LES MARCHES D’OR

L’éthique de la Sagesse Antique traditionnelle

Commentaires par JOHN ALGEO

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La Sagesse Antique ou la philosophie éternelle comme on l’a aussi appelée, est un corps d’enseignements qui impliquent une façon de se comporter. La doctrine du karma, l’emphase portée par la tradition sur la responsabilité individuelle quant à nos actions et décisions, génère une éthique qui est individuelle, situationnelle et relative plutôt que catégorique et absolue. Il est donc futile de chercher “les 10 commandements” de la Sagesse Antique - une liste de choses spécifiques que nous devrions faire ou ne pas faire.

Bien sur, certains principes généraux de cette philosophie, hérités de la tradition indienne, ont été extrêmement influents dans la pensée moderne, des principes comme Ahimsa [non-violence] ou Viveka [discernement] ou encore Vairagya [ impartialité]. De tels concepts ont développés une abondance d’associations éthiques autour d’eux. Mais plus spécifique que ceux-ci est un court exposé publié par H.P.Blavatsky, intitulé: LES MARCHES D’OR.

H.P.Blavatsky, à travers la Doctrine Secrète et d’autres travaux, fut un chef de file dans la propagation de la philosophie éternelle aux temps modernes. On peut donc dire que “L’éthique présentée brièvement dans ‘Les Marches d’Or’ est ce que la tradition a à dire sur ce sujet”. Ces 13 phrases sont le plus proche équivalent d’une série de 10 commandements de la Sagesse Antique.

“Les Marches d’Or” ont été publiées par H.P.Blavatsky pour la première fois en 1890, en un temps où elle était très concernée par l’injustice, la loyauté et l’altruisme dans sa propre vie. Un peu plus tard, une forme révisée du document a été disponible. Les différences dans la phraséologie entre la version originale et celle révisée sont minimes; elles ont peut-être été rendues nécessaires parce qu’en quelques endroits, sans commentaires, la première version étaient susceptibles de mauvaise interprétation. La version a, de toute façon, a été publiée dans les “Collected Writings” (Volume XII, page 503) et est utilisée ici, comme celle qui représente le plus fidèlement la déclaration dans la forme que BLAVATSKY avait souhaitée pour sa diffusion. [Elle est, originalement, imprimée comme seul paragraphe]. Les espaces et les nombres sont introduits ici pour clarifier la structure de la déclaration qui est discutée plus loi.


 

LES MARCHES D’OR

[préface] Voyez la vérité devant vous:

[1] Une vie propre,
[2] un esprit ouvert,
[3] un coeur pur,
[4] un intellect ardent,
[5] une perception spirituelle non voilée;

[6] une attitude fraternelle envers son condisciple,
[7] la disposition à donner et à recevoir conseil et instruction,
[8] un sens loyal du devoir envers l’Instructeur,
[9] une obéissance volontaire aux commandements de la VÉRITÉ, dès que nous avons placé notre confiance en cet Instructeur et le croyons en possession de la Vérité.

[10] Une courageuse endurance de l’injustice qui nous frappe personnellement,
[11] une intrépide déclarations des principes,
[12] une vaillante défense de ceux qui sont attaqués injustement,
[13] et un regard fixé sur l’idéal de progrès humain et de perfection que la Science Secrète (Gupta-Vidya) décrit -

[Conclusion]
Tel est l’escalier d’or par les marches duquel l’étudiant peut atteindre le Temple de la Divine Sagesse.

Cette déclaration consiste en une injonction en guise de préface, 13 phrases nominales et une déclaration qui conclut et sert de coda pour terminer le tout. C’est une déclaration trompeusement simple, que beaucoup de lecteurs peuvent êtres enclins à considérer comme une collection de pieuses banalités. Mais cette façon de lire manque totalement le point de ce document qui est en fait un guide très structuré pour l’action morale.

Préface. “Les Marches d’Or” sont des recommandations générales qui s’appliquent à une variété de situations et non une liste de Tu dois et Tu ne dois pas. Elles reflètent une croyance en une éthique naturelle plutôt qu’en des commandements révélés. L’injonction qui les préface, met l’emphase sur le caractère naturel et manifeste de l’action morale. Il est dit au lecteur: “Voici la Vérité devant vous”. Les principes éthiques selon lesquels nous devrions agir sont clairs et à la portée de tous; ils sont toujours placés à notre vue et tout ce que nous avons à faire est d’y porter attention.

En vérité, étant donné la nature de karma - les effets de nos actes qui déterminent notre avenir - nous n’avons pas d’autres alternatives que de nous accommoder de l’impératif morale de la nature. Notre seule option est, soit de coopérer avec karma consciemment, en portant pleine attention au sens et effets de nos actions ou alors, de faire cette accommodation inconsciemment soit, donc, d’êtres les vainqueurs ou les victimes de nos propres actions.

Dans la Jainisme, une des religions de l’Inde dont l’origine est approximative contemporaine avec celle du Bouddhisme, les grands saints sont appelés Jinas, “vainqueurs” de la racine du verbe Jayati “il conquiert”. (Le mot ‘Jaih’ veut dire ‘appartenant aux vainqueurs’, et ceux qui s’appellent Jains suivent les traces des saints victorieux.) Le Jina a conquis l’action illusoire, les faux désirs et l’ignorance, il a vu la Vérité devant lui. Le Jina a déjà monté les Marches d’Or et par là même, est le Vainqueur, le Conquérant.

