LE CHRISTIANISME THÉOSOPHIQUE

A. Besant


Traduit de l'anglais par Mme L. Hauser

Famille Théosophique, S.A.
Éditions Adyar, 4, Square Rapp, PARIS (7-)


1924
TABLE DES MATIÈRES
 
Page
Le Christ en nous
3
Les Initiations du Christ
6
La valeur de la Vie céleste
11
Résurrection et Ascension
22
L'Homme est maître de sa Destinée
26



Au cours d'une visite de vingt-quatre jours qu'elle fit à Sydney en mai 1922, Mme Annie Besant prononça trente-quatre allocutions, dont cinq sermons donnés à l'Eglise catholique libérale de Saint-Alban, Régent Street. Ce sont ces derniers qui sont reproduits dans cette brochure.




LE CHRIST EN NOUS

(Allocution prononcée le 14 mai 1922)


Dans le Sermon sur la Montagne, qui résume en quelque sorte tous les grands enseignements du Christ, se trouve un verset que nos contemporains ne semblent pas comprendre dans sa pleine et véritable acception.

Le Confiteor dit que Dieu a créé l'homme pour être immortel et l'a fait pour être une image de sa propre éternité, et dans les écritures hébraïques, il est dit également que Dieu fit l'homme à sa propre image.

Cette pensée sublime se trouve dans toutes les grandes religions fondées par ceux qui furent envoyés des régions célestes pour montrer, aux différentes sous-races de l'humanité, à des époques diverses et selon des modes variés, le chemin qui mène à Dieu. Et il fut dit par l'un des plus grands de ces Messagers, Celui qui apparut en Orient, première manifestation après que le Seigneur Bouddha eut atteint l'illumination et vint apporter au peuple Hindou le Message de la Grande Loge, il a été dit par Lui: "Par quelque voie qu'un homme vienne à moi, c'est sur cette voie que je l'accueille, car toutes les voies sont miennes".

Et dans la suivante de ses sublimes manifestations, dans les paroles du Sermon sur la Montagne auxquelles je faisais allusion, nous trouvons la pensée sur laquelle je désire concentrer votre attention ce matin.

Le Christ lui-même l'a dit : "Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait".

Voilà un commandement formidable, semble-t-il, et pourtant, tombant des lèvres de Celui qui est Vérité, nul parmi ceux qui se réclament de Son nom ne saurait reculer devant son application complète.

" Parfaits comme votre Père Céleste est parfait". Voilà l'ordre que vous donne Celui dont vous invoquez le nom, Celui dont vous vénérez la croix. Et peut-être n'est-il point mauvais, peut-être n'est-il pas déplacé que dans la première allocution que je vous adresse dans ce temple, je vous demande de réfléchir à la signification de ces paroles, signification qui n'a jamais fait trembler ceux qui purent L'approcher de plus près [Page 4] et qui a été répétée sans relâche au cours des nombreux siècles qui ont suivi. Quelque profond que soit le sentiment de notre propre faiblesse, quelque convaincus que nous soyons de notre propre imperfection, il nous faut nous rappeler qu'unis à l'Esprit Éternel, formés à l'image de l'Éternel, bien qu'enfermés dans la matière et doués des imperfections qui sont le partage de toute limitation de la forme, la seule chose qui nous soit nécessaire c'est le temps. Le temps qui nous permettra de vaincre peu à peu la matière, instrument futur de notre service au profit de nombreuses humanités, le temps pour arriver à maîtriser nos émotions au point de les diriger toutes vers en-haut, non pas en quête du désir de la chair, mais de la volonté de Dieu - le temps nécessaire pour guider vers la paix de l'Esprit - notre mental agité (dont il a été dit justement qu'il est aussi difficile a dompter que le vent) et lui enseigner son véritable rôle dans la constitution de l'homme. Qu'il sache qu'il doit se laisser guider et non tenir la bride, obéir et non commander. Car de même que le feu, le mental est un excellent serviteur mais un maître destructeur, et notre tâche la plus ardue est peut-être d'enchaîner ce mental rétif à la volonté de l'Esprit.

Et vu l'immensité de la tâche, le temps nécessaire nous a été accordé pour la mener à bien; car en chacun de nous, quelque faible qu'il se sente, quelque insuffisante qu'il sache sa préparation, l'Esprit, qui est divin, n'a pas d'autre destinée que celle de refléter la gloire de l'Esprit éternel et d'être le maître de tout ce qui n'est pas de sa nature.

Réfléchissez un moment à ce qu'impliquent ces mots étonnants:"Soyez donc parfaits" Cela serait presque à désespérer si nous n'avions l'exemple de ceux qui ont triomphé, qui ont accompli l'ordre de leur Seigneur et rayonne dans les régions célestes comme des soleils éclairant notre route.

C'est ce qui a inspiré à saint Paul, le grand Apôtre, nommé l'Apôtre des gentils en raison de l''universalité de sa mission et de son influence, la grande et unique prière qu'il faisait pour ses convertis.

Prenant comme point de comparaison la lutte et la souffrance qui précèdent la naissance physique de l'enfant du sein de sa mère, il leur disait: " Mes petits enfants que j'enfante de nouveau jusqu'à ce que Jésus-Christ soit formé en vous". (Saint Paul, Épître aux Galates, IV, 19) Telle est la possibilité qui nous est offerte sur la vaste route du progrès, si énorme dans ses conséquences, si écrasante, que le genre humain risque de se décourager devant la magnificence d'un exploit aussi irréalisable en apparence. Pourtant il n'est pas de pire blasphème, pas de pire négation de l'existence de la divinité que ceux de l'homme qui réponde "je ne puis" quand Dieu lui dit: "Tu dois".

Et si nos yeux peuvent s'ouvrir assez grands pour apercevoir l'occasion qui nous est offerte dans la prière du grand Apôtre [Page 5] — un apôtre, notez-le bien, qui commença d'étrange façon son apostolat en participant au meurtre du premier martyr de la foi chrétienne — si nous avons la bonne volonté de donner raison à sa prière, il convient que nous reconnaissions qu'en chacun de nous Christ est né.

Puis, plongeant plus loin notre regard, nous apercevrons une possibilité encore plus grande, à laquelle avec le temps nous devons tous parvenir, l'épanouissement en nous de la pleine stature du Christ. Si nous manquons de sagesse au point de placer notre origine dans le péché et non dans la divinité, alors en vérité nous perdrons courage devant ce qui paraît irréalisable. Mais si vous vous rendez compte du fait que tous les dimanches vous employez en vous adressant à Celui qui est vérité cette formule affirmant qu'il nous a faits à l'image de sa propre éternité, alors certainement il n'y a pas de raison, il ne peut pas y avoir de raison pour que la semence divine qui est en nous ne puisse se développer en la stature du Christ

Ce n'est encore qu'une semence, non un épanouissement; mais dans la graine se trouve la vie de la plante qui lui impose son destin inéluctable. Et aussi sûrement que le gland tombé sur un sol fertile, abreuvé de soleil et de pluie, fortifié par des saisons de sécheresse et de vent, des mois d'inondation, peut se développer en un chêne, un chêne puissant qui étende ses larges branches pour protéger le voyageur fatigué, aussi sûrement s'offre à chacun de nous l''inévitable destinée finale qu'il nous est loisible de retarder mais non d'annuler, en vertu de Iaquelle cette semence de divinité, déposée dans notre nature humaine dans un passé indéfiniment reculé, nourrie de joie et de tristesse, fortifiée par l'épreuve et par le bonheur, commence après bien des saisons sa croissance régulière et déjà montre au-dessus du sol la pousse de la jeune plante. Et c'est aussi sûrement qu'au cours de bien des saisons, que nous appelons des vies - vies passées dans ce monde physique, dans l'état intermédiaire et dans les régions célestes où tous les espoirs et toutes les aspirations se transforment en facultés et en pouvoirs — que cette semence se développera indéfiniment à la ressemblance de l'Esprit éternel d'où elle est venue.

Pour chacun d'entre vous le moment viendra d'atteindre le point d'épanouissement symbolisé par la naissance du Christ intérieur et cet épanouissement continuera vie après vie siècle après siècle jusqu'à ce qu'il se manifeste et que dans les régions célestes vous soyez reconnus pour ce que vous avez toujours été depuis que l'Esprit s'est incarné en l'homme mortel: pour le Fils éternel, le Fils du Père éternel, un Sauveur, un Rédempteur pour vos frères plus jeunes et une lumière rayonnant sur la voie qui mène à une sagesse toujours plus haute, à un amour toujours plus profond, à une foi toujours grandissante qui devient la vie même des choses que nos yeux sont [Page 6] impuissants à percevoir, jusqu'à ce que vous, qui paraissiez si faibles, vous deveniez aussi puissants que les majestueux archanges. Vous verrez alors le sentier, le long sentier que vous avez parcouru et vous saurez avec certitude ce dont tout d'abord vous n'aviez qu'une vague impression, puis peu à peu une intuition plus claire, vous saurez que vous faites partie de ceux qui, étant d'essence divine, ont développé la volonté qui est une avec celle de Dieu et vous connaîtrez la plus grande des joies: le service qui est la liberté parfaite.


LES INITIATIONS DU CHRIST


(Allocution prononcée le 21 Mai 1922)

Toutes les grandes religions du monde ont reconnu que la vie humaine, la vie de l'homme qui évolue, s'élève au cours de révolution normale, mais qu'à un moment donné l'homme atteint un degré auquel cette semence du Christ intérieur dont j'ai parlé dimanche dernier, entre, lorsqu'elle s'est développée jusqu'à un certain point, dans une phase nouvelle et spéciale d'évolution. Le but de cette évolution est l'union avec Dieu; la méthode qu'elle emploie porte des noms différents dans le différentes religions mais toutes ont le même sens. En Orient, dans les religions anciennes, c'est le Yoga; en Occident, dans l'Eglise catholique de l'obédience romaine, une importance spéciale est attachée au mot dont je me suis servie tout à l'heure, l'union.

Je vais vous parler ce matin des phases de cette évolution plus rapide et, avant tout, je tiens à vous rappeler qu'il existait dans l'église primitive un certain nombre de rites, de méthodes ou de cérémonies désignées sous le nom de mystères de Jésus.

Dans les écrits de saint Clément d'Alexandrie nous verrez sous quelle forme les fidèles étaient invités à y prendre part. Il les décrit comme les enseignements donnés en secret par Jésus à ses disciples ou bien il emploie l'expression que vous trouvez dans les Évangiles et à laquelle les anciens Pères de l'Eglise donnent un sens mystique plutôt que littéral, et parle des choses qu'il disait a ses disciples "dans la maison ". Vous vous rappelez que selon l'Evangile, le Christ parlait au peuple sous forme de paraboles, employant des comparaisons simples et frappantes pour permettre à l'homme simple et ignorant d'apercevoir quelque lueur au moins des grandes vérités que son évolution insuffisante ne lui aurait pas permis de saisir si elles lui avaient été présentées directement. Il est dit aussi en plusieurs occasions qu'après que la foule s'était retirée, Il parlait à disciples "dans la maison" et tandis qu'il ne parlait au peuple qu'en paraboles, Il en expliquait! le sens profond a ceux qui avaient tout quitté pour Le suivre. [Page 7]

Eh bien, dans le texte de saint Clément d Alexandrie auquel je viens de faire allusion, il est dit que peuvent venir ceux "qui depuis longtemps n'ont conscience d'avoir commis aucune transgression" et ces mots voilent ce qui, dans l'Eglise catholique romaine, est appelé la voie de la Purification. Ceux d'entre nous qui sont théosophes le nomment Le Sentier de Probation. Le long de ce sentier préparatoire, il s'agit de développer certaines vertus, de cultiver certains pouvoirs de la vie intérieure, l'idée directrice étant que l'homme, suivant le tempérament émotionnel et mental qui lui est particulier, s'approprie en cheminant le long de ce sentier de Purification un certain nombre de vertus vitales et arrive à l'épanouissement de certains pouvoirs de la pensée et des sentiments. C'est essentiellement un sentier de préparation.

