Tout homme
qui entreprend sérieusement de vivre
de la vie intérieure rencontre certains obstacles
au début même de la voie qui doit
l'y conduire, obstacles qui se renouvellent dans
l' expérience
de chacun, parce qu 'ils ont leurs sources dans Ia
nature commune des
hommes. A chaque voyageur ils semblent nouveaux et
particuliers à lui-même; ils provoquent
ainsi un sentiment de découragement
personnel qui entrave la force nécessaire pour
les surmonter. Si l' on comprenait que ces obstacles
font partie
de l' expérience commune des aspirants, qu' on
les rencontre toujours et qu 'ils sont constamment
vaincus, peut-être
la connaissance de ce fait apporterait-elle un peu
de consolation au néophyte abattu. Un, serrement
de main dans les ténèbres, le son d'
une voix amie disant: "Compagnon , j' ai marché
où tu marches, et par ce chemin
l' on peut arriver". Voilà ce qui
peut conduire dans la nuit, et ce pourquoi, c' est-à-dire
pour servir le monde, nous, écrivons cet article.
Une de ces difficultés me fut présentée,
il y a un certain temps, par un ami et "compagnon
de voyage",
relativement à des
conseils qui lui avaient été donnés
pour la purification du corps. Il ne développait
pas entièrement la question, mais il affirmait avec
beaucoup d' évidence et d' intuition que, pour la
plupart d' entre nous, la difficulté se trouve dans
l' homme intérieur plutôt que dans ses moyens
d' action; que, pour la plupart d' entre nous, les corps étaient
suffisamment bons, tout au plus manquaient-ils un peu d'
accord, mais que c' est l' homme lui-même qui avait extrêmement
besoin de progresser. Lorsque l' harmonie n' était
point obtenue, le musicien était plus à blâmer
que son instrument, mais, si le premier se perfectionnait,
l' instrument pouvait devenir acceptable et devenir capable
de vibrer plus harmonieusement puisque cette harmonie découle
des doigts qui en touchent les cordes. Mon ami ajoutait
avec énergie et même avec un peu d' emphase:
"Je peux faire de mon corps ce que je veux; la difficulté c'
est que, moi, je ne veux pas ! "
Voilà bien une difficulté que ressent tout
aspirant sérieux. L' amélioration de l' homme
lui-même est ce qu' il y a de plus nécessaire,
et sa faiblesse, son manque de volonté et de résolution
tenace, sont des obstacles plus redoutables que tous ceux
que le corps peut mettre sur notre chemin. Il y a bien
des méthodes connues par lesquelles nous pouvons
réaliser des corps d' un type supérieur,
si nous le voulons, mais c' est justement notre "vouloir" qui
est insuffisant. Nous possédons la connaissance,
nous admettons
l' avantage qu' il y a à la mettre en pratique,
mais nous manquons de l' impulsion nécessaire pour
le faire. La difficulté fondamentale se trouve dans
notre nature intérieure; elle est inerte, la volonté d'
agir est absente; ce n' est pas que les obstacles extérieurs
soient infranchissables, mais l' homme lui-même demeure
inerte et n'a pas le désir de les surmonter. Cette
expérience est sans cesse renouvelée par
nous; il semble que notre idéal manque de charmes;
il ne réussit pas à nous attirer; nous
n' avons pas à coeur de le réaliser, même
lorsque nous avons décidé logiquement que
sa réalisation est désirable. Il demeure
devant nous comme de la nourriture devant un homme qui
n'a pas faim; c' est assurément une excellente nourriture,
et peut-être en sera-t-il content demain, mais, en
ce moment, il ne la demande pas et préfère
se chauffer, étendu au soleil, plutôt que
de se lever et de la prendre.
Le problème se réduit donc à deux
questions: Étant un être rationnel, pourquoi
est-ce que je ne veux pas ce que je sais être désirable
pour mon bonheur ? Que puis-je faire pour m' obliger à vouloir
ce que je sais être profitable à moi-même
et à autrui ? L' instructeur spirituel qui pourrait
répondre effectivement à ces questions rendrait
un bien plus grand service à beaucoup de gens que
celui qui ne fait que réitérer sans cesse
l' abstraite nécessité de l' idéal que
nous reconnaissons tous, et la nature impérative
des obligations que nous admettons — tout en les
négligeant. La machine
est assez bien construite; qui mettra
son doigt sur le levier pour la mettre en marche ?
A la
première question, on doit répondre par une
analyse de la soi-conscïence vraiment capable d'explïquer
cette dualité problématique: le fait
que nous ne désirons pas ce que nous voyons être
désirable. Nous avons l' habitude de considérer
la conscience de soi-même comme étant une
unité, et pourtant, lorsque nous tournons nos regards
au dedans, nous voyons une inexplicable quantité de "moi" et
nous sommes étourdis par la clameur des voix contraires
sortant toutes apparemment de nous-mêmes. Maintenant,
la conscience — et la conscience de soi-même
n' est que la conscience attirée vers un centre
défini qui reçoit et renvoie — est une
unité, et, si elle paraît extérieurement
multiple, ce n' est pas parce qu elle a perdu son unité,
mais parce qu 'elle s'y présente par de différents
indices. Nous parlons couramment des véhicules
de la conscience, mais peut-être ne savons-nous
pas toujours ce que signifie celle expression.
