DIEUX EN EXIL

par J.J.Van Der Leeuw

A mon instructeur C.W.Leadbeater à qui je dois plus que jamais je ne pourrai rendre.

J.J.Van Der Leeuw


Avant-propos

Ces pages furent écrites à la suite d'un éveil de la conscience égoïque survenu récemment en moi; il m'apporte des connaissances instantanément obtenues, mais pour qu'elles devinssent réelles, il a fallu bien des jours, et pour les décrire, bien des pages.

Je n'au aucun mérite à publier ces enseignements; je les ai reçus - comme sur le Sentier nous recevons toutes choses - et je les transmets dans l'espoir que d'autres trouveront en eux le secours que j'y ai trouvé moi-même.


INDEX

Le drame de l'âme en exil

Le chemin qui mène à L'Égo

Le monde de L'Égo

Les pouvoirs de L'Égo

Le retour d'exil

Conclusion


LE DRAME DE L'AME EN EXIL

Le Sentier de l'occultisme est souvent nommé le Sentier de la douleur.

Il n'y a pas de raison pour y voir un Sentier de la douleur plutôt qu'un Sentier de la joie: le même résultat obtenu, qui est une douleur pour notre nature inférieure, se traduit en joie pour notre Moi supérieur. Du point de vue auquel nous nous plaçons, dépendra le caractère joyeux ou pénible de notre expérience. Sur le Sentier de l'occultisme le but immédiat est d'accomplir l'union de ce que nous appelons ordinairement le moi inférieur et le Moi supérieur, et cette union s'opère lors de la première des grandes Initiations. Depuis l'époque de son individualisation, dans l'histoire de l'âme humaine, point d'événement plus important que l'Initiation; celle-ci, comme son nom l'indique, est un commencement nouveau, le début d'une vie nouvelle, vie consciente dans notre Moi véritable ou Égo.

ÉVEIL DE L'AME

Tant que l'homme, traversant en pèlerin le monde matériel, s'identifie complètement avec ses corps et leur est entièrement soumis, oubliant tout à fait sa propre, sa véritable nature divine, il ne souffre pas; ses satisfactions ont un caractère animal. Quand l'âme dans sa prison terrestre commence à se rappeler la demeure divine d'où la chassée l'exil, quand sous l'influence de l'amour, de la beauté, de la vertu s'éveille en elle la conscience de sa propre et véritable nature - alors seulement naît la souffrance. Nous ressemblons à Prométhée, enchaîné sur le rocher de la matière. Mais il faut que nous ayons pris conscience de ce que nous sommes en réalité pour nous apercevoir que nous sommes prisonniers et en exil. Ainsi vivrait un homme qui, dès sa jeunesse banni de son pays natal, aurait passé de longues années à l'étranger, se souvenant à peine, dans les privations et les misères de l'exil, qu'il a connu jadis un séjour différent. Un jour peut venir pourtant où, entendant un chant connu de lui dans sa jeunesse, le souvenir lui revient, subit et angoissant, de tout ce qu'il a perdu; alors, avec une douleur subite, il se rend compte qu'il est un exilé, éloigné de tout ce qui lui fut cher. Ce souvenir réveille en lui le désir passionné de revoir la terre natale, et ce désir devient de plus en plus profond. Alors seulement, commencent la souffrance et la lutte: la souffrance - parce qu'il sait ce qu'il a perdu, la lutte - parce qu'il va tenter avec effort de rentrer en possession de son bien.

De même, l'éveil de l'âme, quand il s'accomplit au cours de l'évolution humaine, s'accompagne, non seulement de joie mais aussi de souffrance. Tant que l'homme partagea la vie animale de ses corps, il connut bien certaines satisfactions, mais le souvenir de sa nature véritable, la vision du monde auquel il appartient, déterminent les efforts infiniment prolongés par lesquels il essaie d'échapper à l'emprise des mondes matériels, à laquelle il s'est soumis en s'identifiant à ses corps. Il ne se doutait pas jusqu'alors qu'ils fussent pour lui des limitations; maintenant ils deviennent une tunique de Nessus qui s'attache à ses épaules avec ténacité, plus il s'efforce de s'en dépouiller. Dès lors il se regardera comme l'assemblage de deux personnes; il sera simultanément conscient d'un Moi divin intérieur qui ne cesse de la rappeler à sa demeure divine - et d'une nature inférieure animale, c'est-à-dire de sa conscience liée aux corps et dominée par eux.

LA LUTTE MORALE DANS L'HOMME

Point de problème, point de difficulté dans la vie humaine, plus grands que ce sentiment d'être deux personnes réunies. C'est ainsi que saint Paul, gémissant du combat entre la Loi de ses membres et la loi de l'esprit, s'écriait dans sa détresse: 'Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas. Or, si je fais ce que je veux pas, ce n'est plus moi qui le fais, c'est le péché qui habite en moi. Je trouve donc cette loi en moi: quand je veux faire le bien, le mal est près de moi. Car je prends plaisir à la loi de Dieu, selon l'homme intérieur; mais je vois dans mes membres une autre loi qui lutte contre la loi de ma raison, et qui me rend captif de la loi du péché qui est dans mes membres. Malheureux que je suis! Qui me délivrera de ce corps de mort?' (Rom. 7,19-24) C'est peut-être dans les Confessions de Saint-Augustin que cette lutte intérieure se trouve décrite avec le plus de pénétration; il s'exprime ainsi:'Car, comme d'une part l'amour de votre beauté m'enlevait pour m'unir à vous, je sentais aussitôt de l'autre, que le poids de ma misère m'arrachait et me séparait de vous avec violence pour me faire retomber avec gémissement dans la bassesse d'où je tâchais de sortir. Et ce poids n'était autre chose que les habitudes de mes passions charnelles.' (7,17). Et ailleurs: 'Les vaines joies qui méritaient d'être pleurées, combattent dans mon esprit avec les heureuses tristesses dont nous nous devrions réjouir, et je ne sais de quel côté tourne la victoire.' (10,28). Telle est l'éternelle expérience de l'homme qui lutte, expérience si bien exprimées par Goethe lorsqu'il s'écrie:'Deux âmes, hélas, vivent en mon sein'; c'est l'expérience de tout aspirant engagé sur le Sentier de l'Occultisme, ou même celle de tout être humain qui, s'efforçant de vivre noblement, suivant les injonctions du Moi supérieur, se voit ralenti et gêné par les désirs de son moi inférieur. A aucune vie humaine n'est épargné le combat fondamental. Sous des formes innombrables cette hydre aux cents têtes nous confronte, et la vie de beaucoup de candidats à l'occultisme est une tragédie à cause de cette lutte profonde qui, tout en causant de vives souffrances et le mépris de soi, affaiblit les corps en épuisant la vitalité. Où trouver dans la vie humaine rien de plus difficile à supporter que de voir selon l'esprit, et puis, un instant après, de donner un démenti à cette vision par notre manière de vivre? Aussi éprouvons-nous le mépris de nous-mêmes, ce mépris que Hamlet déclare 'un breuvage plus amer que le sang', le désespoir de ne jamais parvenir à vivre comme nous le voudrions.

Et voici, dans cette grande tragédie humaine, le côté le plus tragique: elle est, pour une bonne part, inutile et le résultat de notre ignorance, de notre ignorance concernant les activités de notre propre conscience.

L'IGNORANCE DE LA CAUSE

En dernier lieu, l'homme se découvre soi-même. Étrange mais universelle vérité: Sa soif de connaître commence par l'objectif le plus lointain et finit par le plus rapproché. L"homme primitif a déjà étudié le firmament, mais seul 'homme moderne commence à explorer les mystères de sa propre âme.

La plupart des hommes sont à leurs propres yeux un mystère; beaucoup ne se doutent même pas que le mystère existe. Demandons-nous à l'homme moyen ce que lui, l'être humain vivant est en réalité; ce qui se passe lorsqu'il sent, pense et agit; ce qui détermine la lutte entre le bien et le mal qu'il constate en son coeur, non seulement il est incapable de répondre, mais nos questions elle-mêmes lui paraissent étranges et nouvelles. Et pourtant, quoi de plus étrange que de voir un être humain traverser la vie, subir toutes les vicissitudes, mettre sa joie dans les plaisirs fugitifs d'une existence dont il supporte l'incessant fardeau, et tout cela sans jamais en demander la raison? Si, rencontrant un homme voyageant dans les conditions les plus pénibles et soumis à toutes sortes de privations, nous lui demandions où il va, et s'il nous répondait qu'il n'y avait jamais pensé, nous le prendrions certainement pour un aliéné. Ce cas, pourtant est exactement celui de la plupart des hommes dans la vie ordinaire; ils suivent la route conduisant de la naissance à la mort, sans jamais demander pourquoi, ou, s'ils le demandent, ils le font d'une manière superficielle sans vraiment se soucier d'obtenir la réponse.

Mais un temps vient pour toute âme, au cours de son long pèlerinage, où il ne lui est plus possible de vivre en continuant à ignorez la raison de l'existence; où désillusionnés par le monde qui l'entoure et jamais ne procure de satisfaction durable, elle cesse un instant de poursuivre avec frénésie les illusions; alors, à bout de forces, elle demeure silencieuse et solitaire. C'est l'heure où naît dans l'âme le sentiment d'un monde nouveau; où, détournant ses yeux du mirage ambiant, elle découvre la réalité immuable dans le domaine intérieur, dans le domaine du Moi. Alors, et alors seulement, les questions concernant la vie trouvent une réponse; seulement, comme le dit Emerson, l'âme ne répond jamais en paroles, mais par l'objet même de nos recherches.

CONNAISSANCE DE NOTRE NATURE VÉRITABLE

Pendant la période de lutte nous nous étions bien posés des questions concernant le but de la vie, mais, quand les réponses nous parviennent, elles répondent moins aux questions qu'elles ne les oblitèrent par l'expérience de la réalité elle-même.

Ainsi, en ce qui concerne le mystère de l'être humain, la réponse n'est pas une description intellectuelle de la constitution humaine, mais plutôt la découverte de notre propre Moi intime et par suite celle du monde qui est le sien. Lorsque, dans ce monde, nous considérons le problème de la dualité que nous éprouvons tous dans la vie journalière, c'est-à-dire l'existence, d'une part d'un Moi supérieur, de l'autre d'un moi inférieur, une vérité admirable nous apparaît.