Dans cette injonction qui préface est une constatation du caractère naturel de la loi morale et de sa disponibilité publique. Mais elle est aussi un appel destiné à nous y faire répondre consciemment. La vérité morale de la vie est devant nous, il n’en tient qu’à nous de la percevoir. Pour cette perception, on nous donne un procédé consistant en 13 dispositions que présentent les Marches d’Or. Ces étapes forment 3 groupes, le premier avec 5 mesures, et le second et le troisième avec 4 niveaux chacun. Ce premier groupe traite des principes, des comportements éthiques les plus généraux; les deux suivants deviennent de plus en plus spécifiques.

1- Une vie propre. Le tout premier pas est un pré-requis auquel on ne peut déroger. Dans un sens, ce pas suppose tout le reste. S’il devait être pris intégralement, il ne devrait pas être le premier mais le pas final. La propreté, selon la sagesse populaire, est proche parente de la Divinité, et il est vrai qu’elle l’est - dans un sens plus profond que le dicton populaire ne l’entend généralement. Une vie complètement propre est une vie entièrement morale. Donc notre point de départ est notre fin. Mais les Marches d’Or ne sont pas une échelle à parcourir une fois seulement.

Toute métaphore a ses limites; et si nous prenons cette série de principes éthiques que nous appelons “les Marches d’Or” trop littéralement comme des marches à gravir l’une après l’autre pour atteindre le pinacle de la perfection morale, nous aurons outrepassé les limites de cette métaphore. Nous ne gravissons par les Marches d’Or seulement une fois mais plusieurs fois et à plusieurs reprises; chacune de nos actions est une étape dans une direction sur cette échelle. Et ainsi, on ne passe la première marche juste une fois mais encore et encore. Quand, enfin, nous franchissons parfaitement le cap d’une vie propre, nous aurons franchi tous les autres niveaux et nous serons arrivés dans le temple auquel ils conduisent.

Même si nos premiers efforts à ce niveau sont imparfaits, c’est là que nous devons commencer. Dans ses “confessions”, St. Augustin se souvenait d’avoir prié Dieu; Da mihi castitatem et continentiam sed noli modo (Donne-moi la chasteté et la continence mais pas tout de suite.) C’est la façon dont la plupart d’entre nous se comportent avec les vertus dont nous pensons que la pratique rendra notre vie plus difficile et moins agréable: nous savons que nous devons les acquérir, donc nous les désirons, mais pas tout de suite. Si nous espérons de quelque manière suivre le Sentier, nous devons reconnaître que la vie spirituelle doit être avant tout une vie propre.

Une vie propre comprend le fait de parler véridiquement et gentiment, d’agir droitement, de gagner sa vie honnêtement et utilement, de penser aux autres, être empreint de bonne volonté et réconfortant au milieu des problèmes. Ce sont des qualités simples, mais la vie éthique est à la base, simple et évidente. Il n’y a rien de secret ou de mystérieux dans ce domaine.

Une vie propre est une vie où sommes libres des impuretés qui colorent notre vision. Un des ouvrages célèbres de la spiritualité hindoue est Viveka-chudamani (Le suprême joyau du Discernement) de Shankaracharya. Il cite les quatre qualifications préliminaires pour marcher sur le Sentier. Une de ces qualités est le non parti-pris et l’absence de désir (vairagya). Le mot sanscrit, comme c’est souvent le cas dans cette langue, révèle son sens par ses composants: le sens littéral de vairagya est “être incolore”.

Dans notre langage ordinaire nous utilisons les couleurs pour suggérer notre état mental et émotionnel. Nous voyons rouge quand nous sommes en colère, nous sommes bleus quand nous sommes déprimés, nous voyons le monde à travers des lunettes roses, nous sommes verts d’envie, d’une humeur noire, dans une frousse brune, etc... les couleurs émotionnelles à travers lesquelles nous regardons le monde déforment notre vue de la réalité. Si nous devions voir le monde et le voir en entier, nous devrions retirer nos verres colorés; nous devrions nous passer des humeurs qui colorent notre perception; nous devrions pratiquer vairagya; nous devrions mener une vie incolore, autrement dit, mener une vie propre.

Cette première phase a une autre implication qui est importante pour une vision théosophique de la vie. Être propre c’est d’être libre d’additions étrangères, de tous les contaminants qui s’accrochent à nous et souillent notre pureté innée. La bonté n’est pas un comportement étranger que nous devons péniblement apprendre. Ce n’est pas du maquillage que nous devons appliquer pour masquer un aspect défectueux. C’est plutôt ce qui est naturel en nous quand nous avons nettoyé toute la saleté accumulée qui la cachait. Toute nature est fondamentalement bonne - et la nature humaine l’est aussi. Dans ‘La Voix du Silence’ , H.P.Blavatsky dit que “le mental est comme un miroir; il récolte de la poussière en reflétant” (paragraphe 115). La tâche qui nous incombe est de nettoyer cette poussière qui couvre le miroir afin qu’il puisse refléter parfaitement le soleil.