Si le courant d' une pile galvanique passe à travers
plusieurs séries de substances différentes,
son apparition dans le monde extérieur changera
avec chaque fil. Dans un fil de platine, il peut
apparaître
comme de la lumière, dans un fil de fer comme de
la chaleur; autour d' une barre de fer un peu
malléable
comme de l' énergie magnétique, et, s' il
passe dans une solution particulière,
comme une force qui décompose et reconstitue à nouveau.
Une seule énergie
est présente, mais elle apparaît
de beaucoup.de façons, car la manifestation
de la vie est toujours, conditionnée par ses formes et,
selon que la conscience fonctionne dans le corps causal,
mental, astral ou physique, le "moi" qui
en résulte présente des caractéristiques
très différentes. Le "moi" " conscient
sera comme Le véhicule qu' il vivifie pour le
moment.
S' il fonctionne dans le corps astral, il sera le "moi" des
sens; si c' est dans le corps mental, il sera le "moi" de
l' intelligence. Dans l' illusion, aveuglé par la
matière qui
l' enveloppe, il s' identifie avec le besoin impérieux
des sens ou par le raisonnement de l' intellect, et s'
écrie:
"Je désire", " je pense".
La nature qui développe les germes du bonheur et
de la sagesse est l' Homme éternel; elle est la
racine des sensations, et des pensées; mais ces
sensations et pensées elles-mêmes ne sont
que les activités transitoires, dans ses corps
extérieurs,
mises en action par le contact de sa vie avec la vie extérieure
du Soi avec le "non-soi". Il fait des centres
temporaires, pour sa vie, dans l' un ou l' autre de ces
corps, attiré par les attouchements de l' extérieur
qui réveillent ses activités, et, travaillant
en ceux-ci, il s' identifie avec eux. Comme son évolution
avance, comme il se développe lui-même, Il
découvre peu à peu que ces centres physiques,
astrals, mentals, sont ses instruments, et non pas lui-même;
il les voit comme parties du "non-soi" qu' il
a temporairement uni avec lui-même - de même
qu' il pourrait prendre une plume ou un ciseau;— il
s' en éloigne, les reconnaissant pour des instruments
et les employant tels quels : il sait qu' il est la vie,
non la forme; la félicité, non
le désir; la sagesse, non la pensée; et,
alors, pour la première fois, il est conscient de
l' unité, et il trouve la paix. Pendant que la conscience
s' identifie avec les formes, elle paraît multiple;
quand elle s' identifie avec la vie, elle devient une.
Le premier fait important pour nous c' est que, comme l'a
démontré H. P. B., la conscience, au point
où nous sommes dans l' évolution, a son centre
normalement dans le corps astral. La conscience apprend à savoir
par sa capacité de sentir, et la sensation appartient
au corps astral. Nous sentons, c' est-à-dire nous
reconnaissons le contact avec quelque chose qui n' est
pas nous-mêmes, quelque chose qui réveille en
nous le plaisir, la douleur, ou le point neutre entre les
deux. La vie de sensation constitue la plus grande partie
de la vie de la majorité d' entre nous. Pour ceux
qui sont au-dessous de la moyenne, la vie de sensation
compose la vie entière. Pour un petit nombre d'
êtres avancés, la vie de sensation est surpassée.
La grande majorité occupe les stages divers qui
s' étendent entre les termes extrêmes, à savoir
: la vie de sensation, celle des sensations, d' émotion
et de pensée, en proportions différentes.
Dans la vie qui est exclusivement sensation, il n'y a pas
de multiplicité de "moi", donc il
n'y a pas de conflit; dans la vie qui a dépassé la
sensation, il y a un gouverneur intérieur, immortel,
et il n'y a pas de conflit; mais,dans
tous les stages intermédiaires, il y a des " moi" sans
nombre, et, entre eux, le conflit.
Considérons la vie de sensation du sauvage peu évolué.
Il y a un "moi" passionné, impérieux,
féroce, avide, quand il est excité à l'
activité; mais il n'y a point de conflit, sauf avec le
monde, hors
de son corps physique. Avec celui-là, il peut lutter;
mais la lutte intérieure, il ne la connaît
pas. Il fait ce qu' il veut, sans hésitation avant,
et sans remords après; les actions du corps suivent
les suggestions du désir, et le mental ne provoque,
ni ne critique, ni ne condamne. Il enregistre tout simplement,
amassant des matériaux pour l' élaboration
future. Son évolution est avancée par les
demandes qui lui sont faites, par le " moi" des
sensations, de faire des efforts pour gratifier ce "moi" impérieux.
Il est poussé à l' activité par ces
suggestions du désir, il commence à travailler
sur son fonds d' observations et de souvenirs, développant
ainsi un peu de faculté de raisonnement et traçant
un plan d' avance pour l' avantage de son maître. De
cette manière il développe l' intelligence,
mais l' intelligence est totalement subordonnée au
désir, agit seulement par ses ordres, et reste complètement
l' esclave de la passion. Il ne manifeste aucune individualité,
mais est tout simplement l' instrument volontaire du "moi" tyrannique
des désirs.