L'homme est essentiellement divin; comme fils de Dieu il participe de la nature de son Père et partage Sa Divinité. La propre, la véritable demeure de l'homme est donc le monde du Divin; là nous avons la vie, le mouvement et l'être 'd'éternité en éternité'. Dans son propre monde, l' Égo de l'homme se livre à ses activités particulières; il y mène une vie de joie et de splendeur qui dépasse toute conception humaine. Pourtant, il y a une leçon ou expérience qu'il ne peut apprendre dans son propre monde; elle l'oblige à déployer sa conscience dans les mondes de la manifestation extérieure où règne avec la multiplicité l'antithèse du 'Moi" et du 'Non-moi'. Là seulement, au moyen de corps composés de la matière de ces mondes extérieurs, l' Égo peut acquérir la soi-conscience, c'est-à-dire la conscience de soi-même en tant qu'individu séparé. Le monde divin, véritable demeure de l' Égo est un monde où cette distinction entre le moi et le non-moi n'existe pas, mais où chaque partie jouit de la connaissance universelle appartenant à l'ensemble. Voilà pourquoi la notion particulière du soi, nécessaire à l' Égo, ne peut s'y acquérir. Ce n'est que dans le triple univers de la manifestation extérieure, le monde physique, le monde émotionnel et le monde mental, que la dualité du sujet et de l'objet se montre nécessaire à l'acquisition de la soi-conscience. C'est donc bien pour s'instruire que l' Égo se répand dans ces mondes extérieurs et qu'il emprunte leur matière pour s'en faire des corps. C'est exode de l'âme vers les mondes obscurs, symboliquement décrit dans l'histoire de la Genèse. Le paradis initial n'est pas un état durable, malgré toutes ses beautés et toutes ses harmonies. L'âme doit goûter au fruit de l'arbre du bien et du mal, à celui de la connaissance, fût-ce au prix du paradis. Ayant constaté en soi-même le désir de connaître les mondes matériels, l'âme revêt des 'robes de peau', des corps physiques, obligée dès lors à subir les conditions de l'existence matérielle, 'elle enfante en travail ses enfants'. Cet exil prolongé se termine par la rédemption ou régénération; elle s'accomplit quand l'âme retrouve la notion de sa propre divinité, quand le Christ naît dans le coeur de l'homme. Alors le paradis est retrouvé, mais, cette fois, en pleine conscience; l' Égo dans son propre monde divin possède les fruits obtenus par la descente de l'âme dans les mondes matériels.

LE DRAME DE L'AME

Nous pouvons ainsi considérer les incarnations successives de l'âme divine dans les mondes de la manifestation extérieure comme une activité particulière de l' Égo, activité dont l'objet spécifique est d'acquérir des connaissances qui ne pourraient s'obtenir autrement. C'est l'établissement de la conscience divine dans les trois corps (le corps physique, le corps des émotions et le corps de la pensée) qui constitue la tragédie, la véritable chute dans la matière, cause de toutes les souffrances réservées à l'âme au cours de son pèlerinage. En effet, l'âme ayant fixé une partie de sa conscience dans les trois corps, cette partie s'identifie aux corps devenus son domaine et, par cette identification, croit être ces corps destinés à la servir. Convaincue de cette identité la conscience incarnée, cessant de partager la conscience illimitée du Moi divin auquel elle appartient, participe de l'isolement des corps et devient une entité, distincte des autres êtres et qui s'oppose à eux - la personnalité. C'est la vieille histoire de Narcisse: apercevant son image réfléchie par les eaux, il aspire à embrasser cette image et pour y parvenir se laisse engloutir par les flots qui lui servaient de miroir. De même la conscience incarnée est engloutie par l'océan de la matière, et s'étant identifiée à des corps isolés, se trouve séparée du Moi dont elle fait partie et oublie ce qu'elle est en réalité - un fils de Dieu.

Alors commence et se poursuit pendant des siècles la tragédie de l'âme en exil, ayant perdu le souvenir de son héritage divin, tombée dans la dégradation par le fait de son inconsciente soumission à ses corps qui devraient être ses souples instruments. C'est le vieux mythe gnostique de la Sophia, de l'âme divine, en exil parmi les voleurs et les brigands qui l'insultent et l'humilient jusqu'au jour où , rachetée par le Christ elle retourne à sa patrie divine.

Comment imaginer une tragédie plus grande, une dégradation plus profonde que celle-ci: l'âme divine, membre de la plus haute Noblesse, celle de la Divinité même, est soumise à l'humiliation et à l'indignité d'une existence dans laquelle, oublieuse de son propre rang exact, elle accepte de devenir esclave de la matière? Parfois, quand l'humanité nous apparaît sous son pire aspect, enlaidie par la haine, déséquilibrée par son désaccord avec la nature, grossière et brutale, ou stupide et superficielle, nous sentons la tragédie intense de l'âme en exil et nous avons la conscience poignante de la dégradation subie en nous par le Moi immortel.

NÉCESSITÉ D'UN CHANGEMENT D'ATTITUDE

Si donc nous avons le sentiment d'être doubles - un Moi supérieur en nous et un moi inférieur au dehors - notre ignorance en est la cause. L'homme n'est pas deux, mais un. Nous sommes le Moi divin [appeléChrist] et cela seulement. Son monde est notre monde, sa vie est notre vie. Ce qui arrive c'est que, en faisant passer notre conscience divine dans les corps destinés à nous procurer certaines expériences, nous nous identifions à eux et oublions ce que nous sommes en réalité. Alors, la conscience captive réduite à l'esclavage par ses trois corps, suit leurs désirs, et c'est ce que nous appelons le moi inférieur ou personnalité. La voix intérieure, notre propre et véritable voix, nous semble être l'appel du Moi supérieur; entre ces deux - l' Égo et la personnalité - naissent pour nous la lutte et la souffrance, et c'est en vérité notre crucifixion. Cependant, une grande part de cette souffrance est due à notre ignorance et prend fin lorsque nous reconnaissons notre nature véritable. Mais ceci implique un changement d'attitude complet. Tout d'abord notre concept de la dualité de la nature humaine est faux. Toujours nous parlons de l'âme, de l'esprit, du Moi supérieur, de l' Égo, enfin de tout ce que nous appelons notre nature supérieure, comme d'un élément ou de quelqu'un placé à un niveau supérieur, tandis que, nous-même, nature inférieure ou personnalité, nous vivons au-dessous. Nous considérons alors l'effort entrepris pour atteindre le niveau supérieur comme une tentative dont le but est de nous assurer un bien qui, nous étant absolument étranger, est par conséquent difficile à saisir. Aussi parlons-nous souvent de 'l'effort terrible', nécessaire pour arriver jusqu'au Moi supérieur. Nous disons encore de l'inspiration ou du savoir, de la force spirituelle ou de l'amour, qu'ils descendent de ce Moi supérieur jusqu'à nous. Toujours nous commettons l'erreur fondamentale de nous identifier avec ce que nous ne sommes pas et nous envisageons dans cette disposition mentale le problème tout entier. La première condition de réussite dans le domaine spirituel est la certitude absolue que nous sommes l'esprit ou le Moi supérieur; la seconde, aussi importante et aussi essentielle que la première, est la confiance en nos propres facultés d'Égo et le courage de les exercer librement. Au lieu de considérer comme naturel et normal notre état de conscience ordinaire et d'élever nos regards vers l' Égo, comme vers un être exalté qu'un effort persévérant et frénétique nous permet seul d'atteindre, il faut d'abord considérer notre état de conscience habituel comme anormal et contraire à l'ordre naturel, et la vie de l'esprit comme notre vie véritable dont nous éloignent nos efforts incessants.

L'ISOLEMENT EST L'ÉTAT ANORMAL

Nous ne nous rendons presque jamais compte de l'effort persistant et formidable qui nous est, à tous, nécessaire pour maintenir l'illusion de nos personnalités séparées. Du matin au soir il nous faut les affirmer, défendre contre les attaques d'autrui notre chère individualité, veiller à ce que nul ne la méconnaisse, ne la dédaigne ou lui refuse d'une façon quelconque les égards que nous jugeons lui être dus. D'autre part, dans tout ce que nous désirons pour nous-mêmes, nous cherchons en acquérant les objets souhaités à renforcer nos personnalités séparées.

L'identification de notre véritable Moi spirituel et des corps temporaires servant à le manifester crée l'illusion du moi séparé. Le conscience du véritable Moi ou Égo semble descendre jusque dans les corps et là se trouver tordue et empêtrée au point de former une sphère de conscience distincte englobant les corps auxquels elle s'attache ainsi. Mais cet état n'est pas régulier, il est positivement et essentiellement anormal et contraire à la nature. Aussi bien pourrions-nous trouver normal et naturel qu'une bande de caoutchouc fixée en un point donné, puis étirée, soit attachée par son extrémité à un objet immobile. L'attache est anormale. Libérez la bande, immédiatement elle reprendra sa forme naturelle et formera de nouveau un seul ensemble harmonieux. De même, il nous suffit d'affranchir notre conscience en la séparant des corps auxquels nous l'avons liée Il suffit de renoncer à l'illusion d'indépendance que nous choyons sans cesse et si tendrement; alors, l'extension de conscience constituant la personnalité séparée retournera, par un reflux naturel et automatiquement, au Moi plus grand qui est notre être véritable. Nous parlons beaucoup de l'effort et de la tension nécessaire pour atteindre la conscience spirituelle,mais qu'elle attention donnons-nous jamais à la tension, à l'effort terribles nécessaires pour maintenir l'illusion du moi séparé? Il est vrai que nous la maintenons à notre insu. Affirmer notre moi aux dépens de notre entourage, obtenir ce que nous désirons et garder ce que nous possédons, tout cela est devenu pour nous une seconde nature: par suite, l'effort gigantesque nécessité par cette assertion, par cette exaltation de la personnalité, nous échappe. Et pourtant il existe.

Il nous appartient donc de rejeter cette superstition puissante qui nos retient esclaves des mondes matériels et nous empêche de constater ce qu'ils sont en réalité: reconnaissons, affirmons, maintenons notre propre divinité. Dans cette affirmation aucun orgueil ni aucune séparation, car la tonique du monde où nous pénétrons ainsi, notre propre et véritable monde, est l'unité; dans cette atmosphère, ni la suffisance, ni l'orgueil de la grandeur personnelle ne peuvent exister. L'orgueil est une plante qui ne fleurit que dans les régions plus denses des mondes matériels; dès que nous retournons à notre vraie patrie tout cela doit nécessairement prendre fin. Soustraire ainsi notre conscience à la tyrannie des corps; nous rendre compte des pouvoirs que nous possédons tous en tant que Moi divin ou Égo; refuser de nous laisser ainsi enlacer de nouveau dans le réseau de l'existence matérielle: telle est la seule manière d'atteindre notre but, c'est-à-dire la fin du duel acharné entre le Moi supérieur et le moi inférieur, qui empoisonne la vie de tant d'aspirants sérieux - notre passage du moi inférieur au Moi supérieur - l'Initiation.

L'ASSENTIMENT NE SUFFIT PAS: IL FAUT AGIR

Inutile, par une simple lecture, de reconnaître telle idée pour vraie et de la faire, pour ainsi dire, de loin. Pour profiter de cette idée il ne suffit pas de l'apprendre comme une leçon, il faut arriver à la mettre en pratique. Dans les pages suivantes,nous allons tenter l'expérience, non seulement de reconnaître que, dans notre conscience véritable, nous sommes l' Égo, mais encore de soustraire cette conscience aux limitations qui l'enserrent et de l'amener, ainsi délivrée, dans le monde de joie et de liberté divines, qui est le sien.

A notre époque, il faut de l'action et non des paroles: cette idée est presque devenue un lieu commun et cependant elle est profondément vraie et devrait trouver son application dans un certain genre de conférences ou de livres, dans lesquels l'auteur ou l'orateur ne se contenterait pas de dire des choses que son public pourra, ou non, apprécier, mais emmènerait pour ainsi dire ses lecteurs ou ses auditeurs dans une expédition à travers les régions de l'inconnu où tel homme peut bien montrer le chemin et se faire suivre, mais où tous doivent aller pour leur propre compte. Ainsi nos conférences devraient être des conférences en action, nos livres des livres en action. Nos lecteurs ou auditeurs devraient éprouver dans leur propre conscience ce qui leur est exposé. Nous suivrons donc cette méthode, pour tâcher de nous retrouver dans notre être réel. Ne lisons pas ces pages d'une manière objective, comme si nous contemplions un spectacle extérieur à nous mêmes. Essayons, au contraire, de nous identifier à ce qui est dit et d'accomplir dans notre propre conscience ce que nous lisons dans ces pages.