Puis vient la phase suivante qui porte plusieurs noms; elle est divisée par les Orientaux et les adeptes des enseignements théosophiques en quatre grandes étapes, caractérisées chacune par un type particulier de développement. Elle aboutit à ce que nous appelons la cinquième des grandes initiations d'où sort" l'Esprit libéré" que l'Orient nomme le Jivanmukta.

C'est le stade d'évolution de ceux qu'on nomme Maîtres, parce qu'ils prennent des élèves. Mais étant donné qu'il en existe beaucoup qui ne prennent pas d'élèves et que certains de ceux qui ont dépassé l'évolution humaine se trouvent plus haut encore sur la route ascendante, il me semble qu'il est préférable d'employer le terme d'Esprit libéré. Il signifié que l'Etre a triomphé du pouvoir de la mort, qu'il n'est plus obligé de se réincarner, de prendre un corps nouveau, mais qu'il peut vivre, comme c'est le cas pour beaucoup d'entre eux, en contact intime avec notre univers.

L'Eglise Romaine appelle ce sentier: le Sentier de l'Illumination. J'ignore si dans son enseignement secret il est subdivisé à son tour, mais dans un livre catholique romain que j'ai lu avec grand intérêt en raison de l'identité de l'enseignement qu'il donne en ce qui concerne ces étapes de progrès avec nos
doctrines, il y est fait allusion dans son ensemble et le processus qui mène à l'illumination est désigné sous le nom de " prière intérieure". C'est aussi le litre du livre dont l'auteur est un dignitaire haut placé dans l'Eglise et qui est approuvé par l'autorité suprême. Si je me réfère à cet ouvrage, c'est en raison de la forme sous laquelle les faits y sont présentés et qui vous est plus familière que ne s'auraient l'être beaucoup des doctrines orientales, bien qu'identiques au fond.

C'est alors qu'est atteinte dans cette évolution supra-humaine, l'étape finale appelée Sentier de l'Union. Ainsi que je l'ai déjà dit, le mot "yoga" l'embrasse toute entière, mais je vous citerai une expression pour vous faire toucher du doigt l'unité essentielle qui met tous les mystiques d'accord au fond en dépit des [Page 8] divergences extérieures qui caractérisent l'expression de leur pensée. Dans le livre eu question, je trouve comme apothéose de celle phase finale d'union le mot "déification". L'homme est déifié, c'est-a-dire devient Dieu.

Je parle de ces similitudes et de cette identité d'enseignement afin que vous ne croyiez pas qu'en vous parlant comme le fais ici je vous présente quoi que ce soit de nouveau pour la sublime foi chrétienne. Nous sommes sur un terrain commun, terrain sur lequel toutes les religions s'accordent, et mieux on s'en rendra compte, mieux ce fait sera reconnu, plus on s'approchera de cette union des religions à laquelle chaque religion apportera sa couleur spéciale, résultat du passage par le prisme de l'humanité de l'unique grande Lumière universelle. Chacune apportera sa couleur particulière afin que la lumière puisse être créée à nouveau par la synthèse des couleurs, et que tous les êtres puissent ensemble se rapprocher de ce but glorieux: l'union avec la divinité.

En me servant du mol Christ dans ma dernière causerie, je voulais parler de ce fragment divin qui est l'Esprit en chacun de nous et auquel saint Paul fait allusion lorsqu'il dit:"Ne savez-vous pas que vous le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous". (Saint-Paul -première épître aux Corinthiens, 3. 16)

La moitié des erreurs, des malheurs et du désespoir de l'humanité prennent naissance dans l'idée fausse que l'homme n'est pas par son essence l'enfant de Dieu. C'est sur cette doctrine sublime, qui enseigne que l'Esprit en l'homme émane de Dieu Lui-même, que se fonde l'espoir du monde. Dans la prière nommée Confiteor, se trouve l'indication de la véritable nature de l'homme, image de la propre éternité divine. Mais le fait sur lequel je vous prie de concentrer votre attention ce matin, c'est la croissance de cette semence divine qui est en l'homme et je me suis servi du terme Initiations non pas en pensant aux Initiations du Christ glorieux qui là-haut, bien haut, porte le titre sublime d'Instructeur du Monde, de Sauveur, mais du Christ en chacun de nous, du Christ dont saint Paul disait, ainsi que nous en parlions dimanche dernier, qu'il souffrait douleurs de l'enfantement afin que le Christ puisse naître en eux. Passons pour un moment à l'étude positive de certaines phase du développement humain qui précèdent celle-ci; il me semble que cela aidera à fixer nos idées. Patanjali, le grand philosophe oriental, a esquissé une représentation des étapes parcourues par l'être humain ordinaire au cours de son évolution. Il les compare à l'enfance, à la jeunesse, puis à deux périodes de maturité. De l'enfant, il dit qu'il est semblable à un papillon, volant de fleur en fleur, attiré par le charme extérieur du parfum et de la couleur tout comme le papillon [Page 9] qui volète sans trêves de fleur en fleur sans se fixer nulle part. Ceci, dit-il, est le stage d'enfance de l'homme intelligent. Il n'est pas apte au Yoga. Puis il passe à la période de jeunesse, où l''homme, dans la fougue de la passion, est à la merci de violentes vagues d'émotions; instable, mais distinguant cependant les buts divers qui s'offrent à son activité, il les poursuit, quitte à s'en détourner par la suite et à demeurer effaré, éperdu devant les énigmes de la vie.

Ce jeune homme, dit le philosophe, n'est pas prêt pour le yoga.

L'homme entre alors dans la période de sa vie où il perçoit un idéal, où il se donne tout entier à une idée. C'est dans cette phase de l'évolution humaine que se manifestent les êtres que nous nommons martyrs et héros et qui, possédés par un idéal unique, sont capables de lui sacrifier tout le reste. Impossible de discuter, de raisonner avec de tels êtres, car tous les arguments, tous les raisonnements humain s'écroulent devant cette emprise victorieuse d'un idéal plus puissant qu'eux.

Aucun des charmes, des attraits du monde ne saurait les empêcher de suivre cet idéal et de lui sacrifier tout ce qui rend la vie aimable pour l'homme et jusqu'à celle vie même. Cet homme, dit l'auteur, est près du yoga. Enfin le philosophe passe à la quatrième période où il dit que l'homme possède cette grande vérité. Au lieu de subir son emprise, c'est lui qui est le maître. Il n'est plus à sa merci, il la domine, assez puissant pour se tenir en paix et en sagesse, attaché à l'idéal mais demeurant son maître et non son esclave. Voilà l'homme, dit Patanjali, qui est prêt pour le yoga. Je sais bien que ces choses, soit qu'on les expose sous une forme orientale ou à la manière occidentale, choquent et blessent certaines personnes. Ces personnes ont tort, La nature entière est un phénomène de croissance. L'on n'attend pas de l'enfant le même genre de capacités que celles qu'on demande de l'adolescent ou de l'adulte. L'on n'exige pas du jeune homme la maturité de l'homme fait, son jugement ferme, sa force, sa volonté précise. L'on sait parfaitement que tout viendra en son temps et que jeunesse et âge mûr ne sont que questions de temps. Et qu'est ce que le temps sinon en quelque sorte la grande forme-pensée imposée au système planétaire par l'Etre sublime qui l'a créé et qui le conserve? C'est pourquoi il nous faut, en matière religieuse, renoncer à l'idée que dans la religion tout convient également à tout le monde. Origène a écrit à ce sujet des choses très puissantes et très sages. Il semble qu'à son époque l'opinion se soit révoltée contre l'idée de ne pas révéler certaines chose à tous et on parlait du Christ comme du grand médecin et de l'Église comme étant son oeuvre.

La réponse d'Origène fut que, bien que l'Eglise possède des [Page 10] remèdes pour tous les pécheurs, l'on ne saurait constituer une église avec des pécheurs seulement; il faut aussi appeler ceux qui savent, les Gnostiques, c'est-à-dire ceux qui sont familiers avec la Gnose intérieure ou la sagesse divine. Ceux-ci, disait-il, forment les piliers et les murs de l'Église. Voilà ce qui a peut-être été un peu perdu de vue dans la suite de l'histoire du christianisme où l'idée directrice fut de rendre la doctrine entière accessible à la compréhension des moins cultivés, d'où il résulta qu'une grande partie du merveilleux héritage du christianisme demeura perdu pour le plus grand nombre qui n'en connaissait même pas l'existence. Le Christianisme fut affaibli d'autant aux yeux de la science grandissant du monde qui l'entourait.

Je n'insisterai pas davantage sur ce point. J'ai voulu simplement vous l'indiquer, de manière à ce que vous vous efforciez de vous débarrasser complètement de ce sentiment, si vous le partagez si peu que ce soit. Comment, en effet, pourrait évoluer le monde s'il n'y avait des hommes plus avancés qui, ayant été plus longtemps à l'école de l'univers, ont appris les leçons qui y sont enseignées. C'est précisément de ces leçons que je parle sous le nom d'Initiations du Christ, du Christ humain qui s'efforce de se rendre digne de ce que le Christ puisse naître en lui et y atteindre son plein développement.

Ceci, d'après moi, n'implique pas encore dans celle période d'évolution l'égalité avec le grand Christ, l'Instructeur du Monde, mais bien qu'il s'est libéré des leçons du monde et qu'en servant le monde ou un autre peut-être, il s'élèvera à des hauteurs qui le rapprocheront de plus en plus du Père. C'est ainsi que dans la vie humaine du Christ, dans la vie qu'Il passa sur terre, il est possible de discerner plusieurs étapes; car il est dit qu'il vint pour donner un exemple que les hommes puissent suivre. En réalité, depuis le baptême, sa vie tout entière est supra-humaine et même avant cet événement, durant ses années de jeunesse et dans ce corps qui était préparé pour Lui, apparaissait déjà beaucoup de la sagesse du Christ futur.

Dans les diverses religions, nous voyons qu'a cette phase de développement, au début du Sentier de Sainteté, il est dit que l'Initié naît. Dans les Écritures hindoues, par exemple, les instructeurs diront, en employant les paroles des Upanishads: Dans le coeur de l'homme se trouve une grotte et dans cette grotte il y a une chose qu'il faut découvrir; oui, en vérité, celle chose mérite qu'on la recherche. Dans certains documents chrétiens anciens (je ne veux pas dire plus anciens que les Évangiles, mais non considérés comme canoniques par l'Église comme les Évangiles), au lieu de dire que l'Enfant naquit dans une étable. il est dit qu'il naquit dans une grotte. Ce n'est qu'une question de mots. Une grotte peut évidemment être utilisée comme étable, mais en employant le mot étable [Page 11] on supprime le rapport qui eût existé si ce mot qui eût existé si ce mot eût été remplacé par grotte, expression commune à toutes les religions. Et ce qu'il faut chercher dans le coeur, c'est le Christ qui vous transforme à son image, qui vous modèle à sa ressemblance. Le grand Christ extérieur contribue sans aucun doute dans une immense mesure à cette transformation, mais la plus grande part du travail d'épanouissement et de transformation est accomplie par le Christ intérieur.

Et c'est ce Christ qui est dans le coeur humain, ce Christ qui, quelque faiblement qu'on sente sa présence, est là, qui peu à peu fait de la vie humaine une vie supra-humaine contenant en germe la promesse des splendeurs de la vie divine. C' est ainsi que cette naissance du Christ, dont il est parlé dans les Évangiles, est considérée au point de vue mystique. Souvent l'on dit: " le Christ mystique" pour le distinguer du grand Instructeur du monde.