La lutte commence seulement lorsque, après une longue
série d' expériences, l' Homme Éternel
a développé suffisamment de mental pour repasser
et comparer,
en ce séjour dans la partie inférieure
du plan mental (Devachan), entre la mort et la naissance,
les résultats de son activité terrestre,
Alors il observe certaines expériences, desquelles
il est résulté plus de peine que de plaisir,
et il arrive finalement à la conclusion qu' il ferait
bien d' éviter leur renouvellement. Il les considère
avec répulsion et note cette répulsion sur
les tablettes de son mental, en même temps qu' il
note l' attraction d' autres expériences, desquelles
il est résulté plus de plaisir que de peine.
Lorsqu' il revient sur la terre, il apporte cet enregistrement
avec lui, comme une tendance intérieure du mental,
et quand le "moi" du désir se lance
vers un objet attrayant, tendant ainsi à recommencer
une suite d' expériences qui ont conduit à la
souffrance, il émet une faible protestation, et
un autre "moi" — la
conscience fonctionnant comme mental — fait entendre
et sentir qu 'elle envisage ces expériences avec
répulsion et qu 'elle s' oppose à y être
entraînée. La protestation est si faible et
le désir si fort que nous ne pouvons guère
parler de lutte; le "moi" du désir,
longtemps comprimé, écrase à l' instant
le rebelle qui proteste faiblement; mais lorsque le plaisir
a pris fin et que des résultats pénibles
viennent à sa suite, le rebelle élève
de nouveau la voix dans un plaintif "Je te l' avais
bien dit", et c' est là le premier aiguillon
du remords. Comme la vie succède à la vie,
le mental s' affirme de plus en plus, la lutte entre le "moi" du
désir et le "moi" de la pensée
devient toujours
plus ardent, et le cri poignant de la mystique chrétienne:
"Je
ressens dans mon corps une loi qui lutte contre la loi
de mon esprit ", est
répété dans l' expérience de
chaque homme qui évolue. La guerre devient de plus
en plus violente lorsque, pendant la vie dévachanique,
les décisions de l' homme sont imprimées
toujours plus fermement sur le mental, se manifestent comme
des
idées innées après la naissance suivante,
et prêtent de la force au « moi " de
la pensée. Celui-ci, se retirant des passions et
des émotions, les considère comme au dehors
de lui, et répudie leur prétention à le
contrôler. Mais le long héritage du passé est
en faveur du monarque personnel, et la guerre est longue
et de fortune variable. La conscience, dans ses activités
débordantes, glisse facilement dans les errements
vécus d' une multiplicité de vies : d' autre
part, elle cède aux efforts de l' homme pour la
contrôler,
et elle est obligé de. suivre la voie tracée
par ses décisions. C' est sa volonté qui
détermine
la direction des forces de la conscience qui fonctionnent
dans les véhicules supérieurs, tandis que
l' habitude détermine en grande partie la direction
de celles qui fonctionnent dans le corps des désirs.
La volonté, guidée par l' intelligence claire
et précise, indique le sublime idéal, seul
digne d' être poursuivi; la nature inférieure
ne veut point l' atteindre, reste somnolente devant lui;
n'y voyant point de beauté désirable, elle
est même souvent froissée par l' apparence
austère de sa grave et chaste dignité.
"La
difficulté est
que je ne veux pas". Nous
ne voulons pas faire ce que, dans nos heures d' enthousiasme,
nous avons résolu de faire. Le "moi " inférieur
est influencé par les attractions du moment plutôt
que par les résultats enregistrés du passé qui
influent sur le "moi" supérieur, et
la véritable difficulté c' est de nous faire
sentir que le "moi" inerte, ou despotique,
de la nature inférieure, n' est pas le vrai "moi ".
Comment surmonter cette difficulté ? Comment pouvons-nous
faire, de ce que nous reconnaissons comme supérieur,
le "moi" Soi-conscient et habituel ?
Que personne ne se décourage si nous disons que
ce changement est une question de croissance, et ne peut être
accompli dans un moment. Le Soi humain ne peut pas plus
s' élever, par un effort unique du bas âge à la
virilité, qu' un corps ne peut changer de l' enfance à la
maturité dans une seule nuit. Si l' exposé de
la loi de croissance nous apporte un sentiment d' abattement,
parce que nous la considérons comme obstacle dans
notre désir de la perfection immédiate, rappelons-nous
l' autre côté de la question: le progrès
est assuré, ne peut être finalement empêché,
et si la loi nous refuse un miracle, elle nous donne au
moins de la sécurité.
D' ailleurs, nous pouvons hâter le progrès,
et il est en notre pouvoir de lui présenter les
meilleures conditions, puis de nous fier à la loi
pour le résultat. Considérons alors quels moyens nous pouvons employer
pour hâter le progrès dont nous sentons la
nécessité, pour transférer l' activité
de la conscience de l' inférieur au supérieur.