LE CHEMIN QUI MÈNE A L'ÉGO

Commencez par réfléchir sur vous-même et, pendant cette réflexion, notez les idées qui se présentent dans votre mental. Comme vous le constaterez, l'idée que vous vous faites de vous-même est celle de votre apparence physique, telle qu'elle se présente à vous dans votre miroir, avec le visage qui vous est familier; elle porte le nom qui vous appartient actuellement. C'est la première illusions à surmonter car, aussi longtemps que nous pensons à nous-mêmes comme étant le corps physique, nous continuons à nous identifier avec ce corps, et c'est précisément ce qu'il ne faut pas faire. En nous identifiant avec le corps physique ou avec sa contrepartie subtile,le corps éthérique, nous nous soumettons à leurs désirs et à leurs conditions d'existence. Par suite, notre corps, obéissant à toutes les modifications nées des circonstances qu'il subit, suit son propre chemin au lieu du nôtre. Conséquence: la faiblesse et la maladie, et aussi une certaine pesanteur ou insensibilité physique empêchant le corps de répondre au Moi intérieur.

CHANGEMENT QUI S'OPÈRE DANS LE CORPS PHYSIQUE

Tout cela change quand, revenus de notre illusion, celle de nous croire le corps, nous voyons en lui exactement ce qu'il est, notre serviteur ou instrument dans le monde physique. Il nous faut, pour ainsi dire, changer la polarité de toute notre relation. Au lieu de nous laisser dominer par le monde physique au moyen du corps physique avec lequel nous nous sommes identifiés, il nous faut maîtriser le monde physique au moyen du corps physique soumis à notre obéissance. Le centre de gravité doit passer du corps physique à la conscience qui nous est propre. Nous devons, en quelque sorte, sentir que nous ramenons en arrière le centre de notre conscience et puis que, placés en arrière de notre corps physique, nous agissons par lui, sans faire un avec lui. Ce changement d'attitude envers le corps physique détermine un changement profond. Comme des parcelles de limaille de fer se groupent autour d'un centre commun quand nous en approchons un aimant et se disposent toutes suivant les lignes d'énergie dans le champ magnétique ainsi créé, ainsi les parcelles de corps physique et éthérique, au lieu de rester dans le chaos, sans direction spéciale et comme le jouet d'une influence extérieure quelconque,se trouvent soumises à l'influence unique et directrice de la Volonté intérieur. Nous devons les sentir telles; sentir le changement déterminé par cette assertion: je ne suis pas le corps, mais le corps est à moi. Nous devons sentir désormais que les corps éthérique et physique reçoivent leur nourriture et leur énergie moins de la vitalité venant de l'extérieur que de la vitalité dont la source est intérieure. Ce changement total doit être éprouvé, senti, plutôt qu'examiné intellectuellement et discuté. Nous devons sentir notre corps physique vibrant et répondant à la conscience intérieure, plus soumis à ses lois et à ses conditions qu'à celles du monde physique ambiant.

Quelles que soient nos activités journalières, il faut conserver cette attitude. Nous devons sentir toujours que nous agissons consciemment en nous servant du corps physique, celui-ci n'agissant pas de lui-même. Il faut, par suite,lui imposer des habitudes régulières, en ce qui concerne la nourriture, le sommeil et l'exercice, afin qu'il devienne un instrument parfait. Les muscles de notre corps physique ne sont-ils pas soumis chaque jour à l'exercice physique, comment s'attendre à ce que notre corps soit rebondissant et responsif? La santé physique importe bien plus qu'on ne le pense en général. De même, nous devons adopter une alimentation réglée permettant au corps physique d'être alerte et docile. Au lieu de manger n'importe comment, nous devons nous borner aux aliments qui feront du corps, à notre usage, un instrument plus pur, plus vigoureux et plus affiné. Tout en mangeant, il faut être conscients de ce que nous faisons: c'est de l'intérieur que les aliments sont réparties dans le corps. Il faut pratiquer cela et en faire l'expérience plutôt que d'y voir un sujet d'étude intellectuelle. Il faut avoir le sentiment que nous mangeons consciemment et qu'à chaque bouchée nous faisons passer la nourriture, spirituellement, dans les tissus organiques. Ceux des chrétiens qui sont membres d'une église reconnaissant la valeur des sacrements institués par Jésus, savent ce que signifie la communion, savent aussi la manière particulière de consommer les espèces. C'est précisément de même que nous devrions prendre tous les aliments, car toute matière est consacrée par la présence du Christ, et Sa vie est en toutes choses, bien que dans l'hostie et dans le vin Sa présence soit intégralement manifestée.

De cette façon, comme de beaucoup d'autres, nous pouvons seconder la modification des corps éthérique et physique, si connue des philosophes hermétiques et appelée par eux la régénération, et faire de ces corps à l'usage du Moi intérieur des instruments parfaits. Le changement est très réel et, lorsqu'il est accompli, brise à jamais l'expire exercé sur la conscience par le corps physique: celui-ci n'est plus qu'un instrument bien accordé, mis à notre disposition.

CHANGEMENT QUI S'OPÈRE DANS LE CORPS ASTRAL

Retirez maintenant du corps physique votre centre de conscience, et cela se fait tout naturellement quand nous modifions notre attitude à l'égard de notre corps. Il va sans dire que nous ne retirons pas complètement la conscience, sans quoi nous nous endormirions ou serions en état de transe,mais, cessant de localiser notre conscience dans le corps, nous la maintenons à un niveau supérieur et nous agissons par l'intermédiaire du corps: c'est là tout autre chose.

Ensuite, il faut déterminer, en ce qui concerne notre corps émotionnel ou astral, un changement semblable à celui qui vient de s'opérer pour le corps physique. La même difficulté se présente. En général, nous permettons à nos corps émotionnels d'appartenir au monde émotionnel; nous permettons à ce monde de les constituer; nous laissons se former dans le corps émotionnel, sous des influences extérieures, les désirs et les émotions. Naturellement nous ne le savons pas toujours; nous n'avons pas encore appris à distinguer entre le 'Moi' et le 'Non-moi' concernant ce que nous appelons les mondes 'intérieurs', c'est-à-dire le monde des émotions et celui de la pensée, et par suite nous sentons émotions et pensées 'naître en nous' alors qu'en réalité elles nous arrivent du dehors ou, tout au moins, y sont leur origine. Le clairvoyant constate le résultat suivant: le corps astral présente des régions de couleur différente, irrégulièrement réparties à sa surface et qui varient facilement sous les influences extérieures. Il faut changer tout cela. Nous devons regarder notre corps émotionnel et l'employer en effet comme notre véhicule dans le monde astral. L'Égo doit le tenir d'une main ferme et y déterminer le même changement obtenu déjà dans le corps physique. Nous devons vitaliser, par le dedans, le corps émotionnel et y faire passer les émotions de notre choix.

Essayez de sentir ce changement en vous-mêmes. Essayez de sentir votre corps astral tout à fait débarrassé de ces désirs et émotions inférieurs qui sont si gênants, et choisissez les émotions que vous, le Moi divin, vous allez tolérer dans ce corps émotionnel, votre propriété. Éprouvez ces émotions; laissez-les, consciemment, rayonner autour de vous. Tout d'abord éprouvez l'amour, non point celui qui cherche à posséder, mais celui qui se donne à tous les êtres et à toutes les choses. Puis éprouvez la dévotion - dévotion au Maître, à la grande tâche, dévotion à ce que vous pouvez concevoir de plus élevé - et que cette dévotion inonde votre corps astral. Éprouvez ensuite la sympathie pour tous ceux qui souffrent. Sentez que votre âme va, dans sa compassion, vers tout être qui souffre, dans le monde entier. Éprouvez enfin l'aspiration spirituelle; ayez le sentiment d'aspirer d'une façon intense aux choses supérieures, et que la spiritualité véritable rayonne à travers votre corps émotionnel. Quand, de cette façon, vous, le Moi, décidez quels sentiments seront les vôtres, et faites passer consciemment ces émotions supérieures à travers votre corps astral, celui-ci prend un tout autre aspect. Cessant de présenter des émotions flottantes,nuageuses et toujours changeantes, il devient un objet radieux, émettant sans cesse les émotions qu'il vous a plu de choisir et répondant par une palpitation rythmique à l'impulsion du dedans. Examiné par un clairvoyant, son apparence est tout autre. Au lieu de régions colorées et nuageuses, il offre quelques émotions nettement accusées, concentriques, dont le rayonnement est issu du centre du corps astral. Ainsi s'opère en lui le même changement constaté par nous dans le corps physique.

Ici encore nous pouvons comparer le changement à une masse de limaille placée sous l'influence d'un champ magnétique. Maintenant, dans le corps astral, s'affirme une Volonté centrale, directrice, souveraine; ce corps est donc maintenant vitalisé et déterminé par la Volonté intérieur; il est devenu notre serviteur; point d'excitations, d'émotions ou de tentations extérieures qui puisse éveiller en lui des émotions ou désirs dont nous ne voulons pas. Le corps astral ne fait plus parti intégrante du monde astral ambiant; détaché du reste du monde astral, il se trouve rattaché au Moi intérieur. La polarité ayant été, en quelque sorte renversée, il est maintenant vitalisé de l'intérieur et se prête au rayonnement constant des émotions supérieures, pour le plus grand bien du monde environnant.

En arrivant à modifier ainsi le corps astral nous avons fait un pas de plus vers la suppression de la dualité (Moi supérieur et moi inférieur), autrefois si troublante, due à ce que, dans notre ignorance,nous laissions les corps dominer une partie de notre conscience. En soumettant le corps astral au Moi intérieur, nous en retirons de nouveau le centre de conscience; nous démêlons pour ainsi dire la conscience, enchevêtrée dans le corps, et la rapprochons un peu du monde dont elle dépend. Ainsi maintenu, vitalisé de l'intérieur, le corps astral vous obéit.

CHANGEMENT QUI S'OPÈRE DANS LE CORPS MENTAL

Il faut maintenant considérer le corps mental et le changer à son tour. A certains égards, les modifications à lui imposer sont, de toutes, les plus importantes, car dans ce corps mental est localisé notre grand péril, peut-être é notre insu.

Jamais nous n'agissons, jamais nous ne parlons avant d'avoir pensé, crée une image de ce que nous allons faire, 'imaginé' notre acte. Nous l'ignorons. Les activités mentales sont si rapides, notre conscience est pour nous un domaine si inconnu, que ce qui s'y passe nous échappe. Pourtant, nous ne pouvons pas lever la main sans avoir d'abord pensé ce geste, nous en formons une image et celle-ci, étant créatrice, se réalise et devient action. En nous, la pensée est la manifestation du Saint-Esprit, du Dieu Créateur; c'est cette suprême Énergie créatrice qui se manifeste dans notre faculté de penser et en fait une épée à deux tranchants, d'autant plus dangereuse pour nous que nous en ignorons la puissance. En pensant, nous formons une image dans le corps mental, nous créons un objet et le remplissons d'une Énergie créatrice divine dont l'action est la conséquence nécessaire. Il faut quelquefois une série de pensées répétées avant que l'accumulation d'énergie créatrice suffise pour déterminer l'action. Fréquemment répétées, les pensées font naître une habitude ou coutume et souvent nous devenons incapables de résister à ce que nous avons nous-mêmes créé.