Dans cette naissance du Christ, nous voyons le symbole de la première des grandes Initiations de l'esprit humain, celle qui caractérise le premier stade de cette évolution accomplie par l'homme au cours de sa marche ascensionnelle vers Dieu. Et du fait que le petit Enfant est naturellement encore faible à bien des égards, l'homme peut demeurer à ce stade pendant bien des vies. Le nombre n'en est pas exactement fixé, mais on dit généralement qu'il est de sept environ. En réalité cela dépend du degré que l'homme avait atteint lorsque, dans un but déterminé, le premier grand Portail s'est ouvert devant lui. En effet, les qualités qui permettent aux humains d'aborder cette première étape sont d'ordres très divers. A notre époque de transition, une des grandes qualités qu'on demande est la faculté de servir des groupes importants d'êtres humains, la faculté de servir de canal à la force divine pour lui permettre d'atteindre de grandes collectivités et de les préparer ainsi à la venue du Grand Instructeur du Monde. De sorte que parfois, un individu peut être choisi en raison d'une certaine qualité qu'il possède, tandis que d'autres qualités nécessaires ne sont pas encore développées en lui, ce qui l'oblige à passer encore par bien des existences avant d'aborder l'étape suivante.

Ce qui est indispensable, c'est qu'il se libère de trois choses au cours de ces vies. L'une d'elles est le sentiment d'être séparé des autres hommes, sentiment qui empêche de reconnaître la Vie unique, le Dieu unique en tous. Parfois, ce sentiment est appelé la grande hérésie de la séparativité; l'expression n'est pas mauvaise. Pour se libérer de ce sentiment, l'homme doit s'efforcer de voir clairement qu'il ne fait qu'un avec ses semblables. Nous savons Ions combien il est facile de nous identifier avec les hommes supérieurs, les hommes supra-humains qui collaborent à l'évolution du monde; tous nous aspirons à nous rapprocher d'Eux. à nous réclamer d'Eux comme des [Page 12] frères ainés de l'humanité, Mais le véritable signe de la naissance dans l'esprit intérieur de l'esprit christique, c'est la reconnaissance de la fraternité avec tous les êtres, les plus humbles comme les plus élevés. Tant que vous n'aurez pas, dans une certaine mesure, senti cela, il nous faudra rester stationnaires jusqu'à ce que vous vous rendiez clairement compte de ce que le criminel le plus abject est un avec vous comme vous espérez être un avec Dieu.

Si Dieu ne considère pas que sa Vie divine soit souillée du fait de demeurer dans le plus vil de ses enfants, notre tâche à nous est d'apprendre que le péché du monde est notre péché et que nous n'avons le droit de nous isoler de nul d'entre les êtres en disant: "Je suis plus pur que toi", car il n'y a ni toi, ni moi dans la vie spirituelle. Il y a une Unité, l'Unité divine. C'est une acquisition nécessaire au développement de la vie. Elle est indispensable à un stade plus avancé, la grande tâche du Christ triomphant étant le service de l'humanité, de tout membre de l'humanité. L'on peut dire, pour exprimer ceci d'une manière claire, que toutes les âmes humaines sont ouvertes vers le haut et enfermées de murs sur le plan inférieur de manière à permettre au Christ d'infuser en chacune d'elles son amour et son aide; c'est pourquoi, sous son aspect triomphant; on l'appelle le Sauveur du monde. Pour lui, aucun être n'est un étranger, tous sont ses frères, et peut-être pouvons nous juger de notre progrès sur le Sentier en voyant si nous sommes arrivés au point où nul sentiment de condescendance n'est éprouvé a prendre place auprès du plus humble des enfants des hommes. L'effort pour atteindre ce point peut durer une vie, plusieurs vies, nous ne pouvons dire combien de temps, jusqu'à ce que l'homme remplisse parfaitement cette première condition.

Il lui faut ensuite se débarrasser de ce que l'on nomme le doute. Mais se libérer du doute ne signifie pas qu'il soit interdit de discuter une opinion intellectuelle, car la croissance de l'intellect est stimulée par la discussion. Ce qui nous est demandé, c'est la faculté d'arriver à une décision par la force de notre propre raisonnement; car il est dit que "ni dans ce monde ni dans aucun autre, il n'y a de félicité pour l'âme qui doute", l'âme qui sans cesse interroge, se débat dans le trouble, trouve partout des obstacles et ne peut arriver à une conclusion. Cette âme est toujours malheureuse et tout progrès lui impossible. On dit aussi que les grandes vérités au sujet desquelles l'homme doit avoir laissé derrière lui toute espèce de doute sont celles de l'unité de l'humanité, de la réincarnation et de la grande loi de causalité que les Orientaux nomment karma. Durant première période, l'homme doit également se libérer de la superstition. Il y a bien des manières d'envisager la superstition. Certains déclarent qu'en matière religieuse [Page 13] tout ce qui ne fait pas partie de leurs croyances est superstition. Il n'en est pas ainsi; pris dans son sens fondamental, ce moi implique la contusion faite entre ce qui est essentiel et ce qui ne l'est pas, la concentration de l'attention, dans nos rapports avec de grandes vérités, sur ce qui n'est pas partie intégrante de l'essence de cette vérité. L'attachement à ce qui n'importe pas et la confusion de ceci avec la réalité, voilà ce qui constitue la superstition. Telles sont les trois choses qui doivent être rejetées au cours de la première période, sans égard au temps qu'il en puisse coûter pour atteindre ce résultat.

La seconde grande étape est marquée dans le récit évangélique par ce qu'on nomme le Baptême du Christ, où il est dit que l'Esprit de Dieu descendit sur Lui et demeura en Lui, fait qui est caractérisé dans la seconde initiation par ce qui est parfois désigné sous le nom de descente de la Monade. Il s'agit de l'Esprit, de l'esprit divin qui est nôtre et qui, à la stricte vérité, ne se sépare jamais, ne peut pas se séparer de Dieu Lui-même. Néanmoins, dans notre langage humain qui exprime si mal certaines grandes vérités, nous parlons de descente et d'ascension, de ces changements dans l'espace qui, au fond, n'ont pas plus de sens réel que le temps. C'est pourquoi lorsque cet Esprit sublime, qui est notre Soi, vient en quelque sorte occuper les véhicules au-dessus desquels il avait jusqu'alors plané, ce fait est exprimé symboliquement par le Baptême du Christ. Il est qu'à dater de ce moment, Il alla prêcher, enseigner ce qu'il avait appris, tandis qu'auparavant, à l'exception d'une apparition dans le Temple, Il s'était peu montré aux hommes.

Puis les événement se précipitent, et c'est le Grand Mystère de la Transfiguration, où les yeux dessillés des disciples purent contempler sa gloire qui restait invisible aux autres. C'est la troisième des grandes Initiations où toute attraction des sens doit disparaître. L'homme doit alors être attiré par l'intérieur et non par l'extérieur et se débarrasser entièrement de l'orgueil et de la colère. La quatrième est appelée la Passion du Christ, au cours de laquelle Il passa de la montagne glorieuse de la Transfiguration au Jardin de Gethsemani et au Calvaire où il subit l'angoisse suprême de l'abandon de Dieu qui était Lui-même. Cette impression de complet isolement se fait parfois sentir pendant toute la durée de la quatrième période jusqu'au début de la cinquième; c'en est la caractéristique la plus remarquable et qui abandonne l'Esprit humain à lui-même pour lui permettre de découvrir sa propre puissance, de connaître sa propre divinité qu'il ne peut connaître jusqu'à ce que le Dieu extérieur semble pour un moment avoir disparu.

C'est ce que symbolisent les paroles qui s'échappèrent des lèvres du Christ agonisant: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné?" En effet, ses disciples avaient pu [Page 14] l'abandonner, ses amis le trahir, l'apôtre auquel Il avait donné sa confiance, le renier à la face de ses ennemis, dans toutes ces épreuves il lui restait le sentiment de la présence du Père, le sentiment du réconfort venant de Dieu lui-même. Mais au moment de l'angoisse suprême, même ceci lui fut retiré. Sinon, comment eut-Il pu reconnaître sa propre divinité. Voilà pourquoi cette dernière phase, qui précède celle de la victoire, apporte avec elle la souffrance, la passion, l'angoisse, la flagellation, la couronne d'épines. Ce n'était là que les souffrances apparentes que devait suivre la désolation intime, prélude inévitable de la mort, de cette mort qui n'est plus alors que l'entrée dans une vie plus haute, dernière ennemie qui devait être vaincue, et vaincue par la puissance du Christ, conscient de sa Divinité.


LA VALEUR DE LA VIE CÉLESTE


(Allocution prononcée le 25 mai, 1922)

Avant de m'occuper du sujet dont je veux vous entretenir aujourd'hui, permettez que je dise pour ceux d'entre vous qui pourraient ne pas me comprend quelques mots seulement de la constitution de l'homme telle qu'elle nous est enseignée par les Écritures ou, comme nous les désignons souvent, par la Sagesse divine.

Vous vous rappelez que l'apôtre Saint-Paul, en parlant de l'homme, déclare qu'il existe un corps naturel et aussi un corps spirituel. Dans un autre passage l'Apôtre parle de l'homme comme étant triple dans sa constitution, puisqu'il se compose du corps, de l'âme et de l'esprit. Partant de cette classification connue, j'ajouterai qu'à un certain point de vue l'âme est considérée comme constituée par deux éléments: les émotions et l'intellect. Voilà en réalité tout ce que j'ai besoin de vous dire de la constitution de l'être humain pour rendre intelligible ma causerie de ce soir.

Le corps de l'homme l'abandonne au moment où se produit ce que nous nommons la mort, tandis que son âme et son esprit immortels passent dans des régions plus hautes. Deux de ces mondes supérieurs sont parfaitement accessible à l'étude de ceux qui prennent la peine d'étudier sérieusement le sujet; s'ils le désirent et veulent y consacrer le temps et la réflexion nécessaires, ils pourront se rendre compte par eux-mêmes de la constitution de ces deux mondes. L'Eglise catholique romaine donne, au premier le nom très approprié de Purgatoire. D'autres l'appellent parfois l' état intermédiaire et parfois le monde des émotions car il est spécialement consacré à l'élaboration des émotions éprouvées durant la vie physique mortelle et surtout de ces émotions d'une nature plus ou moins égoïste. [Page 15]

Je ne mets aucune intention de blâme dans l'emploi du mot égoïste; par là je veux seulement indiquer le genre de sentiments dont la nature est d'exiger d'être payés de retour et d'être peu satisfaits ou mécontents lorsque ce n'est pas le cas.

L'on peut passer de ce genre d'émotions à des émotions plus élevées où l'amour perd toute trace d'égoïsme, où il s'épanche sans demander de réciprocité et où, sous son aspect le plus haut appelé dévotion, il se manifeste sous forme de service à l'objet de sa dévotion et s'efforce, en servant en ce monde mortel, d'exprimer l'amour sous son aspect vraiment divin, l'amour qui cherche à servir et à bénir, qu'il y ait ou non réciprocité.

Puis, arrivés à un certain degré, nous passons dans le monde céleste, dans le royaume des émotions pures de tout égoïsme, émotions où l'intellect occupe une large place. C'est cette partie supérieure de l'âme humaine qui trouve dans les cieux un repos temporaire, si toutefois le mot repos peut être employé pour caractériser une vie pleine d'activité et présentant, pour l'homme, l'intérêt le plus profond.

Tandis que je vous parlerai de cette vie, pourrais-je vous prier de me considérer pendant un moment comme une personne qui revient d'un pays étranger pour en parler à ceux qui sont appelés à le visiter plus tard et qui n'ont pas encore pénétré dans ce pays que j'allais qualifier de très éloigné mais qui est bien proche en réalité ?

Que je ne sois donc à présent pour vous qu'un voyageur vous disant ce qui a été vu, ce qu'on a rencontré, les expériences qui ont été faites dans ce monde céleste, vous décrivant en partie l'activité qui y règne, les conditions de son existence et par dessus tout sa grande importance au point de vue de l'évolution de l'âme humaine, du développement de l'esprit divin en l'homme.