Il est deux choses dont nous avons à nous rendre
compte: la nature des désirs n' est pas notre Soi.
mais un instrument formé par le Soi pour son propre
usage; ensuite, c' est un instrument très précieux
qui n' est que mal employé. Le désir ou l'
émotion est en nous la force motrice et se tient toujours
entre
la pensée et l' action. L' intellect voit, mais
ne se meut pas, et un homme sans désirs et sans émotions
ne serait qu' un spectateur dans la vie. Le Soi doit avoir
développé quelques-unes de ses plus hautes
facultés avant qu' il puisse se passer de l' emploi
des désirs et des émotions ; pour les aspirants,
la question est de savoir comment employer ces désirs
pour ne pas être employé par eux; comment
les discipliner, et non pas comment les détruire.
Il faut bien "vouloir" atteindre ce qu' il
y a de plus élevé, car sans ce vouloir nous
ne ferons aucun progrès. Nous sommes retenus par
le désir de nous unir avec les objets transitoires,
mesquins et bornés; ne pouvons-nous pas nous avancer
avec le désir de nous unir avec ce qui est éternel,
noble et grand ? Réflexion faite, nous voyons qu'
il faut cultiver nos émotions et les diriger de manière
qu' elles purifient et ennoblissent le caractère.
La base de toutes émotions du côté du
progrès est l' amour, et telle est la faculté que
nous devons cultiver. George Eliot a dit avec
justesse: "La première condition de
la bonté humaine est d' aimer; la seconde, de révérer".
Maintenant la révérence ou le respect n'
est que l' amour dirigé vers un supérieur,
et l' aspirant doit chercher quelqu'un de plus avancé que
lui auquel il puisse adresser son amour et sa révérence.
Heureux l' homme qui le trouve quand il le cherche: c'
est la condition la plus importante pour faire de l' émotion
une force progressive au lieu d' une force retardatrice
et pour obtenir l' énergie nécessaire pour
"vouloir" ce
qu' il sait être le meilleur. Nous ne pouvons pas
aimer sans chercher à faire plaisir, et nous ne
pouvons pas révérer sans trouver de la joie
dans l' approbation de celui que nous révérons.
De là un stimulant continuel pour nous améliorer,
pour former le caractère, pour purifier la nature,
pour vaincre tout ce qui est vil en nous, pour poursuivre
tout ce qui est noble. Nous nous trouvons spontanément,
"voulant" atteindre
un haut idéal, et la grande force motrice est envoyée
le long de la voie que le mental lui a tracée. Il
n'y a pas de moyen plus efficace d' utiliser la nature
des désirs qu'en nouant un tel lien, qui est la simple
réflexion, ici-bas, du lien parfait qui unit le
disciple à son maître.
Un autre excellent moyen de stimuler la nature du désir,
comme force progressive, est de chercher la compagnie des
personnes plus avancées que nous dans la vie spirituelle.
Il n' est pas nécessaire que ces personnes nous instruisent
oralement, ni même quelles
nous adressent la parole. Leur présence
seule est une bénédiction qui harmonise,
qui élève, qui inspire. Respirer leur atmosphère, être
entouré de leur magnétisme, être
influencé par leurs pensées, — voilà ce
qui nous ennoblit, inconsciemment, nous-mêmes. Nous
attachons trop de prix aux paroles et déprécions à tort
ces forces subtiles du Soi, qui, "ordonnant toutes
choses avec douceur et puissance", créent
dans le chaos turbulent de notre personnalité les
bases certaines de la paix et de vérité.
Moins puissant mais aussi sûr, est le secours qu'
on peut retirer d' un livre qui présente l' exemple
d' une noble vie, ou bien nous offre un bel idéal,
ou l' étude d' un grand caractère. Des livres tels que la Bhagavad
Gîlâ, la Voix
du Silence, la Lumière
sur le Sentier, l'Imitation de Jésus-Christ,
sont parmi les plus puissants de ces auxiliaires. Nous
sommes
portés à lire trop exclusivement pour apprendre,
et nous perdons la force créatrice que la pensée élevée
sur de grands idéals peut exercer sur nos émotions.
C' est une habitude fort utile de lire chaque matin quelques
phrases des livres ci-dessus, et de porter ces phrases
avec nous pendant toute la journée, créant
ainsi autour de nous une atmosphère protectrice
pour nous-mêmes et bienfaisante pour tous ceux
qui sont en contact avec nous.
Une autre chose absolument essentielle, c' est la méditation
journalière, — une paisible demi-heure le matin,
avant que le tracas de la journée commence,
pendant laquelle nous nous éloignons délibérément
de la nature inférieure, nous la reconnaissons comme
instrument hors de nous-même, et nous nous concentrons
dans la conscience la plus élevée où nous
puissions atteindre et qui est notre véritable "moi".
"Ce qui est Existence, Félicité et Sagesse,
cela je le suis. Vie, Amour et Lumière, cela je
le suis".Car
notre nature essentielle est divine, et l' effort pour
la réaliser aide sa croissance et sa manifestation.