Tout cela n'aurait pas d'inconvénients si, de l'intérieur, nous formions nos images mentales, si nous, le Moi divin,nous formions l'image en pleine conscience. Le danger, le terrible danger auquel est exposée notre vie entière est celui-ci: nous permettons que la création d'images mentales se fasse du dehors; nous permettons que des influences procédant du monde extérieur fassent naître des images dans le corps mental, jettent la matière mentale créatrice dans le monde, de formes-pensées ainsi chargées d'énergie et qui nécessairement cherchent à se décharger, afin de jouer leur rôle particulier. Là, dans cette activité désordonnée du corps mental, est la cause de presque toute notre lutte intérieure et de nos difficultés spirituelles. L'ignorance tolère l'anarchie fonctionnelle dans un corps qui devrait être notre instrument et ne point se servir de nous. Avons-nous permis au corps mental de répondre aux impacts extérieures en créant des images, nous sommes perdues et la lutte commence.

DANGERS D'UNE IMAGINATION SANS FREIN

Prenons pour exemple un buveur. Il connaît les conséquences de sa passion: misère, gaspillage de son salaire, privations imposées à sa famille, et, dans ses moments, de lucidité, décide qu'il renoncera à son vice. Passant dans la rue devant un lieu où il trouverait à boire, il voit des gens entrer et sortir; peut-être même perçoit-il l'odeur de l'alcool. Jusque là pour lui ni tentation ni combat. Mais qu'arrive-t-il maintenant? Dans cette courte fraction de seconde il s'imagine buvant; il crée une image mentale et, pendant un instant, vit et agit dans cette image de sa propre personne jouissant de la boisson. Il a le sentiment que celle-ci satisfait son envie, mais en réalité elle l'a augmentée; elle a rendu presque inévitable l'action qui suivra. Puis, après avoir créé l'image, le buveur finit, mais trop tard, par faire appel à la volonté:'Je ne veux pas faire cela', dit-il. Mais alors il n'est plus temps; le combat est devenu à peu près inutile. La réalisation succède en général à la création de l'image mentale. Il peut arriver, naturellement, que l'image ne soit pas tout à fait assez forte et que le buveur parvienne à la réprimer, cependant, même dans ce cas, il y a lutte, épuisement des corps, souffrance consécutive. La meilleure méthode est d'empêcher la formation de l'image mentale et d'intervenir quand l'intervention est encore efficace.

Cette imagination indisciplinée cause plus de souffrances que l'on ne saurait croire. Les innombrables circonstances présentées par les existences de tant d'hommes incapables de maîtriser leurs passions inférieures, surtout le désir sexuel, dérivent d'une imagination indisciplinée, non d'une volonté faible. On peut éprouver un désir impérieux, mais c'est la pensée créatrice qui détermine l'action. La plupart des hommes ignorent leurs imaginations, rêveries ou pensées et les jugent inoffensives parce qu'elles ne sont ni tangibles, ni visibles à l'oeil normal, or tout cela est en réalité le seul et unique danger. L'individu très sensuel peut sans danger voir l'abject de ses désirs ou y penser, à moins que dans cette pensée il commence à se représenter la satisfaction de sa convoitise. C'est après avoir créé une image de sa propre personne cédant à ses désirs, après avoir permis à ses désirs de renforcer l'image qu'il a formée, qu'il se trouve en danger. Un homme entouré d'objets désirables pourrait n'éprouver ni difficultés, ni luttes, s'il pouvait empêcher son imagination, sa faculté créatrice mentale de réagir sur les objets qu'il voit. Jamais nous ne nous rendons assez compte que les objets désirables n'ont par eux-mêmes aucun pouvoir, à moins que nous nous permettions de réagir sur eux, à moins de nous laisser aller à des imaginations dont nous sommes les créateurs. Mais, si nous avons fait cela,le combat suivra certainement. Alors nous faisons appel à ce que nous croyons être notre volonté; nous essayons par une résistance frénétique d'échapper aux conséquences de notre propre imagination. Bien peu de personnes encore ont appris que la résistance anxieuse ou frénétique, inspirée par la peur, est out autre chose que la volonté.

EMPLOI DE LA VOLONTÉ

quand M.Coué, dans le mémorable ouvrage où il expose la puissance de l'imagination ou puissance créatrice de la pensée, dit que, dans le combat de la volonté, l'imagination est toujours victorieuse, il dit vrai si par volonté nous entendons uniquement cette résistance frénétique et anxieuse qui, chez la plupart des hommes, tient lieu de volonté. Si, apprenant l'usage de la bicyclette et voyant sur notre chemin un arbre solitaire, nous nous dirigeons tout droit sur cet unique obstacle, cause inévitable d'accident, notre erreur est due à notre imagination indisciplinée. Nous nous permettons d'imaginer que nous allons heurter l'arbre, et de former une image mentale de notre personne le heurtant en effet, puis de renforcer cette image par l'émotion, dans ce cas par la peur. Nous commençons bien alors à résister, mais n'appelons pas 'volonté' cette résistance anxieuse et frénétique. Elle renforce assurément l'imagination et contribue même à déterminer l'événement que nous voudrions éviter mais, si nous faisions usage de la volonté vraie, nous ne laisserions pas l'imagination réagir du tout sur l'arbre. Le fait est qu'ayant remarqué l'arbre et noté tranquillement son existence nous ne lui permettrions pas d'influencer notre conscience, par contre nous maintiendrions notre imagination occupée de la route libre et ouverte que nous désirons suivre. En somme, l'arbre cesserait d'exister pour nous et nous ne verrions plus que la route libre.

Un conte ancien parle de trois archers qui prétendent chacun atteindre un oiseau perché sur un arbre éloigné. Le premier voit l'arbre mais manque l'oiseau; le second voit l'oiseau mais l'effleure seulement; le troisième, visant l'oiseau (ce devait être un oiseau bien placide), ne voit ni l'arbre ni l'oiseau, mais seulement l'oeil qu'il veut atteindre et réussit. Telle est le pouvoir de la volonté véritable: celui d'apercevoir exclusivement le but à atteindre. Si l'ivrogne mettait en action sa volonté véritable, une seule idée l'occuperait, celle de suivre la route le menant à destination, et il pourrait, sans combat ni tentation passer devant un cabaret. Telle est l'énergie de la volonté proprement dite: elle nous permet de concentrer exclusivement notre attention sur le résultat particulier que nous avons décidé d'obtenir. La fonction spéciale de la volonté n'est pas de faire les choses ou de lutter contre elles; c'est de s'attacher dans la conscience à une seule intention et d'exclure tout le reste.

LE CORPS MENTAL ET LE POINT VITAL

C'est donc dans le corps mental qu'il faut introduire le coin. Il faut refuser de permettre la formation d'aucune image dans le corps mental sans notre autorisation, sans que nous, le Moi intérieur, ne le jugions à propos. Éliminez du corps mental toute forme-pensée, toute image, tout enchaînement de pensées indésirables; traitez-le ensuite comme vous l'avez fait des autres corps; renversez la polarité; rendez toutes les parcelles mentales responsives et obéissantes à la conscience intérieure et non plus soumises au monde ambiant. Ici encore le changement saute aux yeux du clairvoyant. Le corps mental tout entier semble éclairé par la lumière intérieur du Moi; il est devenu un objet rayonnant, accordé, adapté à notre propre, à notre véritable conscience.

C'est encore insuffisant: nous pouvons de la sorte empêcher le corps mental de nous être nuisible et de constituer un obstacle sur notre chemin - mais rien de plus. Il faut faire de la puissance créatrice mentale une puissance bienfaisante; ne nous bornons pas à la rendre inoffensive; employons-la comme auxiliaire. C'est dire qu'il faut créer et renforcer par notre émotion les images mentales que nous voulons voir réalisées dans notre vie journalière. Notre évolution a pour but la perfection; non dans l'intention égoïste de devenir parfaits, mais afin que par nous le fardeau qui pèse sur le monde puisse être un peu allégé. Au lieu d'imaginer, comme souvent nous le faisons inconsciemment et sans y penser, que nous sommes ou que nous accomplissons ce qu'en réalité nous ne désirons ni être ni accomplir, il faut nous imaginer l'homme parfait que nous désirons être et deviendrons un jour. Pensez à vous-même, en mettant en jeu toute votre énergie mental créatrice, comme divin en amour, divin en volonté, divin en pensée, en paroles et en action; remplissez de cette image tout votre corps mental; renforcez-la par les émotions de la joie et de l'amour, de la consécration et de l'aspiration. Cette image-là se réalisera aussi car, pour elle, reste valable la loi gouvernant les imaginations indésirables qui nous donnèrent tant de mal. Mais, du moment que nous avons employé consciemment la faculté imaginative nous ne sommes plus ses esclaves; elle ne se sert plus de nous; elle est devenue notre instrument. La puissance qui fut notre ennemie est maintenant notre amie.

Point de limites à toutes les façons dont la puissance créatrice de l'imagination peut jouer un rôle constructeur et non plus destructeur. Non seulement dans notre conduite et dans nos actes journaliers, mais encore dans notre travail et dans nos délassements, nous pouvons faire usage de cette faculté illimitée, quand nous avons transformé notre corps mental en serviteur, en instrument docile.

Maintenant, retirez du corps mental lui-même votre centre de conscience et tenez-le à la disposition du Moi intérieur, comme vous le faites pour les corps physique et astral. Désormais les trois corps restent à nos ordres dans les mondes de l'illusion; ce sont les trois chevaux qui tirent notre char dans les mondes inférieurs, mais le Moi tient les guides; il ne permet plus aux chevaux de se diriger où ils veulent, et les oblige à suivre la route qu'il a choisie. Il a dégagé sa conscience de ses attaches avec les trois corps; il l'a ramenée dans le monde qui lui est propre, de là il pourra toujours employer ces corps comme des serviteurs attentifs.

LE MONDE DE L'ÉGO

Une fois libérée des trois corps qui l'emprisonnaient, la conscience sera naturellement réunie au Moi, son être véritable.

Essayez de ramener la conscience dans l'Égo. Mieux que cela: tâchez de vous rendre compte, de savoir sans l'ombre d'un doute que vous êtes cet Égo, une âme divine qui était en exil. Ramenez-la dans ce monde qui est sa patrie, pénétrez dans ce monde qui réellement vous appartient et, au même instant, vous vous reconnaîtrez dans le Moi divin et intérieur, uni au divin en toutes choses. Dès lors ce que nous sommes, Moi supérieur ou moi inférieur, ne peut plus faire aucun doute; plus de lutte épuisante entre les deux pôles de notre nature; ils ne sont plus deux; la conscience captive et exilée a été ramenée à la conscience-mère dont elle s'était écartée; l'homme, de nouveau, est un, le Moi divin et intérieur employant consciemment les trois corps comme ses instruments, mais délivré de leurs liens.