Pour beaucoup de personnes, tout ceci n'est pas seulement un sujet étudié dans les livres mais le résultat d'observations personnelles, et il n'y a vraiment pas plus de raisons de mettre en doute la valeur de ces observations qu'il n'y en a à douter de la valeur des récits de voyages que nous pouvons lire. Peut-être n'irez-vous jamais dans les pays décrits dans ces récits et ne pourrez-vous pas vérifier les renseignements qu'on vous donne, mais il est intéressant d'écouter les rapports de ceux qui ont visité ces pays et en ont rapporté des nouvelles. Voilà dans quel esprit je voudrais vous voir considérer ce soir le monde céleste, vous le figurant comme plus réel que le nôtre, plus réel dans ce sens que la matière grossière dont nous sommes revêtus ayant été rejetée, il est de deux étape- plus proche de la réalité.

Ces trois mondes auxquels j'ai fait allusion, le monde [Page 16] physique, le monde intermédiaire et le monde céleste, constituent le vaste champ d'activité de l'évolution humaine depuis son début jusqu'à un degré élevé de progrès intellectuel et émotionnel. Imaginons que nous plongions nos regards dans ce monde supérieur pour examiner les activités qui s'y déploient. Au premier moment, nous serons sans doute troublés par la vue d'une foule d'êtres inconnus se livrant apparemment à des occupations d'ordre émotionnel ou intellectuel suivant la région du monde en question où nous nous trouvons. L'explication de cette activité réside dans la, vie extérieure ou terrestre. Ici-bas nous accumulons sans cesse les expériences mentales et émotionnelles; ces expériences sont en quelque sorte la nourriture que l'homme doit assimiler dans les sphères supérieures en vue de sa croissance ultérieure. De même que le corps physique est nourri par les aliments, aliments qui seraient inutiles si l'homme ne disposait pas du temps nécessaire à leur assimilation, de même que les différentes parties du corps se nourrissent, grandissent et se développent en raison de la valeur nutritive des aliments, de même l'expérience s'est accumulée au cours de la vie dans le monde physique. Où que ce soit que nous exercions notre faculté émotive, nous amassons de l'expérience qui en résulte et la mettons en réserve; nous l'employons sans doute dans cette vie après l'avoir amassée, mais seulement en partie, car le temps nous manque au milieu de l'activité continuelle de nos sensations pour tirer complètement parti des possibilités contenues dans chacune d'elles et pour les utiliser-de la manière que je vais indiquer par la suite.

En ce qui concerne l'intellect, nous amassons aussi sans cesse de l'expérience mentale. Nous étudions, nous pensons, nous accumulons des connaissances et nous faisons travailler notre pensée sur ces connaissances, y ajoutant quelque chose qui nous est propre. C'est sur ce fait que je désire insister, étant donné l'influence énorme qu'il exerce sur la valeur de notre vie céleste. Si notre vie terrestre est pauvre d'émotions et de pensée, si notre récolte est maigre dans ces deux grands champs de l'activité humaine, notre vie céleste aura une valeur moins grande au point de vue de notre évolution que si notre vie émotionnelle est riche en émotions nobles et profondes et si notre vie mentale s'applique à des pensées et des aspirations hautes et sublimes.

Une fois dans la région céleste, nous ne pouvons plus amasser d'expérience pour l'assimiler. Il nous faut dans l'ensemble nous borner à celle que nous avons accumulée durant notre existence mortelle à laquelle vient s'ajouter un peu d'expérience acquise dans le monde intermédiaire, mais fort peu.

En ce qui concerne son âme, on a comparé l'homme à l'oiseau qui se nourrit de poisson, lequel plonge un instant dans la mer, y trouve de la nourriture et (reprend immédiatement son vol [Page 17] pour l'absorber et l'assimiler. A beaucoup de points de vue,cette comparaison est très exacte, la vie céleste étant normalement tellement longue en proportion de la vie physique que l'image de l'oiseau plongeant dans l'eau et reprenant son essor peut donner une idée juste de la vie humaine sur la terre. La vraie demeure de l'oiseau est l'air et non l'eau. Notre patrie véritable est le monde céleste et non le monde terrestre.

Lorsque le Grand Apôtre que j'ai déjà cité parlait du monde céleste, il disait "Vous êtes citoyens des cieux", vous-êtes et non vous serez. En réalité nous sommes originaires des cieux; c'est notre demeure naturelle. C'est là que nous vivons, là qu'est notre patrie, et nous ne faisons que plonger de temps à autre dans le monde inférieur pour y récolter la nourriture que nous transformerons en facultés, en pouvoirs, en capacités intellectuelles et sentimentales.

Voilà pourquoi je disais que plus l'expérience est abondante ici-bas, plus important est le travail d'assimilation dans les régions supérieures, et le laps de temps passé dans ces sphères est proportionné à la quantité d'expérience accumulée sur terre. Car il nous faut le temps nécessaire à une assimilation pleine et entière.

Pour étudier le rapport qui existe entre le ciel et la terre, prenons donc pour l'instant pour base que la terre est le lieu où l'on récolte l'expérience, le ciel celui où on la transforme en facultés, en pouvoirs, en capacités. C'est avec ces facultés accrues que nous revenons sur terre lorsque toute la récolte antérieure a été assimilée, et nous renaissons avec le germe de toutes ces facultés agrandies que nous avons créées dans le monde céleste à l'aide de l'expérience acquise dans la vie précédente.

Si vous adoptez cette théorie de la vie humaine, vous verrez quelle influence énorme elle exercera sur votre propre vie. Représentez-vous un jour de cette vie qui est la nôtre. Le jour fini, examinez-la et demandez-vous quel emploi vous avez fait de vos sentiments au cours, de cette journée. Avez-vous éprouvé quelqu'une des émotions d'ordre inférieur? Avez-vous permis à l'une de celles qu'on nomme passions de vous dominer? Avez-vous perdu votre peine à lutter avec elles ou les avez-vous maîtrisées et guidées parfaitement? Vous ont-elles inspiré le désir de servir, le désir d'aider toute personne avec laquelle vous'êtes entrés en contact ce jour-là? Avez-vous utilisé complètement les émotions éprouvées par vous et en plus de ce travail positif, leur avez-vous permis de prendre leur essor vers les régions supérieures sous forme d'aspirations, afin d'en goûter le résultat le plus sublime, l'aspiration vers un amour toujours plus noble, plus pur, plus grand, plus profond de Dieu et de l'humanité? Lorsque vous aurez examiné la journée sous cet angle, vous commencerez à comprendre que pendant ce temps, si vous l'avez bien employé, vous avez récolté dans le [Page 18] champ des émotions bien plus que vous n'en pourrez utiliser durant toute votre existence.

Après quoi, vous pourrez passer à vos pensées et les soumettre à un examen du même genre. Ces pensées ont-elles été pures et nobles, ou ont-elles été consacrées entièrement aux choses les plus insignifiantes de l'existence? Cette sorte d'étude des conséquences de la pensée vous amènera sans doute à vous imposer une règle fort sage d'ailleurs, qui consiste à ne pas laisser s'écouler une journée sans lire, ne serait-ce que quelques phrases d'un livre important, afin d'amasser quelque nourriture intellectuelle au cours de cette journée. Il ne s'agit pas là de lire beaucoup. La plupart des gens lisent trop et réfléchissent trop peu à ce qu'ils lisent: Ce qui a de la valeur ce n'est pas la lecture en elle-même, mais ce que nous y ajoutons par l'exercice de notre propre réflexion. Il ne sert pas à grand chose de parcourir un grand nombre de pages et de les mettre ensuite de côté. Par là, nous pourrons, suivant l'expression de Bacon, à ce que je crois, être bien remplis, c'est-à-dire que nous aurons amassé une bonne quantité de connaissance de seconde et de troisième main. Mais la véritable valeur de la lecture se trouve dans ce que nous y ajoutons par l'usage de nos facultés mentales personnelles. Vous allez comprendre tout de suite pourquoi il est si important d'avoir en lecture un livre ayant une réelle valeur et le don de stimuler la pensée et d'en lire journellement, ne fut-ce qu'un quart de page, car en y réfléchissant, en en tirant toute la substance que nous pouvons, nous utilisons le pouvoir mental de telle sorte qu'il donne, naissance à de nombreux germes de pensée exigeant du temps pour grandir et se développer.

De même il importe d'inclure dans cette lecture quotidienne un passage, même seulement une phrase tirée de l'une des grandes Écritures sacrées de l'humanité. Méditons ce passage, apprenons-le par coeur si possible; je ne connais pas de meilleure défense de l'esprit contre les pensées viles, basses ou indésirables que d'y introduire le matin quelque sublime et noble pensée qui montera la garde durant toute la journée et empêchera le mal d'y pénétrer, voyez bien persuadés, en effet, que nous ne pouvons penser à deux choses à la fois... L'un-des meilleurs moyens de se débarrasser de toute pensée inférieure, pensée malveillante, pensée mesquine, pensée de vengeance, n'est pas de lutter avec elle, mais de la remplacer par quelque chose de différent. Il faut la faire périr d'inanition; or, en pensant à une chose, nous la fortifions, et penser à un tort qu'on a eu c'est fortifier le pouvoir que cette pensée mauvaise a sur nous.

Admettons que nous adoptions ce qui précède comme règle de vie. Cela constitue une préparation méthodique du séjour céleste, et en persévérant durant des jours, des semaines, des années, nous accumulons une quantité d'expérience [Page 19] intellectuelle qui, dans son ensemble, forme une masse imposante, et tout cela nous l'apportons avec nous dans le monde céleste. Pas un seul de nos joyaux ne s'égare au cours de ce voyage. Nous les retrouvons tous dans notre âme et ce sont là les matériaux que nous emploierons à la construction de l'esprit avec lequel nous reviendrons au monde. Étudions un ou deux exemples précis et nous verrons de quelle lumière s'éclaire le cas spécial des êtres humains qui naissent, admettons, avec des capacités spéciales pour les actions nobles et le travail bienfaisant. Que de fois il nous arrive à tous de désirer qu'il nous soit permis de réaliser nos rêves en ce monde. Nous voulons servir l'humanité, l'aider, laisser le monde meilleur qu'il n'était lorsque nous y sommes venus et cependant nous nous sentons sans force devant ses chagrins, ses douleurs, sa misère et nous gémissons sur notre impuissance à faire ce que nous souhaitons. Ne gémissons point, car les gémissements sont vains, mais mettons-nous au travail pour rassembler pour une vie ultérieure les éléments de facultés plus puissantes. Il y avait en Angleterre, au temps de mon enfance, il y a bien longtemps, un homme connu pour sa philanthropie: le comte de Shaftesbury. C'était un homme auquel sa naissance avait donné un rang élevé, la fortune, une situation où toutes les jouissances sociales étaient à sa portée et destiné en un mot à mener une vie de plaisir, une vie de paresse et de luxe comme le font tant de ses pareils. Au lieu de cela, il se distingua par la sympathie qu'il témoignait aux plus pauvres; il consacra sa vie, sa pensée, sa fortune au soulagement des classes les plus déshéritées de la société. Ce fut lui qui contribua à éloigner des mines de charbon les femmes et les enfants qui y passaient une si grande partie de leur misérable existence, lui qui contribua à l'élaboration de la législation ouvrière anglaise à propos de laquelle, il vous en souvient, Mrs Browning chanta son merveilleux poème Pleurs d'Enfants. Ce fut lui qui s'occupa sans relâche à aider les pauvres et qui trouva son bonheur dans, cette occupation.

S'il était possible de jeter un coup d'oeil sur la vie céleste qui précéda la vie terrestre d'un tel homme, on le verrait réfléchissant, élaborant des plans comme un architecte qui prépare le projet d'un édifice, esquissant peu à peu le plan qui fera de lui le soutien des abandonnés, le sauveur des misérables.