2- Un esprit ouvert. Si nous voulons trouver le moyen pour nettoyer notre vie, pour ôter la poussière qui a recouvert le clair miroir de la nature humaine, nous devons avoir “un esprit ouvert”. Nous devons vouloir considérer des alternatives et non pas approcher chaque sujet, chaque problème dans la vie et chaque personne que nous rencontrons avec la prétention que nous savons d’emblée comment traiter avec eux. Un esprit fermé est un esprit conditionné; cet esprit est fermé au monde d’expériences nouvelles et ne réagit qu’à ses souvenirs. Il est pareil à celui des chiens de Pavlov.

Ivan Petrovich Pavlov, physiologiste russe, fit des expériences avec les chiens: il sonnait une cloche chaque fois qu’il leur donnait à manger. Très vite, les chiens associèrent la sonnerie avec l’arrivée de la nourriture et des processus physiologiques automatiques, tel la salivation, commençaient dès que la sonnerie retentissait même si les chiens ne recevaient aucune nourriture. Les chiens avaient été conditionnés à se comporter d’une manière potentiellement inappropriée. Il en est de même avec nous. Nos mentals ont été conditionnés par nos expériences passées, de telle façon que nous cessons de répondre aux choses nouvelles mais réagissons seulement à notre passé

Quand nous sommes conditionnés par notre passé psychologique, nous ne pouvons pas mener une vie propre car ce passé est la poussière qui pollue la brillance du miroir du mental. Donc pour mener une vie propre, nous devons avoir un esprit ouvert, un esprit éveillé aux nouvelles possibilités et un mental non conditionné. Etre ouvert d’esprit, ne signifie pas, par contre, que nous devons accepter toutes les choses que nous rencontrons. Le discernement (viveka) est tout aussi indispensable que le non-attachement. Mais nous ne pouvons user de discernement réellement à moins de vouloir s’ouvrir à des idées nouvelles, des alternatives récentes et de convenir que nos idées précédentes, même celles nous avons tenues comme les plus proches et les plus chères, ne sont pas appropriées. Le passé doit être le passé.

Avoir un esprit ouvert c’est d’être conscient de nous-mêmes et de tout ce qui nous entoure, sans émettre de jugements sur toute chose que l’on prend pour vraie, mais simplement reconnaître ce qui est. Il y a bien longtemps, des cartographes européens ont dessiné des cartes du monde qui étaient centrées sur les pays méditerranéens et représentaient l’Afrique et l’Asie comme de petites îles; les Amériques n’y figuraient pas du tout. Tout autour, sur les bords des cartes, on trouvait des avertissements comme: Ici habitent les Dragons. Comme Alfred Korzybski, le fondateur de General Semantics, le dit, nous prenons souvent la carte pour le territoire. La carte est notre mental, le territoire est le monde. Pour découvrir le monde tel qu’il est réellement, les explorateurs ont dû abandonner les vieilles cartes et s’aventurer dans ces territoires où, selon les avertissements, habitaient les dragons. Mais ils n’ont pas trouvé de dragons. Ils ont trouvé à la place de nouveaux mondes. Pour faire leurs découvertes, ils eurent besoin de regarder le territoire autour d’eux et non leurs cartes. Ils avaient besoin d’esprit ouvert. Nous aussi.

3- Un coeur pur. Si nous gardons un esprit ouvert et considérons des idées nouvelles, comment pouvons-nous empêcher ces nouvelles idées de devenir juste un peu plus de poussière assombrissant le miroir? Comme trouverons-nous notre chemin dans un territoire dont nous n’avons pas de carte? Comment pouvons-nous nous empêcher de fabriquer de nouvelles cartes qui sont tout aussi fausses que les précédentes, bien que d’une manière différente? Le pas suivant des Marches d’Or est la réponse à de telles questions: “un coeur pur”.

L’expression “un coeur pur” se réfère à quelque chose de bien précis. Ce mot pur signifie: “non mélangé, uniforme, homogène’, “Un coeur pur” signifie cette unité de direction, cette intensité d’intention, cette dévotion qui, selon le Viveka-chudamani, est la 4ième qualité requise du sentier de l’Illumination: dudukshatva, la volonté de se libérer de l’illusion et l’union avec la Vérité.

Quand notre coeur est pur, nous n’avons rien sinon la conscience de l’Unique vie qui respire dans chaque être de l’univers. Quand notre coeur est pur, nous faisons tout pour un but, d’exprimer la volonté de cette Vie Unique. Dans le Sermon sur la Montagne, le Christ a dit: “Bienheureux les coeurs purs, car ils verront Dieu”. Seuls ceux qui ont l’unité de direction d’un coeur pur voient ce Principe de Vie qui habite en nous et autour de nous.

Concrètement, en langage courant, ‘un coeur pur’ signifie savoir ce qui est réellement important dans la vie et ne pas laisser d’autre chose distraire notre attention. C’est en argot contemporain, ‘avoir la tête vissée bien droite’. Henry David Thoreau a écrit dans “Walden”: “Si un homme ne garde pas le même pas que ces compagnons, peut-être est-ce parce qu’il entend un son de tambour différent. Laissons-le suivre la musique qu’il entend, de près ou de loin.”

Avoir un coeur pur, c’est entendre son propre son de tambour et suivre sa cadence. “Un coeur pur” signifie liberté face à l’incertitude ou l’indécision à propos de ce qui est, en fin de compte, bon et utile. Ceux qui ont un coeur pur ne se demandent pas où leur vie les conduit; ils savent qu’il y a seulement une direction à suivre.