Ne ramenez pas la conscience dans l'Égo simplement en pensée; ne vous bornez pas à convenir intellectuellement que vous êtes bien l'Égo. Faites-le en réalité; soyez l'Égo; vivez dans votre propre monde. Si vous avez réussi à isoler la conscience enchevêtrée dans les corps, vous pouvez sans difficulté la ramener dans l'Égo, car elle est la conscience de l'Égo, et le monde de l'Égo est notre véritable patrie.

En pénétrant à nouveau dans le monde d'où nous avons été si longtemps bannis, nous éprouvons d'abord un prodigieux sentiment de liberté et de joie. Comme un homme qui, emprisonné pendant de longues années en un lieu où ne pénètrent pas les rayons du soleil, est presque aveuglé par la lumière extérieure, de même, en rentrant dans notre propre monde après un long exil dans la geôle de la matière, nous supportons à peine la lumière environnante et l'absence de nos limitations anciennes. Ici, dans ce monde, tout, en vérité, est lumière et joie. L'Égo, dans son propre monde, vit dans un bonheur et une beauté si incomparables que les eut-il une seule fois entrevus, jamais il ne redeviendrait la victime du monde des illusions. Nous savons maintenant qui nous sommes; nous nous sommes vus dans notre propre et divine beauté, dans le monde qui est notre patrie; jamais plus aucune puissance terrestre ne pourra nous faire croire que nous sommes les corps. Le charme qui nous tenait est rompu; nous connaissons pour la première fois la paix et l'absence de lutte.

C'est étonnant comme tout devient soudainement simple quand nous atteignons le monde de l'Égo, comme il semble dès lors naturel d'agir à propos. Notre existence passée nous paraît pleine de complications presque incompréhensible dans ses problèmes. Ayant osé nous reconnaître dans ce que nous sommes en réalité, tout lutte, tout effort disparaissent; la vie devient simple et naturelle et les jours s'écoulent dans l'harmonie.

LA VIE DE L'ÉGO

Un de nos principaux sujets d'étonnement quand nous nous retrouvons Égos, c'est que dans notre propre monde nous ayons une vie à nous, au-delà de ce que ici-bas nous appelons vie. Ceux même qui ne voient dans notre moi terrestre qu'une manifestation temporaire du Moi divin intérieur commettent souvent l'erreur de regarder cette manifestation temporaire comme présentant pour le Moi divin une suprême importance et un intérêt capital. La réalité est bien différente; le moi que nous sommes en réalité a une vie propre, et dans celle-ci l'activité subsidiaire appelée sur la terre la vie est loin de présenter l'importance que nous voudrions lui conférer. Devenus conscients de nous-mêmes en tant qu'Égos, nous prenons simultanément conscience des activités auxquelles, comme Égos, nous nous livrons. Il est naturellement très difficile, sinon impossible, de donner la moindre idée de ces activités. Dans notre conscience de veille nous ne connaissons que les chose du monde physique et, à moins de pouvoir dans une description employer les termes et les réalités de ce bas monde, l'objet à décrire n'a pour nous aucun sens.

Dans son propre monde, l'Égo s'associe toujours activement à la grande oeuvre de la création; en compagnie des armées angéliques et d'autres grands êtres, il collabore à la Création des mondes, par laquelle cet univers est maintenu. L'oeuvre de Dieu est la création, et l'Égo, étant divin, poursuit la même activité créatrice. L'art seul peut exprimer ce travail véritable de l'homme divin, et c'est aux poètes comme aux musiciens qu'il faut aller, si nous voulons nous faire une idée de notre tâche d'Égos. Ainsi, dans Prométhée délivré [Poème de Shelley] , se retrouve quelque chose du travail accompli par notre Moi véritable dans les vers où chante le 'Choeur des Esprits et des Heures':

Formez le réseau du rythme mystique:
des profondeurs du ciel et des extrémités du monde,
venez rapides Esprits de la puissance et du plaisir
emplissez d'allégresse et vos danses et vos accents
comme les flots de mille torrents s'élançant vers un océan de splendeur et d'harmonie!

Plus loin également, le 'Choeur des Esprits' chante:

Et nos chants construiront
dans les vagues étendus du vide
un monde dont l'Esprit de Sagesse fera son instrument:

Chant, musique, son, autant de mots évoquant le mieux l'idée de ce qu'est l'oeuvre de l'Égo dans son propre monde; et pourtant, il va sans dire que là n'existe rien de semblable à ce que nous appelons ici-bas le son. Dans son ensemble,l'oeuvre ne donne pas moins l'impression d'une grande symphonie, dont notes et accords sont des êtres vivants, exprimant par leur chant leur propre nature et créant par sa puissance. Nous pourrions encore comparer cette oeuvre l'ourdissage d'une trame lumineuse, dans laquelle les êtres semblent des points rayonnants unis par des lignes de lumière. Mais rien ne peut exprimer la joie pure, la béatitude absolue qui saturent le monde de l'Égo, ni la sensation de baigner dans la lumière, au sein 'd'une beauté que nul n'a contemplée'. Il est dit, dans un passage de l'Ancien Testament, qu'à la création du monde 'les Fils de Dieu poussaient des cris de joie'. On retrouve dans cette expression quelque chose qui rappelle l'Égo, véritable fils de Dieu, dans son propre monde, rayonnant de bonheur.

Toute l'oeuvre ressemble à un immense rituel, à un hymne sacré accompagnant la création qui maintient les mondes. Ce que, sur la terre, nous appelons rituel, est comme l'ombre de ce rituel véritable et plus grand que, dans notre propre monde, nous connaissons tous si bien. Voilà pourquoi les rituels des grandes Religions mondiales et de la Franc-maçonnerie nous rappellent notre patrie: en eux nous entendons les faibles échos et les mélodies fragmentaires d'un chant que, dans le monde de l'Égo, nous chantons toujours.

NOTRE VIE SUR LA TERRE

Lorsque, parvenus ainsi à la Conscience de l'Égo, nous pensons à notre existence terrestre, celle qui, dans notre Conscience de veille ordinaire, ici-bas, nous paraît d'une importance sans égale, elle nous semble irréelle, presque comme un rêve et certainement dénuée de l'importance que nous lui prêtons en général. Comme Égos, nous la regardons comme une tâche obligatoire, comme une leçon à apprendre, consistant - c'est peut-être l'expression la plus juste - à ' se réaliser soi-même'. Dans ces mondes plus denses et là seulement, se trouvent assez de résistance et de séparation pour développer le sentiment de l'individualité ou conscience du 'Moi' qui, dès lors, doit être ramené à une plus vaste unité.

Placés dans le monde de l'Égo et de là considérant notre vie, nous acquérons, au cours de l'existence que nous avons à mener sur la terre une plus grande égalité d'âme, car il est profondément vrai que rien en elle n'a beaucoup d'importance et que la plupart des choses n'en ont aucune. Nous nous sommes retrouvés dans toute notre gloire d'Égos: dès lors, la vie d'ici-bas ne nous paraît plus qu'une activité auxiliaire é laquelle nous donnons un peu de notre conscience, un peu de notre attention. De même un homme d'État, chargé d'immenses devoirs, accorde un peu de son attention à telle petite activité personnelle qui l'intéresse.

LA BEAUTÉ DE L'ÉGO

Le monde de l'Égo n'offre ni les formes, ni les couleurs connues de nous ici-bas, mais seulement en qui peut se traduire en termes de couleur et de forme. Ainsi nous pouvons parler de l'apparence de l'Égo, bien qu'il ne nous apparaisse pas comme le font les objets dans le monde phénoménal. Il ne faut donc pas se méprendre sur le sens de nos paroles si nous disons que l'Égo présente une forme humaine glorifiée et que, dans cette forme nous nous reconnaissons tels que nous sommes vraiment. La forme humaine dont là-bas nous nous voyons revêtus est, en même temps, représentative de notre type ou génie réel, de notre mission dans la grande Oeuvre. Ainsi je connais un Égo qui m'apparut comme un jeune homme radieux, semblable à Apollon des Grecs, sculpté dans un marbre à la fois luisant et immatériel. L'inspiration constituait sa note tonique. Un autre Égo ressemblait un peu à la statue de Déméter, au British Museum, figure plein de dignité, de sérénité, de paix, méditant pour ainsi dire sur le monde qui est l'objet de ses soins et de sa protection. Chaque Égo a donc son apparence propre, d'une radieuse beauté, exprimant sa mission ou son génie.

Ayant ramené notre conscience dans le monde de l'Égo et nous reconnaissant en celui-ci, il faut essayer de voir ce que nous sommes dans ce monde-là et dorénavant ne plus penser à nous-mêmes d'une autre façon. Ayant constaté notre apparence véritable, il ne faut jamais plus nous permettre de penser à nous-mêmes comme étant l'image réfléchie par notre miroir. Ayant compris que nous sommes le Moi divin intérieur, il ne fut jamais, pas même un seul instant, retomber à nouveau dans notre ancienne illusion, celle d'être notre corps physique et de posséder quelque part, au-dessus de nous, un Moi divin. Dès maintenant,notre position est inversée: en parlant de nous-mêmes, nous parlons de l'Etre radieux que nous sommes réellement, et non des corps par lesquels se manifeste temporairement une partie de notre conscience.

COMMENT SE MAINTIENT LA CONSCIENCE ÉGOIQUE

Nous avons laissé derrière nous d'immenses périodes d'évolution au cours desquelles il nous a plu de souffrir l'exil dans les ténèbres du Monde extérieur; il subsiste donc en nous, même quand pour un instant nous nous retrouvons l'Égo, une tendance à retomber dans notre vieille habitude ancienne, celle de nous identifier avec les corps.

Nous commettons souvent cette faute. Après avoir éprouvé une brève mais puissante exaltation spirituelle, pendant la méditation ou pendant quelque cérémonie, nous nous asseyons en pensant:' Eh bien, c'était magnifique; je regrette que ce soit fini'. Gardez-vous de cette erreur. Avez-vous éprouvé quelque chose de grand; vous connaissez-vous comme le Moi divin, alors il faut dire:'C'est magnifique et ne cessera plus pour moi'. La différence est grande. Notre faiblesse consiste bien souvent en ce que nous faisons ces expériences supérieures et qu'ensuite nous nous résignons à leur disparition. Que jamais cette résignation ne soit la vôtre. Soyez rebelles; dites-vous:'Je ne laissera pas échapper ces impressions; cette réalisation divine, je la retiendrai; Moi, le Moi divin, je veux la retenir'. C'est possible; d'autres l'ont fait; il faut l'accomplir. Tous, nous devrons un jour constater nos facultés divines et apprendre à conserver, comme une réalité de tous les instants, cette conscience qui n'est en général nôtre que peu de temps à la fois. Ainsi, pourquoi ne pas le faire tout de suite?

Vous sachant donc l'Égo, partageant cette vie de joie divine, d'ineffable béatitude, prenez la décision d'y rester. Ne retournez pas aux ténèbres de l'exil. Pourquoi retourner à la vie de la personnalité, cette existence passée dans un étroit et sombre cachot, quand vous pouvez vivre au soleil de la Vie divine? Pourquoi ne pas demeurer là, travailler de là, vivre là?

LES POUVOIRS DE L'ÉGO **

Sachant définitivement qu que nous sommes l'Ego, il faut comprendre les pouvoirs qu'il peut exercer.