Pendant de longs siècles de vie céleste, il a modelé ce pouvoir d'aider, transformant en faculté chacune des aspirations du passé, en force, chaque désir inexaucé de ce passé, édifiant ainsi graduellement ces caractéristiques si nobles et si humanitaires qui l'accompagnèrent à son retour sur terre et en firent l'un de ceux qui aident les malheureux. Dans sa vie précédente il avait essayé, il avait aspiré à ce résultat; or toute aspiration que nous ne pouvons réaliser, tout désir que nous éprouvons d'aider les pauvres et les malheureux et que notre destinée ou [Page 20] peut-être notre propre faiblesse nous empêche de satisfaire, nous les retrouvons dans la vie céleste et il nous sera donné de transformer notre faiblesse en pouvoir, notre faculté en force.

A mesure qu'on se rend compte de tout ceci, l'on commence à préparer son propre paradis. L'on commence à utiliser la pensée et l'émotion de manière à s'assurer une quantité considérable de matériaux pour le moment où commencera la grande oeuvre d'assimilation du passé et la création de l'avenir. Car le temps nécessaire nous est accordé, le temps de réaliser tous nos espoirs et de développer la faculté d'accomplir tout ce que à quoi nous avons aspiré. L'on peut dire que cette obligation où nous nous trouvons de nous préparer dès h présent à la vie céleste est l'une des caractéristiques les plus précieuses de cette vie. Si actuellement nous nous laissons vivre sans pensée et sans émotion élevée, nous n'aurons à notre disposition qu'une bien petite et bien pauvre somme d'expérience à transformer en énergie et en capacité. Par la pratique de la pensée et des émotions, il nous faut rassembler les matériaux que nous utiliserons dans la vie céleste. C'est comme si nous amassions ici-bas la quantité de fil nécessaire pour en tisser un vêtement et que la taille de ce vêtement dépende de la quantité de fil de coton ou de soie que nous avons recueillie pour le tissage. Le monde céleste est le lieu où notre récolte est tissée en une trame et il nous est donné de nous préparer à tisser à notre usage un vêtement de gloire et de force pour le vêtir lorsque nous retournerons vers ce monde-ci, qui a si grand besoin d'aide, et à devenir ainsi l'un des soutiens du monde de demain.

Le genre de lecture dont je viens de parler a également une grande valeur intellectuelle à un autre point de vue. La pensée de l'auteur se trouve exprimée, bien qu'imparfaitement, dans le livre qu'il écrit et la plupart des écrivains sentent qu'il ne leur est pas possible de refléter fidèlement dans leur oeuvre la beauté de la pensée telle qu'elle se présente à leur esprit. Eh bien, en lisant un livre avec attention, en y réfléchissant, nous créons pour ainsi dire un lien magique entre notre esprit et celui de l'écrivain, et cette lecture, faite en ce monde physique, peut nous en enseigner plus long que l'auteur n'en a réellement écrit, car elle peut nous mettre en contact avec son esprit vivant, et nous permettre ainsi d'en apprendre plus que les mots ne peuvent exprimer. Mais ceci n'est qu'un avant-goût de ce qui nous attend dans l'avenir. Si nous le voulons, nous pouvons choisir notre société dans le monde céleste. Les auteurs que nous avons aimés seront là et nous les fréquenterons.

En utilisant nos facultés intellectuelles pour entrer en rapport avec les plus grands écrivains de notre temps et du passé, nous créons par notre sympathie un lien d'esprit à esprit. Et lorsque dans le monde supérieur notre capacité de penser s'éveillera, nous nous trouverons en rapport avec ceux [Page 21] dont nous avons étudié les oeuvres sur la terre; nous nous trouverons en présence de ceux que, dans bien des cas peut-être, nous avons ardemment désiré approcher ici-bas sans que l'occasion nous ait été donnée de le faire,

Ceci est tout spécialement vrai si notre lecture et notre étude, de même que notre pensée, ont pour objectif ceux qui sont les grands instructeurs du monde. En pensant à ceux d'entre eux dont les oeuvres nous ont inspiré îles émotions les plus nobles, les pensées les plus profondes et les plus sublimes, en dirigeant notre attention sur ceux dont les paroles nous ont été transmises (peut-être par leurs disciples) d'un passé lointain, nous tissons des liens entre Eux et nous, et lorsque nous pénétrerons dans le monde céleste, Ils seront là pour nous aider et nous enseigner pour nous guider et nous inonder de lumière, et notre vie céleste pourra nous offrir les plus merveilleuses occasions de nous instruire auprès de ceux que nous aurons aimés et révérés et considérés comme nos instructeurs en ce monde physique.

Ceux d'entre nous qui sont persuadés qu'il existe des hommes supra-humains, qui dans leur amour infini pour l'humanité préfèrent ne pas s'éloigner de ce monde et rester en contact avec elle plutôt que de pénétrer dans des sphères d'existence où il ne leur serait plus possible de travailler pour cette humanité dont ils font partie, ceux d'entre nous qui croient en ces Hommes supra-humains et les connaissent, qui s'efforcent de les suivre et de les servir, ceux-là les rencontreront dans le monde céleste et il leur sera permis d'entrer en relations personnelles avec ceux que, déjà sur cette terre, ils apprennent à connaître et à aimer.

Les Êtres qui ont passé par l'Initiation dont je parlais dimanche dernier, qui ont atteint le stade de l'Esprit libéré, sont toujours disposés à accueillir leurs disciples, à illuminer leur esprit, à diriger et à fortifier leur pensée. Je ne veux pas dire que nous ne puissions Les connaître avant de pénétrer dans ce monde céleste; nous pouvons réussir ou échouer sur ce point, mais dans le monde en question nous Les rencontrerons et Les reconnaîtrons inévitablement à condition de Les avoir aimés et servis ici-bas.

Y a-t-il donc lieu de s'étonner que je parle de l'importance du paradis? A bien l'entendre, il réagit sur toute notre vie mortelle. Chaque jour de cette vie se trouve transformé du fait que nous sommes conscients de la valeur de la vie céleste. Que ceux d'entre nous qui ont la nostalgie du beau, ceux qui ont peut-être en eux le sens artistique, mais ne sont doués que médiocrement au point de vue de l'exécution ou qui n'ont peut-être que peu d'occasions de jouir du grand art, se rappellent que les privations d'ici-bas trouveront leur contre-partie en satisfactions dans le monde céleste où est réuni tout ce qu'il y a de plus sublime en fait de musique, de peinture, de sculpture, d'art enfin, sous toutes ses formes. [Page 22]

Donc si nous avons un don quelconque à ce point de vue, gardons-nous de le négliger quand bien même il ne serait pas celui d'un grand artiste. Entretenons-le, cultivons-le, tirons-en tout ce que nous pouvons dans les limites qui nous sont imposées par cette vie et par les conditions où nous sommes placés, car dans le monde supérieur tous nos espoirs seront réalisés, toutes nos aspirations se transformeront en jouissances.

C'est ainsi que se forment les grands artistes de notre monde. Ils ont travaillé, aspiré, fait de durs efforts dans le passé et, dans le monde céleste, ils ont transformé ces efforts en capacités plus grandes; mettant à profit tout ce qu'ils avaient édifié dans des existences antérieures, ils ont développé leurs facultés jusqu'à devenir l'objet de l'admiration du monde entier. Pensez à Mozart qui, à cinq ou six ans et presque sans instruction, s'asseyait au piano et improvisait de merveilleuses mélodies. Plus tard, ce même Mozart, essayant d'expliquer de quelle façon il entendait la musique des sphères supérieures, le faisait sous une forme presque incompréhensible ici-bas, car il disait percevoir tout une grande sonate comme un accord unique et majestueux, et redescendu de son extase dans ce monde physique, il écrivait en une succession de notes ce qu'il avait entendu en une sublime et unique harmonie. Le génie est la moisson du monde céleste. Toute action remarquable dans le domaine du sentiment ou celui de l'intellect a été créée dans le monde de la pensée avant de pouvoir s'exprimer dans celui de l'action. C'est cela qui fait la valeur d'un long séjour dans les régions célestes, cela dont il nous est donné de semer le germe, la graine, le point de départ ici-bas, car nous enrichirons ainsi notre vie céleste d'un trésor de possibilités que nous réaliserons à notre prochain retour sur la terre.


RÉSURRECTION ET ASCENSION

(Allocution prononcée le 22 mai, 1922)

Dimanche dernier, j'ai essayé de vous donner une esquisse brève, il est vrai, et imparfaite de ces étapes du Sentier manifestées expressément dans la vie humaine vécue par le Christ en Palestine il y a près de deux mille ans. Vous vous rappelez sans doute que cette vie se divisa en quatre grandes périodes. Chacune de celles-ci représente ce qu'on nomme une Initiation, c'est-à-dire une grande expansion de conscience devançant de beaucoup l'évolution normale de l'humanité et conduisant directement à travers des phases de durées inégales (qui peuvent englober parfois plusieurs existences) vers la cinquième grande étape appelée celle de l'Esprit libéré, qui est la victoire remportée sur la mort et l'ascension vers une région plus sublime [Page 23] encore de la vie éternelle. Ces quatre phases, nous le savons, furent marquées par la Naissance, le Baptême, la Transfiguration et la Passion, et il nous faut noter que ce n'est pas seulement dans ces sublimes expressions des grandes vérités de la vie intérieure, mais même dans le monde extérieur, en matière de religion, que nous retrouvons cette grande Loi de la Nature en vertu de laquelle il faut avant de terrasser la mort, vaincre également les tristesses et les épreuves de la vie. De sorte que dans la vie de l'homme idéal, dans ces étapes sur le chemin de la perfection, nous trouvons sur un plan inférieur l'image des derniers jours qui précédèrent la mort du 'Christ. Nous constatons que toujours, a la veille de quelque victoire, l'homme qui s'efforce à monter traverse une période de souffrance, d'épreuves durant laquelle il lui faut faire face à des obstacles exceptionnels, symbolisés dans la Passion du Christ par la flagellation, le couronnement d'épines, la condamnation du peuple et la préférence donnée sur Lui au larron.

Puis, en arrivant au Calvaire, voici la dernière épreuve de l'esprit avant que puisse commencer sa libération, il lui faut se sentir complètement isolé, abandonné au regard du monde — et même de sa propre conscience intérieure, de Dieu Lui-même. C'est alors que, dans cette suprême épreuve, il trouve le Dieu qui est en lui. Dans sa conscience humaine il avait pu se croire délaissé même par Dieu, mais le Père n'est jamais plus près du Fils qu'à l'instant où il semble à celui-ci que les bras protecteurs se sont retirés et où il se sent absolument isolé. Tel est le symbole de cette vérité vitale sans cesse renaissante: celui qui perd sa vie la retrouvera dans la vie éternelle. Ce n'est qu'en se sentant seul que l'homme peut découvrir le Dieu intérieur.

Puis viennent les paroles finales: "Tout est consommé". La vie d'épreuves est terminée; il remet son âme humaine, son esprit divin entre les mains du Père retrouvé, puis il passe dans le monde d'outre-tombe. Ces régions, tant dans la vie du Christ lui-même que dans celle de l'Initié près d'atteindre le but, restent entièrement voilées pour nous, comme pour tous ceux qui ne les ont pas traversées en personne. Il fallait que la mort fût vaincue, l'humanité rachetée, et quelques écrivains de l'Eglise primitive, essayant en quelque sorte de plonger leur regard dans ces ténèbres que nul ne peut percer, si ce n'est ceux qui sont sur le point de les traverser, ont parlé de la descente du Christ dans un monde mystérieux, demeure des esprits en prison, comme dit saint Pierre dans son épître.