4- Un Intellect Ardent. Pour actualiser l’unité de but dans un coeur pur, on doit aussi avoir un “intellect ardent”. Ceci est quelque chose de tout à fait différent d’un esprit ouvert. Un esprit ouvert est celui qui est libre du conditionnement des expériences passées. Mais, si un esprit est complètement ouvert, si il est - pour ainsi dire - ouvert à ses deux extrémités, il ne peut rien retenir; chaque chose ne fait qu’y passer à travers. Ce n’est donc plus un esprit ouvert mais un esprit vacant. Il n’y a pas de vertu dans la vacuité.

Adam et Ève n’étaient pas bons quand ils étaient dans le Jardin de l’Éden; ils étaient ignorants. Selon le mythe de la Genèse ils n’y avaient aucune connaissance du bien et du mal. Ce n’est que lorsque nous devenons conscients du superbe univers qui vibre autour de nous et en nous-mêmes comme de petits tourbillons à l’intérieur de ce flux et reflux de la vie, ce n’est qu’alors que nous devenons capables d’agir moralement, faire le bien et le mal, parce que c’est alors seulement que nous sommes en mesure de choisir. L’éthique implique le fait de faire un choix; et faire un choix suppose la connaissance d’options différentes. Nous, les humains, nous sommes des créatures éthiques parce que nous avons le libre-arbitre; et nous avons le libre-arbitre parce que nous avons le mental avec lequel nous appréhendons les différentes alternatives devant nous. Étymologiquement, l’homme, man en anglais, est la créature avec manas, l’intelligence. Ce fait est crucial dans l’éthique.

Les écritures chrétiennes parlent d’un péché qui est au-delà du pardon, un péché contre le Saint-Esprit, mais elles ne disent pas exactement quel est ce péché. Nous pourrions dire que ce péché impardonnable est le refus d’utiliser nos intellects. Si nous négligeons notre mental, nous négligeons la partie la plus humaine de nous-mêmes; nous renions notre humanité, nous refusons la seule connaissance qui soit le choix moral possible. Parfois, par une curieuse perversion de la vérité, nous identifions la bonté avec l’ignorance. Mais la bonté ignorante est une expression contradictoire. Bien sur, la connaissance rend le mal possible; mais elle rend également possible la bonté. Chaque vertu projette un vice comme ombre. Dans ce monde de dualité, nous ne pouvons échapper à la complémentarité des couples d’opposés. Pour avoir haut, nous devons avoir bas; pour avoir la lumière, l’obscurité; pour avoir la joie, la peine; pour avoir le bien, le mal.

Cependant, avec un intellect ardent, nous ne faisons pas uniquement que reconnaître l’existence de paires d’opposés, comprenant le bien et le mal, mais nous possédons aussi un étalon pour choisir entre eux. Un intellect ardent permet le discernement entre le réel et l’irréel. Donc, dans la tradition de la Sagesse Antique, c’est une prémisse de base que l’apprentissage conduit à la bonté et que l’intellect fait partie de l’éthique. Pour être bon, on doit avoir la connaissance.

5- Une perception spirituelle non voilée. L’intellect seul, tout ardent qu’il soit, n’est pas suffisant pour nous guider en matière d’éthique. Comme le disent les logiciens, l’intellect est nécessaire mais non suffisant. A un esprit actif, doit s’ajouter “une perception spirituelle non voilée” par laquelle nous vient le pouvoir du discernement. Ceci étant, ôter la poussière qui recouvre notre intuition. L”intuition (bouddhi) est la faculté par laquelle on peut voir droit au coeur des choses, par laquelle nous discernons l’essence au-dessous de l’apparence superficielle, donc, discernerons entre le réel et l’irréel, ce qui est plus important de ce qui est moins important.

Cette perception est appelée spirituelle parce qu’elle n’est pas limitée aux sens, à ce que nous voyons, touchons, entendons, goûtons et sentons. Pas plus qu’elle n’est limitée au mental - à ce que nous pouvons raisonner, déduire, conclure par induction ou prouver par des théorèmes ou par la logique. Cette perception n’est ni physique ni intellectuelle - mais quelque chose qui doit être vécue pour être comprise.

La perception spirituelle ne se développe pas de la manière dont un chêne grandit à partir d’un gland. Ce n’est pas “ma” faculté que je développe. Ce n’est pas la “mienne” dans quelque sens personnel que ce soit, mais c’est quelque chose qu est déjà là, totalement développée, prête à être utilisée par celui qui s’y “branche”. Elle a juste besoin d’être dévoilée, comme cette statue achevée attendait d’être montrée aux spectateurs. Pour la dévoiler, nous avons la pratique de la méditation.

Ayant utilisé notre intellect aiguisé à sa pleine capacité, nous pouvons alors tranquilliser le mental et ainsi, amener à jour la vision secrète, mais combien puissante, de la nature des choses qui se trouvent en-dessous de la surface de notre mental.

L’intellect est dirigée de l’extérieur tandis que l’intuition est tournée vers l’intérieur. Par l’intellect, nous apprenons; par l’intuition, nous reconnaissons - c’est-à-dire nous connaissons à nouveau, nous parvenons à l’ancienne gnose, touchons la Sagesse Antique. (Reconnaître vient des racines suivantes - re: de nouveau, co: avec, et gnoscere: connaître, avoir la gnose de).

