membrane propre de 1'йlйment avalй, et la membrane "externe", celle du cytoplasme, et entre les deux, le mйlange des enzymes sйcrйtйes par l'un et l'autre, avec certainement des antidotes. Finalement, les deux ont conclu un modus vivendi, appelй symbiose : la mitochondrie dйmolit les sucres pour fabriquer des composйs йnergйtiques, mais les sucres sont fournis par le cytoplasme. Il y a йchange de produits, comme se fait le commerce d'un cфtй et de l'autre du rideau de fer, mais pas de mйlange substantiel.

Du coup, rappelons nous que le noyau aussi a une membrane double, et a des ADN. De lа, il n'y a qu'un pas а franchir pour dire que le noyau aussi a certainement йtй une cellule autonome, qui s'est introduite dans la cellule primitive reprйsentйe maintenant par le cytoplasme, et que les deux vivent depuis lors en symbiose. Mais cette symbiose est d'un type diffйrent de celle entre 1a mitochondrie et le cytoplasme. Le cytoplasme est 1e reste d'une ancienne cellule qui n'avait qu'un amas de matiиre nuclйaire, cellule trиs primitive dans 1'йchelle йvolutive, appelйe cellule prokaryote, cellule avec un semblant de noyau prototypique, sans contour dйfini. Et lorsque l'autre cellule y a pйnйtrй, elle apporte un patrimoine gйnйtique tellement plus intйressant, que la cellule-hфte s'en remet а la nouvelle arrivйe pour son hйrйditй : elle ne se sert plus de son noyau informe, qui rйgresse et finit par disparaоtre, et la cellule est devenue le cytoplasme, un corps sans tкte. De son cфtй, la cellule intruse n'a plus que ce rфle gйnйtique а jouer, puisqu'elle est nourrie et entretenue par le cytoplasme, et finit par perdre toute sa substance corporelle : elle n'a plus de cytoplasme et ne retient que sa substance nuclйaire, et celle-ci est enveloppйe dans sa membrane propre doublйe de la membrane de dйfense du cytoplasme. Cette association, qui rйunit un corps sans tкte et une tкte sans corps, rappelle йtrangement 1'image donnйe par 1es Hindous de 1'association Purusha-Prakriti, un paralytique montant sur les йpaules d'un aveugle, les jambes du deuxiиme servant de support aux yeux du premier, les deux rйalisant un corps fonctionnel commun.

Pour en revenir au sujet de la conscience, nous apercevons alors que ce que nous appelons la conscience de la cellule est un ensemble complexe, dans lequel interviennent les tendances de la 1ignйe matйrielle, les directives de la lignйe spirituelle et les ordres plus immйdiats de la lignйe intellectuelle.

Et cet exemple illustre un autre fait : que ce n'est pas seulement а la formation de l'homme, ce que la science appelle hominisation et que la thйosophie nomme individualisation, qu'il y a descente de l'esprit dans le corps. Le corps de 1'homme, et mкme celui des animaux, des vйgйtaux et des minйraux, sont dйjа formйs selon l'influx spirituel. Nous l'avons vu а l'йchelle de la cellule. Beaucoup de savants, tels que Jean Charron, l'ont dйmontrй а 1'йchelle de l'atome et de 1'йlectron. Ce que nous appelons l'йtape humaine de l'йvolution dйbute donc bien avant l'apparition de l'espиce homo sapiens.

D'un autre cфtй, l'homo sapiens n'avait en lui que des potentialitйs dont seulement une petite partie a йtй actualisйe. Il a йtй dйcouvert que dans les gиnes, un tiers seulement de leur structure portaient des caractиres identifiйs, les deux autres tiers, constituйs aussi par des ADN associйs а des protйines, avaient des fonctions jusqu'ici inconnues. Il est probable que cette partie restante porte des caractиres qui se seront dйveloppйs au cours de 1'йvolution ultйrieure de 1'homo sapiens [d’ailleurs le mot sapiens ne veut pas dire « sage », mais dйrive du verbe latin sapire qui signifie « goыter » (d’oщ vient le mot saveur) donc il ne fait qu’expйrimenter, … pour un jour devenir sage…] et qui prendra encore pas mal de temps pour actualiser toutes ses potentialitйs, pour devenir ce qu'en thйosophie on appelle l'Homme parfait. А ce stade, l'homme aura une conscience dans laquelle la partie spirituelle -qui est encore trиs peu dйveloppйe- s'exprimera pleinement, en harmonie avec sa partie intellectuelle et sa contre-partie physique. Ce sera alors la conscience intйgrйe.

Mai s cette conscience intйgrйe ne s'obtient pas d'emblйe. Il faut l'acquйrir progressivement. Et au stade actuel de l'humanitй, elle est encore loin d'кtre dйveloppйe. Les humains peuvent кtre fiers de leur capacitй de raisonnement, de perception et de sensation. Mais si l'on examine ces diffйrents aspects de la vie humaine, nous nous apercevons que celle-ci tourne entiиrement autour des impacts immйdiats de l'environnement. Comme nous 1'avons vu plus haut pour 1'enfant, l'adulte ne vit pas de faзon trиs diffйrente : il obйit aussi aux besoins et aux tendances de son corps physique, de sa psychй et de son intellect. D'ailleurs, le contenu psychologique d'un кtre humain moyen ne dйpasse pas l'ensemble des rйactions d'un niveau а peine au-dessus du physique, aux sensations recueillies par les sens physiques, et se rapportant presqu'uniquement а la vie du corps physique. Pour beaucoup de personnes, ce qui est agrйable est ce qui flatte, favorise, nourrit le corps, ce qui est dйsagrйable est ce qui est pйnible pour le corps, et gйnйralement, si l'on examine les rйactions de toute la journйe, jour aprиs jour, semaine aprиs semaine, annйe aprиs annйe, tout tourne autour du corps. C'est pourquoi, il est courant d'entendre dire que l'humanitй n'a pas beaucoup йvoluй depuis le Moyen-Вge.