D'abord l'amour de l' Ego, le pouvoir unifiant, cet aspect de l' Ego appelé, en termes théosophiques, Bouddhi. La tragédie qui se joue quand la conscience de l' Ego, ayant passé dans les trois corps, se trouve assujettie à leur conscience élémentale, consiste partiellement en ce qu'elle commence à se sentir un être indépendant, mobile, séparé de tout le monde environnant. Dès que nous retournons à l' Ego, cette illusion d'indépendance disparaît et nous comprenons ce qu'est l'unité. Alors - ô merveille - sans cesser de nous connaître comme être individuel, nous partageons la vie de tous nos semblables, de toutes les créatures. Nous sommes la vie des arbres qui croissent, celle des eaux de l'océan, celle des nuages et de la lumière solaire, la vie en toutes choses. Telle est la force-amour de l' Ego, la réalisation de notre unité à ce niveau et, sur le Sentier de la perfection, c'est unique énergie déterminante. Ni la volonté, ni la pensée ne nous font avancer sur le Sentier vers l'Union divine; c'est l'amour seul. L'amour est la réalisation de l'unité et plus nous réalisons celle-ci, plus nous sentons que nous pouvons aimer tous les hommes nos frères, aimer jusqu'aux arbres et aux rochers, à mesure que nous rapprochant de l'union avec la Vie divine, nous nous trouvons attirés vers elle comme par un aimant. Essayez de sentir que ce pouvoir de l' Ego embrasse toutes choses. Essayez de sentir votre conscience se dissoudre dans la plus grande Conscience, jusqu'à devenir cette plus grande Conscience.

Essayez d'abord de sentir votre propre conscience comme une partie de celle du Maître et en Lui perdez-vous entièrement. Cette unité avec le Maître ne la contemplez pas, mais sentez-la; qu'elle soit pour vous un fait, si bien que vous vous sentiez être une simple partie de Lui-même. Par là, vous arriverez sans peine à comprendre que l'Amour est sur le Sentier l'unique énergie déterminante. L'intensité de notre amour et de notre adoration pour le Maître, la mesure dans laquelle nous nous sentons unis à Lui - voilà ce qui lui rend possible de nous prendre pour élèves.

D'une manière semblable, mais dans une mesure infiniment plus grande,notre conscience s'élargit quand nous tâchons de sentir notre unité avec la grande Confrérie elle-même, et de saisir un peu la prodigieuse unité de sa propre conscience, animée par une seule Volonté, la Volonté du Roi Lui-même, mais en même temps constituée, comme elle est, par de nombreux grands Êtres. Cette fois encore, la compréhension de cette unité de Conscience nous attirera en elle, à elle nous unira; elle nous mènera jusqu'à la première des grandes Initiations. L'amour est comme un aimant, il nos attire et nous unit à ce que nous aimons. Avons-nous réussi à réaliser l'amour de l' Ego, sentons-nous la manière dont il embrasse, dans ce vaste monde, tous les objets et toutes les créatures, impossible alors qu'il ne nous conduise pas au but de l'évolution - à l'Union Divine.

Quand nous éprouvons cela, nous arrivons à comprendre le sens de la maxime occulte: 'Croître comme la Fleur'. Sous l'influence de la chaleur et de la lumière solaires, la fleur s'épanouit; elle désire passionnément le soleil et, en croissant, s'incline vers lui. C'est l'amour de la fleur pour le soleil qui la fait pousser et c'est, de même, l'amour de l'âme pour le Soleil divin qui la fait s'épanouir. Cette croissance s'opère sans effort. Cette progression ne s'opère ni par poussée ni par tension. Nous nous unissons, d'une façon toute naturelle, à l'objet de notre amour. C'est pourquoi notre amour doit s'étendre à tout, sans exception; il doit librement se prodiguer à tout, car en toutes chose réside la Vie divine que nous cherchons. Si nous la refusons à telle chose ou à tel être que nous voulons exclure, nous excluons la Vie divine elle-même et nous rendons plus difficile notre union consciente avec elle. Que dans votre pensée le Christ, Notre Seigneur, soit pour vous comme le coeur de cette Unité de toutes choses; dans Son amour, sentez l'amour qui unit toutes choses et en l'aimant vous arriverez à aimer toutes choses. Alors nous commencerons à comprendre, dans sa profonde vérité, la propre parole de Jésus: 'Toutes les fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à mois que vous l'avez fait'.

Cette fois encore, pour réaliser cette puissance particulière de l' Ego, ni la simple contemplation ni la conception intellectuelle de l'amour ne suffisent. Il faut éprouver cet amour de l' Ego, devenir cet amour et puis, portés sur ses ailes, nous pourrons nous élever vers un but supérieur. C'est un pouvoir que nous devons apprendre à exercer consciemment.

LA VOLONTÉ DE L' EGO

L' Ego possède un autre pouvoir que nous devons apprendre à reconnaître comme nous appartenant, c'est celui de la volonté, de ce qu'en Théosophie nous appelons l'Atma. Ne confondons pas ce pouvoir vraiment divin avec la faculté débile que, dans la vie journalière, nous appelons 'volonté'. Je ne connais guère de mot plus mal compris ou dont on abuse autant. Nous nous en servons quand nous devrions employer les mots 'souhait' ou 'désir'. Nous disons de quelqu'un: 'Il possède une volonté faible.; Or, rien de tel n'existe. Nous parlons du 'heurt des volontés' et nous entendons par là des désirs égoïstes. Comme nous l'avons déjà fait remarquer, Coué et Beaudouin emploient cette expression comme synonyme de résistances anxieuse et frénétique, et c'est ainsi que, dans l'un des plus importants traités modernes de psychologie la question est mal posée.

Commençons par abandonner l'idée, si répandue, que la volonté agit; que par un effort de la volonté nous atteignons un résultat. Faire, exécuter n'est pas une fonction de la volonté mais d'un tout autre aspect de l' Ego, l'activité créatrice. La volonté est le Monarque, le Roi qui déclare: 'Ceci sera fait', mais sans le faire Lui-même. Psychologiquement parlant, la volonté est la faculté de maintenir la conscience fixée sur un seul objet, à l'exclusion de tout autre. Nous voyons ainsi quelle énergie extrêmement sereine, tranquille, immobile est la volonté: c'est en somme le pouvoir de tenir un point et d'exclure tout le reste. Mais c'est là une puissance formidable, d'autant plus qu'elle est si peu comprise.

POINT DE VOLONTÉ FAIBLE, MAIS UNE IMAGINATION INDISCIPLINÉE

Pour mieux nous rendre compte, analysons certain cas où, en termes courants, notre volonté n'est pas assez forte. Supposons que nous décidions de nous lever à six heures du matin. A l'heure dite nous nous réveillons avec la sensation naturelle d'avoir sommeil et d'être las. Si nous faisions de la volonté un emploi judicieux,nous n'aurions aucune peine à nous lever; nous nous attacherions àune seule pensée, celle du lever, tout le reste se trouverait exclu; point de lutte. Mais ce que nous faisons en réalité est de laisser notre imagination créatrice s'emparer de notre problème - celui du lever. Nous commençons alors à nous représenter: d'un coté, le désagrément et le froid que nous allons éprouver en quittant notre lit chaud et en nous habillant avant le jour; de l'autre, tout l'agrément qu'il y aurait à rester couché un peu plus longtemps et à nous rendormir. Nous avons ainsi créé des images qui, tout naturellement, tendent à se réaliser et nous font rester au lit. Si donc nous commençons à résister, c'est bien faiblement. En admettant même que nous ayons le dessus, nous nous sommes imposés un combat tout à fait inutile, qui gaspille la vitalité et que nous aurions évité sans peine si seulement nous avions compris le véritable rôle de la volonté. En restant couché, nous avons fait preuve, non pas d'une volonté faible , mais d'une imagination indisciplinée. L'usage normal de la volonté eut été de maintenir la pensée créatrice ou imagination, concentrée, immobilisée sur une seule idée - celle du lever, et d'exclure toute autre pensée. Alors nous n'aurions pas permis, à l'imagination de jouer avec des pensées telles que le désagrément de sortir du lit et le confort d'y rester. Nous n'aurions eu aucune peine à nous lever immédiatement. En vérité Hamlet prononça une vérité psychologique profonde: 'Sur la couleur naturelle de la résolution, la pensée a jeté son voile pâle et maladif'. La volonté intérieure a le pouvoir de maintenir la conscience fixée sur l'objet qui nous occupe et d'exclure toute idée, tout sentiment, toute personne ou toute influence qui se mettraient en travers ou tenteraient de nous fléchir.

Autre exemple: presque tous nous connaissons la sensation désagréable qui s'empare de nous au moment où , d'une grande hauteur, nous allons sauter ou plonger dans l'eau. Nous avons résolu de le faire, mais, au moment précis de sauter, nous reculons et il se peut qu'il nous faille assez longtemps pour arriver, comme on dit, à rassembler le courage nécessaire et faire notre bond. En réalité il est arrivé ceci: nous avons permis à l'imagination de nous présenter une image effrayante du plongeon que nous allons faire et, en même temps. la sagesse qu'il y aurait à y renoncer. Auteurs de cette image créatrice nous en devenons captifs, et notre saut dans l'eau commence à nous faire peur alors qu'auparavant il nous semblait tentant. La manière de nous tirer d'affaire est encore la même: c'est de maintenir la volonté concentrée sur le point unique, le saut à faire, et d'exclure toute pensée, tout sentiment ou toute influence qui s'y opposeraient. Nous constatons alors que l'acte aboutit sans difficulté.

EMPLOI DE LA VOLONTÉ EN OCCULTISME

En appliquant tout ce qui précède à l'usage de la volonté, afin d'atteindre notre but, c'est-à-dire la perfection, nous découvrons sans peine la raison de nos fréquentes défaillances. Nous décidons d'atteindre le but et de poursuivre jusqu'à son terme notre destinée spirituelle; par cela même nous adoptons une certain manière de procéder et certains principes de conduite que nous jugeons essentiels. Si nous parvenons à maintenir la volonté concentrée sur notre résolution seule et à exclure toute influence contraire, nous n'éprouverons ni difficultés, ni luttes. En réalité nous agirons, à peu près comme ceci. L'occasion se présente-t-elle d'agir comme nous avons décidé de le faire, nous commençons à imaginer les avantages et les inconvénients, l'agrément ou le désagrément de l'acte en question. Ayant créé des images ou formes-pensées, comme nous les nommons, nous les renforçons soit par le sentiment, soit par le désir et elles se dressent sur nos pas comme des obstacles quand nous essayons de mener à bien notre intention première. Alors commence la lutte accompagnée de ses conséquences fâcheuses - souffrance pour nous, épuisement pour nos corps - et puis le danger d'échouer dans notre entreprise. Non seulement tout cela est mauvais, mais c'est encore superflu. Si nous nous servons de la volonté comme il faut s'en servir, c'est-à-dire pour s'attacher à une seule et unique intention, aucune difficulté ne se présente. Mais du moment où nous nous laissons une autre pensée ou influence pénétrer dans notre conscience et réclamer son attention, nous sommes perdus. Sans doute nous devons tenir compte des circonstances, toujours faire preuve de bons sens et de jugement pondéré, mais nous ne devons pas laisser des influences extérieures nous détourner de notre ligne.