Dans les cinq premiers échelons des marches d’or, sont énoncées les qualités qui forment la base de toute action éthique: une vie correcte, la liberté face au conditionnement du passé, l’unité de direction vers le but, un mental attentif et une intuition vive. Les huit pas qui suivent parlent des fruits des cinq premiers en commençant par les quatre qui concernent nos relations avec autrui..

6. Une attitude fraternelle. Premièrement, qu’est-ce que c’est que nous reconnaissons par le truchement d’une perception spirituelle non-voilée? Quelle est l’essence de la Sagesse Antique? Son enseignement fondamental, et la base de l’expérience méditative, est l’Unité de toute vie. Sous-jacente aux dualités du mental, il y a l’unité de l’intuition. Une fois que nous avons perçu cette Unité, rien ne peut plus tout à fait être pareil. Il y a un impératif moral qui nous pousse à agir selon notre perception.

L’action vers laquelle nous sommes poussées est d’être fraternel. Si toute vie est une, alors tous les êtres humains sont nos frères et même plus que frères, et nous devons les traiter comme tels.

La formulation de ce pas, telle que publiée par Blavatsky, était “une attitude fraternelle envers son condisciple”. Peut-être parce que cette formulation semblait trop restrictive, comme si elle limitait la pratique de la fraternité à un groupe sélectionné, aux étudiants du même instructeur, la version révisée des “Marches d’Or” l’a changée pour “une attitude fraternelle envers tous”. De toutes façons, les deux versions, en réalité, disent la même chose.

Comme on l’a souvent remarqué, le monde dans lequel nous nous trouvons est une vaste école - une université qui offre tous les sujets possibles et imaginables et qui a toutes sortes d’étudiants, des novices aux assistants post-gradués. A l’intérieur de cette école universelle, nous sommes tous des étudiants, des condisciples. Il n’y a pas un seul humain qui ne soit pas notre condisciple. Ainsi, être fraternel envers nos condisciples, c’est l’être envers tous.

Tout être humain est, presque littéralement, reliée à tout autre être humain. Si nous pouvions retracer notre arbre généalogique assez loin, nous trouverions que les branches de notre arbre, en fin de compte, s’entremêlent avec chacun des autres arbres de la race humaine. Tous proviennent de la même souche. Il n’y a pas de communauté humaine qui ait été complètement isolée depuis l’aube des temps; nous sommes tous inter-connectés par le croisement de nos ancêtres. Nous sommes reliées dans le réseau de la fraternité humaine au sein duquel notre attitude fraternelle est la seule expression appropriée. Nous sommes tous de la même famille.

7. Disposition à donner et à recevoir. En quoi consiste l’attitude fraternelle? Comment montrons-nous notre fraternité à tous? Lorsque Dieu parla à Caïn et lui demanda “Où est Abel, ton frère?” et que Caïn lui répondit par la question: “Suis-je le gardien de mon frère?”, Caïn voulait que la question fût d’ordre rhétorique, impliquant sa propre réponse. Et elle le fut. Mais la réponse n’est pas celle que Caïn pensait. Nous sommes tous le gardien de notre frère. Ainsi la septième étape est “La disposition à donner et à recevoir conseil et instruction”. C’est ce que des frères devraient faire.

Donner conseil et instruction est facile. Ce n’est pas simplement aisé, c’est souvent un plaisir marqué. Cela permet au conseiller et instructeur de paraître important, plein de connaissances. Ca construit l’égo. Recevoir conseil et instruction est souvent bien plus difficile et nous en coûte plus. Mais ce qui est important à propos des conseils et instructions, c’est qu’ils devraient être mutuels. Chacun de nous peut aider quelqu’un d’autre à certains moments et chacun de nous a besoin d’aide à d’autres moments. Dans l’Hamlet de Shakespeare, Polonius dit à Latertes, parmi un long flot d’autres recommandations sentencieuses, qu’il ne devrait être ni emprunteur ni prêteur. Cela peut être un bon conseil quand on parle d’argent, mais dans la plupart des autres domaines, nous devons être à la fois donneur et receveur.

Il y a, cependant, un autre détail important à propos de cette étape. Il ne nous est pas dit d’aller donner des conseils ou de demander d’en recevoir. Il nous est plutôt dit d’être prêt à en donner et à en recevoir. Et c’est plutôt différent. Certaines personnes donnent des conseils quand il n’y en ni besoin ni désir; d’autres en recherchent quand ils devraient développer leurs propres ressources au lieu de se reposer sur autrui. Nous devrions être prêt à donner et à recevoir conseil et instruction au moment opportun, et non autrement. La différence entre un moulin à conseils et un bon samaritain réside dans le fait que le bon samaritain fait attention au mot “prêt” (être disposé à)

Etre disposé à donner et à recevoir conseil et instruction est la manifestation pratique de l’attitude fraternelle envers tout le monde. Envers chaque personne dans le monde, nous avons une obligation mutuelle - l’obligation d’être un soutien, de secourir dans l’adversité, de partager dans le besoin et de se réjouir dans le succès. C’est la qualité que les Romains nomment ‘pietas’ - se comporter envers les autres d’une manière qui convienne aux différentes relations qu’on a avec eux.