Il en est de mкme du domaine de 1a soi-disant pensйe. L'кtre humain moyen ne pense pas. Il a des pensйes qui naissent de sensations et de perceptions, agrйables ou dйsagrйables, qui sont а peine du niveau mental et qui toutes tournent aussi autour de la vie du corps : 1a nourriture, la fabrication d'un bon plat, le choix d'une robe, d'une cravate, le souci d'кtre "bien habillй", le salaire, les impфts,... En gйnйral, ce que nous appelons "le travail", mкme apparemment intellectuel, se rйsume а la rйpйtition des mкmes gestes physiques -avec des accessoires mentaux, calcul, pourcentage, et   cela jour aprиs jour.

А tout cela, il a йtй donne le nom de "conscience de veille". Si l'on veut bien la voir honnкtement- , c'est la conscience dans la quelle notre conscience vйritable est le plus endormie. Nous pouvons dire que les neuf dixiиmes de l'кtre humain sont inactifs ou suivent passivement les agissements du corps physique. C'est la conscience dans laquelle il y a la plus grande identification avec le corps. Et elle est appelй "conscience de veille", tout simplement parce que le corps est йveillй. La psychologie hindoue distingue trois autres йtats de la conscience. А part la "conscience de veille" (jвgrat), elle distingue, successivement, "l'йtat de rкve" (svapna), "l'йtat de sommeil sans rкve" (susupti ), et finalement "1e quatriиme йtat" (turya). Ce sont des expressions qui, prononcйes avec les mots usuels, prкtent а confusion. Shankarвchвrya a dйfini ces йtats de conscience de faзon remarquable.

"L'йtat de rкve" est dйfini comme йtant celui dans lequel les йlйments du contenu psychologique -йmotionnel et mental- n'ont pas de correspondants "de veille". Autrement dit, il y a un hyatus entre ce que ressent le corps et ce qui occupe notre conscience. C'est ce hyatus qui donne ce caractиre de "rкve". Mais il ne s'agit pas uniquement de songes. D'ailleurs, lorsque quelqu'un s'absorbe dans son imagination, ou ses idйes, on dit qu'il "rкve". Son psychique est en grande activitй, mais cette activitй n'a plus de connexion avec la vie physique. La conscience est alors centrйe sur un autre plan que le physique.

L'кtre humain moyen, au stade actuel du dйveloppement, ignore quasi totalement ce domaine. Et les psychologues commencent seulement а l'explorer. Pourtant, si l'on en croient ceux qui y sont conscients, ce domaine est infiniment plus йtendu, plus riche que le niveau physique, oщ chaque chose a un contenu limitй et les interrelations entre les choses sont lentes. Au deuxiиme niveau de conscience, les choses sont plus mouvantes et plus subtiles.

Puisque peu de gens savent ce qu'est cette "conscience de rкve", il est inutile de s'йtendre sur le troisiиme niveau, "l'йtat de sommeil profond" , "de sommeil sans rкve". Dans le deuxiиme niveau, les images йmotionnelles et mentales, si elles sont dйconnectйes d’avec la « rйalitй » physique, n'ont pas moins pris racine dans les йlйments de cette "rйalitй". Au troisiиme niveau, les "modifications", comme les appelle Pataсjali, non seulement sont dйconnectйes d'avec le premier et le deuxiиme niveaux, mais n'ont pour origine ni les йlйments physiques, ni les йlйments psychiques. Tant que cette expйrience n'a pas йtй faite, il est inutile d'essayer de dйcrire ce niveau. Et cette origine peut кtre dite "diffйrente", c'est tout. C'est pourquoi cet йtat est dit "de sommeil profond, ou sans rкve", parce que ce qui y est prйsent n'a plus le caractиre d'images. Ce sont des йlйments non-formels (arupa), abstraits, vibratoires.

Lorsque ce silence devient complet, le "quatriиme йtat" est atteint. Cet йtat turya est celui qu'en yoga on appelle le samвdhi, c'est-а-dire lorsqu'il y a dissociation complиte entre l'йlйment spirituel et sa gangue matйrielle qui lui imposait jusqu'alors sa puissance d'illusion. C'est ce que Pataсjali appelle kaivalya, l'isolation, 1'esseu1ement. L'esprit, purusha, aura alors repris et rйalisй sa nature propre, sa "svarupa" et puise en lui-mкme sa propre vie.

Ouvrages citйs :

1. Une Йtude sur la Conscience, Annie Besant, Ed. Adyar , Paris.
2. La Science du Yoga, I.K. Taimni, Ed. Adyar, Paris.
3. Les Enseignements Secrets de Martines de Pasqually, Franz Von Baader, Chacornac, Paris.
4. Le Plus Beau Fleuron de 1a Discrimination, Shankarвchвrya, A. Maisonneuve, Paris.
5. J'ai vйcu quinze milliards d'annйes, Jean Charron,A1bin Michel, Paris.
6. Le Yoga de Pataсjali, ou la Voie de la Dйs-union, Phan-Chon-Tфn, Ed. Adyar, Paris, 2000.
7. L’Homme … quel homme ?, Phan-Chon-Tфn, Ed. Adyar, Paris, 2000.


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