Pure, calme, paisible, c' est" l' Astre qui brille
au dedans", et cet astre, c' est notre Soi. Nous ne
pouvons pas habiter constamment cet astre, mais, comme
nous essayons journellement de nous y élever, quelque
rayon de son éclat éclaire le "moi" illusoire
composé des ombres parmi lesquelles nous vivons.
Nous pouvons convenablement nous élever vers cette
contemplation de notre divine destinée, qui nous
procure la perfection et la paix, en adorant de la dévotion
la plus fervente dont nous soyons capables, — si
nous avons le bonheur de pouvoir en ressentir une semblable, — le
Père des mondes et l' Homme Divin que nous vénérons
comme notre maître. Nous reposant sur cet Homme Divin
comme le Soutien et l' Ami de tous ceux qui veulent s'
élever, — qu' on
l' appelle comme on voudra, Shri Krishna, le Bouddha, Christ
ou le Maître, — osons lever les yeux
vers l'Etre Unique, duquel nous venons, auquel nous allons,
et, dans la confiance que nous sommes réellement
son fils, proférons: "Moi et le Père nous
sommes Un", "Je
suis Cela"!
Une des plus désolantes difficultés à laquelle
l' aspirant doit faire face provient du flux et reflux
des sentiments: les variations de l' atmosphère émotionnelle à travers
laquelle il aperçoit le monde extérieur aussi
bien que son propre caractère avec ses puissances
et ses faiblesses. Il voit que sa vie consiste dans une
série d' états de conscience toujours changeants,
de conditions alternantes dépensée et de
sentiment. A un moment il sera rempli d' animation; à un
autre, il sera comme mort; il est gai ou morbide, expansif
ou renfermé, sérieux ou indifférent,
dévoué ou froid, rempli de zèle ou
comme endormi. Il est constant seulement dans son inconstance,
persistant uniquement dans sa variabilité. Et ce
qui est surtout désagréable, c' est qu' il
lui est impossible de remonter à la cause bien
définie
de cet effet ; ils "vont et viennent, sans permanence",
et sont aussi peu faciles à prédire que les
vents d' été. Pourquoi, hier, la méditation
fut-elle facile, douce, féconde ? Pourquoi est-elle
difficile, irrégulière, stérile, aujourd'hui
? Pourquoi cette noble idée l' aurait-elle enflammé d'
enthousiasme, il y a une semaine, et le laisserait-elle
froid, maintenant
? Pourquoi, il y a quelques jours seulement, était-il
plein d' amour et de dévotion, et se trouve-t-il
maintenant vide, contemplant son idéal d'
un oeil
froid et sans éclat ?Le fait est évident,
mais l' explication lui échappe; il semble être à la
merci du hasard, être sorti du domaine de la loi.
C' est cette incertitude même qui donne l' amertume à son
affliction. On est toujours maître de ce que l' on
comprend, et, quand nous avons remonté d' un effet à
sa cause, nous ne sommes pas loin de le contrôler.
Toute nos plus vives souffrances ont-elles cette partie
constituante d' incertitude; nous sommes sans ressource
parce que nous sommes ignorants. C' est l' incertitude
de nos émotions qui nous épouvante, car nous
ne pouvons guère nous tenir en garde contre ce que
nous ne pouvons pas prévoir. Comment donc atteindrons-nous
un endroit où ces humeurs ne nous tourmenteront
plus, un rocher sur lequel nous puissions nous tenir, tandis
que les flots s' agitent autour de nous?
Le premier pas vers ce point d' équilibre est accompli
lorsque nous reconnaissons le fait, — quoique l'
expression puisse en paraître un peu brutale, — que
nos humeurs n' ont point d' importance. Il n'y a pas de
relation
constante entre notre progrès et nos sentiments;
nous n' avançons pas nécessairement lorsque
le flux de l' émotion nous réjouit, et nous
ne rétrogradons pas non plus lorsque le reflux nous
chagrine. Ces dispositions changeantes se classent, parmi
les leçons que la vie nous apporte, pour que nous
apprenions à distinguer entre le Soi et le non-Soi
et à nous réaliser comme le Soi. Le Soi ne
change pas, et ce qui
change n' est pas le Soi, mais fait partie des entourages
transitoires dans lesquels le Soi est revêtu et parmi
lesquels il se meut. Cette vague qui nous traverse n' est
pas le Soi, mais n' est qu 'une manifestation temporaire
du non-Soi. "Que toutes ces choses s' agitent, écument
et se débattent, elles ne sont pas de Moi". Que
la conscience réalise ceci un seul instant, et la
violence de la vague est morte, et le rocher solide se
fait sentir sous le pied. Nous retirant de l' émotion,
nous sentons qu 'elle ne fait plus partie de nous-mêmes,
et nous cessons ainsi de verser notre vie en elle comme
une
expression du Soi; nous rompons la liaison qui lui permettait
de devenir une voie pour la douleur. Cette retraite de
conscience peut être bien facilitée si, dans
nos heures tranquilles, nous nous efforçons de comprendre
et d' assigner à leurs vraies causes ces alternatives
désolantes des émotions. Ainsi, au moins,
nous nous débarrasserons d' une partie de l' impuissance
et de la perplexité, qui, comme nous l' avons vu,
sont dues à l' ignorance.