8. Sens loyal du devoir. Une des relations que nous établissons avec d’autres est celle que nous avons avec la personne dont nous tenons un enseignement. Ainsi l’étape suivante est “un sens loyal du devoir envers l’Instructeur:. C’est une formule importante et réaliste, qui peut être comprise de différentes façons, parce que le mot instructeur, comme d’ailleurs le mot condisciple, peut recevoir plus d’une interprétation. Nous pouvons en considérer plusieurs.

Premièrement, nous apprenons effectivement des choses des autres, et en ce faisant, nous sommes liés avec eux par un devoir. Confucius distinguait cinq relations humaines de base qui créent des obligations mutuelles: parent et enfant, aîné et cadet, mari et femme, roi et sujet, enfin maître et élève. En Inde, la relation entre le disciple et le gourou est sacrée et implique ‘un sens loyal du devoir’.

Même dans l’Occident d’aujourd’hui, une telle relation est reconnue. Quand, dans une université, un étudiant se prépare à un diplôme supérieur, plus précisément en vue d’un doctorat, et est accepté par un grand professeur qui consent à diriger le travail de l’étudiant, une obligation mutuelle prend naissance; et longtemps après avoir terminé ses études et être devenu un chercheur indépendant, l’étudiant continuera de parler de ‘mon patron’, autrement dit ‘mon gourou’. Même des personnes qui ne font pas des études avancées se rappellent souvent d’un professeur particulier, à l’école secondaire ou primaire, qui a exercé une grande influence sur leur vie. Ainsi donc la loyauté envers l’instructeur est un devoir universellement reconnu, que l’enseignement soit profane ou sacré.

Deuxièmement, cet instructeur envers qui nous devons loyauté peut être compris comme étant tout autre être humain. La notion d’enseignant est corrélative à celle d’étudiant. Puisque la sixième étape peut être comprise comme impliquant que nous sommes tous condisciples et puisque la septième étape nous dicte le devoir mutuel de conseil et instruction, chacun de nous est de toute évidence l’instructeur de tous les autres. De même que nous sommes tous des condisciples, de même nous sommes des co-instructeurs.

La fraternité est un réseau de relation dans lequel tous les participants sont égaux, car tous participent à la relation dans la même mesure (bien que pas au même degré d’intimité avec chacun des autres). La relation instructeur-étudiant est hiérarchique car le professeur et ‘étudiant sont sur des niveaux différents eu égard à la connaissance qui les lie. Une relation hiérarchique n’est cependant pas immuable. Alors qu’un jour on est l’étudiant et reçoit d’un autre un enseignement sur un sujet donné, demain on peut devenir un professeur et instruire cette même personne sur un autre sujet. Nous sommes tous liés les uns aux autres par ces deux sortes de systèmes - le réseau de la fraternité et la hiérarchie du devoir - mais ces deux systèmes sont fluides et chacun d’entre nous remplit plusieurs rôles dans chaque système.

Troisièmement, ce n’est pas sans raison que Blavatsky a mis un grand I au mot Instructeur. La majuscule suggère qu’elle se référait à l’instructeur, dans ce cas, non comme un être humain, mais comme le Soi Supérieur qui est en chacun de nous. La Voix du Silence, dit: “Les Maîtres sont nombreux: l’Âme-Maîtresse est une , Alaya, l’Âme universelle. Vis dans ce Maître comme son rayon vit en toi.” Finalement l’instructeur envers lequel nous sommes loyal et redevable n’est ni un gourou terrestre, ni un professeur principal, ni un leader d’aucune organisation, ni un maître d’aucune Fraternité. Le plus qu’un instructeur humain peut faire est de nous conduire à l’Instructeur qui est en nous.

Polonius donna à Laertes un autre conseil: “Ceci par-dessus tout: à ton propre soi sois vrai.” Si nous changeons légèrement les mots, le message devient celui de la huitième étape: “Ceci pardessus tout: à l’Unique Soi sois vrai.” Nos propres soi sont l’Unique Soi, et c’est cela, en fin de compte, le seul Instructeur. Avoir un sens loyal du devoir envers l’Instructeur, c’est être vrai à notre nature la plus intime, à l’Âme universelle.

9. Une prompte obéissance. Quand nous avons un sens loyal du devoir envers l'Instructeur, que faisons-nous? Qu'est-ce qui découle d'un engagement vis-à-vis d'un instructeur de la Vérité, que cet instructeur soit un mortel ou l'Âme universelle? Le neuvième pas traite de cette question: "un prompte obéissance aux commandements de la Vérité, une fois que nous avons placé notre confiance en elle et croyons que cet Instructeur est en possession d'elle".

Ayant trouvé l'Instructeur intérieurement et étant devenu convaincu de la réalité de la Vérité intérieure de sorte que nous avons foi et confiance en elle, nous devons agir selon elle. Toute idée a des conséquences sur le comportement. Une fois que nous avons accepté la Vérité de la Vie Une comme idée, nous sommes confrontés aux ordres, aux commandements à l'action, qui en découlent. Les idées sont les choses les plus puissantes au monde car elles nous poussent à l'action.

L'obéissance aux commandements de la Vérité n'est pas requise extérieurement. Personne ne nous écrase du pied et dit: "Tu dois obéir!" Cette obéissance est volontaire - elle jaillit de l'intérieur. Elle est le résultat naturel et inévitable de la reconnaissance de la Vérité. Quand une plante est exposée au soleil, personne n'a à lui dire de grandir. La croissance est la réponse naturelle de la plante à la lumière. Notre "prompte obéissance aux commandements de la Vérité" est de même nature.