Essayez de réaliser en vous cette volonté, voyez-la remplissant votre conscience comme une blanche et aveuglante lumière; sentez-la irrésistible et capable de s'attacher à un seul but jusqu'à ce qu'ils soit atteint. Quand nous avons, même une seule fois, senti et réalisé cette véritable puissance de la volonté, il deviens impossible désormais de parler de sa faiblesse! C'est vraiment une puissance divine et, à moins de comprendre ses fonctions et sa signification dans notre vie, nous ne pouvons mener à bien notre destinée.

Employez donc cette puissance de la volonté pour donner à votre conscience un but , et un seul: la perfection, pour la mettre au service du monde. Telle doit être votre unique, votre absorbante,votre dominante passion et il ne faut permettre à rien de la contrecarrer. Ne croyez pas que ce soit un désir égoïste, aussi longtemps que vous penserez n'avoir pas encore pénétré dans le monde de l' Ego et ignorer encore ce que signifie l'unité. C'est seulement quand, ayant compris, nous savons que toute la création est une, absolument et invariablement une, que nous apparaît ; l'impossibilité d'un salut individuel. Le salut (ou la perfection ) signifie l'union avec la Vie divine présente en toutes choses: jamais, par conséquent, il ne saurait être individuel ou réservé à quelques élus. La victoire d'un homme est une victoire pour tous. Lorqu' un être humain atteint l'Adeptat, en lui toute l'humanité, toute la création triomphe, un nouveau lien a été formé rattachant à Dieu l'humanité; une puissance nouvelle est née afin d'alléger les souffrances qui accablent l'humanité. Quand dans la Divine Comédie de Dante une âme délivrée du Purgatoire, entre en Paradis, toute la Montagne du Purgatoire frémit de joie. Et cela est littéralement vrai: le succès d'un être humain quelconque est une joie pour toute la création et jamais ne constitue un simple succès individuel. Désirer la perfection, c'est désirer échanger l'illusion du moi séparé, contre la réalité de la vie universelle. L'égoïsme et la perfection s'excluent donc mutuellement.

Essayez donc d'employer cette puissance vraiment divine que possède chacun de nous et de la faire servir à la plus grande entreprise qui soit. Maintenez la conscience fixée sur l'idée de perfection et que cette idée préside à tous nos actes. En commençant ce peut être dur; il est possible que nous ayons de la peine à remplir notre tâche ordinaire tout en maintenant notre conscience fixée sur les choses supérieures, mais bientôt l'habitude en sera prise et la volonté d'atteindre la perfection deviendra un fond permanent sur lequel se développera, comme une broderie, le dessin de notre vie journalière.

NOUS SOMMES LE SENTIER

Dans un certain sens, nous sommes dès maintenant parfaits et divins. Votre véritable moi, l'être réel n'est pas cette fugitive et toujours changeante apparition que nous appelons le présent, mais bien votre passé tout entier et votre avenir tout entier: c'est l'être complet renfermant en soi-même le cycle évolutif total. Nous sommes donc à la fois l'homme primitif et l'homme parfait et l'objet de nos efforts est déjà, en réalité, en nous. Le secret de l'évolution est de devenir ce que nous sommes. Maintenant seulement nous pouvons comprendre une autre maxime occulte bien connue: 'Nous devons nous-mêmes devenir le Sentier'. C'est la vérité même et cependant, pour le savoir,il faut dans notre conscience d'Ego avoir aperçu le terme, le but de la perfection, l'obtention de l'Adeptat, non comme un but étranger dont on s'approche du dehors, mais bien comme notre propre destinée intérieure, notre propre Moi le plus intime. Ayant ainsi appris ce que signifie 'devenir nous-mêmes le Sentier', nous savons en même temps que rien au monde ne pourra, jamais plus, se placer entre nous et notre but. Nous l'avons vu; nous nous sommes unis à lui. Il semble que nous ayons vu notre propre divinité et que le but se trouve dans notre être même.

PUISSANCE DE LA PENSÉE CRÉATRICE

Ayant compris l'amour et la volonté, puissances de l' Ego,il nous reste à découvrir sa troisième grande puissance, celle de la pensée créatrice ou, comme nous l'appelons en Théosophie, Manas. En nous la pensée est le manifestation de Dieu le Saint-Esprit, comme la volonté est la manifestation du Père et l'amour celle du Fils. Dieu le Saint-Esprit est Dieu dans son activité créatrice, Dieu le Créateur et, quand nous réalisons en nous cette puissance nous nous sentons inspirés, possédés par une faculté créatrice sans bornes, par le pouvoir d'accomplir. Seule, la pensée agit, seule elle crée, seule elle exécute les ordres de la volonté. Si celle-ci est le Roi, la pensée est son premier ministre et l'activité de notre pensée créatrice devrait toujours être dirigée par la volonté. Point de bornes, semble-t-il, au pouvoir créateur de cette pensée; dès que nous sommes parvenus à le comprendre nous savons que, étant Egos, nous pouvons 'faire toutes choses'; nous sentons en nous-mêmes une énergie créatrice illimitée, capable d'accomplir tout ce que la volonté pourrait lui ordonner. Il faut que cette troisième puissance, la pensée ou imagination créatrice, entre en jeu pour que l'action concrète s'accomplisse. Voilà pourquoi elle est si dangereuse pour l'homme avant qu'il ne comprenne la nécessité de la diriger consciemment,car s'il n'y parvient pas, elle sera dirigée par sa nature inférieure dont elle deviendra l'esclave.

EMPLOI DES TROIS POUVOIRS

Tels sont donc les trois pouvoirs de l' Ego, ou tel est plutôt son triple pouvoir, car les trois aspects sont un et véritablement une trinité. Ayant compris les trois pouvoirs et leur rôle dans la grande oeuvre, essayons maintenant de les employer simultanément, comme ils doivent l'être puisqu'ils constituent une unité. Employez la volonté pour vous attacher exclusivement à la perfection qui sera mise au service du monde; employez l'amour pour vous unir à la perfection et vous faire passer en elle; enfin employez la pensée pour la créer et l'accomplir. L'emploi simultané des trois pouvoirs détermine seul le résultat, mais il n'est rien qui nous soit impossible car la puissance de l" Ego est divine et par conséquent illimitée.

Cette activité ne doit pas s'exercer uniquement à nos moments perdus, elle doit devenir habituelle et constante, quelques que soient nos occupations présentes. Là, bien plus qu'ailleurs, est le secret de l'oeuvre spirituelle. Nous étant reconnus comme Egos et devenus conscients de nos facultés d' Egos, il ne faut plus retomber dans les ornières de la conscience corporelle ordinaire, mais nous maintenir au niveau que nous avons atteint, même si l'effort nécessaire nous paraît d'abord surhumain. Le graphique de notre vie spirituelle présente trop souvent une continuelle série de hauts et de bas. Nous n'atteignons telle altitude spirituelle que pour retomber un instant après à notre ancien niveau. Si nous tenons à parvenir, il ne faut pas souffrir cela. Quand nous vient le rare moment de l'exaltation et de la réalisation spirituelles,soit au cours de la méditation, soit autrement, il faut nous y cramponner avec toute la ténacité possible, et tenir bon, au niveau que nous avons atteint, indifférents à tout le reste. D'abord, pendant quelques jours, l'effort pourra être pour vous un supplice, mais bientôt il devient habituel et nous apprenons à faire, tout en restant au niveau que nous venons d'atteindre, notre tâche ordinaire. En somme c'est bien dans notre propre et véritable demeure que nous vivons maintenant, et non dans un état étranger où nous cherchons à pénétrer; c'est notre propre patrie divine dont nous avions pour un temps perdu le souvenir.

LE RETOUR D'EXIL

Nous étant reconnus Egos nous pouvons, au-dessous de nous, regarder les trois corps et décider que, dans les mondes de l'illusion, ils seront nos serviteurs et rien de plus. Nous ne descendons plus vers eux: nous nous dérobons à l'emprise de ces mondes, nous ne permettons plus à la conscience élémentale de saisir la conscience de l' Ego et de la dominer. Il faut rester sur notre pic d'où nous contemplons les étendues illimitées de la vie, et d'où nous devons agir, penser et sentir. On peut et il faut y arriver.

Retiré sur ce pic, pensez à vos trois corps. Voyez votre corps mental débarassé des futiles,des ordinaires images mentales, et, de l'intérieur, créez en lui la puissante forme-pensée de la perfection mise au service du monde. Cette forme-pensée, maintenez-la sans cesse avec une partie de votre volonté; ne lui permettez jamais de se dissoudre, car c'est elle qui dorénavant gouvernera votre vie quotidienne. Tenez ainsi le corps mental et ordonnez-lui qu'à l'avenir, quelques que soient les tentations extérieures, aucune image mentale, aucune forme-pensée ne sera faite sans votre consentement.

Ensuite, de nouveau, abaissez vos regards vers votre corps des désirs. Décidez qu'il demeurera ce que vous le voyez, c'est-à-dire vivifié, de l'intérieur, part les émotions du Moi. Inondez-le d'un torrent d'amour pour tous les êtres, de dévotion, de sympathie, d'aspiration spirituelle. Regardez ces sentiments irradiant le centre du corps qui, sous vos yeux,palpite d'une vie nouvelle, et décidez que jamais vous ne laisserez plus votre corps astral soumis aux influences extérieures.

Regardez de nouveau votre corps éthérique et physique et décidez qu'a l'avenir eux aussi serviront de véhicules à la volonté. Constatez la manière dont cette volonté s'exprime par le corps, voyez l'énergie divine du Moi descendre à flots dans le corps physique, et sentez que celui-ci est régénéré par une voie intérieure. Telle est la vérité de la régénération du corps physique. Quand nous reconnaissons en lui le véhicule de l'Atma, il est renouvelé, devient sain et vigoureux, affranchi des maladies, affranchi de toutes les misères qu'il subit tant qu'il fait simplement partie du monde physique. Délivrez-le de cet esclavage; il doit vivre dans le monde,mais ne pas être du monde. Son lien le plus étroit doit être avec le Moi et non avec le monde. Tous vos corps devraient être soumis au Moi et à travers eux devraient rayonner les pouvoirs du Moi. Faites-en des canaux parfaits pour les trois grands pouvoirs de l' Ego, mais toujours conservez votre indépendance, toujours demeurez au sommet de votre montagne et de là contemplez les mondes inférieurs.

Un bonheur divin en résultera pour votre vie et toutes vos difficultés s'évanouiront. Comment se produirait-il aucune dissonance? Vous avez reconnu votre divinité. Dès lors, quand vous serez soumis aux mêmes expériences qui auparavant vous causaient tant de trouble et de souffrance, parce que vous admettiez l'identité de vous-même et de vos corps, vous vous reconnaîtrez comme l' Ego et nul conflit ne sera possible. Vous avez maintenant formé une pensée unique, celle de la perfection; elle domine votre corps mental et rien ne peut vous troubler, car une loi rend impossible dans le corps mental la domination simultanée de deux forme-pensées. Tout en maintenant cette image mentale de la perfection, nous pouvons accomplir notre tâche ordinaire, mais cette forme-pensée conservera toujours son empire et rien ne pourra s'emparer du corps mental et lui imposera une forme dont nous ne voulons pas.