Ces alternatives de bonheur et d' abattement sont primitivement
des manifestations de cette loi de périodicité,
ou loi du rythme, qui régit l' univers. La nuit
et le jour alternent dans la vie physique de l' homme de
même
que le font le bonheur et l' abattement dans sa vie émotionnelle.
Tels que sont le flux et le reflux dans l' océan,
ainsi sont le flux et le reflux dans les sentiments humains.
Il y a des marées dans le coeur humain de
même
que dans les affaires des hommes
et de même que dans la mer. La joie suit
le chagrin et le chagrin suit la joie, aussi sûrement
que la mort suit la naissance et la naissance la mort.
Cette réalité n' est pas seulement une théorie
delà loi, mais un fait de l' exactitude duquel témoignent
tous ceux qui ont acquis de l' expérience dans la
vie spirituelle. Dans cette fameuse Imitation de Jésus-Christ,
on dit que la paix et le chagrin alternent ainsi, et "cela
n' est ni nouveau ni étrange pour ceux qui ont l'
expérience des voies de Dieu: les grands Saints et les
anciens Prophètes
ont souvent éprouvé ces vicissitudes. Or,
puisque Dieu en use ainsi avec les plus grands, nous ne
devons pas perdre courage, pauvres infirmes que nous sommes,
si quelquefois nous éprouvons de la ferveur et quelquefois
du refroidisse ment. Je n' ai jamais rencontré d'
homme si pieux et si parfait qui n' ait éprouvé quelquefois
cette privation de la grâce et une diminution de
ferveur". (Livre II, lix, 4, 5, 7.) Cette alternative
d' états étant reconnue comme le résultat
d' une loi générale, la manifestation spéciale
d' un principe universel, il nous devient possible d' utiliser
cette connaissance comme avertissement et encouragement.
Il peut se faire que nous passions par une période
de grande illumination spirituelle, quand tout nous semble
facile à accomplir, quand le feu de la dévotion
répand son éclat sur la vie, et quand la
paix de la véritable lumière est en nous.
Une telle condition renferme souvent un danger considérable:
sa félicité même nous endort dans une
sécurité nonchalante,
et laisse croître tous les germes de la
nature inférieure qui sont restés. Dans de
tels moments, il est très utile de se souvenir des
périodes de tristesse antérieures, pour que
la félicité ne devienne pas une enflure du
coeur, et la jouissance ne mène pas à s'
attacher au plaisir; balançant ainsi le plaisir
présent
par le souvenir du malheur passé et la calme prévision
du malheur à venir, nous atteignons l' équilibre
et nous trouvons au milieu un point de repos; nous pouvons
alors obtenir tous les avantages qui surviennent lorsqu'
on saisit l' occasion favorable au progrès sans
risquer un recul provoqué par un triomphe prématuré.
Lorsque la nuit arrive et que toute la vie s' est retirée,
lorsque nous nous trouvons froids et indifférents,
ne donnant aucune attention aux objets qui nous attiraient
jadis, alors, connaissant la loi, nous pouvons dire tranquillement
: "Ceci passera à son tour; la lumière
et la vie doivent revenir, et l' ancien amour luira de
nouveau de tout son éclat". Nous refusons d' être
injustement abattus dans l' obscurité, de même
que nous refusions d' être indûment exaltés
dans la lumière; nous balançons deux expériences
l' une par l' autre, éloignant l' épine de la
douleur présente par le souvenir des jouissances
passées et l' avant-goût des jouissances qui
vont venir; dans la joie, nous apprenons à nous
souvenir du chagrin, et dans le chagrin à nous souvenir
de la joie, jusqu 'à ce que ni l' un ni l' autre ne
puissent émouvoir l' inébranlable fermeté de
notre âme. Ainsi nous commençons à nous élever
au-dessus des stages inférieurs
de la conscience, dans lesquels nous sommes jetés
d' un extrême à l' autre, et à gagner
l' équilibre que l' on appelle yoga. Ainsi
l' existence de la loi devient, pour nous, non une théorie,
mais une conviction, et, graduellement, nous apprenons
quelque
chose de la paix du Soi.
Ce nous serait un grand bien de comprendre que la manière
dont nous envisageons et surmontons l' obscurité et
l' engourdissement intérieurs est une des plus sûres épreuves
de l' évolution spirituelle. "Quel est l' homme
du siècle qui ne reçut volontiers les
joies et les consolations spirituelles, s' il pouvait en
jouir toujours ? Car les consolations spirituelles surpassent
toutes les délices du monde et toutes les voluptés
de la chair ... Mais nul ne peut jouir toujours, à son
gré, des consolations divines, parce que la tentation
ne cesse jamais longtemps. Ne sont-ce pas des mercenaires
ceux qui cherchent toujours des consolations ?... Où trouvera-t-on
quelqu'un qui veuille servir Dieu pour Dieu seul ? Rarement
on rencontre un homme assez avancé dans les voies
spirituelles pour être dépouillé de
tout". (Livre II, x, i: xxii, 3, 4) Ces germes subtils
de l' égoïsme persistent longtemps dans la vie
de disciple, quoiqu 'ils imitent alors, dans leur croissance,
l' apparence de vertus, et cachent le serpent du désir
sous la belle fleur de la bienfaisance ou de la dévotion.