Les étapes six à neuf des Marches d'Or esquissent nos relations avec autrui, à la fois dans le réseau de la fraternité et de la hiérarchie des devoirs, et elles traitent des conséquences de ces relations: nos responsabilités, comme frères, de l'un envers l'autre, et, comme étudiants, vis-à-vis des impératifs moraux qui sont implicites dans la vérité de l'Unité. Les quatre dernières marches traitent de façon plus explicite des dilemmes moraux et de nos réactions correspondantes.

10. Une courageuse endurance. Quels sont les commandements de la Vérité? Quelles sont les conséquences, sur le plan du comportement éthique, de la Vérité de l'Unité? L'étape dix énonce l'une d'elles: "une courageuse endurance de l'injustice qui nous frappe personnellement". Toute personne passe, dans sa vie, par des situations qui semblent injustes, et qui le sont de fait en autant que la personnalité est concernée. Toutefois,par le fait que nous croyons que toute vie est une, et qu'un ordre parfait gouverne toutes choses, nous devons pouvoir endurer une telle injustice avec courage.

Ce conseil est le même que celui que le Christ a donné à ses fidèles quand il leur parla sur la montagne (Matthieu 5.38-45)

Vous avez entendu ce qu'il a été dit: "Oeil pour oeil, et dent pour dent." Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu'un te frappe à la joue droite, présente-lui aussi l'autre; et si quelqu'un veut plaider contre toi pour t'enlever ta tunique, laisse-lui encore le manteau; et si quelqu'un veut te contraire à faire un mille avec lui, fais-en deux. Donne à celui qui te demande, et ne te détourne pas de celui qui veut emprunter de toi.

Vous avez entendu ce qu'il a été dit: "Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi." Mais moi, ,je vous dis: Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin que vous soyez les fils de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et les injustes.

Ces injonctions du Sermon sur la Montagne sont parfois appelées 'conseils de perfection' et dites être des instructions en vue de la sainteté, ne s'appliquant pas aux gens ordinaires du monde. Elles ne sont en rien irréalistes. Au contraire, elles peuvent être les plus pratiques des conseils. On a fait remarquer que si nous devions tous suivre la stricte justice d'"oeil pour oeil", le résultat serait un monde d'aveugles. De Thoreau à Gandhi puis à Martin Luther King, la doctrine de la désobéissance civique, de satyagraha ou résistance passive - le fait de refuser gentiment mais fermement de participer au mal ou de répondre au mal par le mal - a prouvé sa valeur. On ne doit pas croire que le concept a toujours été appliqué parfaitement pour reconnaître qu'il fonctionne.

L"impulsion de nos égos est de riposter à l'injustice, mais il est plus efficace d'endurer le mal courageusement que d'y opposer une résistance équivalente. Comme le Dhammapada dit: "La haine ne cesse pas par la haine, à aucun moment; la haine cesse par l'amour - ceci est une vieille règle."

11. Brave déclaration. Une réponse passive face au mal et à l'injustice peut être méprise pour de la timidité ou comme une approbation du mal lui-même. Pour distinguer l'endurance courageuse de celle qui est lâche, l'étape suivante recommande "une brave déclaration des principes". Nous devons sortir du rang et nous affirmer.

Certains d'entre nous, bien sûr, ne sont que trop désireux d'expliquer les bases de notre action et nous le faisons à chaque occasion. Une très mince ligne de démarcation séparé la "brave déclaration" de la justification de soi, de la tartuferie et de l'infatuation. Ceux qui déclarent constamment leurs principes ne sont pas des héros, mais des raseurs.

Par contre, il y a des occasions où on doit faire une déclaration. Les anciens martyrs chrétiens qui ont été cruellement torturés et tués pour le sport afin d'amuser les foules dans les arènes de Rome, sont allés vers leur mort en chantant des psaumes. Leur réaction est connue comme un 'témoignage': par leur réaction à la persécution, ils portaient témoignage de la Vérité qu'ils avaient vécue.

Peu d'entre nous ont à affronter une pareille situation de vie ou de mort pour faire une brave déclaration des principes, mais il y a des contextes moins dramatiques dans lesquels nous devrions, tout en acceptant l'injustice, dire publiquement ce que nous avons dans le coeur. Si la déclaration requiert une bravoure authentique et si, en le faisant, nous mettons l'accent sur le principe, alors il est vraisemblable qu'elle sera bien faite. Mais si nous tirons une fierté personnelle du fait de se faire voir en faisant la déclaration, ou si nous le faisons pour nous justifier, alors il est probablement meilleur de se taire.

12. Une vaillante défense. De quelque façon que nous considérions le mal et l'injustice qui nous affectent personnellement, nous devons répondre d'une manière différente au mal et à l'injustice qui affligent les autres. Le Christ nous conseille, lorsque frappé sur une joue, de présenter l'autre plutôt que de riposter. Par contre, il ne suggère pas du tout que, si une brute frappe la personne assise à coté de nous, nous devrions attraper la tête du pauvre infortuné et la tourner afin que cette brute puisse avoir accès à l'autre coté aussi.