Ils interprétèrent ces mots les esprits en prison dans ce sens que nul de ceux qui étaient morts avant la venue du Christ n'avait pu s'élever jusqu'au Paradis. Et comme justement II est représenté comme ayant dit, en pleine agonie, au larron repentant: "Aujourd'hui tu seras avec moi au Paradis", ces mêmes écrivains essayèrent de se faire une idée du sens de ces paroles.[Page 24] Ils en conclurent que le grand ennemi du genre humain tenait toutes les âmes humaines captives, que l'homme ayant failli (à ce qu'ils croyaient), était au pouvoir de celui qui était censé l'avoir trompé, et que, jusqu'à la venue du vainqueur, ces âmes devaient rester plongées non pas dans les tourments, mais dans l'obscurité d'une aspiration jamais satisfaite, dans l'attente de l'arrivée du Maître. Enfin, Celui-ci ayant brisé les portes de la mort et vaincu le dernier ennemi de l'homme, Il avait délivré tous ceux qui étaient au pouvoir de l'ennemi, tous ses frères, et les avait rachetés de la mort, impuissante à enchaîner l'Homme Divin. Et ils peignirent et décrivirent cette scène miraculeuse où l'on voyait des ancêtres de l'humanité en grand nombre sortir du lieu qui avait été pour eux une sorte de prison et monter avec le Christ au Paradis pour y demeurer désormais. C'est ainsi qu'ils se représentèrent la sublime Expiation subie par le Christ pour ses frères.

Maïs ceci n'est qu'une tentative faite par les hommes pour percer te mystère impénétrable de cette dernière et triomphale Initiation qui met fin à l'esclavage de l'Esprit. De cela nous ne pouvons rien savoir, et il me paraît plus sage de ne pas nous laisser entraîner à des spéculations à ce sujet. Il est des cimes où nous devons atteindre et que notre intellect ne peut'mesurer, en face desquelles, ainsi qu'il est dit dans un livre sacré hindou, l'esprit s'effondre dans le silence et ne peut que s'efforcer, du sein de ce silence, de saisir un reflet intérieur de la perspective qui s'ouvre devant nous, enfants dès hommes.

Nous savons une chose, c'est que vers la fin du sublime Sentier de l'Initiation, de la partie de celui-ci qui est comprise dans la vie normale du monde, l'Initié qui est sur le point de franchir le seuil peut, s'il veut demeurer un aide, un sauveur de cette humanité d'où II a surgi, accomplir ce qu'on nomme le Grand Renoncement à la liberté individuelle. Ce sont précisément ceux qui ont passé par cette phase d'évolution que nous désignons sous le nom de Maîtres, parce qu'ils sont restés pour enseigner, et d'Eux nous savons seulement qu'ils avancent sans cesse sur la voie glorieuse en devenant toujours plus puissants pour servir l'humanité.

C'est leur propre volonté qui les lie à ce service. Seuls leur propre choix et leur volonté propre les guident sans cesse en avant vers l'accomplissement des tâches toujours plus sublimes destinées à aider notre humanité. Quant à la résurrection du Christ, c'est cette sublime cinquième Initiation au moyen de laquelle les hommes continuent à vaincre la mort; car la mort ne peut plus rien sur eux lorsque l'Esprit est libéré de toutes les entraves qui le paralysaient et qu'il a pris conscience de sa propre majesté de l'empire qu'il exerce sur la matière. La matière devient son esclave lorsqu'il s'est élevé au rang de vainqueur de la mort. Mais des états de conscience d'une sublimité [Page 25] encore plus merveilleuse, succèdent à celui-ci où l'être destiné à devenir un Christ, parmi les hommes avec toute la puissance de l'Instructeur, du Rédempteur et du Protecteur s'élève jusqu'à la cime incomparable où il se tient alors comme un Sauveur du monde. Efforçons-nous de nous représenter un instant cette gloire ineffable, quelque misérable que soit l'image que nous nous en faisons.

Même avec nos connaissances incomplètes, il nous semble possible qui plutôt nous savons qu'il est certain qu'en s'élevant au rang de Christ un être devient capable d'aider toute âme qui se tourne vers Lui en quête de secours, d'être présent en quelque sorte en n'importe quel point de notre monde. Permettez-moi d'employer à cet effet une simple comparaison qui peut-être, si nous n'y avons déjà réfléchi, nous fera comprendre comment il peut se faire que de ce foyer merveilleux de lumière et d'amour irradient dans le coeur et l'âme des humains des rayons qui leur apportent une aide et qui sont Sa propre vie. Pensons au soleil, l'une des images si nombreuses employées ici-bas pour Le décrire. Parfois on Le nomme le Soleil de Justice. Représentons-nous le soleil physique montant dans notre ciel et envoyant à flots ses rayons vivifiants, sa propre substance, sur le vaste cercle de notre terre, où; songeons-y bien, toute vie est entretenue par ce foyer unique.

Rappelons-nous que la plante elle-même n'acquiert sa teinte verte qu'à condition d'être atteinte par le flot descendant de ces rayons, et nous pourrons comprendre que chacun des rayons contient la vie du soleil, que c'est le soleil lui-même qui stimule toute chose ici-bas, que tout vit grâce à sa lumière, grandit grâce à sa chaleur, est nourri et rendu capable d'absorber des aliments grâce à ses rayons.

Puisqu'il est dit que les choses d'en haut servent de modèles à celles d'ici-bas, il nous est permis de prendre notre grand soleil pour le symbole du Christ après l'Ascension. Il verse à flots sur le monde les rayons de sa propre vie et lui-même s'incarne en quelque sorte en chaque être humain. Tous ont la possibilité de Le recevoir, sauf s'il Lui ferment leur coeur; et dans ce cas même II ne se décide pas à abandonner ne fût ce qu'une seule âme, et fait entendre Son appel à la. porte close du coeur: "Voyez, je me tiens à la porte et je frappe, et si quelqu'un ouvre, j'entrerai". Il semble que si grand soit le respect de la Divinité manifestée pour la volonté humaine (l'un des trois aspects de la Trinité dans l'homme), que même le Christ respecte trop profondément ce pouvoir divin en l'homme pour lui faire violence, Il ne forcera pas la porte fermée, il faut qu'on l'ouvre de l'intérieur.

C'est là une grande vérité d'une importance vitale. Dieu rayonne également sur tous, mais comme l'a dit jadis Giordano Bruno: " L'homme ferme les persiennes de son esprit contre [Page 26] le soleil; le soleil darde ses rayons sur les persiennes, mais c'est à l'homme d'ouvrir celles-ci toutes grandes s'il veut que l'inférieur soit inondé de lumière". De même ce que l'on nomme parfois la grâce divine, cette grâce qui se déverse sans cesse sur notre terre chargée d'un amour constant, rayonne sur nous tous, sauf quand nous fermons pour un temps nos fenêtres devant elle. Ouvrons-les, et la grâce inondera le coeur humain, car Dieu n'a pas plus de favoris qu'il n'a d'ennemis.

Si dans leur folie certains l'empêchent de pénétrer, Il sait qu'alors même Sa vie est en eux, et que dès que cette vie se sera quelque peu fortifiée, ils ouvriront toutes grandes les portes, afin que Sa grâce puisse entrer et submerger la nature entière.

Il me semble donc que pour chacun de nous, quelle que soit l'étape d'évolution qu'il ait atteinte, la grande leçon apportée par la Résurrection et l'Ascension du Christ est l'annonce de la résurrection du Dieu en l'homme qui nous attend tous. Devant nous se trouvent des degrés que nous devons gravir, nous n'en pouvons apercevoir l'extrémité supérieure, mais à mesure que nous nous élevons se développe notre faculté de servir et d'aider nos semblables. Celui qui a gravi ces échelons durant sa vie humaine, Celui qui a vécu en homme sur la terre reviendra pour aider son Univers et seule notre volonté erronée peut nous exclure de Son action. En dépit de notre aveuglement, il ne nous apporte que de l'Amour, et le jour viendra inévitablement où nos yeux s'ouvriront grâce à l'amour qui ne se lasse point et à la sagesse qui ne peut manquer de résoudre l'énigme créée par notre ignorance.



L'HOMME EST MAÎTRE DE SA DESTINÉE


(Allocution prononcée le 28 mal 1922)

Ces trois derniers dimanches, je me suis efforcé de vous décrire quelques-unes des étapes, de l'évolution supérieure de l'homme et des obligations qu'elle comporte. Je me propose, ce soir, de vous donner un aperçu des méthodes à l'aide desquelles l'homme, en tant que maître de son avenir, peut créer, modeler sa propre destinée, et utiliser les lois de la nature pour stimuler l'évolution de son esprit et de son caractère. Peut-être cela vous aidera-t-il à vous rendre compte plus clairement que vous ne l'avez fait jusqu'à présent que nous pouvons, si nous le voulons, accélérer notre marche sur la route du progrès et prendre conscience plus promptement par nous-mêmes de la vérité d'une des plus hautes doctrines religieuses qui soient.

Il y a un peu plus de cinq mille ans, un grand sage, un homme profondément savant, gisait, mourant, sur un champ [Page 27] de bataille. Il était blessé à mort, mais la mort tardait à venir et, tandis qu'il était étendu sur ce champ de bataille, un jeune roi qui bientôt devait prendre possession de son trône, s'approcha de lui et se mit à lui poser de nombreuses questions concernant l'activité et les devoirs d'un roi et le sentier du progrès humain. Il lui posa, entre autres, une question sur laquelle s'est souvent exercé le raisonnement des hommes. Il demanda lequel est le plus puissant de l'effort ou de la destinée. Et la réponse du sage fut: " L'effort est supérieur à la destinée". Plus tard dans l'histoire de l'humanité, l'un des grands instructeurs chrétiens, un Apôtre, écrivait:" Ne vous y trompez point, l'on ne se moque pas de Dieu; ce qu'un homme sème, il le récolte".

Dans ces deux phrases prononcées si loin de nous dans le temps comme dans l'espace, s'exprime en réalité la loi, une loi qui, si nous la comprenons, devient pour nous une force, un guide et un soutien et qui dans le cas contraire, se joue de nous, nous projetant de ci, de là, nous entraînant comme un fétu de paille emporté par un torrent.

Rendons-nous tout d'abord exactement compte de ce que nous entendons par le mot loi. Il existe, comme vous le savez, deux sortes de lois: les lois naturelles et les lois humaines. On est, en général très porté à employer ce mot d'une manière vague, confondant ainsi les lois faites par l'homme avec ces lois sublimes qui reflètent dans le temps et dans l'espace la nature même de Dieu. C'est pourquoi je m'arrête un instant sur ce mot de loi afin de m'assurer que vous sentez toute la différence qui existe entre les lois de la nature et celles qui peuvent être faites par les hommes.

Une loi humaine est arbitraire, elle résulte de la volonté d'une autorité reconnue par une nation, mais l'autorité qui l'a établie peut ultérieurement la modifier; elle peut décréter qu'une sanction quelconque punira toute infraction à cette loi; la sanction n'aura d'ailleurs aucun lien réel avec l'infraction elle-même, elle n'en découlera pas naturellement, mais y sera ajoutée, en vertu du texte de la loi promulguée par l'autorité en question.

Nous savons qu'on peut violer une loi de cette espèce; si le coupable est découvert, la sanction prévue s'ensuit ; dans le cas contraire, l'homme poursuit son chemin comme si le manquement n'avait pas eu lieu. Mais dans les lois naturelles, nous ne retrouvons aucune de ces caractéristiques de la loi humaine.

Et d'abord, une loi naturelle ne peut être violée. Elle est intangible, immuable. L'homme peut la négliger, alors la loi le frappe. Il se peut que l'homme l'ignore, il n'en supporte pas moins les conséquences douloureuses de ce manquement, bien qu'il résulte de son ignorance, la loi ne pouvant changer. L'effet qui suit l'infraction à une loi est non pas une sanction arbitraire, mais une conséquence inévitable...[Page 28]

L'existence d'une telle loi et.de beaucoup d'autres lois semblables on oeuvre autour de nous, peut, à première vue, donner à l'homme l'impression qu'il n'est qu'une créature sans défense, entouré de lois immuables et réduit à l'impuissance, puisqu'il ne doit en négliger aucune.