Souvenez-vous donc, à l'avenir, de placer au-dedans le centre de votre vie. Ne laissez jamais plus vos corps s'emparer de votre conscience et obscurcir votre connaissance du Moi. Décrétez que vous, l'âme, étant retournés à notre patrie divine, y resterez. Ne commettez plus l'erreur de vous laisser retomber à un niveau qui n'est pas le vôtre. Ne craignez pas de vous appeler divins. Il ne peut y avoir à cela ni vanité, ni orgueil, car l'orgueil c'est l'état de séparation. Dès que nous nous sommes retrouvés Egos, nous nous sentons dissous dans un océan de conscience et nous constatons notre unité avec une conscience si vaste, si universelle que l'idée seule de séparation devient ridicule. Nous sommes à l'abri de cette illusion car, nous le savons, quoi que nous fassions est fait par notre intermédiaire; nos sentiments,nos pensées, nos actions représentent la vie du Moi qui par nous, comme par un canal, se répand sur le monde.

Et puis, dans cette conscience,nous nous sentons unis avec le Maître, nous partageons la joie de Sa Présence et en sa Présence tout devient aisé. En Sa Présence le seul désir qui puisse subsister est celui de se rapprocher de Lui. En Sa Présence il est impossible de commettre les actes mesquins et laids autrefois commis par nous. Nous ne pouvons qu'une chose: tâcher d'être grands comme Il est grand Lui-même, grand en sentiments et en pensées, divins comme Il est divin.

Ainsi le chemin de l' Ego est le chemin de l' Initiation. Il faut entendre par Initiation la réunion permanente de la conscience qui a été incarnée et identifiée aux corps, et de la conscience-mère dont la première a perdu le souvenir. C'est le commencement d'une vie nouvelle, la vie consciente comme l' Ego, agissant à travers les trois corps.

Les qualités requises pour l'Initiation sont énumérés de diverses façons, mais, quand nous atteindrons d'une manière permanente notre conscience d' Ego, nous aurons forcément acquis du même coup les autres qualités. La conscience d ' Ego nous donne le Discernement car, placés dans le monde de l' Ego, nous voyons la vie dans sa vraie perspective. La conscience d' Ego supprime nos désirs car, la conscience incarnée s'étant dégagée des corps qui la dominaient, les corps suivent, non plus leurs propres désirs, mais bien la volonté de l' Ego. La conscience d' Ego implique la Bonne Conduite, car notre conduite n'est plus celle de la Conscience esclave des Corps, mais celle de l' Ego lui-même et qui est nécessairement bonne. La Conscience de l' Ego signifie l'Amour dans le sens le plus étendu de ce terme, puisque le monde de l' Ego est celui de l'Unité et que nous ne pouvons toucher à la Conscience d' Ego sans éprouver notre unité avec tous les êtres. Mais - indépendamment du fait qu'en nous exerçant à la présence de l' Ego nous arrivons au but immédiat de notre évolution, c'est-à-dire à l'Initiation - celle-ci porte en elle-même sa récompense: elle confère à l'homme qui réussit, et parce qu'elle est pour lui le commencement d'une vie nouvelle, une joie, une force et une paix profondes et permanentes.

Tous, nous pouvons arriver à nous reconnaître , tous nous pouvons prétendre à faire valoir nos droits. Il ne s'agit pas de quelque chose d'étrange, qui serait extérieur à nous-mêmes et qu'il faudrait conquérir: Nous avons simplement à entrer dans le monde auquel nous appartenons - simplement à revendiquer ce que nous sommes en réalité.

Réjouissons-nous donc de notre propre divinité; réclamons les droits que nous confère notre naissance divine et décidons de retourner dans cette patrie loin de laquelle nous sommes restés exilés pendant tant de milliers d'années, dans ces mondes de ténèbres et de souffrances.

Puisse la bénédiction des Maîtres que nous servons reposer sur nous; puise Leur amour nous protéger et nous garantir jusqu'au jour où nous nous tiendrons là où Ils se tiennent eux-mêmes, où, nous aussi, nous serons devenus l'Homme Parfait.

CONCLUSION

L'exploration du monde de notre propre conscience, si peu connu de la plupart d'entre nous, s'impose à qui veut constater ce qu'il est réellement - l' Ego vivant dans son propre monde, employant les trois corps comme véhicules de sa conscience, mais sans être leur instrument. En fait, le voyage mystique décrit dans les pages précédentes constitue pour les aspirants un exercice obligatoire jusqu'au moment où il leur est devenu si familier qu'ils peuvent maintenir sans cesse la conscience égoïque. Notre idéal est celui-ci: étant parvenus au niveau de l' Ego, y rester et refuser de nous laisser attirer de nouveau dans les ornières de notre esclavage - dans nos corps. Certains y réussissent du premier coup; d'autres, saisis à l'improviste par un motif d'agitation ou de trouble, retombent dans l'attitude ancienne. Avant d'avoir eu le temps de se mettre sur leurs gardes. Dans l'un et l'autre cas l'exercice régulier de la conscience égoïque est nécessaire; dans le premier afin de confirmer le succès; dans le second pour sauver ce qui allait être perdu.

Dans les chapitres précédents, nous avons dû, à diverses reprises, donnez d'assez longues explications; il est donc possible que l'exercice spirituel proprement dit ne paraisse pas si facile aux personnes qui veulent essayer de s'y livrer. Par suite,il peut être utile d'en récapituler les points principaux et d'offrir ainsi aux personnes qui veulent atteindre la conscience égoïque, un itinéraire qu'ils puissent essayer. Bien entendu, il y a de nombreuses méthodes pour obtenir le même résultat,mais la méthode décrite dans ce petit livre a souvent donné la preuve de son utilité, et a rendu service à des personnes de tempéraments très divers. Je préfère l'appeler un exercice plutôt qu'une méditation, bien que toute méditation doive constituer un exercice. Si elle est suivie par plusieurs ensemble, l'un deux pourrait avec avantage indiquer à voix basse les phases de l'exercice afin que les efforts soient donnés simultanément. Comme dans toute méditation, le confort du corps physique est plus important que l'adoption de telle posture orientale inaccoutumée; mais il est bon de choisir un lieu à l'abri de tout dérangement et où l'on soit tranquille.

MÉDITATION SUR L' EGO

Si l'exercice est pratiqué par un groupe, commencez par penser à l'unité du groupe et tâchez de sentir cette unité.

Pensez ensuite à un idéal élevé, de préférence à l'un des Maîtres de la sagesse et tâchez d'éprouver à son égard, de l'amour et de la dévotion.

Pensez maintenant au corps physique: voyez en lui votre serviteur dans le monde physique; sentez-le bien portant, vigoureux et recevant sa vitalité d'une source intérieure.

Retirez des corps physique et éthérique le centre de votre conscience et regardez le corps astral; chassez-en toutes les émotions et tous les désirs retenus au passage et communiquez-lui les émotions supérieures: éprouvez l'amour pour tous les êtres, la dévotion pour le Très-Haut, la sympathie pour ceux qui souffrent, enfin, les aspirations spirituelles. Que du corps astral ces émotions rayonnent sans défaillance.

Retirez du corps astral le centre de conscience et regardez le corps mental; chassez-en toute forme-pensée et toute image et faites-y passer à flots la lumière du mental supérieur; qu'elle rayonne à travers le corps mental.

Créez dans le corps mental l'image de vous-même, homme parfait; parfait en amour, en volonté, en pensée; de cette image remplissez le corps mental.

Retirez du corps mental lui-même le centre de la conscience avec le sentiment que les trois corps sont des instruments parfaitement disciplinés possédés par l' Ego.

Maintenant reconnaissez-vous comme l' Ego; en lui ramenez votre conscience et sachez que vous êtes cet Ego et que vous vivez dans votre propre monde, un monde de joie et de beauté. Eprouvez la joie et la liberté; voyez la splendeur de votre propre monde et sachez qu'il est votre véritable patrie.

Puis, pénétrez-vous des puissances de l' Ego; d'abord de sa puissance-amour, ou unité avec toutes choses.

Sentez-vous un avec le Maître; tâchez de sentir que vous faites partie de sa conscience.

Essayez ensuite de sentir l'unité de la Confrérie; sentez cette conscience puissante enveloppant le monde entier et sachez qu'en elle tous sont présents, tous sont un, absolument un.

Sentez-vous un avec tout ce qui vit, avec la nature entière, avec toute l'humanité. Eprouvez de l'amour pour tous les êtres et sentez votre conscience se dissoudre dans la conscience universelle.

Eprouvez la béatitude de cette unité et sentez comment, emporté par cet amour, vous atteignez le coeur de toutes choses, l'amour du Christ [c'est-dire la parcelle divine en vous]; sentez-vous partie de Sa vie et et de son amour.

Maintenant, réalisez la volonté de l'Ego ou Atma; sentez-la envahissant votre conscience comme la lumière d'un projecteur électrique et sentez que sa puissance est irrésistible.

Concentrez la volonté sur un seul objectif - 'la perfection mise au service du monde' - à l'exclusion de tout autre, et de cet unique objectif remplissez toute votre conscience, au point que vous le deveniez.

Réalisez maintenant l'énergie créatrice de l' Ego, le Manas. Sentez cette énergie créatrice illimitée et par elle créez l'idée de perfection; remplissez celle-ci de puissance créatrice afin d'assurer sa réalisation.

Employez ensuite simultanément les trois pouvoirs: la volonté pour discerner l'objectif unique (la perfection mise au service du monde), l'amour pour nous y attirer et nous faire un avec lui, et la pensée pour le créer et l'accomplir. Faites cela durant la journée entière.

Maintenant, retrouvez-vous de nouveau comme l' Ego; essayez de voir la beauté de votre propre monde, votre propre beauté dans ce monde et décidez de conserver cette conscience égoïque, quoi qu'il vous advienne pendant la journée.

Puis, retournez-vous et regardez les trois corps mais sans y redescendre.

D'abord, le corps mental; faites-y passer la lumière du mental supérieur et, de nouveau, créez en lui l'image de vous-même homme parfait.

Regardez ensuite au-dessous de vous le corps émotionnel et répandez en lui les émotions de l' Ego - l'amour pour tous les êtres, la dévotion aux plus élevés, la sympathie pour ceux qui souffrent, l'aspiration spirituelle, et que le rayonnement de ces émotions continue sans faiblir.

Finalement, regardez derrière vous les corps éthérique et physique: voyez en eux l'expression de la volonté en Atma; ayez la volonté qu'ils soient sains et vigoureux, rayonnants d'une vitalité dont la source est en eux, régénérés.

Maintenez de la sorte les trois corps, comme des canaux parfaits s'ouvrant aux puissances de l' Ego, et que par eux ces puissances rayonnent.

Mais toujours et en toute circonstance, regardez-vous comme l' Ego et maintenez sans interruption l'état de conscience égoïque.

Pour terminer, envoyez une bénédiction au monde qui vous entoure, vous mettrez ainsi en action les pouvoirs que vous avez réalisés.

L'exercice achevé, ne retournez pas immédiatement à la conscience corporelle ordinaire, mais essayez toute la journée de maintenir la conscience égoïque, en concentrant sur elle une partie de votre attention, tout en vaquant aux occupations habituelles de la vie quotidienne.


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