Rares, en effet, sont ceux qui servent pour rien, qui ont
déraciné le germe du désir, et n'
ont pas tout simplement coupé les branches qui
s' étendent au-dessus du sol. Plus d' un qui a goûté les
joies subtiles de l' expérience spirituelle trouve
là sa récompense pour les plaisirs grossiers
auxquels il a renoncé, et lorsque l' épreuve
amère de l' obscurité spirituelle lui barre
le chemin et qu' il entre dans l' obscurité, sans
ami et seul, en apparence, alors il apprend par l' amère
et humiliante leçon de la désillusion qu'
il a servi son idéal tout le temps pour un salaire
et non par amour. Tant mieux pour nous si nous pouvons être
aussi heureux dans l' obscurité que dans la lumière,
par la foi inébranlable en — non encore la
vision de — cette Flamme qui brûle éternellement
en dedans, CELA, de la lumière duquel nous ne pouvons
jamais être séparés, car, en vérité,
c' est le Soi réel. Il faut que nous ayons fait
banqueroute dans le Temps pour que les richesses de l'
Éternel
puissent être à nous, et ce n' est que
lorsque la vitalité nous abandonne que la Vision
de la Vie se présente à nous.
Une autre difficulté qui embarrasse et désespère
l' aspirant est la présence non sollicitée
de pensées et de désirs incompatibles
avec sa vie et ses aspirations. Lorsqu' il voudrait bien
contempler ce qui est saint, les idées profanes
l' envahissent; lorsqu' il voudrait voir la figure radieuse
de l' Homme Divin, le masque du satyre l' observe du coin
de l' oeil. D' où vient cette foule de formes
horribles qui l' entoure? D' où ces murmures et ces
chuchotements, comme de démons, à son
oreille ? Ces choses-là le remplissent de répulsion
et d' horreur, et pourtant elles semblent bien à lui;
est-il vraiment possible qu' il soit le père de
ce vil troupeau ? Encore une fois, la connaissance de la
cause efficiente peut écarter du résultat
les conséquences empoisonnées et nous délivrer
de l' impuissance due à l' ignorance. C' est un
lieu commun de l' enseignement théosophique que
la vie s' incorpore en des formes, et que l' énergie vitale
qui émane de cet aspect du Soi, qui est la sagesse,
moule la matière du plan mental en formes-pensées.
Les vibrations qui affectent le corps mental déterminent
les matériaux qui sont insérés dans
sa composition, et ces matériaux sont changés
graduellement en conformité des modifications de
vibrations émises. Si la conscience cesse de travailler
d' une certaine façon, les matériaux qui répondaient à ce
travail antérieur perdent peu à peu leur
activité, deviennent finalement de la matière émoussée,
et le corps mental s' en défait. Pourtant, un certain
nombre de stages se trouvent entre la pleine activité de
la matière qui répond incessamment aux impulsions
mentales et son engourdissement final, lorsqu 'elle est
prête à être expulsée. Jusqu
'à ce que le dernier stage soit atteint, elle est capable
d' être
jetée dans une activité renouvelée
par des impulsions mentales de l' intérieur ou de
l' extérieur, et, longtemps après que l'
homme a cessé de lui donner de l' énergie, ayant
dépassé le stage qu 'elle représente,
elle peut être jetée dans une vibration active,
peut être forcée, par une influence
toute extérieure, de surgir comme une
pensée vivante. Par exemple, un homme a réussi à purifier
ses pensées de toute sensualité, et son esprit
n' engendre plus d' idées impures ni ne prend plaisir à contempler
des images impures. La matière grossière
qui, dans les corps mentals et astrals, vibre sous de
telles impulsions, n' est plus vivifiée par lui,
et les formes-pensées jadis créées
par lui sont en train de mourir, si même elles ne
sont déjà mortes.
Mais il rencontre quelqu'un en qui ces choses sont actives,
et les vibrations envoyées par cette personne revivifient
ses formes-pensées mourantes, lui prêtent
une vie temporaire et artificielle, les font surgira nouveau
comme si c' était ses propres pensées, les
enfants de son esprit, à lui, aspirant, qui ignore
que ce ne sont que des cadavres de son passé, réanimés
par la magie mauvaise de la proximité impure. Le
contraste même qu' elles présentent à son
esprit purifié ajoute au tourment de leur présence,
comme si un cadavre était lié à un
homme vivant. Mais quand il apprend leur véritable
nature, elles perdent leur pouvoir de le tourmenter. Il
peut alors les envisager calmement comme les restes de
son passé, et c' est ainsi qu' elles cessent d'
être les empoisonneuses de son présent. Il sait que
la vie en elles est étrangère, qu 'elle ne
vient pas de lui, et il peut "attendre, avec la patience
de la confiance, l' heure où elles ne l' affecteront
plus".