Mais à mesure que la connaissance se substitue à l'ignorance, il se dégage de l'étude et de la compréhension de ces lois inviolables non pas le sentiment de notre impuissance, mais au contraire la conscience de notre force. Et peu à peu l'homme apprend à se convaincre de ce que, précisément du fait de l'inviolabilité des lois naturelles, il peut se mouvoir librement parmi elles à condition seulement de les connaître. Il peut faire plus encore; il peut se servir de ces lois et, en superposant leur force à la sienne propre, accomplir ce qui sans elles lui eût été impossible.

C'est justement cette immuabilité qui permet l'existence de la science, l'existence d'une sécurité quelconque, puisque nul n'a le pouvoir de s'opposer à la loi. En avançant dans notre étude, nous arrivons à comprendre cette grande vérité exprimée par un savant qui s'était assimilé en partie l'esprit des lois de la Nature: "La Nature est vaincue par l'obéissance". Au fur et à mesure que grandit et se développe notre connaissance, nous constatons un accroissement constant de notre faculté d'action, car la découverte des lois naturelles et la collaboration, avec elles n'ont pas pour effet de paralyser, mais de stimuler nos capacités. Nous apprenons donc lentement et insensiblement que l'homme peut devenir le maître de la nature par l'obéissance à ses lois, par l'utilisation de ses forces; que c'est le fait de l'ignorance de nous représenter la loi comme nous réduisant à l'impuissance; par la connaissance nous pouvons prendre en main notre avenir. Tel est le sentiment de certitude causé par l'existence de ces lois inviolables, par la connaissance de leur organisation, de leur action et de leurs effets inévitables. C'est par lui qu'il nous est possible d'avancer rapidement sur le chemin montant, et cette loi naturelle n'est en son essence qu'une conséquence intangible, le résultat de la loi qui suit celle-ci inévitablement. Car la loi étant immuable, ses effets le sont également. Ces faits une fois clairement reconnus, le seul parti sensé que nous puissions adopter est d'apprendre quelles sont ces lois, d'étudier la nature afin de découvrir leurs inévitables conséquences ; alors, les ayant découvertes et ayant observé les rapports qui existent entre elles, nous entrerons en possession d'une liberté qui, dans d'autres conditions, nous échapperait infailliblement. C'est parce que nous pouvons nous reposer sur une loi, parce que nous en connaissons les effets inévitables et que nous avons étudié ces effets, qu'il nous est possible de nous rendre compte si le projet que nous formons est réalisable, le but que nous nous proposons d'atteindre [Page 29] accessible. Puis, avançant dans notre étude, nous constatons peu à peu qu'une loi naturelle peut en contre-balancer une autre, que ce qu'une loi semble déclarer impossible peut parfois être réalisé si l'on sait opposer à la loi qui nous fait obstacle l'action d'une autre loi qui nous soit favorable. Finalement, nous apprenons à nous diriger librement dans ce grand royaume de la nature, instruits de ses lois et les employant comme des forces pour nous amener au but que nous nous sommes fixé.

Permettez-moi de prendre un exemple simple et banal pour vous donner une idée exacte de ce que j'avance. Il y a une loi bien connue qui établit que l'eau ne bout qu'à une certaine température, dans des conditions données, au niveau de la mer. Consultons les données scientifiques courantes et nous verrons qu'au niveau de la mer, l'eau bout à cent degrés. Si nous faisons une ascension en montagne, nous constaterons que l'eau bout à une température plus basse et à mesure que nous nous, élevons, l'ébullition se produira de plus en plus rapidement. Là-dessus, on pensera: "Puisqu'il en est ainsi et qu'on ne peut faire bouillir l'eau normalement, il n'est pas possible, au cours d'une grande ascension, de se réconforter d'une tasse de thé, car l'eau bout trop vite et le thé sera, par conséquent, mauvais". Mais l'homme de science répondra à cela: " Vous vous trompez, l'on peut contre-balancer cette loi; l'on peut obtenir l'atmosphère normale en employant précisément la vapeur produite par l'ébullition prématurée de notre eau; il suffit de l'envoyer dans un appareil grâce auquel elle fera pression sur l'eau, suppléant ainsi à la pression atmosphérique trop faible. En continuant l'opération vous arriverez finalement à obtenir l'ébullition à la température normale, simplement par le jeu combiné de deux lois qui se contrarient". Cela est vrai de toutes les lois naturelles. L'exemple que j'ai choisi est enfantin, les écoliers l'apprennent en classe, mais c'est un symbole de toutes les lois importantes qui nous environnent et nous montrent qu'il nous est possible d'équilibrer ces lois les unes au moyen des autres et que ce que nous avons à faire est de neutraliser celles qui nous sont contraires et de mettre à profit celles qui nous sont favorables. Quelle influence cette manière d'agir a-t-elle sur notre destinée ? Laissez-moi vous citer un dicton mahométan bien connu: "Tout homme vient au monde avec son destin lié autour du cou". Le caractère de l'être humain est le facteur le plus important de sa destinée. Un caractère noble et élevé, une volonté puissante le soutiendront à travers obstacles et dangers jusqu'au but qu'il a décidé d'atteindre. Un caractère faible est à la merci des circonstances extérieures; un caractère vicieux s'égare et fait le malheur de celui qui le possède. Le dicton musulman renferme donc une profonde vérité: l'enfant en venant au monde y apporte son [Page 30] caractère, et c'est ce caractère qui joue un rôle prépondérant dans sa destinée.

On a dit que l'homme devient ce à quoi il pense, le caractère étant modelé par la pensée. Pour dégager cette grande loi de cause et d'effet, la loi et ses conséquences, il nous faut la considérer plus attentivement et isoler les éléments qui composent ce fil du destin que nous tissons à chaque moment de notre existence.

Si nous cherchons à diviser ce fil, nous voyons qu'il est fait de trois fils secondaires et que chacun d'eux est régi par sa propre loi. La première est que la pensée crée le caractère, la seconde, que le désir crée l'occasion et la troisième, que les conditions de notre avenir sont créées par le fait que nous répandons actuellement autour de nous soit le bonheur soit le malheur; telles sont les trois grandes lois qu'il nous faut comprendre et faire agir, si nous désirons tenir en mains notre destinée.

Nous allons les analyser l'une après l'autre. Ce qui donne en effet sa valeur à l'enseignement théosophique que j'expose ce soir devant vous, c'est le fait de prendre les commandements d'une religion, les déclarations des livres saints, de les étudier et d'en dégager tous les détails afin de les rendre féconds et utiles et de nous enseigner à les mettre en pratique. Prenons la première de ces lois: la pensée édifie le caractère. Ainsi exprimée d'une manière générale, il peut paraître difficile d'en vérifier par soi-même l'exactitude et cependant une expérience directe ou une découverte que nous refaisons par nous-mêmes a cent fois plus de valeur que la parole d'un conférencier, quel qu'il soit, ou qu'une déclaration par ouï-dire et qui n'est par conséquent pas expérimentale. Permettez-moi donc d'indiquer comment chacun de nous peut vérifier cette loi et s'en démontrer la valeur à lui-même.

En vous exposant cette expérience, laissez-moi vous rappeler que toute recherche directe relative à un phénomène naturel exige de la patience dans son exécution. Il nous faut travailler avec suite et persévérance si nous voulons vérifier par nous-mêmes quelque loi naturelle. Voici donc la méthode à employer pour contrôler la vérité de la loi qui établit que la pensée édifie le caractère. Il faut examiner son propre caractère et prendre note de ses points faibles, puis ceci étant fait et les faiblesses enregistrées, pour ainsi dire, il n'y faut plus penser. La moitié des gens de bonne volonté sont dans l'erreur à ce sujet; ils pensent à un défaut et le déplorent, se tourmentent et perdent de vue le fait que si la pensée est constructrice, en la fixant sur une faiblesse on la développe au lieu de s'en débarrasser.

Lorsqu'on s'est découvert un point faible, mettons l'inexactitude dans l'expression, qui est en réalité un manque de [Page 31] véracité — lorsqu'on a établi qu'on dit des inexactitudes, il faut prendre l'opposé de ce défaut: la véracité.

C'est toujours le contraire d'une faiblesse qu'il faut choisir comme sujet de réflexion, et dans le cas particulier chaque matin, avant de quitter notre chambre, il faut prendre le temps de penser avec calme et fermeté à la vérité. Tout en y pensant, prenons bien soin que l'effort ne nous fatigue pas outre mesure; peu de gens se rendent compte s'ils ne l'ont expérimenté, combien il est fatigant de penser avec suite à une seule et même chose. A l'instant où l'on commence à fixer sa pensée, la voilà qui s'échappe ailleurs et l'on se retrouve pensant à quelque chose de tout différent. Le seul moyen d'apprendre à maintenir sa pensée sur le sujet que l'on s'est proposé est de ramener vers lui autant de fois qu'il le faudra l'esprit vagabond. Mais gardons-nous de trop prolonger ces exercices, car la pensée fatigué et notre cerveau qui en est l'organe ne doit pas être soumis à une tension exagérée. Bien des gens se font du tort en pratiquant ce genre de méditation, faute de comprendre qu'ils exigent de leur cerveau un travail inaccoutumé en l'obligeant à se plier devant la volonté et, en prolongeant cet exercice, ils surmènent leur cerveau ou s'attirent des maux de tête ou tout autre symptôme de fatigue trop grande.

Faites cette expérience pendant deux ou trois minutes seulement au début, cela vous paraîtra bien assez long et durant cette réflexion, efforcez-vous de ne pas permettre à votre esprit d'errer si peu que ce soit. L'on peut, si l'on veut, employer une formule verbale quelconque pour fixer le mental mais il faut qu'elle se rapporte à. cette question de vérité. Par exemple: "Je suis l'Esprit et l'Esprit est Vérité", ou quelque phrase de ce genre qui aide à maintenir l'esprit fixé sur ce point pendant le temps voulu.

Ceci fait, vous allez à vos occupations et ayant l'habitude de vous exprimer d'une manière inexacte, vous ne tardez pas à dire quelque chose qui n'est pas conforme à la vérité. Mais après avoir pratiqué pendant quelques jours cette courte méditation quotidienne sur la vérité, aussitôt après avoir fait une déclaration inexacte, la pensée suivante vous viendra à l'esprit: "J'ai pensé à la vérité et voilà que je manque d'exactitude". Il vous faut persévérer dans la pratique de cette méditation jusqu'à en arriver à ce que la constatation d'une inexactitude sur le point d'être commise en précède l'expression. Vous pourrez alors vous dominer et cesser de vous servir des termes inexacts que vous employiez par négligence. De cette manière l'on fait germer en soi l'habitude de l'exacte expression de la vérité et l'on persévère ainsi durant des semaines, des mois peut-être. Peu à peu l'on découvre que l'habitude créée par la pensée grandit et nous rend incapables d'exprimer une chose d'une façon inexact?. Tous les petits mensonges de la vie [Page 32] sociale nous deviennent impossibles, toutes les formules irréfléchies et qui ne correspondent pas à l'état d'esprit de ceux qui les emploient ne peuvent nous venir à l'esprit, A force de nous exercer avec persévérance, nous en arrivons à découvrir que nous sommes devenus sincères sans nous apercevoir de ce que nous acquérions cette grande vertu. Cela devient une habitude, une habitude invétérée, puis une vertu immuable et plus n'est besoin pour répondre, de réflexion ni d'attention, c'est automatiquement que nous disons la vérité.