Nous devons endurer le mal qui nous arrive; on ne nous demande pas d'endurer les malheurs des autres. Au contraire, nous sommes appelés à "une vaillante défense de ceux qui sont injustement attaqués" Ce que nous ne pouvons pas faire pour nous-mêmes, nous devons le faire pour autrui.

"Les Marches d'Or" n'envisagent pas un pacifisme total comme idéal éthique. En ceci, elles disent la même chose que la Bhagavad Gita, dans laquelle Krishna urge Arjuna à se battre pour les droits de ses frères et contre la supercherie de ses cousins. Arjuna doit s'engager dans une guerre terriblement destructrice, non pour son propre intérêt, même pas en réalité pour le bénéfice de ses frères, mais parce que le mal a été fait et doit être réparé.

Arjuna a reçu l'ordre de se battre sans se soucier des conséquences - qui gagnera, qui perdra, qui doit gagner un royaume et qui doit être tué. Il doit combattre parce que l'ordre des choses a été perturbé et doit être rétabli, et ce n'est que par la bataille de Kurukshetra que l'équilibre peut être rétabli.

Nous sommes en fin de compte responsable de l'autre. Nous sommes le gardien de notre frère. Nous devons faire pour l'autre ce que nous ne pouvons et ne devons faire pour nous-mêmes. Ceci est la clé de l'altruisme.

13. Un regard constamment fixé sur l'idéal. Une question sournoise demeure: jusqu'à quel point pouvons-nous aller à défendre ceux qui sont injustement attaqués? Quelles sont les limites de l'action morale? Est-ce que mentir est jamais justifié, ou tuer? Les codes moraux simplistes disent: "Tu ne dois pas porter de faux témoignages". "Tu ne dois pas tuer." Et ces codes moraux simplistes sont souvent pratiques, mais ils ne parviennent pas à s'adapter à beaucoup de circonstances dans lesquelles nous nous trouvons. Supposez qu'un mensonge pourrait sauver la vie d'un Juif qui se cachait de la Gestapo, est-ce qu'alors mentir est mauvais? Comment saurons-nous faire la distinction entre une action qui est nécessaire et une action qui est immorale?

La dernière étape nous dit où chercher une réponse à de telles questions: "un regard constamment fixé sur l'idéal de progrès humain et de perfection que décrit la science secrète (Gupta-Vidya)". Toutes nos actions devraient être exécutées en vue de l'idéal de l'évolution. Ce qui contribue au perfectionnement humain est bon; ce qui ne le fait pas est mauvais. Ceci est l'ultime pierre de touche.

Bien sûr, nous pouvons parfois nous tromper sur ce qui contribue à l'évolution - l'erreur est humaine. Par contre, aussi longtemps que l'intention est conforme à notre idéal, aussi longtemps que notre motif est de favoriser le progrès de l'humanité vers la perfection, notre action est une action morale.

Si nous faisons autant de souci à propos des résultats de nos décisions - savoir si elles sont justes ou non - que nous devenons incapables d'agir librement,nous sommes tombés dans le syndrome d'Arjuna. Nous ne pouvons nous asseoir sur le plancher de notre chariot, désespéré de trouver la bonne ligne de conduite. Comme Krishna a dit à Arjuna, les effets de l'acte ne nous concernent pas. Nous n'avons à nous en faire. Nous devons faire ce que nous croyons être juste - ce que nous voyons comme contribuant à l'évolution humaine. Et là, se termine notre responsabilité.

Encore un mot. La phrase de présentation dit que la vérité est ouverte à tous; la dernière marche dit que la base de l'action éthique est dérivée de la "science secrète". Pourtant ces deux énoncés ne sont pas contradictoires. La science en question est secrète, ésotérique ou cachée, non pas parce qu'elle a des droits d'auteurs ou une marque déposée, que détient une mystérieuse loge d'adeptes, mais plutôt parce qu'elle fait partie des choses qui, de par leur nature propre, ne peuvent pas être dites par la bouche ou entendues par l'oreille mais qui doivent, au contraire, être vécues par chaque individu lui-même. Il est possible à chacun de faire cette expérience, mais tant que nous ne l'avons pas faite, la science qui l'étudie doit rester secrète pour nous.

Conclusion. Nous arrivons ainsi à la fin des "Marches d'Or", et seule reste la conclusion: "tel est l'escalier d'or par les marches duquel l'étudiant peut monter jusqu'au Temple de la Divine Sagesse" Cela veut dire que la Divine Sagesse ne peut être atteinte que par ceux qui mènent une vie éthique. Mais "les Marches d'Or" ne sont pas destinées à être une liste de commandements disant au monde ce qu'il doit penser de la peine capitale, de l'avortement, de l'homosexualité, de l'objection de conscience, de la vivisection, ou de tout autre problème social de notre temps. C'est le fardeau inévitable de chaque personne de porter un jugement personnel sur les durs problèmes moraux qui nous assaillent. Et le respect pour les décisions prises par les autres, même si elles sont différentes des nôtres, est la marque de la vraie fraternité. "Les Marches d'Or" ne suppriment pas l'ambiguïté morale de nos vies, ni ne résolvent les crises de conscience auxquelles nous faisons face quotidiennement. Ce qu'elles font effectivement, c'est d'indiquer la façon dont nous pouvons tous contribuer au perfectionnement de la société, en soulevant un peu du lourd karma du monde.


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