Quelquefois, dans le cas où le progrès d'
une personne est très rapide,cette revivification temporaire
est causée
délibérément par ceux
qui cherchent à retarder l' évolution, par
ceux qui se rangent contre la Bonne Loi. Ces êtres-là peuvent
envoyer une forme-pensée calculée de manière à donner
une activité fantastique aux ombres mourantes, dans
le but déterminé d' entraver l' aspirant,
même
lorsque celui-ci est hors de la portée de la tentation
de ce côté. De nouveau la difficulté cesse
quand on sait que ces pensées tirent leur énergie
du dehors et non du dedans, quand l' homme peut dire avec
calme à cette foule d' éléments de
tourment: "Vous n' êtes pas à moi,
vous ne formez aucune partie de moi, votre vie n' est pas
tirée de ma pensée. Avant longtemps vous
serez morts, hors toute possibilité de résurrection,
et, en attendant, vous n' êtes que des fantômes,
des ombres qui furent jadis mes ennemis".
Une autre source très féconde d' ennuis est
le grand magicien du Temps, ce grand maître de l'
illusion. Il nous impose un sentiment de hâte et
d' inquiétude en déguisant l' unité de notre
vie avec les voiles des naissances et des morts. L' aspirant
crie impatiemment:
"Quel point puis-je atteindre, quel progrès
réaliser dans ma vie présente?" La
réponse est que "la vie présente" n'
existe pas: il n'y a qu 'une seule vie — passée
et future, avec le moment toujours changeant qui est leur
point de rencontre; d' un côté, nous-voyons
le passé, de l' autre, l' avenir, et il est lui-même
aussi invisible que la parcelle de terre sur laquelle nous
sommes. Il n'y a qu 'une seule vie, sans commencement
et sans fin, sans âge, sans temps, et
les divisions arbitraires que nous lui donnons selon les
incidents toujours revenants des naissances et des morts,
nous trompent et nous apportent une déception.
Voilà quelques-uns des pièges que dresse
au Soi la nature inférieure, car elle voudrait bien
retenir par force l' Immortel ailé qui cherche à s'
éloigner de ses voies bourbeuses. Cet oiseau de paradis
est une
chose; si belle, lorsque ses plumes commencent à pousser,
que toutes les puissances de la nature se mettent à l'
adorer et à tendre des pièges pour l' emprisonner;
or, de tous les pièges, l' illusion du Temps est
le plus subtil.
C' est quand une vision de vérité est tard
venue dans la vie physique que l' on est porté à ressentir
avec le plus d' intensité ce découragement à propos
du temps. "Je suis trop vieux pour commencer; si
j' avais seulement connu cela dans ma jeunesse!" -
est le cri proféré. Pourtant la voie est
une, de même que la vie est unique,
et ce n' est que la même voie qu' il y a à suivre
dans la vie; et l' on doit marcher sur la voie; qu 'importe
alors qu 'une
des étapes de cette voie soit faite ou non dans
une partie particulière de la vie? Si A et B doivent
jeter dans deux ans leur premier coup d' oeil sur
la réalité des choses, qu 'importe que A
soit alors âgé de 70 ans, tandis que B n'
est qu' un garçon de 20 ans? A reviendra et recommencera
son travail lorsque B sera en train de vieillir, et chacun
d' eux passera bien des fois encore par
l' enfance, la jeunesse et la vieillesse du corps, pendant
qu 'ils
voyageront sur les stages supérieurs
de la voie de la vie. Le vieillard qui commence " tard
dans la vie", comme nous disons, à apprendre
les vérités de la Sagesse Antique,
au lieu de se lamenter sur son âge et de répéter:
"Combien peu puis-je faire dans le court espace de
temps qui me reste! "devrait dire: "Quelle
solide base puis-je poser pour ma prochaine incarnation,
grâce à cette
connaissance de la vérité?" Nous
ne sommes pas les esclaves du Temps, sauf quand nous nous
inclinons devant sa tyrannie impérieuse et quand
nous lui permettons de boucher nos yeux avec les bandeaux
de la naissance et de la mort. Nous sommes toujours nous-mêmes,
et nous pouvons marcher droit devant nous, à travers
les lueurs et les ombres jetées par sa lanterne
magique sur la vie qu' il ne peut pas faire vieillir. Pourquoi
les Dieux sont-ils figurés toujours jeunes, sinon
pour nous rappeler que la véritable vie n' est jamais
affectée par le Temps ? Nous empruntons un peu de
la vigueur et du calme de l' Éternité lorsque
nous cherchons à vivre en elle en échappant
aux filets du grand enchanteur.
Plus d' une autre difficulté surviendra sur la voie
ascensionnelle lorsque l' aspirant essaiera de la gravir,
mais une volonté déterminée et un
coeur dévoué, éclairés
par la sagesse, vaincra tout, finalement, et fera atteindre
le but suprême. Avoir confiance dans la loi est l'
un des secrets de la paix; il faut se fier à elle
dans tous les temps, surtout lorsque l' obscurité se fait.
Une âme qui aspire ne peut jamais manquer
de s' élever; un coeur qui aime ne peut jamais être
abandonné. Les difficultés n' existent que
pour être surmontées et accroître ainsi
notre force: ceux-là seuls peuvent sauver le monde
qui ont souffert et qui aiment.
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