Je m'entretenais une fois avec un juge hindou, nous parlions de la méditation. Il me dit qu'il avait médité durant presque toute sa vie, puis il ajouta que pendant quarante ans, il avait médité sur la vérité. Je lui demandai quel avait été le résultat de toute ces années de méditation, car les Hindous sont patients et n'hésitent pas à consacrer des années à poursuivre le but qu'ils ont résolu d'atteindre. Le résultat auquel parvint le juge hindou fut qu'il en arriva à pouvoir constater sans réflexion ni raisonnement quand on ne lui disait pas la vérité. La vérité en vint à faire si complètement partie de sa nature que lorsqu'un mensonge était prononcé devant lui, il le blessait, comme une fausse note blesse l'oreille du musicien. Étant juge et ayant constamment affaire à des témoins, ces longues années consacrées à édifier en lui-même la vérité lui furent d'une immense utilité car lorsqu'un témoin était à la barre, il savait s'il disait la vérité, non pas grâce à un raisonnement mais par la vibration produite en son mental et qui détonait si la déclaration était fausse. L'intellect est vérité et reconnaît la vérité sans hésitation. L'intelligence discute, se soumet à la logique, n'aboutit souvent à une conclusion que par une voie longue et détournée; mais l'aspect supérieur de l'esprit, l'intellect qui fait partie de l'image reflétée par Dieu Lui-même en l'homme, l'intellect est vérité. La couche de matière qui lui sert de véhicule est affectée par les vibrations résultant des pensées extérieures et répond par une dissonance lorsqu'elle est impressionnée par une fausseté, précisément parce qu'étant de nature divine, elle est vérité. C'est cela qu'était arrivé à établir le juge en question.

Il ne nous faut pas quarante ans, tant s'en faut, pour établir en nous une habitude de pensée. Nous pouvons édifier notre caractère, affermissant en nous une vertu après l'autre, une énergie après l'autre par l'utilisation volontaire de la loi qui établit que la pensée modèle le caractère. Nous pouvons nous démontrer à nous-mêmes que telle est l'expression de la vérité et si même en une seule occasion nous constatons que, grâce à la pensée, nous sommes devenus forts là où nous étions faibles jadis, nous serons convaincus de l'existence de la loi et il nous sera possible de façonner pièce à pièce notre caractère. N'en faisons pas trop à la fois, n'essayons pas de devenir [Page 33] parfaits tout d'un coup. Prenons nos faiblesses l'une après l'autre et transformons-les en énergies au moyen de la pensée. De cette façon, notre caractère qui subsiste d'une vie à l'autre, se perfectionnera sans cesse, et à mesure que se succéderont nos existences, nous viendrons au monde doués d'un caractère meilleur et plus noble. Et comme le facteur le plus important de la destinée est le caractère, c'est en créant celui-ci que nous deviendrons maîtres de notre destinée. Occupons-nous à présent de la loi suivante qui est plus simple. Le désir crée l'occasion de sa réalisation. Le désir est la force naturelle qui s'extériorise, attirée par un objet désirable. Nous sommes entourés d'objets qui nous sont des causes de plaisir ou de peine. Notre désir nous pousse vers l'objet qui nous donne du plaisir, il nous éloigne de celui qui nous cause de la souffrance. Entre le désir et l'objet désirable s'établit un lien magnétique et aussi sûrement que l'aimant attire le fer doux, aussi immanquablement notre désir attire à nous l'objet désiré. Des obstacles peuvent s'interposer, des difficultés surgir, mais inévitablement le désir en question s'accomplira, parfois même dans la vie actuelle, parfois dans des vies subséquentes. Si nous pouvions connaître le passé d'un homme dont on dit qu'il a de la chance, qu'il transforme en or tout ce qu'il touche, nous constaterions probablement qu'il a désiré ardemment la richesse, qu'il l'a poursuivie avec persévérance, qu'il y a aspiré de toutes ses forces, a travaillé et peut-être même commis des actes répréhensibles pour l'atteindre, de sorte que ce désir a dû forcément s'accomplir; voilà pourquoi il est devenu cet homme qui semble avoir tant de chance qu'il inspire l'envie. C'est son désir qui lui en a fourni l'occasion. Prenons donc garde à ce que nous désirons. Ne laissons pas nos désirs errer à l'aventure et changer sans cesse d'objet. Il nous faut nous assurer de la valeur de la chose désirée, car elle sera inévitablement notre partage dans l'avenir et elle pourrait ne nous laisser qu'un goût de cendre dans la bouche. Nombreux sont ceux qui, ayant ambitionné la richesse, l'ont obtenue pour découvrir alors qu'elle est plutôt un fardeau qu'une joie. Nombreux aussi, ceux qui, ayant réussi à atteindre quelque autre objet désiré, en ont tiré plus de peine que de jouissance.

Mesurons nos désirs, essayons de percevoir où ils aboutiront; pesons la valeur de l'objet que nous désirons et peu à peu nous apprendrons naturellement à ne désirer que des choses justes, pures, bonnes et qui nous élèvent. Car nous saurons que si ia possession d'une chose désirable nous met en conflit avec la Loi divine, elle porte inévitablement en elle des germes de souffrance destinés à nous enseigner à ne point négliger une Loi qui est divine. Réfléchissons à nos désirs, mesurons-les, pesons-les et tâchons d'en apercevoir les résultats. Ceci est tout particulièrement important pour les jeunes qui, plongés dans [Page 34] un monde dont ils n'ont encore que peu l'expérience en cette vie, peuvent aisément s'égarer en quête de distractions et de plaisirs qui, en fin de compte, ne leur rapporteront que souffrance. Pour chacun de nous cette surveillance attentive de nos désirs est nécessaire car c'est seulement lorsque ceux-ci sont en harmonie avec la Volonté divine que leur accomplissement devient une source de joie et non une occasion de souffrance.

La troisième loi en question concerne le milieu, les conditions de vie et s'exerce parfois d'une manière bien curieuse et cependant bien naturelle. La nature du milieu et des conditions où nous vivons est en fin de compte le résultat de l'influence que nous exerçons sur nos semblables. Avez-vous jamais observé le cas d'un homme malheureux au milieu des plus grandes richesses ? Peut-être vous êtes-vous demandé comment il est possible que dans cette situation faite pour le rendre heureux et satisfait, un tel homme puisse se sentir malheureux. Si, en quête d'une explication, nous jetons un coup d'oeil dans le passé de la personne en question (comme certains l'ont fait dans des cas analogues), nous constaterons que la possibilité lui est donnée dans sa vie actuelle de se procurer les choses les plus désirables parce que jadis, dans un passé lointain, il a fourni cette même possibilité à beaucoup de ses semblables, mais qu'ayant eu pour ce faire un motif égoïste, il est malheureux à présent en dépit des circonstances les plus favorables. Prenons un exemple. Voici un homme qui donne une grande étendue de terrain pour doter d'un parc une ville surpeuplée. Ce don est une source de joies nombreuses pour les autres. Les enfants jouent dans ce parc, des femmes fatiguées s'y reposent, des hommes viennent s'y recréer après le travail quotidien. Grâce à cette donation, l'individu en question a donc procuré de la joie à de nombreux êtres mais il ne l'a pas fait pour l'amour du prochain; il a été déterminé par quelque motif égoïste. Peut-être désirait-il obtenir une décoration ou un poste en vue. L'intention était mauvaise bien que l'acte en lui-même fût fertile en résultats heureux. Or, la loi est immuable. Ayant donnédu bonheur aux autres, il est placé dans des conditions qui sont de nature à le rendre heureux; mais sa générosité ayant été basée sur l'égoïsme, il se sent malheureux malgré tout. Cette conclusion vous semblera peut-être arbitraire; tout ce que je puis dire c'est qu'il est possible d'examiner et de retracer le passé d'un être en remontant le cours de ses existences successives et qu'en procédant de la sorte on perçoit le mécanisme des lois sublimes dont j'ai tracé ici une brève esquisse.

La première d'entre elles qui concerne la pensée, nous pouvons nous en prouver à nous-mêmes la réalité. Quant à la seconde, qui a trait aux désirs, nous pouvons avoir occasion de la vérifier au cours de l'existence même où ces désirs sont [Page 35] éprouvés. Il peut nous arriver de rencontrer une personne qui, ayant éprouvé un désir ardent d'aller dans un pays déterminé, s'y trouve enfin après des années et nous dise combien elle a aspiré à connaître ce pays. L'occasion lui en a été donnée. Même dans la vie actuelle l'on peut parfois attirer à soi ce que l'on désire, mais pas toujours.

Dans le troisième cas, la preuve est encore plus difficile à faire au cours d'une seule vie, mais ceux qu'on nomme parfois les Connaisseurs du Karma — Karma signifie action, c'est le nom de cette grande loi — ceux-là nous ont dit qu'il en est ainsi et quelques-uns d'entre nous ont été à même de percevoir le jeu de cette grande loi de cause et d'effet surtout en ce qui concerne les existences humaines successives.

La seule chose qui me reste à vous dire est pour vous mettre en garde en quelque sorte. J'ai eu l'occasion de dire que l'idée de la loi exerce une influence parfois paralysante. Ceci n'est vrai que pour ceux qui ne connaissent la loi qu'en partie. Seul l'étudiant novice dit: "C'est mon Karma, je n'y puis rien". C'est une erreur de considérer une circonstance quelle qu'elle soit comme inévitable parce qu'elle est le résultat de causes passées. Ces causes ne peuvent être changées, elles sont derrière nous; mais il nous est donné d'agir dans le présent de manière à en prévenir les effets, en leur opposant une force qui les modifie, Je choisis un exemple qui peut être d'une utilité pratique. On fait la connaissance d'une personne et elle ne vous plaît pas. Il n'est pas rare qu'un sentiment d'antagonisme se fasse jour quand deux étrangers se rencontrent. Beaucoup d'entre nous l'ont éprouvé. Lorsque c'est le cas, éloignons-nous de la personne en question; cela signifie qu'un tort a été causé, qu'il soit venu de notre côté ou du sien. Si nous entrons en relations, la dette résultant d'une injustice commise doit être payée par le coupable et il s'ensuit de la souffrance. En conséquence, évitons cette personne, mais ne demeurons pas inactifs en la matière. Envoyons-lui chaque jour, volontairement, de propos délibéré, une pensée de bonne volonté, même si cela nous paraît bien artificiel au début. Efforçons-nous d'envoyer à cette personne une bonne pensée et peu à peu, le jeu de cette loi effacera, harmonisera le mal qui a été fait précédemment jusqu'à ce -qu'ayant mis en pratique cette ligne de conduite pendant des semaines ou des mois nous constations à l'occasion d'une nouvelle rencontre, que l'antagonisme a disparu. C'est nous qui l'avons annihilé, contrebalancé, par le bien que nous avons fait en pensant à notre adversaire.

Voilà donc quelques-uns des résultats pratiques qui découlent de l'étude de la Loi. Grâce à elle, nous découvrons qu'il nous est donné de modifier ce qui nous semble mauvais; nous constatons que notre caractère est en notre pouvoir, que nous pouvons faire naître les occasions qui nous sont favorables, enfin que [Page 36] notre bonheur et notre malheur sont entre nos mains et dépendent de la joie et de la souffrance que nous distribuons à nos semblables. Lorsque cette loi nous paraîtra évidente, lorsque par l'observation, par l'étude et par une méditation approfondie sur cette étude, l'existence nous en semblera irréfutable, alors nous aurons conquis la puissance nécessaire à l'édification de notre destinée à venir. Nous serons alors en mesure de former en nous-mêmes le caractère qui nous guidera vers le bonheur et le progrès dans une existence ultérieure. Nous nous convaincrons de ce qu'en chacun de nous réside ce pouvoir créateur et que, de même qu'un sculpteur qui voit en lui-même l'image de quelque exquise statue, peut tailler le marbre brut à la ressemblance de cette idée et faire naître de la beauté là où il n'y avait qu'un bloc informe et grossier, de même nous, qui ne sommes actuellement que des cailloux informes, où gît cachée l'image de la Divinité, nous, ciseleurs de notre destinée, nous pouvons débarrasser de la gangue qui l'enserre, l'image qui demeure en nous. Nous pouvons supprimer toutes les excroissances, extirper toutes les imperfections, l'oeil sans cesse fixé sur ce que nous désirons devenir. Nous constaterons alors que c'est cela même qui se développera en nous et nous deviendrons les constructeurs de cet homme divin dont la semence a été placée en nous par Dieu Lui-même et dont l'épanouissement a constitué l'oeuvre de nos existences; et cette divine image rayonnera une lueur resplendissante qui contribuera à la beauté et à la rédemption de l'Univers.


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